• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 – Introduction

1.3 Les espèces cyclonickellées de type pincer

1.3.2 Réactivité des complexes pinceurs

Étant donné leur relative stabilité et facilité d’isolation, les composés pincers du nickel portant un carbone comme donneur central constituent des complexes modèles pour l’étude de la réactivité des espèces cyclonickellées possédant une liaison carbone-nickel. Par exemple, on peut étudier l’étendue de possibilités des ligands ayant la capacité de se lier en position trans du lien C- Ni. Ainsi, bien que ces espèces soient généralement isolées sous forme d’halogénures (i.e. ECE- NiX où X = halogène), de nombreux dérivés ont pu être préparés par échange de ligands, tels que les complexes homologues hydrures, aryles, alkyles, siloxydes, amidures ou encore des cations. Ces dérivés ont été souvent isolés afin de démontrer qu’ils étaient des intermédiaires potentiels dans les réactions catalytiques impliquant les pinceurs.

Les pincers de nickel ont en effet trouvé plusieurs applications en catalyse, à commencer par celles qui ne semblent pas impliquer d’autres états d’oxydation du métal. Les hydrures des complexes POCOP, étudiés par H. Guan, ont montré une efficacité catalytique pour l’hydrosilylation des aldéhydes et des cétones,65 la réduction du CO

2 par des boranes,66

l’hydrogénation des phenylacétylènes67 alors que le pincer homologue Ni-CH

2CN pouvait

promouvoir la cyanométhylation des aldéhydes menant à des α-cyanoalcools (Schéma 1.28).68

24

De son côté, le groupe D. Zargarian a démontré l’efficacité des homologues cationiques des complexes POCOP et PCP à promouvoir l’hydroamination des alcènes activés dérivés de l’acrylonitrile,69 alors que les cations des pincers POCOP et POCN ont également démontré un

activité dans l’hydroalkoxylation de ces mêmes acrylonitriles (Schéma 1.29).70,71 Ces dernières

études montrent que le resting state (l’intermédiaire de plus basse énergie du cycle catalytique) est un complexe cationique où le ligand auxiliaire est l’acrylonitrile, lié au métal par l’azote.72

Schéma 1.29. Exemples de réactions catalysées par les complexes pinceurs de nickel de D. Zargarian.

L’étude des complexes pinceurs de nickel s’est également étendue à des processus catalytiques impliquants différents états d’oxydation du centre métallique. En effet, des études électrochimiques par voltampérométrie cyclique (cyclic voltammetry = CV) ont permis de mettre en évidence la capacité de ces espèces à s’oxyder en NiIII. Les complexes de type NCN préparé par

G. C. van Koten possèdent les potentiels d’oxydation de loin les plus bas, les complexes POCN et PCP des potentiels d’oxydation intermédiaires alors que ceux de type POCOP se sont révélés les plus difficiles à oxyder. Dans ces deux dernière catégories, les espèces portant des donneurs centraux Csp³ ont montré un accès plus aisé aux complexes de NiIII que ceux portant des donneurs

Csp². Ainsi, bien que seuls les composés PCsp²P et POCsp²OP n’ont pas permis l’isolation de leurs

homologues trivalents, tous les complexes divalents ont montré une activité catalytique dans des processus impliquant des états d’oxydation élevés, en particulier pour les couplages croisés

25

impliquant des halogénures. Un des exemples types est l’addition de Kharasch, qui met en jeu le couplage d’un poly-haolégnoalcane avec un alcène pour donner le produit d’haloalkylation anti- Markovnikov, et dont la première étape consiste en une dissociation hétérolytique d’un lien carbone-halogène assistée par le métal (Schéma 1.30). Les centres métalliques permettant cette réaction doivent donc être capables de capter un radical halogène pour former un espèce oxydée. Cette réaction avec les pinceurs de nickel a été d’abord démontrée par G. C. van Koten en 1988 en utilisant le complexe NCN-NiII qui peut facilement générer son homologue de NiIII.73,74 Dans les

années 2000 et 2010, D. Zargarian a donc également prouvé que les complexes de nickel trivalents basés sur les ligands phosphinites (POCOP-Ni et POCN-Ni) se montraient efficaces pour catalyser l’addition de Kharasch, et plus récemment O. Wendt a montré l’efficacité du complexe PCN-Ni dans cette même réaction.

Schéma 1.30. Mécanisme proposé pour l’addition de Kharasch catalysée par le pincer POCN- NiBr.

D’autre réactions impliquant des intermédiaires NiIII ont pu également être catalysées par

les complexes pincers. En 2008, D. Zargarian publiait une étude des complexes PCP-Ni et montrait que le complexe Ni-Br pouvait être converti en son homologue Ni-Me, et que ce dernier réagissait avec le chlorobenzène pour donner du toluène et le complexe Ni-Cl. Ainsi, l’article démontre la capacité de ce pincer à catalyser le couplage de Kumada-Corriu entre un réactif de Grignard et des halogénures d’aryles (Schéma 1.31). La même année, K. Mitsudo et H. Tanaka démontraient également l’efficacité des pinceurs de nickel, cette fois ci de type NCN portant des oxazolines comme donneurs latéraux, dans la réaction de Heck qui couple un carbonyle α,β-insaturé avec un halogénure d’aryle pour donner le produit de β-alkylation. Deux ans plus tard, H. Guan démontrait que les complexes POCOP-Ni permettaient le couplage catalytique des halogénures d’aryles avec les thiolates pour donner les thioéthers correspondants. Dans tous ces cas, on présume que le lien

26

carbone-halogène se brise da manière homolytique et implique donc des intermédiaires de NiIII

ainsi que des intermédiaires de NiI.

Schéma 1.31. Mécanisme NiII/NiIII proposé pour le couplage de Kumada-Corriu catalysé par le

pincer PCP-NiBr.

Si elles démontrent les propriétés des espèces cyclonickellées, dans les réactions présentées ci-dessus, la réactivité est centrée sur le métal et le ligand auxiliaire du complexe pincer. Cependant, des études ont montré que le ligand lui-même, en particulier le lien C-Ni central des pinceurs peut aussi être réactif afin de donner des produits de fonctionnalisation. Ces réactions sont généralement promues par des complexes haut-valents de nickel tels que les complexe de NiIII et

NiIV pour lesquels l’instabilité de l’état oxydé permet la réactivité des liens carbone-nickel.

Par exemple, D. Zargarian publiait en 2015 un rapport sur un nouveau pinceur de type NCN-Ni, avec des pyrazoles comme donneurs latéraux, pour lequel l’oxydation par H2O2 donne

un couplage avec le carbone central menant à la formation d’un fragment C-OH, et pour lequel la réaction avec un excès d’amines R2NH ou d’alcools ROH donne un couplage similaire menant à

la formation de liens C-NR2 ou C-OR sur le ligand, lorsque la réaction est conduite en présence

d’oxygène. Les auteurs proposent donc que l’espèce réactive est une espèce pincer de NiIII et que

le couplage se fait via élimination réductrice C-O ou C-N comme dans les couplages de type Buchwald-Hartwig. Le pinceur NCN basé sur des pyrazoles n’ayant pas permis d’isoler l’espèce oxydée, et ayant un potentiel d’oxydation moins bon que la plateforme de G. C. van Koten, les auteurs se sont tournés vers l’étude de ce dernier dans les même types de couplages. Ils ont démontré que ce complexe permet le même type de couplages C-O et C-N, ainsi que les couplages plus difficile carbone-halogéne, à partir des complexes isolés de NiIII ou de leurs homologues de

NiII en présence d’oxygène (Schéma 1.32). Ils ont également démontré en combinant une étude

27

réaction plus rapide car l’élimination réductrice est plus aisée lorsque le centre métallique est électrodéficient.

Schéma 1.32. Couplages carbone-hétéroatome entre le ligand et des composés protiques promus par l’oxydation du nickel dans les pinceurs NCN-Ni.

Les transformations mettant en jeu le lien C-Ni des ligands pincers comme réactif permettent donc de d’étudier la réactivité des espèces cyclométallées portant des liens C-Ni. Cependant, les produits de fonctionnalisation qui en résultent sont généralement de peu d’intérêt synthétique, dû à la nature des ligands utilisés. De plus, la stabilisation offerte par la multi-denticité, si elle est commode pour les études systématiques et mécanistiques, peut influer significativement sur la réactivité sur centre métallique et sur ligand. Ainsi, il est également important de comprendre la réactivité des liens C-Ni dans les espèces simplement cyclonickellées, même si leur isolation peut parfois s’avérer plus ardue.

Documents relatifs