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A. Introduction

La maladie d’Alzheimer est une maladie humaine, qui n'a pas d'équivalent chez les animaux, même chez les primates non humains les plus proches de l’Homme (Murphy et LeVine, 2010). Ces modèles demeurent parfois trop éloignés de la physiopathologie et de la complexité humaine, ce qui pourrait en partie expliquer pourquoi les recherches thérapeutiques actuelles restent encore infructueuses. Cependant, de nombreux modèles expérimentaux tentent se rapprocher, de mimer certains aspects de la pathologie. De plus, des lacunes existent encore dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques. En effet, la majorité des modèles actuellement disponibles pour la recherche sont des modèles de cellules non neuronales ou des neurones post-mortem (Figure 45), des souris transgéniques, drosophiles ou autres invertébrés (Figure 46). Si ces derniers ont permis de grandes avancées dans la compréhension de la maladie d'Alzheimer et représentent de très bons modèles pour appréhender des mécanismes précis ou des approches in vivo des phénomènes physiopathologiques, ils ne sont pas forcément pertinents dès qu'il s'agit d'essais précliniques, car ils ne présentent pas tous les paramètres de la maladie d'Alzheimer.

B. Modèles cellulaires

Figure 45 : Tableau récapitulatif des lignées cellulaires de patients utilisées pour l’étude de la maladie d’Alzheimer, avantages et limites (d'après Wojda et Kuznicki, 2013).

1. Neurones de cerveaux post-mortem

Etudier la physiopathologie avant tout dans des cellules humaines provenant des patients Alzheimer apparait certainement comme l'approche la plus directe et fiable afin d’établir les signes caractéristiques de la maladie d’origine humaine. Les premières études ont ainsi été réalisées sur des biopsies de cerveaux post-mortem de personnes atteintes. Celles-ci ont constitué une source de neurones post-mortem précieuse. Ces cellules sont à disposition dans des banques de cerveaux et peuvent être étudiées par des techniques de biologie moléculaire et de biochimie. Ces analyses ont notamment révélé des altérations significatives dans les niveaux d’expression de nombreuses protéines, en particulier celles impliquées dans des systèmes cellulaires vitaux pour la physiologie neuronale, telle que la réponse au stress oxydatif, les réactions immunitaires, l’homéostasie du calcium cellulaire, la voie de signalisation de l’insuline et la régulation du cycle cellulaire (de la Monte, 2012; Herrup, 2010; Verri et al., 2012; Walton, 2012).

Toutefois, ces études présentent certaines limites car la dégradation des protéines et des ARN messagers se produit rapidement, ce qui affecte les résultats qui peuvent varier en fonction du temps écoulé entre les différentes étapes de recueil tissulaire et d’analyse (Wojda et Kuznicki, 2013). De plus, les cellules sont mortes et fixées. Il est donc impossible d’étudier le fonctionnement et la dynamique des neurones atteints. Par ailleurs, en plus d'être très compliquées à obtenir, elles ne sont le reflet que du stade final de la maladie. Il apparait désormais crucial d’obtenir de plus amples données sur les évènements précoces et les origines de la maladie pour en comprendre la pathogénie et découvrir des traitements curatifs.

2. Lymphocytes et plaquettes

Une accumulation croissante d’études suggère que les processus pathologiques retrouvés dans la maladie ne sont pas restreints aux neurones mais sont également observées dans les cellules périphériques (Casoli et al., 2008, p. 200; Jaworska et al., 2013; Kassner et al., 2008). La pathologie pourrait alors être considérée comme une maladie systémique. De plus, certaines cellules expriment également les gènes APP et PSEN. Les cellules périphériques ont donc été envisagées en tant que modèles pour

étudier les mécanismes moléculaires de la pathologie associés à ces signalisations. Celles-ci présentent également un modèle potentiel pour les études de criblage moléculaire. La majorité des travaux s’est notamment concentrée sur des cellules faciles à prélever telles que les cellules sanguines (lymphocytes et plaquettes).

· Plaquettes

Les plaquettes expriment l’APP et sembleraient contribuer à la majorité de l’APP et des Aβ circulants (Li et al., 1994). Toutes les enzymes impliquées dans le clivage de la protéine y sont également présentes ainsi que leurs métabolites (Evin et al., 2003). La production des Aβ peut avoir lieu à la fois à la membrane plaquettaire et dans les compartiments intra-plaquettaires, sa sécrétion survient lors d’une activation plaquettaire (Li et al., 1998). La sécrétion d’Aβ par les plaquettes semble notamment être responsable d’une activation plaquettaire, provoquant l’agrégation plaquettaire au niveau des vaisseaux sanguins, pouvant entraîner une angiopathie dans la maladie d’Alzheimer (Shen et al., 2008; Thomas et al., 1996). Une étude suggère par ailleurs la contribution de l’Aβ plaquettaire dans l’accumulation amyloïde observée dans les cerveaux, par son passage à travers la BHE (Deane et Zlokovic, 2007; Roher et al., 2009). Les études réalisées sur les plaquettes de patients Alzheimer ont rapporté des altérations du clivage de l’APP, de la fluidité membranaire, des niveaux de cholestérol, de la recapture de la sérotonine, des modifications des niveaux de calcium intra-plaquettaire, la production d’oxyde nitrique ainsi qu’une altération de l’activité de nombreuses enzymes. Des changements dans le ratio des isoformes de l’APP ont également été montrés et corrélés avec les déclins cognitifs observés chez les patients (Baskin et al., 2000; Liu et al., 2007). Cependant, il faut toutefois noter que les isoformes prédominantes dans les plaquettes sont les isoformes APP751 et APP770, tandis que celle majoritairement exprimée dans les neurones est l’isoforme APP695 (Tanzi et al., 1988). Il semble donc judicieux de considérer ces résultats avec précautions pour l’interprétation du rôle de l’APP dans les neurones humains.

· Lymphocytes

L’APP et ses enzymes de clivage sont également exprimées dans ces cellules (Bojarski et al., 2007). Les études réalisées sur les lymphocytes de patients Alzheimer ont rapporté des altérations des fonctions mitochondriales, de la régulation du cycle cellulaire, de l’homéostasie du calcium intracellulaire lié au stress du réticulum endoplasmique, ainsi

qu’une augmentation du stress oxydatif et de l’apoptose (Leuner et al., 2012). Par ailleurs, les cellules immunitaires périphériques pourraient également jouer un rôle dans les évènements pathologiques survenant dans le cerveau (Pellicanò et al., 2010; Rezai-Zadeh et al., 2009, p., 2011, p.). En effet, la BHE est altérée dans la maladie d’Alzheimer, et les lymphocytes T sont capables de franchir la BHE et d’infiltrer le cerveau (Bowman et al., 2007; Liu et al., 2010). Ces cellules périphériques peuvent donc constituer de bons modèles pour l’exploration des altérations périphériques liées à la maladie d’Alzheimer. Cependant, il convient de rester prudent quant à extrapoler la réponse des cellules périphériques aux neurones affectés. De même, l’évaluation de potentiels traitements doit être confirmée dans des contextes neuronaux humains.

C. Modèles animaux

Figure 46 : Tableau récapitulatif des différents modèles animaux utilisés pour la modélisation de la maladie d’Alzheimer, stratégies d’obtention de ces modèles, avantages et inconvénients. (d'après Wojda et Kuznicki, 2013)

1. Organismes inférieurs

La majorité des gènes impliqués dans la maladie d’Alzheimer, ou du moins dans les formes familiales, fait partie de systèmes conservés au cours de l’évolution des espèces. Aussi, ces gènes d’intérêts, appelés alors orthologues, sont retrouvés dans des

organismes simples tels que les invertébrés (Saraceno et al., 2013) (Figure 47). Si les vertébrés sont de meilleurs modèles pour se rapprocher de la physiologie humaine (le zebrafish notamment), les eucaryotes inférieurs fournissent toutefois des informations utiles concernant la fonction des gènes impliqués dans la maladie. Ainsi, la modélisation de la maladie d’Alzheimer dans ces systèmes peut être réalisée de deux façons : par une manipulation génétique des gènes orthologues d’intérêts et/ou par l’expression des protéines humaines d’intérêt dans le modèle animal.

Figure 47 : Conservation et dénomination des orthologues des gènes d'intérêt pour la maladie d'Alzheimer dans les modèles d’organismes inférieurs (Saraceno et al., 2013).