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Accès à la parentalité lesbienne par l'entremise d'un donneur connu

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Academic year: 2021

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© Julie Côté, 2020

Accès à la parentalité lesbienne par l'entremise d'un

donneur connu

Mémoire

Julie Côté

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Accès à la parentalité lesbienne par l'entremise d'un donneur connu

Mémoire

Julie Côté

Sous la direction de

Michel Dorais, directeur de recherche

École de travail social et de criminologie Faculté des sciences sociales

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ii

RÉSUMÉ

Depuis l'adoption de la Loi instituant de nouvelles règles de filiation (Loi n°84) au Québec en 2002, les familles lesboparentales génèrent de plus en plus de travaux de recherches. Pour concrétiser leur désir d'avoir des enfants, les couples de femmes, qui souhaitent fonder leur famille par procréation assistée, se retrouvent inévitablement à devoir recourir à une troisième personne pour concevoir un enfant. Le présent projet d'étude de type exploratoire et descriptif analyse l'expérience de la parentalité lesbienne de quinze femmes (quatorze participent en couple et une femme participe seule), qui ont choisi d'avoir recours à des donneurs connus pour concrétiser leurs projets parentaux. Suite à notre recrutement, notre échantillon s’est naturellement segmenté selon quatre profils de donneurs connus à savoir, par l’entremise d’un frère de la mère sociale, d’un ami, d’une connaissance et d’un donneur connu par internet. Le but poursuivi est de répondre à la question de recherche suivante: quels sont les principaux facteurs de stress, les principaux facteurs facilitants ainsi que les stratégies utilisées par les couples de femmes pendant leurs processus d'accès à la parentalité par l'entremise d'un donneur connu? De façon plus précise, nous souhaitons notamment examiner: les difficultés rencontrées par ces femmes concernant le choix du mode de procréation, les défis relativement à l’articulation des rôles ainsi que les stratégies utilisées pour pallier ces facteurs de stress. Pour ce faire, la parole est accordée aux mères participantes afin d'avoir une meilleure compréhension de leurs expériences de la parentalité lesbienne. L'analyse de nos données effectuées à la suite des entrevues avec ces dernières a permis de dégager les facteurs de stress, les facteurs facilitants ainsi que les stratégies utilisées par ces femmes pour pallier ces difficultés. Enfin, les résultats ressortant de cette analyse se répartissent selon six dimensions, à savoir: 1) les normes et valeurs sociales de la parentalité, 2) le choix du mode de procréation, 3) la recherche d'un tiers donneur, 4) l'articulation des rôles avec le tiers donneur, 5) la mère sociale et 6) l'entourage.

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ABSTRACT

Since 2002 when the Act instituting civil unions and establishing new rules of filiation (Bill n°84) came into effect in the province of Quebec, lesbian motherhood has led to an increasing number of research projects. To achieve their desire to have a family, lesbian couples who wish to use assisted procreation have to acknowledge their necessity for a third-party to conceive their children. This descriptive-exploratory research project analyses the experience of lesbian motherhood through the perspective of fifteen mothers (fourteen participating as couples, and one participating individually) who chose to proceed with known donors for their parental projects to come to fruition. Following our recruiting period, four donor profiles were identified, notably the brother of the social mother, a friend, an acquaintance, and a donor met through the internet. The aim of this research is to answer the following question: What are the main stressors, the main facilitators, and the different strategies used and encountered by women couples during their journey to parenthood with a known donor? More precisely, we wish to examine: the challenges encountered by these women in regards to their procreation choice; the difficulties concerning negotiating the roles; and the different strategies used to alleviate these stressors. For that purpose, and to have better insight, we gave the women the opportunity to discuss their different lesbian motherhood experiences. Our data analysis through interviews with these women reveals the different stress factors, facilitating factors, as well as the different strategies used by these women to overcome these difficulties. Our findings are divided into 6 dimensions, namely : 1) the norms and social values of parenthood, 2) the choice of the procreation method, 3) the search for a third-party donor, 4) the negotiation of the roles with the third-third-party donor, 5) the social mother, and 6) the couples’ family and friends.

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iv

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ... ii

ABSTRACT... iii

TABLE DES MATIÈRES... iv

LISTE DES TABLEAUX... vii

LISTE DES FIGURES... viii

REMERCIEMENTS... iv

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE À L’ÉTUDE ... 3

1.1 OBJET D’ÉTUDE ET PRÉVALENCE ... 3

1.1.2 Pertinence sociale et scientifique ... 6

1.2 DÉMARCHE DOCUMENTAIRE... 7

1.3 RECENSION DES ÉCRITS SCIENTIFIQUES ... 8

1.3.1 Homoparentalité ... 8

1.3.2 Mode d’accès à la parentalité pour les couples de même sexe ... 9

1.3.3 Hétéronormativité ... 11

1.3.4 Facteurs de stress ... 11

1.3.5 Facteurs facilitants et stratégies utilisées ... 15

1.4 LIMITES DES ÉTUDES ACTUELLES ... 16

CHAPITRE 2. CADRE THÉORIQUE ... 18

2.1 L’INTERACTIONNISME SYMBOLIQUE ET SES PRINCIPAUX CONCEPTS ... 18

2.2 APPLICATION DE L’INTERACTIONNISME SYMBOLIQUE À NOTRE OBJET D’ÉTUDE ... 20

CHAPITRE 3. MÉTHODOLOGIE ... 23 3.1 APPROCHE PRIVILÉGIÉE ... 23 3.2 TYPE DE LA RECHERCHE ... 24 3.3 LOGIQUE DE LA RECHERCHE ... 24 3.4 POPULATION À L’ÉTUDE ... 24 3.5 ÉCHANTILLONNAGE ... 25 3.6 STRATÉGIE DE RECRUTEMENT ... 26

3.7 MODE DE COLLECTE DES DONNÉES ... 27

3.8 TABLEAU D'OPÉRATIONNALISATION DES CONCEPTS À L'ÉTUDE ... 28

3.9 ANALYSE DES DONNÉES ... 29

3.10 CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 29

(6)

v

4.1 PORTRAIT DES PARTICIPANTES AYANT PARTICIPÉ À L'ÉTUDE... 33

4.1.1 Caractéristiques des répondantes ... 33

4.1.2 Types de donneurs ... 34

4.1.3 Résumés des parcours d'accès à la parentalité lesbienne ... 37

4.2 NORMES ET VALEURS SOCIALES DE LA PARENTALITÉ ... 40

4.2.1 Facteurs de stress liés aux normes et valeurs sociales de la parentalité ... 41

4.2.2 Facteurs facilitants liés aux normes et valeurs sociales de la parentalité ... 45

4.2.3 Stratégies utilisées en lien avec les normes et valeurs sociales de la parentalité ... 49

4.3 CHOIX DU MODE DE PROCRÉATION ... 55

4.3.1 Facteurs de stress liés au choix du mode de procréation ... 56

4.3.2 Facteurs facilitants liés au choix du mode de procréation ... 66

4.3.3 Stratégies utilisées en lien avec le choix du mode de procréation ... 72

4.4 RECHERCHE D'UN TIERS DONNEUR ... 82

4.4.1 Facteurs de stress liés à la recherche d'un tiers donneur ... 82

4.4.2 Facteurs facilitants liés à la recherche d'un tiers donneur ... 85

4.4.3 Stratégies utilisées en lien avec la recherche d'un tiers donneur ... 89

4.5 ARTICULATION DES RÔLES AVEC LE TIERS DONNEUR ... 91

4.5.1 Facteurs de stress liés à l'articulation des rôles avec le tiers donneur ... 91

4.5.2 Facteurs facilitants liés à l'articulation des rôles avec le tiers donneur ... 95

4.5.3 Stratégies utilisées en lien avec l'articulation des rôles avec le tiers donneur ... 98

4.6 ARTICULATION DES RÔLES AVEC LA MÈRE SOCIALE ... 105

4.6.1 Facteurs de stress liés à l'articulation des rôles avec la mère sociale ... 106

4.6.2 Facteurs facilitants liés à l'articulation des rôles avec la mère sociale ... 108

4.6.3 Stratégies utilisées en lien avec l'articulation des rôles avec la mère sociale ... 111

4.7 ARTICULATION DES RÔLES AVEC L'ENTOURAGE ... 115

4.7.1 Facteurs de stress liés à l'articulation des rôles avec l'entourage ... 115

4.7.2 Facteurs facilitants liés à l'articulation des rôles avec l'entourage ... 121

4.7.3 Stratégies utilisées en lien avec l'articulation des rôles avec l'entourage ... 124

CHAPITRE 5. DISCUSSION ... 131

5.1 PERSPECTIVE THÉORIQUE: L'INTERACTIONNISME SYMBOLIQUE ... 131

5.2 CONTEXTE DU DÉSIR DE DEVENIR PARENT : L'INFLUENCE DES NORMES ET VALEURS SOCIALES ... 133

5.3 CHOIX DU MODE DE PROCRÉATION : L'INFLUENCE DES NORMES ET VALEURS SOCIALES ... 134

5.4 L'ARTICULATION DES RÔLES : L'INFLUENCE DES NORMES ET VALEURS SOCIALES ... 136

5.5 LIMITES DE L'ÉTUDE ... 138

5.6 PISTES DE RECHERCHES FUTURES ... 139

CONCLUSION ... 141

(7)

vi

ANNEXE A : TARIFS D’UNE INSÉMINATION ARTIFICIELLE DANS UNE CLINIQUE

PRIVÉE DU QUÉBEC, PROCRÉA FERTILITÉ ... 149

ANNEXE B : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 150

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 154

ANNEXE C : RESSOURCES D’AIDE ... 158

ANNEXE D : QUESTIONNAIRE FACTUEL ... 159

ANNEXE E : GUIDE D’ENTREVUE ... 161

ANNEXE F : ANNONCE DE RECRUTEMENT ... 164 ANNEXE G : ANNONCE DE RECRUTEMENT PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE 165

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1. Tableau d’opérationnalisation des concepts ... 28 Tableau 2. Caractéristiques sociodémographiques des répondantes ... 35

(9)

viii

Liste des figures

Figure 1. Carte heuristique des facteurs de stress liés aux normes et valeurs sociales

de la parentalité ... 45

Figure 2. Carte heuristique incluant les facteurs facilitants liés aux normes et valeurs

sociales de la parentalité ... 49

Figure 3. Carte heuristique incluant les stratégies utilisées en lien avec les normes et

valeurs sociales de la parentalité ... 55

Figure 4. Carte heuristique des facteurs de stress liés au choix du mode de

procréation ... 65

Figure 5. Carte heuristique incluant les facteurs facilitants liés au choix du mode

de procréation ... 71

Figure 6. Carte heuristique incluant les stratégies utilisées en lien avec le choix du

mode de procréation ... 81

Figure 7. Carte heuristique des facteurs de stress liés à la recherche d'un tiers

donneur ... 85

Figure 8. Carte heuristique incluant les facteurs facilitants liés à la recherche d'un

tiers donneur ... 89

Figure 9. Carte heuristique incluant les stratégies utilisées en lien avec la recherche

d'un tiers donneur ... 91

Figure 10. Carte heuristique des facteurs de stress liés à l'articulation des rôles avec

le tiers donneur ... 95

Figure 11. Carte heuristique incluant les facteurs facilitants liés à l'articulation des rôles

avec le tiers donneur ... 98

Figure 12. Carte heuristique incluant les stratégies utilisées en lien avec l'articulation

des rôles avec le tiers donneur ... 105

Figure 13. Carte heuristique des facteurs de stress liés à l'articulation des rôles avec

la mère sociale ... 108

Figure 14. Carte heuristique incluant les facteurs facilitants liés à l'articulation des rôles

avec la mère sociale ... 110

Figure 15. Carte heuristique incluant les stratégies utilisées en lien avec l'articulation

des rôles avec la mère sociale ... 114

Figure 16. Carte heuristique des facteurs de stress liés à l'articulation des rôles

(10)

ix

Figure 17. Carte heuristique incluant les facteurs facilitants liés à l'articulation des

rôles avec l'entourage ... 124

Figure 18. Carte heuristique incluant les stratégies utilisées en lien avec l'articulation

des rôles avec l'entourage ... 130

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x

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire n'aurait pu être possible sans la précieuse générosité des quinze femmes qui ont accepté de participer à cette recherche. En plus de contribuer au développement des connaissances, chacune d'entre vous m'a fait grandir personnellement et m'a énormément inspirée. Je vous en serai toujours reconnaissante.

Je souhaite également remercier mon directeur de recherche, Michel Dorais, pour son soutien, ses judicieux conseils et surtout pour avoir été un guide positif qui m'a encouragée à suivre mes passions et intuitions tout au long de la réalisation de ce mémoire.

À mon amour, ma douce. Merci d'avoir été à mes côtés depuis le tout début de cette unique aventure qu'est la maîtrise. Ton amour, ton ouverture, tes conseils, et tes encouragements quotidiens m'auront inspirée et guidée à chacune de ces étapes. Ce projet de recherche nous aura transformées à tout jamais. Je t'aime.

À ma famille, ma mère, mon père, ma sœur et mon frère, qui ont toujours encouragé et valorisé mon parcours, aussi atypique soit-il. Merci, je vous aime.

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1

Introduction

Le projet de mémoire ici présenté, porte sur le processus d’accès à la parentalité pour les couples de femmes qui ont eu recours à l’insémination alternative1 par l’entremise d’un don de gamètes

d’une personne connue pour avoir des enfants. La question de recherche examinée est la suivante : quels sont les principaux facteurs de stress, les principaux facteurs facilitants ainsi que les stratégies utilisées par les couples de femmes pendant leurs processus d'accès à la parentalité par l'entremise d'un donneur connu? De façon plus précise, nous souhaitons notamment examiner : les difficultés rencontrées par ces femmes concernant le choix du mode de procréation, les défis relativement à l’articulation des rôles avec le tiers donneur et les stratégies utilisées pour pallier ces facteurs de stress. Dans le cadre de ce projet de recherche, il est souhaitable que les réponses à cette question mènent à une meilleure compréhension de l’expérience de la parentalité lesbienne. Partant de ce fait, il se doit d'être mentionné que le présent projet de recherche se veut exploratoire et descriptif et donc ne prétend en aucun cas à l'exhaustivité. Ce projet d'étude de maîtrise en travail social se veut une contribution aux connaissances scientifiques et théoriques déjà existantes dans le domaine des études sur les familles de la diversité sexuelle.

Les pages qui suivent présentent successivement les six chapitres qui composent ce projet de recherche. Le premier chapitre expose la problématique incluant l’objet d’étude et sa prévalence, la pertinence sociale et scientifique ainsi que la démarche documentaire. La recension des écrits « incontournables » et ses limites, complètent cette section afin de permettre aux lecteurs et lectrices de comprendre l’étendue de la problématique ici concernée. Le deuxième chapitre présente le cadre théorique retenu, soit l’interactionnisme symbolique et la relation existante entre ces concepts fondamentaux et notre objet d’étude. Le troisième chapitre décrit la méthodologie ainsi que l'éthique de la recherche. Le quatrième chapitre fait état des résultats obtenus et expose les analyses qui y sont liées. Le cinquième chapitre synthétise les principaux constats de la

1 J'ai choisi d’utiliser l’expression « insémination alternative » au lieu de « artificielle » tel que le propose Nathalie Ricard (étant consciente qu'il y a plusieurs autres termes existants) afin de rappeler que l’insémination nécessite une intervention et un choix réfléchi qui est inscrit dans des rapports sociaux. Selon cette auteure, le terme « artificielle » revoit à un acte qui manque de profondeur (Ricard, 2001).

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2

recherche et une discussion sur les forces et les limites de celle-ci, est présentée. Enfin, des pistes de réflexion quant aux recherches futures sont également émises.

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3

CHAPITRE 1. Problématique à l’étude 1.1 Objet d’étude et prévalence

L’objet d’étude de ce mémoire porte sur les familles lesboparentales dont les enfants sont nés par l’entremise d’un don de gamètes d’une personne connue par les partenaires concernées. Au Québec, comme dans la plupart des pays industrialisés, les transformations sociales, économiques, culturelles et politico-juridiques ont contribué à l’éclatement du modèle familial traditionnel permettant ainsi à la pluralité des structures familiales existantes de prendre leur place. En effet, la deuxième moitié du vingtième siècle a accueilli plusieurs de ces changements notamment la légalisation du divorce, le mouvement de libération des femmes, la restructuration du marché du travail, la dénatalité, la multiplication des familles monoparentales, recomposées, des unions libres, etc. Dans ce contexte, le modèle familial nucléaire s'est mesuré à de nouvelles configurations familiales et ce n’est désormais plus le couple qui détermine la famille, mais plutôt l’enfant qui la définit (Côté, 2012a). Conjointement à cela, l’émergence des mouvements militants homosexuels ont forcé la redéfinition des rôles parentaux au sein des foyers québécois en plus de fractionner l’idée que seule l’hétérosexualité pouvait générer la famille (L’Archevêque, 2009). En 2002, le Québec adopte la Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de

filiation (Loi n°84) en donnant ainsi pour la toute première fois la possibilité pour les couples de

même sexe, de rendre leurs unions officielles. Du côté du gouvernement canadien, c'est en juillet 2005 qu'il adopte la Loi sur le mariage civil donnant ainsi accès aux couples de même sexe de se marier. Bien que les familles homoparentales existent depuis plus longtemps, l’adoption au Québec du Projet de loi n°84 (2002), a permis aux parents de même sexe d’obtenir les mêmes droits et les mêmes obligations que les parents hétérosexuels envers leurs enfants (Kelly, 2009). Pour les couples de femmes qui choisissent d'avoir recours à un donneur connu pour avoir leurs enfants, ce n’est donc plus le statut du parent non biologique qui est négocié, mais bien celui de la tierce personne, à savoir dans le cas présent, le donneur de gamètes. Pour concrétiser leurs projets parentaux, les couples de même sexe du Québec peuvent utiliser l’adoption dans le programme de

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la banque mixte des Centres jeunesse du Québec2. En ce qui concerne les couples d’hommes, ils

peuvent également avoir recours à la gestation pour autrui (GPA). Selon la législation fédérale et plus particulièrement la Loi sur la procréation assistée, la GPA est légale au Canada tant que ni la femme porteuse ni un intermédiaire ne sont pas rémunérés. Seule la rétribution d'autrui est illégale (Coalition des familles homoparentales, 2013). Le projet parental d’un couple de femmes, quant à lui, peut se concrétiser à l’aide de la procréation assistée. Pour ce faire, les femmes doivent choisir entre les services d’une clinique spécialisée offrant l’insémination (donneur anonyme ou donneur à identité ouverte3) ou encore, opter pour une insémination artisanale avec don de gamètes d’une

personne connue qui acceptera d’être le géniteur de leur enfant.

Néanmoins, en dépit de l’évolution de la reconnaissance légale et sociale des familles de la diversité sexuelle, il n’en demeure pas moins que l’accès à la parentalité pour les couples de même sexe reste un processus peu soutenu par les instances gouvernementales. Par exemple, en 2000, une aide financière, par l’entremise d’un crédit d’impôt, était offerte aux couples devant faire appel aux techniques de procréation assistée. En 2010, suite à la mise en œuvre du programme québécois de procréation assistée, toutes les activités médicales en lien avec une insémination artificielle étaient complètement remboursées (Centre québécois de formation en fiscalité, 2015). Néanmoins, toujours en 2015 suite à l’adoption de la Loi favorisant l’accès aux services spécialisés et modifiant

diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée (Loi n°20) déposée par le

ministre de la Santé Gaétan Barrette, les personnes ayant besoin des services de procréations assistées doivent désormais le faire à leurs frais. Bien que certains coûts soient en partiellement couverts lors des neuf premières inséminations, l'achat mensuel de paillettes de sperme représente un montant entre 695,00$ à 1000,00$ selon les banques de spermes (Annexe A) et ne sont jamais remboursés.

2 L’adoption internationale est le choix le plus populaire chez les couples hétérosexuels désirant adopter un enfant. Toutefois, l’accès à ce processus est régi par les gouvernements nationaux à travers le monde et très peu de pays acceptent les personnes s’identifiant comme LGBTQ+ ou encore les personnes célibataires (Coalition des familles homoparentales, 2013).

3 Un donneur à identité ouverte est un donneur qui, au moment du don à une banque de sperme ou une clinique de fertilité, a donné son consentement pour que son identité et ses coordonnées soient divulguées à l’enfant lorsqu’il ou elle atteint l’âge de 18 ans. Toutefois, le donneur peut changer d’avis avec les années (Coalition des familles homoparentales, 2013).

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5

Par ailleurs, outre l’aspect légal et financier du processus de parentalité pour les couples de même sexe, Côté, Lavoie et de Montigny (2015) soulignent notamment que les nouvelles règles de filiation ont engendré plusieurs préoccupations suite à l'adoption du Projet de loi n°84 en 2002. Le rôle des mères lesbiennes et leurs compétences en tant que parents n'ont pas été remis en question. Il s'agissait plutôt de s'interroger sur les balises entourant la pratique du don de sperme entre particuliers, qui inévitablement engendre une rupture symbolique importante avec la filiation traditionnelle. Par conséquent, la lesboparentalité demeure un terreau fertile pour le domaine de la recherche en sciences sociales ainsi que pour l'opinion publique, parfois encore divisée sur la question, ce qui justifie la nécessité de s’y intéresser. Ces structures familiales au sein de la société québécoise ont mené à la création d’un nouveau domaine de recherche au sein duquel le présent projet d’étude s’inscrit : l’homoparentalité et la lesboparentalité (L’Archevêque, 2009). Le présent projet de mémoire vise donc à documenter l’expérience parentale lesbienne afin de contribuer aux discussions concernant son accessibilité et son acceptation sociale.

Prévalence du phénomène

Le dernier portrait statistique des familles au Canada (2016) estime que depuis 2001, le nombre de couples de même sexe a augmenté de manière importante. En effet, le Recensement canadien a noté, pour la décennie de 2006 à 2016, une augmentation de 60,7% des couples de même genre versus une augmentation de 9,6% pour les couples de genre différent (Statistiques Canada, 2016). On peut présumer que cet accroissement va de pair avec l’évolution de la reconnaissance des droits des couples et des familles de la diversité sexuelle. Au Québec, la Loi instituant l’union civile et

établissant de nouvelles règles de filiation (Loi n°84), adoptée en juin 2002 a permis à la filiation

homoparentale d’être légalement reconnue. Autrement dit, les enfants conçus par procréation assistée en lien avec un projet parental, peuvent désormais avoir deux parents légaux de même sexe. Depuis, certains auteurs parlent même d’un « lesbian baby boom » (Dunn, 2000; Lambert, 2005; Marche, 2003; Svab, 2007 cités dans Côté, 2014), ou encore d’un « gay baby boom » (Côté, 2014; Dempsey, 2006) référant à l’augmentation importante des couples de même sexe ayant un ou des enfants à leur charge. En effet, selon les données du recensement canadien de 2016, le nombre de couples de femmes, gais, bisexuels, trans ou queer (LGBTQ+) avec enfants, est passé de 8,6% en 2001 à 12,0% à peine quinze ans plus tard, représentant une augmentation de près de

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6 30% (Statistiques Canada, 2016).

Ce projet d’étude reconnaît donc que les familles homoparentales émergent au sein d’une société hétéronormative et représentent donc une minorité parfois marginalisée et méconnue. Néanmoins, on ne peut faire abstraction de l’avancement de la reconnaissance sociale et juridique de cette minorité. Bien que les lois et programmes soient adoptés (Loi instituant l’union civile et établissant

de nouvelles règles de filiation, 2002; Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie

et la transphobie, 2017, etc.) et que la diversité sexuelle est de plus en plus visible au sein de la culture populaire, il n'en reste pas moins que des changements doivent être apportés pour améliorer les attitudes et les pratiques encore aujourd’hui, parfois teintées de discrimination, de stigmatisation, d’homophobie et de transphobie (Fish, 2006). Dans cette perspective, il s’avère judicieux de développer cet objet d’étude afin d’accroître les connaissances pouvant contribuer à l’amélioration de la reconnaissance sociale et juridique des familles lesboparentales.

1.1.2 Pertinence sociale et scientifique

La pertinence sociale d’un projet de recherche réside dans son apport aux préoccupations des intervenants, des décideurs sociaux et des personnes concernées (Chevrier, 2009).

Tout d’abord, il est intéressant de constater que non seulement la population du Québec est vieillissante, mais également de porter un regard sur le taux de natalité qui est en baisse (INSPQ, 2011). En effet, selon le bilan démographique du Québec de 2018, 2 400 naissances de moins qu’en 2016, ont été enregistrées. Des chercheurs affirment même que nous serions actuellement en train de vivre un changement générationnel et que les décennies à venir accueilleront de plus en plus d’enfants issus de familles homoparentales (Patterson et Tornello, 2010). De ce fait, nous croyons que le présent projet de mémoire, de par sa visée exploratoire et descriptive, permettra non seulement de mieux comprendre l’expérience de la parentalité lesbienne, ses défis et ses stratégies pour les surmonter, mais permettra également de contribuer à l’accroissement des connaissances actuelles sur le sujet afin de faciliter le processus d'accès à la parentalité lesbienne. D’ailleurs, plusieurs études se sont intéressées au développement des enfants qui vivent dans une famille homoparentale. La présente recherche s’inscrit davantage dans une perspective du travail social en tentant de rendre compte de l’expérience subjective des mères concernées pour mieux la

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comprendre. Enfin, ces nouvelles données permettront de soutenir la cause et la reconnaissance des familles de la diversité sexuelle au sein de la société québécoise en offrant une nouvelle perspective aux professionnels de la relation d’aide qui travaillent auprès des familles.

Tandis que les sciences naturelles produisent des lois universelles de causes à effets ou des corrélations, les sciences sociales quant à elles s’inscrivent dans la production de savoirs localisés qui n’aspirent pas à universaliser, mais plutôt à offrir une compréhension du monde et des phénomènes sociaux comme étant situés et contextualisés à un moment précis (Gaudet et Robert, 2018). Depuis une vingtaine d’années, le concept d’homoparentalité a généré une multitude de travaux de recherche, qui se sont intéressés à l’expérience des parents et futurs parents. Une première vague de chercheurs se sont d’abord intéressés aux similitudes et convergences possibles entre les familles homoparentales et les familles hétéroparentales (Cadoret, 2002; Dubé et Julien, 2000; Julien, Tremblay, de Brumath et Chartrand, 2011; Nadaud, 2002, cité dans Desjeux, 2008). Certains chercheurs se sont davantage concentrés sur les impacts de cette nouvelle structure familiale que sur les normes sociétales (Fassin, 2005; Déchaux, 2007, cité dans Desjeux, 2008). La présente recherche, n'ayant pas de visée exhaustive, mais plutôt exploratoire et descriptive, entend contribuer à documenter les connaissances relatives aux difficultés et facilitateurs dans l’expérience d’accès à la parentalité chez les couples de femmes. Enfin, cette recherche pourrait avoir une influence importante quant aux réflexions portant sur l’institutionnalisation de la lesboparentalité, particulièrement présente depuis l’adoption de la loi sur les nouvelles règles de filiation (Côté, 2012a). La question du lien biologique entre un enfant et ses parents reste encore une question centrale au sein des discours populaires et c’est dans cette optique que ce projet de recherche vise à porter un nouveau regard sur cette réalité familiale, en explorant la perspective des principales intéressées.

1.2 Démarche documentaire

La démarche documentaire a été effectuée à l’aide des banques de données suivantes : Social Services Abstracts, Social Work Abstracts, PsycINFO, Érudit, Ariane 2.0, Google Scholar. Afin de réaliser cette recherche, les mots-clés suivants ont été lancés dans ces bases de données : aide médicale assistée, challenges, discrimination, don de gamètes, don de sperme, donneur connu,

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homoparentalité, homoparentality, insémination, médicalement assistée, insemination, known

donor, lesbian mothers, lesbian-parented-families, lesbiennes, lesboparentalité, lesboparentality,

parentalité, parenté, parenthood, parents de même sexe, parents gais et lesbiens, parents, prejudice, préjugés, procréation médicalement assistée, procréation, représentation sociale, same-sex couple,

same-sex parents, sexisme, sperm donor, stigmatisation, stressors. 1.3 Recension des écrits scientifiques

La section qui suit propose un début d'exploration en ce qui a trait aux écrits scientifiques pertinents en lien avec l'objet de recherche sur les différents facteurs de stress et facteurs facilitants dans le processus d’accès à la parentalité lesbienne. Tel que le souligne Dumez (2016), l’exercice de l’élaboration de la recension des écrits est un processus itératif devant être repris à plusieurs reprises au cours du développement d’un projet de recherche. En aucun cas, la recension qui suit ne prétend à l'exhaustivité des écrits scientifiques existants, mais vise plutôt à explorer ce que dit dans ses grandes lignes la documentation disponible sur les réalités concernées.

1.3.1 Homoparentalité

Créé en France en 1997 par l’Association des parents gais et lesbiens (APGL), le néologisme « homoparentalité » réfère aux situations familiales diverses dans lesquelles au moins un parent s’identifie comme gai ou lesbien (Gross et Mehl, 2011). Avant les années 2000, une grande majorité des personnes gaies ou lesbiennes vivaient leurs préférences sexuelles à l'insu de leur entourage, voire même en marge d’une union hétérosexuelle. Aujourd’hui, les familles homoparentales prennent progressivement leur place au sein des sociétés occidentales et intéressent de plus en plus de chercheurs un peu partout à travers le monde (Bossema, Janssens, Treucker, Landwehr, Van Duinen, Nap A.W. et Geenen, 2014; Brown, Smalling, Groza et Ryan, 2009; Borneskog, Lampic, Sydsjö, Bladh et Skoog Svanberg, 2014; Cadoret, 2010; Côté, 2012b; 2014; Côté et Lavoie, 2019; Côté, Lavoie et de Montigny, 2015; Dempsey, 2006; Dempsey, 2012; Desjeux, 2008; Fortier, 2015; Goldberg et Allen, 2009; Gratton, 2008; 2013; Gross, 2006; Gross et Mehl, 2011; Messina et D’Amore, 2018; Provoost, Bernaerdt, Van Parys, Buysse, De Sutter et Pennings, 2018; Vaillancourt, 2018, etc.). Or, s’intéresser au concept d’homoparentalité peut référer à une multitude de structures familiales. En effet, parmi celles-ci se retrouvent la

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2012b; 2014; Ricard, 2001), la coparentalité (Gross, 2006), etc. Par ailleurs, la famille homoparentale peut être issue : 1) d’une recomposition familiale avec un(e) partenaire de même sexe à la suite de la séparation d’une union hétérosexuelle, 2) d’un système de coparentalité entre deux couples homosexuels (hommes et femmes), 3) d’une adoption, 4) du processus de gestation pour autrui, ou encore 5) du processus d’insémination alternative (Mailfert, 2002; Ricard, 2001). Cette diversification des manières d’accéder à la parentalité homosexuelle témoigne de l’éclatement des configurations familiales traditionnellement hétérosexuelles et nous oblige à repenser les rôles parentaux. En effet, Cadoret, anthropologue et référence dans le domaine des études sur la parenté, la filiation et la parentalité, souligne que les sociétés occidentales vivent actuellement un changement de modèle et entraînent une transformation de tous les personnages inclus dans la parenté (Cadoret, 2010).

Bien que le terme « homoparentalité » fasse encore aujourd’hui objet de débats au sein même des familles homoparentales, qui lui reprochent son aspect stigmatisant (Gross, 2006; Heenen-Wolff et Moget, 2011), cette terminologie témoigne de la diversité des configurations familiales existantes (Côté et Guilmaine, 2017). Afin de rendre compte de cette mouvance de la diversité sexuelle (Ricard, 2001) et de l’évolution du statut de ces familles, les termes « homoparentalité » et « lesboparentalité » seront utilisés pour le présent projet de mémoire.

1.3.2 Mode d’accès à la parentalité pour les couples de même sexe

L’évolution des techniques de procréation assistée (conjointement aux avancements législatifs et sociaux concernant les familles homoparentales québécoises), a permis aux femmes et aux hommes de la diversité sexuelle de trouver des alternatives intéressantes à la reproduction par relation sexuelle hétérosexuelle. À noter que les modalités d’accès à la parentalité pour les couples de même sexe ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre ni même d’une province à l’autre et ce, en raison des cadres législatifs distincts. Le contexte du Québec sera ici mentionné comme repère. Tout d’abord, la parentalité au masculin. Bien que ces hommes ne soient pas génétiquement en

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mesure de porter un enfant4, leur désir de reproduction et de parentalité n'en demeure pas moins

très présent. Pour ces couples d’hommes, trois avenues sont possibles pour concrétiser leurs projets parentaux. La première correspond à l’une des quatre formes d’adoption (régulière, par consentement spécial, en « banque mixte » et internationale); la seconde réfère à la gestation pour autrui et la troisième, est la coparentalité. Considérant que les couples d’hommes ne sont pas au cœur de notre projet, nous ne détaillerons pas davantage en ces pages-ci, la parentalité gaie. Par ailleurs, bien que certains modes d’accès à la parentalité soient accessibles pour les couples d’hommes tout comme pour les couples de femmes, il n’en demeure pas moins que ces dernières se retrouvent devant plus d’opportunités pour concrétiser leur projet parental. En effet, les femmes peuvent avoir recours, elles aussi, à l’une des quatre formes d’adoption ou encore à l’une des deux formes de procréation assistée, choix qui leur sont toutefois réservés. La première forme consiste à faire appel à un donneur connu5 qui deviendra le géniteur de l’enfant; ainsi, il s'agira d'une

insémination maison. Le second choix réfère à un don de gamètes d’une personne dont l’identité peut être anonyme ou ouverte et dont le processus se déroulera en clinique de fertilité. Les écrits scientifiques ont fait ressortir de nouveaux concepts, par exemple, celui de la procréation « amicalement » assistée, « maison » ou « artisanale » (Vaillancourt, 2018; Côté et Guilmaine, 2017; Coalition des familles homoparentales, 2013), qui réfère à une insémination en contexte privé, sans intervention médicale et ayant recours aux gamètes d’une personne connue du couple de femmes. Les couples de femmes développent, ce que Ricard (2001) appelle, des pratiques silencieuses qui permettent de déjouer le biopouvoir.

La première méthode, c'est-à-dire avoir recours à un tiers donneur qui est connu du couple de femmes, est le mode de procréation choisi pour le présent projet de recherche et guidera la suite de la recension des écrits.

4 Il est important de mentionner que certains hommes trans ayant conservé leurs organes reproducteurs femelles peuvent enfanter.

5 Le terme donneur connu ne signifie pas nécessairement que la personne effectuant le don de gamète est un proche ou un membre de l’entourage des femmes.

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1.3.3 Hétéronormativité

Concept très présent dans le vocabulaire de la sociologie à partir des années cinquante, l’hétéronormativité fait référence aux « normes », c’est-à-dire à un ensemble de valeurs, de sens, de croyances et de présupposés qui dictent l’action humaine (Jackson et Delphy, 2015). Il peut être compris comme le synonyme de l’hétérosexualité institutionnalisée, qui présuppose une binarité des sexes (masculin et féminin) et des genres (hommes et femme), des rôles sociaux (mère et père) et des orientations sexuelles (hétérosexuelle et homosexuelle) comme étant le mode de vie normale (Côté et Guilmaine, 2017). L’homosexualité parentale remet en question les configurations familiales traditionnelles (un père et une mère). Par conséquent, l’hétéronormativité dominante peut entraîner nombre de préjugés au regard des familles lesboparentales. À ce sujet, Côté et Guilmaine (2017) dressent une liste de préjugés défavorables aux familles homoparentales et que les auteures ont divisées en quatre catégories : 1) ceux qui associent l’homosexualité à des conduites déviantes envers les enfants, 2) ceux qui concernent la reproduction de l’homosexualité chez les enfants issues d’une famille homoparentale, 3) ceux qui se questionnent sur le risque de compromission du développement de l’enfant privé de l’autre genre (figure paternelle ou maternelle) et enfin 4) les préjugés au sein des ressources scolaires, médicales ou autres (Côté et Guilmaine, 2017). Ainsi, l’hétéronormativité influence inévitablement l’expérience du processus d’accès à la parentalité pour les couples de femmes. Ce concept propose donc que les familles homoparentales ne fassent pas partie de la norme sociétale, voire même que celles-ci soient considérées comme des familles marginales plutôt que simplement différentes (D’Amore, 2012).

1.3.4 Facteurs de stress

Facteurs de stress liés aux minorités. Selon Ilan H. Meyer (2013), les individus appartenant à un

groupe minoritaire ressentent une plus grande quantité de stress. En effet, l’auteur propose le modèle du stress du minoritaire (minority stress model), qui montre que les personnes des minorités sexuelles, par exemple, seraient plus susceptibles de développer une forme spécifique de stress en raison de la stigmatisation de leur groupe au sein de la société. Afin d'illustrer le concept, l'auteur fait la distinction entre les facteurs de stress généraux (general stressors), tels que la perte d'un emploi et les facteurs de stress liés uniquement à un groupe minoritaire (minority

stressors), tels que la discrimination à l'embauche ou en milieu de travail en lien avec l'orientation

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Skoog Svanberg, 2014; Rausch et Wikoff, 2017), les couples de même sexe qui entreprennent le processus de procréation alternative vivent une forme de stress particulière qui les différencie des couples hétérosexuels. Les études de Rausch et Wikoff (2017) en contexte étatsunien et celle de Borneskog et coll. (2014) en Suède se sont intéressées au stress parental tout au long du processus de procréation, en comparant les couples de femmes aux couples hétérosexuels ayant recourt à la fécondation in vitro. Ces deux études ont montré que l’expérience des futures mères lesbiennes tout au long du processus de fertilité diffère des couples hétérosexuels en raison de leur stigmatisation au sein de la société. Les femmes lesbiennes doivent faire face à des procédures, des institutions et possiblement des professionnels qui ne sont pas ou peu formés pour répondre aux réalités des femmes lesbiennes désirant avoir des enfants (Borneskog et coll., 2014; Rausch et Wikoff, 2017).

Facteurs de stress liés aux rôles parentaux. De plus, l’un des facteurs de stress les plus

mentionnés par les auteurs est celui de la négociation du rôle de la tierce personne au sein du couple de femmes, celle du donneur de gamètes. Bien que ces auteurs n’aient pas directement mesurés ce facteur de stress au fait d'avoir recours à un donneur connu, la négociation des rôles au sein de la triade est rapportée comme étant multiple (Côté, 2014; Côté et coll., 2015; 2018; Côté et Lavoie, 2019; Dempsey, 2012; Goldberg et Allen, 2009). Les résultats de l’étude de Goldberg et Allen (2009), documente les perceptions des mères lesbiennes relativement à l’importance des modèles masculins dans la vie de leurs enfants; les résultats ont démontré qu’une pression sociétale importante était imposée et les obligeraient à faire abstraction de leurs propres désirs et valeurs à ce sujet. L’étude de Côté (2014) menée auprès de familles lesboparentales du Québec et dont les enfants sont nés d’un donneur connu, conclut qu’il existe une pluralité de représentation du rôle du donneur. Ces familles issues de la diversité sexuelle ont, pour la plupart, nommé l’aspect de la quotidienneté comme articulation du « faire famille » (Côté, 2014, p. 86). D’ailleurs, ce lien relationnel issu de la quotidienneté, à savoir, qui s’occupe de l’enfant sur des bases quotidiennes et répond à ses besoins, est ressorti comme étant un élément central des structures homoparentales, et ce, pour toutes les modalités d’accès à la parentalité (Gross et Mehl, 2011; Côté, 2012a; Côté, 2014; Côté et coll., 2015; 2018; Desjeux, 2008; Gratton, 2013; Gross, 2006).

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Julien, Fortin et Fortier (2006), réalisée auprès de 25 couples de femmes francophones résidant à Montréal, s’est intéressée aux facteurs décisionnels influençant le choix du mode de procréation (donneur anonyme ou donneur connu) et du choix de la partenaire qui portera l’enfant. Selon ces auteures, le processus d’accès à la parentalité pour les couples de femmes nécessite une réflexion approfondie quant au rôle de chaque femme ainsi qu’à celui de la tierce personne, le donneur de gamètes (dans les cas où le donneur est connu du couple). L’étude britannique de Touroni et Coyle (2002), réalisée auprès de 9 couples de femmes ayant des enfants ainsi que celle de Ricard (2001) qui s’est intéressée à la maternité lesbienne à Montréal, ont également conclu que ces couples participent à d’intenses discussions et négociations tout au long du processus de devenir « enceinte(s) » (Ricard, 2001). D’ailleurs, Ricard propose une catégorisation de ces facteurs de stress selon quatre dimensions : 1) physique, 2) sociale, 3) historique et 4) spirituelle. De plus, différentes études (Leblond de Brumath, Julien, Fortin et Fortier, 2006; Rausch et Wikoff, 2017; Ricard, 2001; Touroni et Coyle, 2002 ) ont également fait ressortir plusieurs questionnements « stressants » avant même l’arrivée de l’enfant, par exemple : quelle méthode de procréation choisir (donneur anonyme ou donneur connu); quelle sera la nature du lien de l’enfant à son donneur (si donneur connu); quel sera le rôle de la mère non biologique; de quelle manière se fera la répartition des responsabilités parentales au sein du couple; comment s’effectuera la négociation des relations avec la famille de la mère biologique et celle de sa partenaire; comment l’enfant réagira au fait de ne pas connaître l’identité de son père biologique (donneur anonyme) ou au fait de connaître son identité (donneur connu), etc.?

Compte tenu ce qui précède, l’un des facteurs de stress qui nous intéresse particulièrement pour le présent projet de mémoire est le choix du mode de procréation pour les couples de femmes et les facteurs de stress qui y sont associés. Effectivement, soit que les couples optent pour un donneur anonyme (ou à identité ouverte) par l’intermédiaire d’une clinique de fertilité, soit que ces couples se tournent vers un don de gamètes d’une personne connue par les partenaires concernées. Différentes études qualitatives européennes (Provoost et coll., 2018; Ryan-Flood, 2005; Touroni et Coyle, 2002) et québécoises (Leblond de Brumath et coll., 2006; Côté et coll., 2015) se sont intéressées à cette question. D’un côté, les résultats révèlent que les couples de femmes ayant accédé à la parentalité à l’aide d’un donneur connu ont fait ce choix notamment pour : s’assurer du bien-être psychologique de leur enfant, conserver un certain contrôle lors du processus de

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conception, s’assurer de la participation du père biologique à l’éducation de l’enfant, etc. (Touroni et Coyle, 2002). Tandis que d’un autre côté, les femmes qui choisissent un donneur anonyme le feraient entre autres pour : éviter les possibles conflits avec le père biologique; par crainte que le tiers donneur affecte négativement le rôle de la mère non biologique; par crainte que les liens biologiques prévalent sur les rôles parentaux, etc. (Touroni et Coyle, 2002). D’autres études ont souligné que choisir un donneur anonyme était également dans l’optique de : éviter la triparentalité; s’assurer de connaître les antécédents médicaux du géniteur; s’assurer du lien biologique entre la fratrie en conservant des gamètes pour la conception des prochains enfants ou encore, solution appliquée à défaut de connaître un donneur potentiellement intéressé et intéressant pour concrétiser le projet du couple (Côté et coll., 2015; Leblond de Brumath et coll., 2006 ; Ryan-Flood, 2005 ; Touroni et Coyle, 2002). Cela dit, bien que l’insémination « maison » avec un donneur connu soit encadrée légalement suite à l’adoption de la Loi établissant de nouvelles règles de filiation (Loi n°84) qui stipule que la filiation est établie par le certificat de naissance et non pas par le lien biologique (Coalition des familles homoparentales, 2013), il demeure que cette pratique est une avenue peu sécuritaire. En effet, l’insémination maison avec un donneur connu comporte généralement différents facteurs de stress tels que : le choix du donneur (confiance); les risques concernant une possible infection transmise sexuellement et par le sang (ITSS); la rédaction d’un contrat qui stipule qu’il n’y a eu aucune relation sexuelle entre le donneur et la mère biologique, le niveau d’implication du donneur dans la vie de l’enfant, etc. (Coalition des familles homoparentales, 2013).

Cela dit, il va sans dire que les facteurs de stress relativement à la réalisation d’un projet parental lesbien sont nombreux. Malgré l’évolution de la reconnaissance sociale et juridique des minorités sexuelles et de leurs familles (Loi n°84), plusieurs études s’entendent pour dire qu’au Québec, les minorités sexuelles vivent encore plusieurs formes de violences (Blais, Gervais, Boucher, Hébert et Lavoie, 2013; Taylor et Peter, 2011; Hughes, McCabe, Wilsnack, West et Boyd, 2010; Chamberland et Saewyc, 2011, cité dans Bergeron, Blais et Hébert, 2015). Pour pallier cela, Meyer (2013) souligne l’importance de l’environnement social pour tout individu s’inscrivant au sein d’une minorité. L’auteur fait référence à une étude de Durkheim (1951, citée dans Meyer, 2013), (study of normlessness) qui rappelle que toute personne a besoin d’une forme de validation morale de la société afin d’être en mesure de répondre à ses besoins et ses désirs.

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Pour accéder à cette forme de validation, il sera maintenant pertinent de s’attarder aux différentes stratégies développées par ces groupes minoritaires pouvant faciliter leur processus d’accès à la parentalité lesbienne.

1.3.5 Facteurs facilitants et stratégies utilisées

Le concept de facteurs facilitants réfère ici aux stratégies développées par les couples de femmes afin de faciliter leur processus d’accès à la parentalité. Tel que mentionné ci-haut, plusieurs études se sont intéressées aux familles homoparentales, à ce qui les différencie des familles hétérosexuelles et aux facteurs de stress à surmonter en tant que parent ou futur parent issu d’une minorité. Pourtant, peu d’études recensées se sont penchées sur les facteurs facilitants. Leblond de Brumath et coll. (2006) ont réalisé l’une des premières enquêtes en contexte québécois à s’intéresser spécifiquement aux effets du mode de procréation sur les dynamiques des couples de femmes dans le projet parental, et à dresser une liste de stratégies utilisées par ces dernières pour pallier ces difficultés. En effet, selon ces autrices, les participantes ont souligné des stratégies afin de compenser l’absence de lien biologique et parfois légal de la mère non biologique :

« notamment en donnant le nom de famille de la CM [co-mère] à l’enfant ou en choisissant un donneur ayant un lien de parenté avec cette dernière (e.g., frère, cousin). Certaines entreprennent des arrangements légaux liant la CM à l’enfant, alors que d’autres décident que chacune des partenaires portera un enfant à tour de rôle ou sélectionnent des activités que seule la CM pratiquera avec l’enfant. Enfin, certaines mères choisissent d’alterner entre l’allaitement et le biberon pour impliquer davantage la mère non-biologique et lui permettre de participer à cette première étape de vie de leur enfant » (Leblond de Brumath et coll., 2006, p. 133).

Tel que mentionné précédemment, les individus, les couples et les familles issues de la diversité sexuelle font partie d’un groupe minoritaire et se retrouvent à faire face à une forme spécifique de stress (minority stress model). De plus, les couples de femmes désirant accéder à la parentalité vivent plusieurs facteurs de stress pouvant rendre l’expérience plus difficile selon la réalité de chacune (p. ex. : éducation, environnement familial, social, etc.). Pour pallier cela, elles ont développé des stratégies d’adaptabilité et de résilience : le réseau de soutien, les traits personnels, les stratégies comportementales, le soutien de l’entourage social et familial, etc., qui sont toutes considérées comme des facteurs de protection favorisant le bien-être de celles-ci (Chamberland et

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Saewyc, 2011). En effet, le soutien de l’entourage social et familial aura beaucoup d’impact sur l’expérience qu’auront les femmes lesbiennes tout au long du processus d’accès à la parentalité, avant, pendant et après l’arrivée de l’enfant. L’étude Leblond de Brumath et coll. (2006) a en effet démontré un lien important entre l’acceptation de l’homosexualité et l'approbation du projet parental par la famille des deux conjointes. Bien que la majorité des participantes à cette étude ont rapporté avoir des relations positives avec leurs familles au sujet de leurs projets parentaux, les auteurs soulignent néanmoins que des relations négatives avec le réseau social ou avec la famille d'origine peuvent entraîner un isolement plus ou moins important du couple de femmes.

1.4 Limites des études actuelles

Bien que la lesboparentalité génère de plus en plus de travaux de recherches, les études recensées comportent plusieurs limites et doivent donc être analysées avec un regard critique.

En premier lieu, des limites concernant la validité externe et nuisant à la généralisation des résultats. En effet, considérant que la situation des familles issues des diversités sexuelles et plus particulièrement de la reconnaissance de la bimaternité, diffèrent énormément selon les cadres législatifs des pays et des provinces, il est très difficile de transférer les résultats dans un contexte plus large, à savoir à l'extérieur du Canada (Côté, 2012b). De plus, les auteurs ont souligné comme étant une limite le point de vue subjectif des participants (Messina et D’Amore, 2018; Côté, 2014; Côté et coll., 2015; Leblond de Brumath et coll., 2006) et proposent d’explorer la perspective, par exemple, des intervenants, des tiers donneurs, des enfants nés grâce à l’apport génétique d’autrui, ce qui permettrait une plus grande comparaison des données. D’ailleurs, c’est ce que l’étude de Côté et coll. (2015) a tenté de faire en documentant les points de vue des hommes qui ont fait un don de sperme. Ensuite, une limite supplémentaire et récurrente dans plusieurs études recensées est, les petites tailles d’échantillon, ce qui limite la validité des résultats (Messina et D’Amore, 2018; Côté, 2012b; Côté, 2014; Côté et coll., 2015; Gross et Mehl, 2011). La notion de l’échelle temporelle réduite est également nommée et soulève un manque de comparatif dans le temps (Goldberg et Allen, 2009; Gross et Mehl, 2011). En effet, cette limite porte à croire que les résultats ne seraient pas nécessairement les mêmes si l’on reproduisait les enquêtes quelques années plus tard. De plus, plusieurs auteurs ont nommé l’homogénéité de leurs échantillons comme étant une limite importante à leurs études. Certains amènent l’hypothèse que les résultats soient

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possiblement différents s’ils avaient rencontré un ou des cas négatifs lors de leur collecte de données (Leblond de Brumath et coll. 2006; Côté, 2014; Côté et coll., 2015). Qui plus est, la question de la désirabilité sociale a été mentionnée par Côté et coll. (2015) comme étant une limite importante à leur étude et réfère à la possibilité que certaines participantes ont collaboré à l’étude afin de contrer les idéaux entourant le don de gamètes entre particuliers. Enfin, il faut également prendre en considération le caractère nouveau des études sur les différentes modalités d’accès à la parentalité (Gross et Mehl, 2011), ce qui, par conséquent, renforce l’importance de s’y intéresser.

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CHAPITRE 2. Cadre théorique

S’intéresser au processus d’accès à la parentalité lesbienne, c’est avant tout valoriser la subjectivité des expériences individuelles des actrices sociales qui vivent cette réalité. Tel que démontré dans la recension des écrits scientifiques au chapitre précédent, le déroulement de ce processus de procréation alternative peut être influencé par une multitude de facteurs propres à chacun. Pour ce faire, la perspective théorique de l’interactionnisme symbolique propose un cadre conceptuel riche et nous servira d’angle d’approche pour notre objet de recherche.

Ce cadre théorique adhère à un paradigme socioconstructiviste, lequel vise à comprendre et à décrire des phénomènes sociaux spécifiques afin de les mettre en relation avec les réalités individuelles et collectives. En effet, Padgett (1998) souligne que ce paradigme considère que les réalités sont multiples puisqu’elles sont liées à l’interprétation qu’en fait chaque individu. De cette façon, la construction sociale de la réalité de tout un chacun est le résultat de l’interprétation des interactions concrètes et des activités symboliques (Van Campenhoudt, 2001). En d’autres mots, les constructivistes considèrent que tout individu est indissociable de la société dans lequel il vit et que la réalité sociale d’une personne est construite selon le sens et l’interprétation qu’elle en fait. Dans ce contexte, le paradigme constructiviste guidera notre recherche, du fait que celui-ci s’intéresse à l’expérience subjective des actrices, soit des femmes qui ont donné naissance à des enfants au sein d’un couple de femmes, par l’entremise d’un donneur connu. Cette orientation nous permettra de mieux répondre à notre question de recherche, qui vise à explorer les facteurs de stress, les facteurs facilitants et les stratégies utilisées tout au long du processus d'accès à la parentalité lesbienne avec donneur connu. La section qui suit présente les principaux concepts de la théorie de l’interactionnisme symbolique, qui nous servira également d’angle d’analyse.

2.1 L’interactionnisme symbolique et ses principaux concepts

L’interactionnisme symbolique est une théorie qui émerge au courant du 20e siècle aux États-Unis

ainsi que d’un intérêt pour la relation entre l’individu et la société, et ce, dans une perspective d’interaction (Le Breton, 2008). Il tire ses origines des travaux de plusieurs chercheurs, mariant leurs différences tout en restant fidèles à des principes fondamentaux, tels que Mead, Blumer, Strauss, Becker, Friedson, Goffman, etc. (Poupart, 2011). Bien que la théorie se soit transformée

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au cours des années, ses principes fondamentaux demeurent et réfèrent entre autres choses à l'idée que : « pour l'interactionnisme, l'individu est un acteur interagissant avec les éléments sociaux et non un agent passif subissant de plein fouet les structures sociales à cause de son habitus ou de la « force » du système ou de sa culturel d'appartenance » (Le Breton, 2008, p. 46-47). En leur donnant la parole, cette théorie permet notamment aux chercheurs de mettre en lumière les difficultés qui affectent les individus marginalisés d’une société. Puisque centrée sur la perspective des acteurs (Poupart, 2011), la théorie de l’interactionnisme symbolique est également objectiviste : « [...] puisqu’elle s’intéresse à la manière dont les conditions objectives façonnent les carrières et l’interprétation qu’en donnent les acteurs » (Poupart, 2011, p. 183). Afin d’illustrer la théorie de l'interactionnisme symbolique, Campenhoudt (2001) propose de prendre pour exemple l’expérience individuelle des infirmiers et médecins qui travaillent dans un hôpital psychiatrique. L’auteur explique qu’un infirmier aimera son travail tandis qu’un autre non; qu’un médecin aura développé de bonnes relations avec ses patients tandis qu’un autre en sera incapable, etc. Ces constats sont appuyés par l’idée que « ces interprétations de l’expérience se forment dans les interactions quotidiennes entre les personnes qui participent à la vie de l’institution, chacun ajustant continuellement ses interprétations et ses comportements aux interprétations et comportements des autres » (Van Campenhoudt, 2001). Cet exemple illustre la manière dont la théorie de l’interactionnisme symbolique applique ses principes à une situation réelle où des personnes interagissent les unes avec les autres. Afin de mieux comprendre ce en quoi l’interactionnisme symbolique consiste, Blumer (1969) énonce trois prémisses propres à la théorie. La première réfère à l’idée que les êtres humains se comportent à l’égard du sens qu’ils accordent aux choses et aux situations. Ainsi, pour être en mesure de comprendre la manière d’agir ou de penser d’une personne, il faut tout d’abord s’attarder au sens que cette personne donne à sa réalité (Poupart, 2011). De ce fait, tout individu construit sa propre perception, indépendamment des autres, ce qui peut possiblement expliquer les divergences d’interprétation selon une personne ou une autre (Le Breton, 2008).

Quant à la seconde prémisse, elle réfère au sens et au résultat des interactions sociales, c’est-à-dire des relations avec autrui, sur le sens donné aux choses. En effet, Blumer affirme que c’est à travers ces relations, soient individuelles ou collectives, que les acteurs découvrent et négocient le sens

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qu’ils donnent aux choses et aux situations. De cette façon, « leurs échanges se construisent pas à pas à travers une contribution mutuelle enracinée dans ce que chacun pense de la situation » (Le Breton, 2008, p. 42). C'est là une dimension interactive importante.

Enfin, la troisième prémisse développée par Blumer est celle affirmant que les significations se développent et se modifient à travers un processus d’interprétation individuelle composant la réalité (Poupart, 2011). Or ce processus est continu. À cet égard, ces significations se modifieront tout au long de la vie des personnes selon les expériences vécues avec soi-même et avec autrui. L'individu se retrouve ainsi à être à la fois l'objet et le sujet de ses propres expériences à travers lesquels il sera en mesure de structurer son identité.

2.2 Application de l’interactionnisme symbolique à notre objet d’étude

Conséquemment aux trois prémisses de Blumer, la théorie de l’interactionnisme symbolique possède des concepts fondamentaux qui ont influencé notre projet de recherche. Tout d’abord, le concept d’interaction est central pour notre analyse. Les mères et futures mères lesbiennes sont inscrites et évoluent au sein d’une société, considérée par les interactionnistes comme une structure vivante qui est constamment en train de se faire et de se défaire (Le Breton, 2008). C’est donc à travers cette mouvance que l’acteur social tisse des liens avec les personnes de son environnement, se construit, se développe et adapte ses perceptions au contact des relations interindividuelles (Le Breton, 2008). Ensuite, le concept de sens est indispensable à la théorie, car il permet de mettre en lumière la manière par laquelle un individu oriente ses actions. Tel que démontré dans la recension des écrits ci-haut, l’expérience du processus d’accès à la parentalité lesbienne, la négociation du sens donné à la personne qui effectue un don de gamètes et la façon de négocier ces situations sera différente d’une personne à une autre puisqu’elle se base sur un cadre de référence qui lui est propre (Le Breton, 2008). Bref, le concept de sens réfère à l’interprétation que fait individuellement chaque personne selon son expérience particulière, et ce, dans un contexte spécifique. Enfin, selon Poupart (2011), le concept de sens ne suffit pas à comprendre les réalités et les conduites sociales. Considérant cela, le troisième et dernier concept qui guidera notre projet de recherche est le soi. Ce concept réfère par exemple à la manière dont une mère lesbienne se perçoit dans le regard de l’autre. Ce regard l’influencera dans l’exercice de ses activités sociales, car c’est à travers cette interinfluence issue des interactions sociales qu’un individu peut se

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développer (Le Breton, 2008). Le choix de ce cadre théorique est pertinent afin d’avoir une meilleure compréhension des facteurs de stress ainsi que des facteurs facilitants entourant la parentalité lesbienne avec donneur connu. De plus, l’interactionnisme symbolique nous permettra de mieux comprendre cette réalité, selon les points de vue des actrices directement concernées, en relation avec l’ensemble de la société québécoise.

Les adeptes de l’interactionnisme symbolique indiquent que les acteurs sociaux et leurs comportements individuels ne sont ni tout à fait déterminés au sein de la société, ni totalement libres. Il y a les deux en fait. Les individus se retrouvent plutôt dans une situation de débat permanent entre eux-mêmes et la société qui n’est pas sans les influencer (Le Breton, 2008; Poupart, 2011). Dans le cas de la présente étude, les acteurs sociaux réfèrent aux deux mères au sein d’une famille lesboparentale. Or, ces femmes ont pour la plupart révélé avoir de la difficulté à trouver les termes appropriés, dans lesquelles elles se connaissent, pour exprimer leur réalité (Ricard, 2001). En effet, les dernières décennies de recherche scientifique ont façonné les discours sociaux et la culture populaire pour ainsi contribuer à imposer le statut de mère lesbienne ou de mère lesboparentale. Ricard (2001) souligne la charge symbolique de ces mots qui semblent choisir « qui » elles représentent et « qui » elles ne représentent pas. Ces termes suggèrent ainsi qu’elles appartiennent à une catégorie différente que le reste des autres mères. On voit d’ailleurs la même chose se produire avec les mères monoparentales. Considérant cela, les femmes qui ont concrétisé leur désir de parentalité au sein d’une relation lesbienne se voient alors exposées à un statut régi par autrui (Strauss, 1992 cité dans Le Breton, 2008). Inévitablement, cette position accentue la stigmatisation et le dénigrement à l'égard des les mères lesbiennes.

L’exploration des facteurs de stress et des facteurs facilitants s’effectuera donc en explorant le point de vue et l’expérience des principales concernées, soit les mères lesbiennes ayant eu recours à un donneur connu pour concrétiser leurs projets parentaux. Pour ce faire, nous nous sommes assurés de mettre en priorité, lors de la réalisation de ce projet, une écoute active envers le discours des participantes et de leurs expériences subjectives en tant que parents d’une famille lesboparentale. Cette approche vise à faire ressortir les liens entre leur réalité, la manière qu’elles la perçoivent ainsi que le sens donné aux interactions individuelles et collectives. Nous croyons que cet angle d’approche permet à l'étudiante chercheure et de mieux comprendre les différents

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facteurs de stress et facteurs facilitants entourant cette structure familiale. Enfin, l’objectif visé en utilisant l’interactionnisme symbolique est de mettre les participantes au cœur de notre analyse. Cette approche nous a permis dans un premier temps de mieux comprendre leurs univers et dans un deuxième temps, d’explorer l’influence de la société quant au fait d’appartenir à une minorité sexuelle et familiale.

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CHAPITRE 3. Méthodologie

Ce chapitre présente la méthodologie choisie pour répondre à notre question de recherche : quels sont les principaux facteurs de stress, les principaux facteurs facilitants ainsi que les stratégies utilisées par les couples de femmes pendant leurs processus d'accès à la parentalité par l'entremise d'un donneur connu? Il sera question de l’approche privilégiée, du type et de la logique de la recherche, de la population à l’étude, de l’échantillon, de la méthode de collecte de données et de la stratégie de recrutement. Enfin, la méthode d’analyse des données, les considérations éthiques ainsi que les forces et limites de la recherche.

3.1 Approche privilégiée

Dans le cadre de cette recherche, le canevas de recherche qualitative s’est imposé d’emblée. Cette approche, qui a réellement pris son envol au cours des années 1970 (Poupart, Deslauriers, Groulx, Laperrière, Mayer et Pires, 1997), permet non seulement de comprendre des comportements et des expériences humaines dans la perspective des acteurs sociaux directement, mais amène également le chercheur à les placer au cœur de son analyse. Tel que l’explique Mayer, Ouellet, Saint-Jacques et Turcotte (2000), ce type de recherche est souvent utilisée pour décrire une situation sociale, un événement, un groupe ou un processus dans le but ultime d’explorer un phénomène en profondeur et de manière plus détaillée. Il s’agit donc d’accéder à la perspective des mères lesbiennes et voir de quelle manière elles ont construit leur réalité familiale qui inclut une troisième personne, soit le donneur connu.

De plus, selon la définition de Denzin et Lincoln (2008, cités dans Lietz et Zayas, 2010, p. 189), cette approche est particulièrement cohérente avec notre sujet d’étude puisqu’elle étudie un phénomène « in their natural settings, attempting to make sense of, or interpret, phenomena in terms of the meanings people bring to them ». Les couples de femmes qui ont concrétisé leurs familles lesboparentales à l’aide d’un donneur connu, expérimentent différents facteurs de stress au regard de la négociation des rôles parentaux ainsi que du fait d’appartenir à une minorité au sein de la société. Ainsi, il est tout à fait pertinent d’utiliser l’approche qualitative afin de donner la parole à une population peu entendue.

Figure

Tableau 1. Tableau d’opérationnalisation des concepts à l’étude
Tableau 2. Caractéristiques sociodémographiques des répondantes
Figure 1. Carte heuristique des facteurs de stress liés aux normes et valeurs sociales de la  parentalité
Figure 2. Carte heuristique incluant les facteurs facilitants liés aux normes et valeurs sociales  de la parentalité
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Références

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