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Chapitre 1 – Introduction

1.3 Les espèces cyclonickellées de type pincer

1.3.1 Stratégies de synthèse

Les stratégies de synthèse de ces espèces sont semblables à celles utilisées pour former les espèces organométalliques plus communes. Une des méthode conventionnelle consiste en l’addition oxydante d’un lien carbone-halogène dans un métal de basse valence Mn (RhI, IrI, Ni0 etc.) pour obtenir un complexe pincer du métal Mn+2 (Schéma 1.24, A).53,54 Lorsque le composé

hydrure dudit pincer est stable, on peut également opter pour l’addition oxydante d’un lien C-H dans un précurseur métallique de basse valence (Schéma 1.24, B). Bien que cette stratégie ait été plutôt exploitée avec les métaux des blocs 4d et 5d, qui forment des liens métal-hydrure beaucoup plus forts qu’avec les éléments du bloc 3d, des composés pincers de Ni ont pu être préparés par cette méthode.55,56 Une autre méthode consiste en la transmétallation à partir des organolithiens des

ligands pinceurs, générés eux même par déprotonation du lien C-H ou par échange lithium- halogène.

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Schéma 1.24. Stratégies de synthèse des composés pincers par addition oxydante C-X (A) ou C- H (B) avec des métaux lourds et avec le nickel.

Schéma 1.25. Synthèse du pinceur NCN-NiBr par transmétallation avec le lithium.

Enfin, la méthode qui semble la plus attrayante est la métallation directe C-H, car elle ne requiert pas l’utilisation d’un proligand organohalogéné ou l’utilisation d’un précurseur métallique de basse valence qui sont généralement dispendieux et sensibles à l’air, et évite une étape de lithiation comme celle requise pour les procédés par transmétallation. Cette stratégie s’est révélée être efficace pour la synthèse des complexes pincers de nickel : à l’instar de l’utilisation de groupes directeurs, la nickellation est facilitée par la chélation des bras latéraux du proligand pinceur, qui rapprochent le carbone central du métal et favorisent l’interaction de ce dernier avec le lien C-H, en vue de former la liaison carbone-nickel. Une base est généralement nécessaire pour capter tout

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l’équivalent de protons généré lors de la métallation afin de conduire la réaction à complétion. Les exemples les plus communs (autant pour le nickel que d’autres métaux) sont des pincers portant au moins un donneur neutre basé sur le phosphore, tels que ceux étudiés par le groupe de D. Zargarian (Schéma 1.26). On y trouve par exemple des complexes symétriques tels que les composés PCP-Ni ou POCOP-Ni (basés respectivement sur des donneurs phosphines et phosphinites), pour lesquels la liaison carbone-nickel provient soit de la nickellation de liens Csp²-

H ou Csp³-H.57,58 Ces complexes subissent la métallation à température pièce (Tp) et relativement

rapidement, en particulier pour ceux ayant un squelette aromatique On y trouve également des complexes non symétriques portant un donneur azoté tels que les composés POCN-Ni (portant un donneur amine ou imine, publiés également par le groupe D. Zargarian)59,60 ou plus récemment les

PCN-Ni (étudiés par O. Wendt).61 Ces complexes portant un donneur azoté nécessitent cependant

du chauffage et des temps de réaction plus longs afin de compléter la réaction. D’autres variantes portant des donneurs de type carbènes hétérocyclique (NHCCOP), imidazoliophosphines (PIMIOCOP) ou imidazolophosphines (PIMCOP) ont également été reportées par ce groupe en collaboration avec R. Chauvain.62

Schéma 1.26. Exemples de pincers de nickel préparés par nickellation directe C-H.

Le mécanisme de la nickellation des proligands PCP et POCOP menant aux complexes

pincers de nickel portant des liens Csp²-H ou Csp³-H a été étudié aux niveaux expérimental et

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l’extraction des constantes de vitesse, des études de compétition ont permis de démontrer que les proligands aromatiques réagissent plus rapidement que leurs homologues aliphatiques, que les PCP réagissent plus vites que leurs homologues POCOP et que dans chaque catégorie, et que les squelettes portant des substituants électrodonneurs sont plus réactifs que ceux portant des substituants électroattracteurs. L’étude théorique computationnelle DFT (density functional theory ou théorie de la fonctionnelle de la densité) a considéré plusieurs mécanismes plausibles pour la nickellation C-H menant à ces composés. Parmi les chemins envisagés on trouve (a) l’addition oxydante du lien C-H menant à un intermédiaire NiIV suivie de l’élimination réductrice des ligands

hydrudes et bromures; (b) la métahèse concertée des liens C-H et Ni-Br sans changement d’état d’oxydation; (c) la nickellation/déprotonation concertée assistée par la base après dissociation hétérolytique et (d) la nickellation promue par une espèce NiI après dissociation hétérolytique du

lien Ni-Br. Les résultats de cette étude pointent vers le mécanisme (c) (Schéma 1.27) comme étant celui possédant la barrière énergétique la plus faible, et passant par des états de transitions singulets (bien que l’état fondamental ait été trouvé comme un triplet). Dans ce mécanisme, la dissociation hétérolytique d’un ligand bromure permet la coordination du carbone du lien C-H sur le métal, qui devient alors électrophile puisqu’étant le cation d’une paire d’ion, suivi de la déprotonation du C- H par le contre-anion bromure, qui constitue la base cinétique. Ces conclusion ont permis de rationaliser la nécessité d’avoir une combinaison d’un nickel électrodéficient et un carbone électroriche, puisqu’une forte coordination de ce dernier au centre métallique fait baisser l’énergie d’activation en stabilisant la paire d’ions intermédiaire.

Schéma 1.27. Nickellation électrophile par CMD dans la synthèse des composés PCP-NiBr.

Ce mécanisme permet également d’expliquer la plus grande difficulté à faire réagir les proligands portant des donneurs azotés qui sont de plus forts donneurs que les phosphines/phosphinites : un chauffage modéré est nécessaire dans le cas des POCN et PCN, alors

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que les proligands NCN requièrent un chauffage intense et prolongé dans les meilleurs cas,64 ou ne

génèrent pas de complexe pinceur dans les pires cas.

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