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La totalité des études ne retrouve pas, dans les neurones dérivés des iPSC Alzheimer, certaines marques caractéristiques de la maladie, tels que la neurodégénérescence, les plaques amyloïdes et la présence de neurofibrilles. Or, jamais ces dernières n’ont pu être retrouvés in vitro dans des cultures de neurones en monocouche jusqu’à présent. Une hypothèse serait une impossibilité des cultures monocouches à reproduire un contexte suffisamment riche, concentré et compact pour voir apparaître ces marqueurs pathologiques accumulés. De plus, l'absence de neurodégénérescence, mais également de neurofibrilles, pourrait s'expliquer par le manque de maturité des neurones obtenus en culture avec les protocoles de différenciation actuels. Or, étant donné les décennies que nécessite le développement de la maladie in vivo chez l'Homme, il est impossible d'atteindre un tel niveau de vieillissement en culture. Effectivement, la modélisation de la pathologie Tau in vitro, comme évoqué plus tôt, présente un réel défi de par l'immaturité des neurones générés en culture. Les neurones dérivés des iPSC, bien que présentant des marqueurs de neurones matures connectés et une activité électrique, possèdent cependant un profil d'expression ARN similaire à des neurones fœtaux (Brennand et al., 2015). Cette immaturité se retrouve tout particulièrement dans l'expression des isoformes de Tau dans les neurones. Plus précisément, le cerveau

adulte présente des expressions équivalentes des isoformes 3R et 4R, toutefois, dans de nombreuses tauopathies, l'isoforme 4R est majoritaire et est donc supposée jouer un rôle dans la neurotoxicité. Or, les neurones en développement ne semble exprimer que l'isoforme 3R (Sullivan et Young-Pearse, 2017).

Une étude récente met ainsi en évidence la pertinence d’un système de culture en trois dimensions pour modéliser la maladie d’Alzheimer, permettant une maturation appropriée des neurones et de voir apparaître des plaques amyloïdes et des neurofibrilles au cours de la différenciation neuronale de cellules mutées pour les gènes

APP et PSEN1 (Choi et al., 2014).

D. La culture en trois dimensions (3D) de neurones

Alzheimer : opportunités pour la recherche

1. Intérêt d'une structure en trois dimensions

De plus en plus de protocoles de différenciations ciblées permettant d’obtenir différents sous-types neuronaux ont fait leur apparition depuis plusieurs années dans la littérature. Cela permet en effet d’étudier un type cellulaire spécifique des neurones touchés dans une pathologie donnée (exemple : neurones dopaminergiques dans le cas de la maladie de Parkinson ; neurones cholinergiques dans la maladie d'Alzheimer). Par ailleurs, la nécessité d'obtenir une population cellulaire pure ainsi que de développer des systèmes simplifiés (techniques sur cellules isolées), afin d'éviter des difficultés d'interprétation dues à l’utilisation de cultures hétérogènes, devient évidente. Enfin, la production de modèles reproductibles et d'utilisations pratiques pour le criblage de molécules, sont de plus en plus demandés par les entreprises pharmaceutiques. Paradoxalement, parallèlement à cela, les recherches s'intensifient pour augmenter la complexité des modèles in vitro actuels, afin de se rapprocher le plus possible d’une situation rendant compte de la complexité cellulaire d’un contexte tissulaire et d'un environnement cérébral.

Bien que les analyses réalisées sur cellules isolées soient d'un intérêt certain pour la biologie de la cellule, ce sont toutefois les interactions cellulaires qui sont en effet déterminantes pour obtenir un véritable modèle de réseau neuronal complexe.

Par ailleurs, il est de plus en plus évident que les neurones ne sont pas les seuls responsables dans les pathologies neurodégénératives et que les autres types cellulaires, les cellules gliales, jouent un rôle important dans le développement et la progression de ces maladies. De plus, même si une culture 'purement' neuronale permet d’obtenir des neurones formant un réseau connecté avec des synapses actives, il semblerait que ceux-ci n’atteignent pas une maturité satisfaisante en l'absence de signaux venant des cellules gliales. En revanche, l’ajout de milieu conditionné par des cellules gliales permet de les rendre plus matures (Pfrieger, 2009; Ullian et al., 2004). De même, une étude récente montre que l'ajout de cellules astrocytaires lors du processus de différenciation des iPSC en cellules neuronales favorise l'obtention de neurones matures en culture (Odawara et al., 2014; Pfrieger et Barres, 1997; B. Zhang et al., 2013; Y. Zhang et al., 2013).

Par ailleurs, certains phénotypes n’apparaissent pas que dans un contexte associé aux tissus et ne peuvent être modélisés dans des cultures en monocouches ; de nombreuses informations sont alors perdues. Notamment, l'absence de support nécessaire à la croissance verticale des neurones dans les cultures en monocouches peut représenter une limite. En effet, plutôt que la morphologie 'en étoile' caractéristique des neurones dans un contexte tissulaire, les neurones cultivés en monocouche établissent une polarité apico-basale, qui n'est pas physiologique (Baker et Chen, 2012). De plus, ce type de culture ne permet pas de modéliser des espaces inter-cellules pertinents, ce qui diminue ainsi la connectivité neuronale et augmente les distances synaptiques (Cullen et al., 2011). En particulier, l'absence de compartiment interstitiel peut résulter en la diffusion, et à terme la perte, de certains métabolites d'intérêt pour les études des pathologies, tels que certaines protéines sécrétées supposées s'agréger dans un contexte tissulaire. Ces différents points pourraient expliquer l'absence d'agrégation Aβ dans les cultures neuronales en monocouches, décrites jusqu'alors. La mise en place d'une culture neuronale 'Alzheimer' en trois dimensions (3D) par l'équipe de Kim en 2014 a confirmé cette hypothèse en montrant le développement de plaques amyloïdes et de neurofibrilles dans les cultures épaisses en 3D de réseaux neuronaux complexes obtenus à partir de progéniteurs neuronaux surexprimant des mutations sur l’APP et PSEN1 (Choi et al., 2014) (Figure 68).

Figure 68 : Comparaison de l'accumulation des peptides Aβ et de leur agrégation en culture, entre une culture 2D en monocouche et une culture en trois dimensions de neurones portant les mutations des formes familiales de la maladie

d'Alzheimer (D’Avanzo et al., 2015).

2. Protocoles de culture 3D

Afin de créer un système de culture en 3D, des études récentes ont utilisé une matrice de 'soutien' pour empaqueter les cellules ES ou iPSC, tel que l'hydrogel ou le Matrigel (Paşca et al., 2015; Schwartz et al., 2015; Smith et al., 2015). L'étude de Choi utilise notamment le Matrigel, procurant une structure semi-solide et un environnement riche en protéines structurales (telles que la laminine ou le collagène) lors de la mise en culture et de la différenciation des neuroprécurseurs (Yichen Shi et al., 2012b). Des quantités importantes de cellules sont mélangées avec du Matrigel afin de former, en fonction du volume et de la concentration appropriée, soit une culture en couche mince (équivalente à 100-300 µm d'épaisseur), soit une culture en couche épaisse (d'environ 4 mm). Ces deux formats permettent ainsi, respectivement, de l'imagerie cellulaire ou des analyses biochimiques après 6 à 12 semaines de différenciation (Figure 69).

Figure 69 : Schématisation des culture 3D en couche mince (A), de 100 à 300 µm, utile pour les révélations immunocytochimiques, et en couche épaisse (B), d'environ 4 mm, utilisée pour les analyses biochimiques (Choi et al.,

3. Caractérisation de la culture 3D de neurones Alzheimer