• Aucun résultat trouvé

b) Neurotoxicité et dégénérescence neurofibrillaire

F. Autres caractéristiques physiopathologiques

Figure 40 : Les phases biochimiques, cellulaires et cliniques de la maladie d’Alzheimer (De Strooper et Karran, 2016).

La physiopathologie de la maladie d’Alzheimer pourrait être décrite en trois phases (De Strooper et Karran, 2016) (Figure 40).

Une première phase, la ‘Phase Biochimique’ serait caractérisée par l’apparition des pathologies amyloïde et Tau dans les cellules, l’accumulation anormale et l’agrégation des protéines Aβ et tau impliquées. Une seconde phase, la ‘Phase Cellulaire’ suivrait alors. Cette phase, complexe, comporterait de nombreuses réactions cellulaires. Tout d’abord, des réactions physiologiques, réversibles, en réponse au stress cellulaire induit par la toxicité de la première phase. Puis, des réactions immunitaires et inflammatoires, irréversibles, résultant en une altération de l’homéostasie cérébrale. Ces événements surviendraient tout particulièrement dans les environnements des zones neurovasculaires et des unités glioneuronales, mettant en jeu également les populations

gliales. Cette phase évoluerait progressivement sur plus d’une 20aine d’années pour

1. Perturbation du système cholinergique

Figure 41 : Schéma représentatif d’une coupe de cerveau permettant de visualiser les projections neuronales du système cholinergique. Deux systèmes sont représentés ici mettant en évidence une constellation du pont tegmental dorsolatéral et une constellation du prosencéphale basal, incluant le noyau basal de Meynert envoyant des projections à la fois au

niveau du lobe temporal (amygdale, hippocampe) mais aussi à l’ensemble du cortex (Scarr et al., 2013).

Il existe, de plus, dans la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer, une perturbation du sytème cholinergique importante, appelée ‘l’hypothèse cholinergique’.

L’innervation cholinergique du cerveau, dont le neurotransmetteur est l’acétylcholine, est impliquée dans de nombreuses fonctions, notamment dans l’apprentissage, la modulation de l’activité limbique et le maintien de la vigilance. Le déficit cholinergique retrouvé dans la maladie pourrait donc expliquer les troubles de l’apprentissage et du comportement tels que l’humeur, l’anxiété et l’anhédonie. Les neurones cholinergiques se situent principalement dans le septum et envoient des projections notamment au niveau de l’hippocampe et diffusent vers le cortex (Figure 41). Les récepteurs cholinergiques sont particulièrement nombreux au niveau du cortex cérébral. Une perte neuronale importante, spécifique à ce sous-type neuronal cholinergique, est remarquée dans les cerveaux des personnes atteintes. Cette altération est d’autant plus significative

qu’elle corrèle de façon proportionnelle avec le déficit des marqueurs cholinergiques, la densité des neurofibrilles dans le cerveau et la sévérité de la pathologie.

Le déficit cholinergique dans la pathologie s’explique par des altérations au niveau de la recapture de la choline, de la libération de l’acétylcholine, des déficits d’expression des récepteurs muscariniques et nicotiniques, ainsi que des déficits dans le transport axonal (Mesulam, 2004; Shen et Wu, 2015) (Figure 42). Il est observé notamment de très faibles taux de la choline acétyltransférase, enzyme de synthèse de l’acétylcholine, dans les régions de l’hippocampe et du cortex. Ainsi, un manque de cette enzyme entraîne une diminution du taux d’acétylcholine, essentielle aux fonctions citées précédemment. Une sous-régulation de l’acétylcholine estérase est également montrée, limitant la reconversion dans l’espace synaptique de l’acétylcholine en choline, pouvant être recaptée par le neurone présynaptique.

Il a, de plus, été montré une implication importante des récepteurs muscariniques, en particulier. En effet, des antagonistes de ces récepteurs induisent des troubles cognitifs, favorisent la production d’Aβ et diminuent l’activité de l’α-sécrétase (Liskowsky et Schliebs, 2006). Des agonistes, au contraire, ont montré une amélioration des processus d’apprentissage et de mémoire. Enfin, l’Aβ interagit avec les récepteurs cholinergiques, pouvant affecter leur fonction (Ni et al., 2013).

Des essais thérapeutiques se sont donc concentrés sur l’implication de ces récepteurs (Caccamo et al., 2006; Fisher et al., 2014).

Figure 42 : Schématisation d’une synapse cholinergique. Cascade d’évenements de la transmission de l’acétycholine du neurone pré-synaptique au neurone post-synaptique. Crédit : The Lundbeck Institute, CNS Forum (2002-2011).

2. Atteinte du système glutamatergique

Une deuxième atteinte d’un système de neurotransmetteurs fondamental impliqué dans la maladie d’Alzheimer concerne le système glutamatergique. Les cellules concernées sont les neurones corticaux pyramidaux à projections cortico-corticales ou sous-corticales. Le glutamate est un acide aminé excitateur et un neurotransmetteur très abondant dans le système nerveux central. Son action est diverse et fonction des récepteurs activés : les récepteurs NMDA possèdent un rôle dans la mémoire et la plasticité synaptique de par leur implication dans la LTP, les récepteurs AMPA influencent la libération d’acétylcholine, et d’autres récepteurs métabotropiques peuvent intervenir dans des fonctions plus complexes. Le glutamate est originellement maintenu à un faible taux dans la fente synaptique, cependant un excès du glutamate dans la maladie d’Alzheimer entraîne une hyperstimulation continue des récepteurs NMDA soit une dysrégulation de ceux-ci, une LTD, affectant alors la mémoire et

l’apprentissage. Le peptide Aβ augmente également l'afflux de Ca2+ dans les neurones. La

surcharge de calcium, notamment dans les mitochondries, active la synthèse de l’oxyde nitrique (monoxyde d’azote, NO), et ainsi la production de radicaux libres (ROS), et fatalement l’induction de l’apoptose et la mort neuronale (Sanabria-Castro et al., 2017).

3. Hypothèse mitochondriale

De plus en plus d’études s’intéressent à la composante mitochondriale dans la maladie d’Alzheimer. En effet, il a été montré une altération de la régulation et de la fonction des mitochondries, corrélée avec le vieillissement. Une telle altération semble également survenir dans la maladie d’Alzheimer et jouer un rôle important dans la neurodégénérescence. Malgré une mise en évidence de certaines altérations dans des cerveaux de patients dès les années 1980 (déficiences d’enzymes du cycle de Krebs (Gibson et al., 1988; Sorbi et al., 1983)) et la démonstration d’une diminution de l’activité de la Cytochrome-c Oxydase (COX) des mitochondries en 1990 (Parker et al., 1990), ce n’est qu’en 2004 que Shaharyar Khan et Russel Swerdlow proposent pour la première fois l’hypothèse de la cascade mitochondriale pour expliquer les formes sporadiques de la maladie d’Alzheimer (Swerdlow et Khan, 2004). Cette hypothèse met en évidence la survenue de ces altérations mitochondriales de façon précoce chez les

patients, avant l’apparition des troubles cognitifs, et suppose que celles-ci seraient une cause primaire dans la physiopathologie des formes sporadiques, précédant même l’agrégation des peptides Aβ, la dégénérescence synaptique, ainsi que la formation des neurofibrilles.

De façon intéressante, une amplification de la fonction mitochondriale dans les néo-neurones restore la plasticité cérébrale chez des souris transgéniques Alzheimer et améliore leurs capacités mnésiques (Richetin et al., 2017). De nombreuses altérations dans la fonction mitochondriale sont retrouvées au travers de différents modèles dans la pathologie Alzheimer et fournissent des arguments solides à cette hypothèse (Cabezas-Opazo et al., 2015; Onyango et al., 2016). Ces altérations sont présentes dans trois aspects majeurs de la fonction mitochondriale : leur morphologie et dynamique, leur fonction bioénergétique et leur transport (Figure 43).