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Deux stratégies nous ont paru particulièrement intéressantes quant aux implicites épistémologiques très contrastés qui les soustendent.

Approche dogmatique, dans les collèges français

L'analyse d'ouvrages scolaires montre que les modèles particulaires sont introduits sans que les référents et les fonctions de ces modèles par rapport à ces référents n'apparaissent clairement.

Ainsi, par exemple, dans les manuels scolaires de la classe de quatrième, la notion d'atome est-elle présentée à propos de quelques propriétés des métaux (incompressibilité, conduction, réactions d'oxydo-réduction) ; le niveau de description de ces phénomènes reste très peu élaboré (le courant passe/ne passe pas ; du cuivre disparaît/réapparaît). Le lexique de base des modèles introduits est riche : atome, noyau, électron, ion, parfois molécule, proton, neutron ; plusieurs modèles de l'atome sont présentés simultanément : bille, modèle planétaire, modèle de Rutherford, de Sommerfeld, modèle probabiliste (parfois superposés sur une même image !). L'accent est mis sur les aspects figuratifs des modèles au détriment des aspects théoriques sous-jacents. La complexité de ces théories est, il est vrai, telle qu'il serait bien difficile de les faire fonctionner à ce niveau d'enseignement ; de fait, aucune activité d'utilisation d'un modèle n'est proposée aux élèves. Cette approche, qui occulte les aspects syntaxiques des modèles présentés (leurs règles de fonctionnement propres) et les aspects sémantiques (règles de correspondance) qui leur confèrent une signification, nous semble contradictoire avec une initiation aux démarches de modélisation ; elle nous rapproche davantage de l'idéologie et du dogmatisme (MOULOUD, 1985).

Il semble que cette présentation très lexicale et non fonctionnelle des modèles particulaires ne soit spécifique ni de l'enseignement français ni du niveau d'enseignement que nous avons considéré ici ; en effet, un constat analogue a pu être fait à l'issue de l'analyse d'ouvrages pour l'enseignement secondaire et universitaire en Espagne (SOLBES, 1987).

Approches inductives

D'après les travaux piagétiens sur l'atomisme enfantin (PIAGET &

INHELDER, 1968), l'émergence de schèmes atomistiques peut être

considérée comme un aspect de l'évolution des structures logiques de l'enfant. Cette étape est située comme ultérieure à la construction de la conservation des grandeurs physiques masse et volume.

Ces résultats ont servi de base, dans les années 1970, à l'élaboration de curricula dans différents pays. Les stratégies pédagogiques développées, fidèles en cela à une perspective piagétienne, reposent sur une vision de la construction du savoir comme activité individuelle du sujet, en interaction avec le monde

matériel ; elles laissent dans l'ombre le rôle des interactions sociales dans l'élaboration et la validation des connaissances scientifiques. Des activités « expérimentales » (manipulations, observations) servent de point de départ à une élaboration, par les élèves, de modèles particulaires.

L'évaluation de ces démarches pédagogiques très inductives a montré d'une part que « l'activité expérimentale de l'élève ne le conduit guère à élaborer des modèles particulaires de la matière » (MITCHELL & NOVICK, 1982), d'autre part qu'une proportion

significative d'élèves transfèrent aux particules les propriétés observables (NOVICK & NUSSBAUM, 1978 ; BR O O K, BRIGGS &

D R I V E R, 1984). Les résultats de ces évaluations, et

d'expérimentations didactiques (PFUNDT, 1981 ; MÉHEUT, 1982 ;

BARBOUX, CHOMAT, LARCHER & MÉHEUT, 1987) nous ont conduits à

revenir sur les conclusions des études réalisées par Piaget et ses collaborateurs. Il nous est alors apparu que si les enfants proposent des interprétations de différents changements d'état en termes de fractionnement de la matière en petites parties (grains, gouttelettes, particules), ils n'attribuent aucun caractère d'invariance à ces petites parties. Les propriétés qu'ils affectent à ces « particules » sont sujettes aux mêmes variations que celles des objets qu'ils peuvent observer. Il y a là une différence fondamen- tale entre les descriptions proposées par les élèves et une description atomiste de la matière.

Discussion

Ces deux approches apparaissent comme des caricatures de démarches scientifiques.

L'une privilégie les aspects lexicaux des modèles, elle ignore leurs aspects syntaxiques (règles de fonctionnement propre), et sémantiques (règles de correspondance assurant leur signification par rapport aux données empiriques). Elle ne propose aux élèves aucune activité de construction ou de validation de ces modèles.

L'autre prend mieux en compte les aspects pragmatiques et sémantiques des modèles mais surestime nettement le rôle de l'induction et sous estime l'importance des cadres théoriques a priori, des postulats, dans l'élaboration des modèles.

Propositions

La notion de modèle souligne les aspects instrumentaux du savoir scientifique ; les modèles apparaissent comme des complexes « théorético-figuratifs » permettant la confrontation des théories aux données empiriques. Cette approche de la connaissance scientifique fait clairement apparaître le caractère a priori, non nécessaire, de certaines propriétés des modèles par rapport aux phénomènes interprétés. Elle permet d'aborder les questions sur la vérité et l'objectivité du savoir scientifique en des termes moins absolus de validité, fécondité, simplicité, réfutabilité… (DELATTRE, 1979 ; THOM, 1979 ; WALLISER, 1977).

Cette approche de la connaissance scientifique nous a servi de cadre de référence pour développer des apprentissages scientifiques dans une perspective de construction et de validation progressives de modèles. Nous présentons ci-après deux expérimentations que nous avons réalisées dans cette perspective. Elles diffèrent par le mode de figuration utilisé, papier-crayon dans la première expérimentation, simulation informatique dans la seconde. Dans la première expérimentation, le modèle permet d'interpréter la conservation de la substance dans différentes transformations physiques : compression, dilatation, changements d'état, mélanges. Dans la deuxième expérimentation, les questions abordées sont celles des relations entre pression, volume et température d'un gaz. Dans ces deux expérimentations, nous avons cherché à placer les élèves en situation de développer des démarches de modélisation et d'affronter les difficultés conceptuelles mises en évidence par les évaluations citées ci-avant. Ceci nous a conduit en particulier à privilégier des aspects pré- quantitatifs de ces modèles. Les activités que nous avons proposées aux élèves concernent en particulier la séparation entre propriétés macroscopiques et propriétés des éléments structuraux, la cohérence propre du niveau structural, et les correspondances entre ces deux niveaux de description.

Première expérimentation :