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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Séminaire de didactique des disciplines technologiques Cachan 1990-1991

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LIREST

INRP

CFPET

Séminaire de didactique

des disciplines technologiques

Cachan

1990-1991

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Liste des participants au séminaire

Arsène Cécile, professeur d'expression et communication, CFPET, Cachan.

Berho Michel, professeur de mécanique, CFPET, Cachan.

Besson Marie-Anne, professeur de physique et chimie, Lycée M. Sorre, Cachan.

Bocquet Jean-Claude* professeur à l'École centrale, Paris.

Bortolussi Claude, professeur de construction mécanique, ENS Cachan.

Brizemur Philippe, professeur de physique et chimie, E.N. des Batignolles, Paris.

Cadiou Marcel, professeur d'électronique, CFPET, Cachan. Davy Pierre, directeur du CFPET, Cachan.

Delville Gérard, professeur de mécanique, CFPET, Cachan. Dubreuil Françoise, professeur de technologie, E.N., Livry-Gargan. Durey Alain, maître-assistant en physique, Université Paris XI,

Orsay.

Fournier Jean-Yves, professeur de psycho-pédagogie, CFPET, Cachan. Gahlouz Mustapha, maître-assistant en génie civil, ENSET Oran. Ginestié Jacques, professeur de génie électrique, CFPT, Marseille. Jacomy Bruno*, ingénieur, adjoint au directeur du Musée national

des techniques, Paris.

Lebeaume Joël, professeur de technologie, MAFPEN, Orléans Levrat René, professeur de technologie, CIEP, Sèvres. Levy Jean-François, chargé de recherche, INRP, Paris.

Malglaive Gérard*, directeur du Centre de formation des formateurs du CNAM, Paris.

Martinand Jean-Louis, professeur de sciences de l'éducation, Université Paris XI, Orsay.

Méheut Martine, maître de conférences en didactique, ENS-CFPET, Cachan.

Noël Jacques* designer, RSCG, Sophia Antipolis. Pelpel Patrice, formateur, CFPET, Cachan.

Rohou Camille, professeur de génie civil, Lycée A. Chérioux, Vitry/Seine.

Salemi René, professeur de physique, ENNA, Saint Denis. Tchenar Hafid, inspecteur général STI, Algérie.

Vérillon Pierre, chargé de recherche, INRP Paris.

Vignes Michel, professeur de physique et chimie, E.N., Livry-Gargan.

Winther Jean, professeur de physique et chimie, Lycée Raspail, Paris.

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Sommaire

Avant propos ... 5 Par M. MÉHEUT

INTRODUCTION

Vers une didactique des disciplines technologiques, ... 9 par J.-L. MARTINAND.

I - PRATIQUES TECHNOLOGIQUES

Contribution à la conception intégrée de pièces et de systèmes,...13 par J.-C. BOCQUET & É. DUPINET

Apports pédagogiques de la pratique du projet technique,...19 par J. NOEL

II – ORGANISER L’APPROPRIATION

Musée et histoire des techniques, ...31 par B. JACOMY

Enseigner à des adultes,...39 par G. MALGLAIVE

Pratiques de référence, transposition didactique et savoir ...49 professionnels en sciences et techniques,

par J.-L. MARTINAND

Apprendre en stage,...57 par P. PELPEL

III – ANALYSES ET ESSAIS DIDACTIQUES

Mesure et contrôle de l'ouvrabilité du béton frais, langages ...75 et concepts,

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Apprentissage du GRAFCET : situations didactiques et ... 91 représentations fonctionnelles,

par J. GINESTIE

Cent ans de travail manuel pour les garçons du cours moyen, ... 103 par J. LEBEAUME

Apprentissage et enseignement du traitement de texte ... 119 en formation initiale,

par J.-F. LEVY

Apprentissage de la modélisation au collège,... 133 par M. MEHEUT, C. LARCHER & A. CHOMAT

Objets matériels fabriqués et développement cognitif,... 145 par P. VERILLON

Automatismes et informatique à l'école élémentaire, ... 161 par M. VIGNES

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Avant-propos

Martine Méheut

Le Séminaire de Didactique des Disciplines Technologiques constitue depuis octobre 1990 un des pôles de l'Action Recherche en Éducation (thème : Didactique des Disciplines Technologiques) financée par la Direction de la Recherche et des Etudes Doctorales. Il réunit en particulier des enseignants du CFPET, des chercheurs du LIREST et de l'unité Didactique des Enseignements Techniques de l'INRP, et des étudiants de troisième cycle.

En 1990-1991, le séminaire constitue une approche des objets et des activités techniques, du point de vue de diverses pratiques : conception, utilisation, muséologie et enseignement-apprentissage.

Au delà d'une présentation des méthodes utilisées à différentes étapes des démarches intégrées de conception-production, les interventions de J.-C. Bocquet et de J. Noël proposent une conceptualisation d'un objet technique comme point de convergence de multiples vues ; un point particulièrement développé par J.-C. Bocquet est la reconstruction des objets en CAO par le couplage des représentations développées par les différents métiers. Dans une perspective moins exclusivement rationaliste, l'intervention de J. Noël souligne le rôle du temps et met en lumière la part des savoirs implicites dans les prises de décision. Une question qui apparaît ici centrale est la diversité et l'hétérogénéité des savoirs en jeu dans les pratiques professionnelles. Les relations entre ces différents types de savoir et les conditions de leur élaboration à partir de l'action constituent un des thèmes du débat avec G. Malglaive ; cette question est également abordée par P. Pelpel dans un champ différent, celui de la formation des enseignants.

L'exposé de B. Jacomy montre comment les points de vue associés à différentes pratiques technologiques peuvent trouver leur place dans un musée des techniques, comment ils sont intégrés dans les questionnements spécifiques à la muséologie.

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J.-L. Martinand met l'accent, dans sa présentation de la notion de pratique de référence, sur les relations et les écarts entre pratiques scolaires et pratiques professionnelles. On retrouve cette question dans les propositions développées par M. Vignes pour un enseignement des automatismes et de l'informatique à l'école élémentaire ; l'intervention de J. Lebeaume met par ailleurs en évidence une dégénérescence rapide des enseignements à caractère technique dans l'enseignement général, lorsque la référence à des pratiques technologiques n'est plus assurée.

Les activités techniques renvoient aux pratiques de modélisation dans la pluralité de leurs visées et de leurs langages. Les contributions de M. Gahlouz et M. Méheut constituent un questionnement de la transposition de ces pratiques à l'enseignement scientifique et technique. La recherche présentée par J. Ginestié concerne les obstacles et les stratégies d'apprentissage d'un langage de description des systèmes automatisés, le Grafcet. L'étude de l'apprentissage de l'utilisation de systèmes de traitement de textes conduit P. Lévy à s'interroger sur les concepts minimaux permettant l'élaboration de modèles des systèmes techniques dans une perspective non plus de conception mais d'utilisation efficace ; l'utilisation d'objets matériels fabriqués apparaît dans les recherches présentées par P. Vérillon, comme une médiation dans la construction de concepts relatifs à l'espace.

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Vers une didactique

des disciplines technologiques

Jean-Louis Martinand

Les disciplines technologiques sont un monde en soi pour la recherche didactique. Évoluant rapidement, elles posent des problèmes théoriques et méthodologiques encore peu maîtrisés par les didacticiens ; certains s'inquiètent même de s'engager dans des recherches dont la nature impliquent une durée supérieure à celle que leur laisseraient les changements de l'objet d'étude ! La tâche est donc à la fois claire et malaisée : prendre en compte les spécificités de ces disciplines ; utiliser ce qui peut l'être des didactiques d'autres disciplines, des recherches en éducation, de la sociologie des professions, de la technologie, afin de formuler des problèmes de recherche pertinents et accessibles.

Or les recherches de type universitaire sur la formation technologique ont été surtout orientées selon un point de vue psychopédagogique. Fondées sur l'analyse de formes générales de représentations et de raisonnement, ces recherches se veulent prescriptives. Il s'agit d'étudier des dispositifs pédagogiques susceptibles de « compenser des inégalités de développement entre enfants », ou de donner « aux élèves en difficulté les outils intellectuels qui leur manquent » afin de « traiter les échecs à l'apprentissage ». Beaucoup plus rares sont les travaux, tant en France qu'à l'étranger, qui s'intéressent aux processus de transmission-appropriation d'un nouvel objet de connaissance, donc qui visent à rendre compte des rapports existant entre les processus d'enseignementapprentissage de contenus spécifiques.

En même temps, il existe des travaux de type sociologique, historique, ou critique. Ceux-ci posent fortement le problème de l'intérêt social et des déterminations idéologiques des contenus ; mais ils passent en général à côté des problèmes de la technicité, aussi bien dans les pratiques professionnelles que dans le montage

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pédagogique des activités scolaires. C'est pourtant un des nœuds du problème des disciplines technologiques et de leur didactique.

Sans prise en compte profonde des « figures de la pensée technicienne », des spécificités des « engins » et « produits » caractéristiques des différents domaines d'activité, des spécialisations socio-professionnelles, le risque est grand de ne plus au fond s'occuper de technique.

Et de fait, avec la technologie et son enseignement, la principale difficulté consiste à caractériser le « savoir enseigné ». D'une part, les problèmes techniques étudiés mettent en jeu des savoirs relevant de divers domaines de connaissance constitués en disciplines.

D'autre part, chacun de ces domaines évolue rapidement. Dès lors, à défaut d'une « stabilité » minimale, la construction des faits et des phénomènes didactiques, l'évaluation de leur importance pour l'apprentissage ne peut se réaliser sans poser la question de la référence socio-technique à partir de laquelle on peut tenter de déterminer les savoirs à enseigner. La discussion du choix de la ou des pratiques socio-techniques de référence est décisive, car ce choix détermine les « objets pertinents » (procédés, instruments, produits, concepts, modèles, méthodes) qui constituent les contenus à transmettre et à s'approprier.

Ainsi apparaissent, comme en didactique des sciences expéri-mentales (sciences physiques et biologiques) à l'école élémentaire et au collège, trois principaux registres de questionnement pour la recherche :

- un registre « épistémologique », qui, sans négliger les points de vue sociologique ou philosophique, cherche à repérer les articulations sciences-technologies d'une part, technologique-professionnel d'autre part. On sait combien ces articulations sont à la fois incontournables et conflictuelles.

- un registre « pédagogique », qui est attentif aux pratiques d'appropriation et d'enseignement dans les situations scolaires formelles, mais aussi dans les stages ou les activités de projet. La formation par l'expérience vécue s'oppose par bien des aspects à la discipline scolaire : comment maîtrise-t-on dans ces deux cas le dispositif éducatif ?

- un registre « psychologique », qui s'attache à élucider les processus de représentation, de raisonnements et les stratégies, à formuler précisément tâches intellectuelles et pratiques, leurs modalités cognitives, les possibilités de guidage et d'intervention.

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Contribution à la conception intégrée

des pièces et systèmes

J.-C. Bocquet & É. Dupinet

La création et l'élaboration d'un produit fait intervenir de nombreux métiers tels que le marketing, la conception, l'étude de fabrication, la fabrication, le contrôle, la distribution et la maintenance. Chacun d'eux a ses exigences, ses règles et ses méthodes qui ont une incidence directe sur le produit. L'approche séquentielle traditionnelle de création d'un produit privilégie l'application des méthodes par métier au produit plutôt que le produit luimême. Chacun des intervenants se doit, à partir d'un jeu de paramètres produit venant de l'intervenant précédent, de définir complètement ses propres paramètres pour les résoudre et les transmettre au suivant (voir figure 1).

Application d'un métier au produit Figure 1

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Les travaux de A. BERNARD dans le domaine spécifique de la

production de surface 3D, ou encore de J.-F. RI G A L dans le

domaine plus large de la conception assistée par ordinateur de boîtes de transmissions d'hélicoptères illustrent ce type de spécificités.

Même si certains bouclages ont lieu, ils sont de toute façon limités et n'interviennent que dans des situations extrême. J.-L. AUNE illustre certains de ces bouclages dans son travail sur

l'analyse, la modernisation et la mise en place d'un mode de fonctionnement pour le développement de produits nouveaux.

Ces dernières années ont vu apparaître les approches de type systèmes experts, qui permettent la conception de pièces ou avec l'aide d'un système qui tient compte de contraintes de dimensionnement et de production, comme la conception de pièces forgées par S. TICHKIÉWITCH, ou avec l'aide de systèmes très

spécialisés, comme en éléments finis le maillage automatique intelligent par T. DESALLEUX.

L'approche ici proposée s'appuie sur une démarche « orientée produit » représentée en informatique par un langage et une base de données orientés objets. L'exemple reproduit en figure 2 permet d'expliciter les propriétés des divers paramètres d'un produit. Un produit peut indifféremment être vu comme une pièce, un ensemble de pièces, un outil, une machine, une usine…

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Partant des idées que :

– Seul l'ensemble des paramètres produit définissent complètement celui-ci, le produit n'est plus la seule juxtaposition des paramètres par métier sans liens explicites. Les paramètres sont des quantités physiques du produit (longueur, angle, vitesse, poids, prix…)

Exemple : Le produit (.,.,., pièce j, outil j, machine k, .,.) pièce i (.,., Oi, 1, Oi, 2, Li, 1, Li, 2,.)

outil j (.,., Oj, 1, Oj, 2, Li, 1, Li, 2,.) machine k (.,., Lk, 1, Lk, 2,.,.).

– Le modèle s'enrichit de ses paramètres au cours de son élaboration, les paramètres pouvant être simplement créés, liés, bornés ou instanciés.

Exemple : si un outil j existe pour réaliser un trou dans la pièce j sur la machine k

alors créer Lk, 1 et Lk, 2

alors borner Lk, 1, Lk, 1>Lj, i + (Oj, 2/2)/tang 60 alors instancier Lk, 2 Lk, 2 = Li, 2.

– À chaque instant tout ou partie de l'état des paramètres existants est consultable.

Exemple : Donner tous les liens de Lk, 1.

– Localement des « sous-paramètres » sont nécessaires pour quantifier un critère et en déduire des relations sur les paramètres.

Exemple : Introduction des sous-paramètres : module d'élasticité et limite élastique du matériau de la pièce j pour le calcul de (Li, 1 -Li,2).

Une approche « orientée produit » est introduite.

Ce sont les « exigences » du produit qui créent, gèrent et quantifient les paramètres de définition du produit. Les exigences sont de nature fonctionnelle (pour le marketing, la conception, la production, le contrôle, la maintenance, la distribution) et de nature environnementale (pour tenir compte des contraintes liées à la spécificité de la marque de la société de fabrication, de la sous-traitance, du circuit de distribution…) Un produit est l'agrégation d'objets eux-mêmes produits, l'atome de modélisation produit, à savoir le plus petit élément indécomposable est appelé entité, il est représenté obligatoirement par un ensemble ou graphe de paramètres (figure 3).

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Figure 3

Les exigences fonctionnelles sur le produit sont traduites en fonction des propriétés et les propriétés sont décomposables jus-qu'à être traduites en paramètres. Les propriétés sont des fonc-tions unaires, binaires ou naires des variables produits (figure 4).

Figure 4

L'élaboration d'un produit se traduit alors sous forme d'une description dynamique d'un graphe dont les nœuds sont les paramètres, et les segments, les fonctions entre ces paramètres. Les fonctions résultent de la description même du produit ou de la description des propriétés sur ces produits.

Le traitement de ce graphe permet de traduire l'espace solution du champ admissible des paramètres, donc du produit.

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Une notion de « vue » se doit également d'être développée, afin de disposer d'outils permettant d'une part une définition des fonctions par vue et d'autre part de traduire les paramètres produits en sous-paramètres d'applications, les sous-paramètres étant nécessaires à l'application concrète de telle ou telle phase de l'élaboration du produit.

Exemple : fonction visser

Vue techno : fonction binaire entre deux produits Création d'un filetage sur chacun des deux produits (éventuellement l'un des produits est le standard vis) Vue cinématique : création d'une liaison

ciné-matique hélicoïdale entre les deux produits.

Le modèle de description des pièces et systèmes élaboré dans l'objectif d'une conception-production intégrée s'appuie sur :

une arborescence de produits (qu'il s'agisse d'ensembles, de

sous-ensembles de pièces, de machines aussi bien que de caractéristiques fonctionnelles ou de coûts intrinsèques à ces ensembles ou sous-ensembles). Chaque niveau représente un « et » ou un ou » logique et dans ce dernier cas nécessite des règles de choix. Les feuilles de cet arbre sont des entités indécomposables traduites en ensembles ou en graphes de paramètres.

Une classe de vues (cinématique, géométrique, économique, etc.)

Une classe de propriétés, donc de fonctions à multidéfinitions par

vue qui se traduisent toujours au final par des graphes sur les paramètres produit.

Un graphe de produits traduisant les propriétés fonctionnelles de

la chaîne définition-fabrication du produit par la simple donnée des propriétés de chaque produit. Ce graphe résulte de l'inférence des propriétés sous diverses vues sur l'arbre de description du produit.

Le résultat final de ce modèle est le graphe de l'ensemble des paramètres nécessaires à l'élaboration du produit, que les paramètres soient fixés ou bornés, et donc un champ solution de structures paramétrées répondant aux impératifs fonctionnels.

La description des produits et la définition des propriétés par vue sont traduites par règles.

Des études de validation de ce modèle sont actuellement en cours avec l'utilisation d'une part d'un langage orienté objets

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(Micat) et un interfaçage avec le logiciel de CAO Catia de chez Dassault Systèmes et, d'autre part, de base de données orientées objets (Gemstone) en interfaçage avec le logiciel Euclid de chez Matradatavision…

Ce travail consiste à élaborer un modèle de représentation de systèmes mécaniques. Ce modèle doit être capable de traduire l'ensemble des paramètres représentatifs de ces systèmes, paramètres qui satisfassent à la description et aux contraintes fonctionnelles imposées.

Bibliographie

AUNE J.-L., (1989) Analyse, modélisation et mise en place d'un mode de

fonctionnement pour le développement de produits nouveaux, thèse de

doctorat, Paris, ENSAM.

BERNARD A., (1990) Usinage tridimensionnel d'outillage de topologie

complexe : analyse des contraintes de production et contribution à l'optimisation du processus d'usinage, thèse de doctorat, Paris,

École Centrale.

DESSALLEUX T., Maillage automatique intelligent, mémoire de DEA,

Cachan, LMT ENS.

DUPINET É., BOCQUET J.-C., A full parametrized Geometric Modeling

system based on technological relationship dependencies, Optimisation of Manufacturing System design, D.L. Shunk (ed.).

MONY C., BOCQUET J.-C., GOSSET P., L'évolution des solutions

d'intégration technique : vers le feature modeling, CIM 90, 1214

juin 1990, Bordeaux.

RIGAL J.-F., (1989) Analyse et modélisation des systèmes mécaniques en

conception assistée par ordinateur. Application à la simulation du comportement statique des boîtes de transmissi9n de puissance d'hélicoptères, thèse de doctorat, Lyon, INSA.

TICHKIEWITCH S., (1987) « Taking into account the forging process

in computer aided design to increase the life of the dies »,

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L'apport pédagogique

de la pratique du projet technique

Jacques Noël

Débat organisé par Claude Bortolussi

Tu enseignes depuis plusieurs années le design dans le cadre de la section mécanique de l'ENS de Cachan. Dans ce séminaire, j'attendrais que tu nous expliques quelle est ta pratique de la conduite de projet et quels sont les apports pédagogiques de cette activité.

– Lorsqu'un designer travaille avec une entreprise, c'est pour lui apporter une compétence complémentaire à celle dont elle dispose traditionnellement. Il doit donc avoir une approche transversale du produit, une approche qui ne soit pas uniquement technicienne. Quand je dis uniquement technicienne, je pense à la majorité des techniciens ou des ingénieurs d'études qui ne voient le produit que sous son aspect fonctionnel. Ils considèrent avoir rempli leur contrat à partir du moment où le produit fonctionne. Que ce produit se commercialise ou non, qu'il soit pratique ou non, qu'il rencontre l'adhésion des utilisateurs potentiels ou non, ce n'est pas leur problème. Qu'il y ait un marché ou non, que ce soit rentable économiquement ou non, ce n'est vraiment pas leur problème. Le design a développé une approche transversale, qui étudie l'ensemble des relations qui se nouent autour du produit. Comment il va se situer, par rapport à qui, dans quel contexte économique, dans quel contexte d'usage, quels besoins il va satisfaire, de quelle manière, sont des critères qui vont rentrer en ligne de compte.

Je crois que le maître mot est l'optimisation de la démarche. C'est à dire que partant d'une idée, il faut arriver le plus rapidement possible au meilleur produit possible. Une fois balisé le champ des possibles, on va rechercher des solutions techniques pour concrétiser ce concept, mais l'amont est déterminant.

L'important est vraiment de se poser les bonnes questions au bon moment.

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En fait, le rôle du concepteur est d'opérer une projection dans l'avenir par rapport à l'utilisation future qui va être faite du produit. En tant que concepteur, une des premières questions à se poser est : « est-ce que le produit que je vais étudier existe déjà » ?

L'innovation peut se situer dans différents registres ; elle peut se situer sur le plan technique, ou sur le plan des fonctions, ou en termes de positionnement. Dans un domaine tel que le mobilier par exemple, l'apparition d'une forme nouvelle peut être suffisante pour ressourcer un marché ; c'est à dire donner l'envie aux gens d'adhérer à un style plutôt qu'à un autre. De tout cela on va tirer des axes de développement, on va définir des concepts de produits en adéquation avec le positionnement de la marque. L'inadéquation entre un concept produit et un positionnement de marque peut constituer un frein au succès d'un produit. Je pourrais vous parler de la tentative de diversification de Seb électroménager dans le domaine de la santé qui a conduit à un échec retentissant, simplement parce qu'une marque ayant travaillé dans le domaine de l'électroménager n'avait pas la crédibilité technologique pour passer au domaine médical. C'est ancré dans l'esprit des gens, on ne passe pas de la cuisine au laboratoire, ce n'est pas possible. Le positionnement de marque, c'est quelque chose qui existe et il faut bien faire attention à ne pas sortir des limites de son champ de compétences, au moins de crédibilité. Inversement, si on travaille sur une marque nouvelle, le positionnement qu'on va définir à la marque est loin d'être innocent, c'est une image qui va accompagner la marque au fil du temps, qui va lui interdire certaines choses et lui en permettre d'autres.

Un autre type de structuration possible est la structuration autour d'une technologie. Je parlais tout à l'heure d'une entreprise de composites ; une société qui maîtrise la technologie des composites va pouvoir produire dans des secteurs très diversifiés, toujours avec la même crédibilité, qui est celle de la fabrication et la réalisation de produits en composites. On cite l'exemple de Yamaha, qui maîtrisant cette technologie des composites est capable de faire aussi bien des arcs, des skis, des carrosseries, des instruments de musique, tout ça à partir du même savoir-faire. Yamaha est un bon exemple parce que cette entreprise n'est pas du tout typée dans un secteur d'activité et connaît des réussites dans des secteurs d'activité très variés, contrairement à Seb qui était située « électroménager ». La majorité des marques françaises

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connues sont typées dans un secteur d'activité et non pas implantées sur une technologie ; il y aurait des avantages certains à sortir de cette image traditionnelle de corporation et de métier. Pour être reconnu dans le secteur de l'électroménager, Seb doit faire des moteurs électriques, de la mécanique de précision, maîtriser l'injection des matières plastiques et toucher au domaine électronique ; autant de technologies différentes et autant de compétences à acquérir. Donc il y a une dispersion des forces vives de la société dans des secteurs très différents. À côté de cela, il y a le danger de ne maîtriser qu'une seule technologie ; on peut citer l'exemple de Legrand à Limoges qui faisait de la porcelaine ; cette société a découvert un beau jour que la porcelaine était un isolant électrique et s'est mis à faire de petits appareillages électriques, puis s'est reconvertie in extremis au moment de l'arrivée des thermo-plastiques et ne sait pas encore quelle est l'évolution qui l'attend dans les années à venir.

J'insiste ; avant de concrétiser, avant même de jeter des solutions sur le papier, il faut essayer de reposer le problème, de le reformuler, sans choisir de solution… conserver cette liberté le plus longtemps possible ; donc repartir d'une analyse fonctionnelle, c'est à dire anticiper sur l'usage du produit pour imaginer la façon dont les gens vont pouvoir pratiquer. Et ça, c'est faire un déroulé chronologique de toutes les actions que l'on va avoir à accomplir et à la limite de tous les cas d'utilisation possibles, c'est à dire des circonstances dans lesquelles on va utiliser le produit.

Je prends un exemple, le grille pain Seb, que vous devez tous connaître. J'imagine que les gens, après l'avoir acheté, vont le déballer. Ils vont tirer sur le cordon, s'il y a un cordon ; ils vont le poser sur une table, le prendre en main, le manipuler. Ils vont essayer de comprendre comment « ça marche », le regarder sous toutes ses coutures et puis ils vont essayer de s'en servir. Dans toutes ces opérations, il y a un aspect très important auquel peu de concepteurs pensent à l'heure actuelle, c'est ce qu'on appelle la qualité perçue. La qualité perçue est la façon dont je vais appréhender un produit avant même de l'avoir acheté, c'est à dire la première fois que je le vois à la télévision, la première fois que je le vois de façon générale, n'importe où, la première fois que je le vois dans un magasin. Déjà sans même que je l'aie touché, le produit va me communiquer un certain nombre de choses et en particulier sa qualité ou sa non qualité. Je reprends l'exemple du

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grille-pain Seb ; je l'attrape et je dépense une énergie dix fois supérieure à celle qui était nécessaire pour l'attraper parce que je m'attendais à ce qu'il ait un certain poids ; en fait c'est deux bouts de plastique avec un bout de tôle, c'est tout vide et ça doit peser 150 grammes. Le poids du produit par rapport au poids que j'avais imaginé est complètement « déceptif ». Cela entre dans la qualité perçue. De la même façon, prenant un appareil, je le retourne et j'entends vingt pièces qui se mettent en mouvement ; si je le secoue, ça « glinglotte ». Tout cela entre dans l'impression de qualité qu'on a du produit. Si au contraire, tout est bien arrimé solidement, si je peux le manipuler sans qu'il se passe de phénomènes curieux ou inattendus, je vais avoir une impression de qualité. On peut avoir un aspect de surface ou une matière qui va être surprenante ; et on va se dire, j'ai envie de toucher ce truc là parce qu'il doit avoir un contact bizarre et si j'exerce mes sens et ai une nouvelle sensation, je vais être content ; donc qualité perçue avant même l'acte d'achat. Après l'acte d'achat, quand on possède le produit, c'est pareil.

À force de faire le compte de toutes les contraintes, est ce qu'on ne va pas arriver au produit unique qui réponde à toutes les contraintes ?

– C'est vrai dans certains cas, et c'est vrai surtout pour des produits ou des objets qui ont maturé dans le temps. Si vous prenez une cuillère ou une fourchette, vraies, traditionnelles, essayez d'y changer une virgule, elle sera moins bien qu'avant. Cela a demandé quelques siècles, quelques siècles pendant lesquels le concepteur qui était en même temps l'utilisateur s'est dit : « si là j'affinais, si là j'ajoutais une courbure, si là j'élargissais à l'arrière j'aurais une meilleure prise en main, si cette partie était plus lourde, ou un peu plus longue, ce serait mieux équilibré » ; c'est extraordinaire tout a une raison, tout a une fonction, et dès qu'on touche à la forme, on altère la fonction.

Il y a cependant un champ de latitude autour de la fonction dans lequel on peut se mouvoir avec précaution, parce qu'il ne faut pas en sortir et qui va permettre de donner une expression. On va donner les moyens de communication au produit, sans pour autant l'altérer. C'est une grande différence entre ce qu'on appelle le style et le design. Le design essaye de se mouvoir dans ce champ, respectant la fonction, alors que le style privilégie la forme sur la fonction. On peut voir ainsi des couverts hyper-modernes,

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hyper-originaux mais qui sont à mettre dans une vitrine, à regarder et surtout à ne pas utiliser.

Le concepteur a beau se projeter dans l'avenir et anticiper l'usage futur du produit, il ne le fait qu'à un moment donné, avec des contraintes qui sont les siennes et c'est réducteur par rapport au champ des possibles autres dont on parlait tout à l'heure.

On pourrait parler d'ergonomie. Si on part de la machine pour aller vers l'utilisateur, on va déterminer un certain nombre d'actions ou de comportements qui vont être induits par la machine. Si inversement je pars de l'individu et que je vais vers la machine, je vais introduire des contraintes qui sont issues du comportement de l'individu et que je n'aurais jamais identifiées autrement. La démarche, j'ai envie de dire « bêtement technicienne », va élaguer un certain nombres de paramètres qui peuvent être des paramètres déterminants ; en général, on ne tient compte des paramètres liés à l'utilisateur qu'une fois la conception faite.

Il ne faut pas sombrer non plus dans l'analyse ; je sais qu'il y a des analystes de la valeur qui aux arts déco, en formation design, ont produit une génération d'étudiants qui analysaient, analysaient… Ils partaient dans des ramifications fantastiques, ils arrivaient à des problèmes d'une complexité extraordinaire et rien n'en sortait. C'est l'écueil inverse ; il faut prendre ses précautions mais il faut savoir se jeter à l'eau aussi, à un moment donné.

Quand on a fait cette analyse fonctionnelle, cette analyse exigentielle, qu'on a bien en main tous les paramètres, qu'on voit comment ils interagissent les uns avec les autres, il faut laisser décanter, il faut laisser maturer, il faut en fait s'approprier le problème, et c'est là où on est en fait une machine géniale c'est que, en étant bien imprégné de tous ces paramètres, eh bien, l'organisation, le classement, tout ça se fait un peut tout seul.

On a un processus d'analyse tout à fait rationnel vers une complexité croissante ; inversement quand on a à synthétiser tout ça, pour donner une solution qui va intégrer l'ensemble des paramètres, on a une démarche qui est complètement convergente et qui n'est plus vraiment rationnelle. Ce que l'on essaie de faire, c'est de limiter cette part irrationnelle à la plus petite portion possible, mais elle est irréductible. On optimise la démarche, on minimise le risque mais il y a toujours une espèce de saut qualitatif qui se fait entre la plus belle formulation du problème et la solution qui va être avancée, qui va intégrer un maximum de

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paramètres mais qui peut en avoir gentiment écarté certains. Le seul point sur lequel je rejoins vraiment l'analyse de la valeur, c'est raisonner en trois « tout », un « tout » qui est l'utilisateur, un « tout » qui est la machine avec les échanges entre l'utilisateur et la machine et un troisième « tout » qui est l'environnement avec les échanges entre la machine et l'environnement. Quand on a géré l'ensemble des relations qu'il peut y avoir entres ces trois ensembles, on a fait un bon tour du problème.

Tu avais promis de parler de l'apport pédagogique de la démarche de projet et il faut qu'on y revienne un peu ; est-ce que tu pourrais me dire quelles sont les étapes, tes étapes dans ta démarche de projet ? Ces différentes étapes de la conduite de projet ont-elles une chronologie immuable ? Quelles sont les compétences qu'il faut avoir pour participer à un projet ? Est-ce qu'on pourrait développer une formation à la démarche de projet ? Quels en sont les apports pédagogique s ?

– Tout à fait en amont, dans la formulation des problèmes, il y a une phase qui s'appelle recherche d'information. Cette phase me parait déterminante, essentielle. Apprendre des listes entières de formulations chimiques de matériaux plastiques avec les propriétés associées, pour moi c'est un jeu stérile. Je sais pertinemment en tant que professionnel que je vais avoir un produit à étudier, je vais me dire « ma pièce, elle a telles caractéristiques à remplir », éventuellement je peux envisager de la faire en plastique, peut être, je vais vérifier sur le marché quels sont les matériaux qui seraient susceptibles de répondre à mon problème. Et je vais découvrir des matériaux absolument géniaux et fantastiques chez tous les fabricants de matières premières. Le problème, c'est que régulièrement, tous les deux mois je me pose la question et que régulièrement tous les deux mois, je consulte les matériaux et les fabricants de matières premières et que régulièrement, tous les deux mois j'ai des matériaux nouveaux. Donc en fait, je ne peux pas m'asseoir sur un acquis parce que dans ce domaine là en particulier y a une telle vitesse d'évolution, une telle rotation de produits… Maintenant, il y a des alliages de matière plastique qui n'existaient pas il y a deux ans et qui ont des performances sans cesse croissantes, des pièces qu'on n'aurait pas envisagé de faire en plastique il y a deux ans, et qui sont réalisables en plastique maintenant. C'est un registre de connaissances complètement évolutives qu'on ne prend même pas la peine de réactualiser ; on sait de toutes façons que le jour où on

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en a besoin, on est déphasé, il faut donc repartir à la pêche aux informations et reconsulter. C'est un premier cas de figure. Le deuxième cas de figure, ce sont les informations qui nous font défaut et qui passent à travers les maillons de la connaissance. On a eu à faire, il y a quelques années un bibliobus pour le Zimbabwe et on a cherché à déterminer la dépense énergétique qu'il fallait assurer pour alimenter une salle de cinéma en plein air, une climatisation intérieure… On est parti à la recherche de données climatiques sur le Zimbabwe. Il y a des connaissances qui sont établies, qui sont répertoriées ; il suffit d'aller chercher au bon endroit l'information mais il y a des pans entiers de connaissances qui n'ont jamais intéressé personne et sur lesquelles il n'y a aucune recherche de faite, sur lesquelles on n'a aucune donnée.

Quelle est la répartition de pression sous le pied d'un joueur de golf quand il est en train de faire un swing ? Personne ne le sait. Alors on a bricolé, on a pris une plate-forme de forces, on a fait des essais on a jugé que nos essais n'étaient pas satisfaisants, donc on a pris un autre procédé capacitif pour trouver, en dynamique, quelle était la répartition de pression et voir comment elle évoluait d'un pied sur l'autre, où devaient être localisés les crampons, les points d'ancrage, etc. Et on s'est aperçu qu'au moment de l'impact de la tête de club sur la balle de golf, la pression au niveau de la plante de pied était quasiment nulle. Partant de là, on a pu étudier la répartition des crampons, la longueur des crampons…

À quoi ça sert la connaissance ? La connaissance sert à réaliser quelque chose. Inversement, quand je cherche à réaliser quelque chose, j'ai besoin de connaissances. C'est prendre complètement le contre-pied de ce qu'on essaie de faire. On essaie de livrer des connaissances mais tout le monde se demande à quoi ça peut bien servir. Dans une démarche de conception de produit, tous les jours, on a des problèmes à résoudre ; on n'a pas les connaissances et on n'a pas l'information, il faut la trouver et il faut la générer, cette connaissance. Ce qui est stupide, c'est qu'elle ne sert que localement, momentanément, sur un produit donné, par rapport à un concepteur donné.

Une question qui sort du champ pédagogique : je voudrais connaître le pourcentage d'entreprises en France qui ont intégré le design dans le processus de production.

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Et dans les autres pays européens ?

– Ça n'a rien à voir, en Allemagne, ça doit être proche de 99 %. – Ça tient à quoi ?

– Je crois que ça tient à notre tissu industriel, à sa structure familiale française. Il y a aussi par rapport au design une longue tradition des métiers d'art qui en France nous dessert beaucoup. La tradition pèse très très lourdement c'est à dire qu'on alterne entre deux positions ; soit, c'est négligeable, c'est quantité superflue, on n'en tient pas compte ; soit, à partir du moment ou un industriel met son nez là dedans, il se prend pour un mécène. – On peut donc dire qu'en France, il faut former davantage de technologues, davantage de designers.

– C'est ce que l'on essaie de faire dans le cadre de l'enseignement qui se met en place depuis quelques années, dans les collèges. À travers cet enseignement, on sensibilise justement les jeunes des collèges à cette démarche, c'est à dire au besoin du produit, avec la phase d'information. Disons que cet enseignement a du mal à trouver ses lettres de noblesse, dans la mesure où dans un pays fortement marqué par le cartésianisme, on se pose encore très souvent la question qu'est-ce que c'est que la technologie, qu'est-ce que c'est que le design ?

Je crois que pour être designer, en fait, il faut essayer de se maintenir sur un équilibre en le rationnel et l'irrationnel mais sans jamais verser d'un côté ou d'un autre, sans jamais privilégier l'un ou l'autre. Je crois que c'est une problématique individuelle, il faut avoir ça en soi, pour se maintenir en permanence dans une situation aussi inconfortable. Ce qui est irrationnel, je vais essayer de l'analyser à mort, et en ce qui concerne le rationnel, je vais essayer d'optimiser à mort, en utilisant l'irrationnel. C'est vrai, que c'est une position inconfortable et c'est vrai qu'on trouve tout un tas de gens qui font des formations mais qui, de par leurs penchants naturels retombent irrémédiablement dans une des deux ornières mais ne se maintiennent pas au point d'équilibre…

Dans le cas du système éducatif, le jeu est pipé, parce qu'on n'a ni les moyens ni le temps, ni les possibilités ni les conditions pour que le jeu de l'innovation fonctionne. On fait croire qu'on peut faire rechercher à partir de contraintes. En fait l'une des premières contraintes, c'est l'enseignant et les conditions matérielles, de temps etc, donc la transposition de l'activité sociale que peut être

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le design et même la démarche de conception dans une entreprise est biaisée.

Vous partagez le travail, et vous le coordonnez, mais vous ne le faites pas ?

– Ça dépend ; le rôle du designer, c'est d'avoir cette approche transversale et cette approche de généraliste, donc avoir un œil suffisamment détaché d'un certain nombre de problèmes matériel de réalisation. Ça, je dirais que c'est le rôle qui, normalement devrait être le nôtre. Dans la pratique, qui fait de la conception de produit en France ? Pas les ingénieurs ; l'ingénieur sort de l'école avec son diplôme et se retrouve dans des fonctions administratives ou commerciales au bout de six mois ! En dehors de ça, on peut trouver des BTS, des DUT en bureau d'études, dont le problème va être un problème purement fonctionnel.

Au niveau de la formation, est-ce qu'il faut former des ingénieurs et des designers, ou bien des designers et après des ingénieurs, ou bien est-ce qu'il faut le faire en même temps ?

Vous avez montré l'extrême complexité de toutes les questions à se poser, de tous les paramètres à faire jouer. Cette complexité est-elle transposable auprès de jeunes enfants ? Les contraintes du marché sont-elles transposables et comment ? Compte tenu du faible niveau de connaissances des gamins au niveau du collège, est-ce que quelque chose de cette démarche va pouvoir être transféré dès cet âge ?

– Il ne faut pas vouloir transposer, transférer l'intégralité du processus. Ce qu'il me semble indispensable d'acquérir, c'est les mécanismes, et les réflexes. Par exemple dans l'enseignement technique, à l'heure actuelle, 99,99 % des solutions classiques, des grands classiques, qu'on retrouve sur les tables de bureaux d'études, seraient inutilisables pour des raisons économiques dans l'industrie.

Le type de mécanisme qu'on peut acquérir, c'est, je fais un produit, pourquoi ? dans quel but ? avec quelle finalité ? est ce que ça va servir à quelqu'un ? est ce que ça va servir à quelque chose ? Cette démarche du designer, cette prise en compte des paramètres peut intéresser tous les enfants. On est en plein dans un problème de culture ; la culture a toujours été littéraire, c'est la seule qui soit reconnue comme telle. On peut se poser des problèmes sur l'insertion sociale des gens à qui on inculque une culture technique et je crois que c'est un vrai problème, c'est à dire qu'on ne leur

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donne pas, au delà des règles, des connaissances, des moyens pour valoriser ce qu'ils sont dans un milieu social ambiant et je crois que le fait de manipuler ne serait-ce que ça, ces deux dimensions, peut sensiblement, justement, aider à une valorisation d'une culture technique.

Par rapport à la rationalité qui est transmise par toutes les disciplines scientifiques, par rapport à la réalité du terrain, où la majorité des gens ont à gérer des ensembles flous, je crois que c'est un apport non négligeable.

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Musée et histoire des techniques

Bruno Jacomy

Mon intervention se déroulera en trois temps

– un premier temps de sensibilisation, une sorte de tour d'horizon des principaux types de musées techniques ;

– dans un deuxième temps, je vous poserai et je me poserai la question : « un musée des techniques, à quoi ça ser t » ?

– et enfin, en troisième point, on essaiera d'esquisser ce que serait un musée des techniques idéal.

1. Petite typologie des musées techniques

• Le premier type, c'est le musée technique de la technique, le musée où l'on a plein de boutons : on saute d'un bouton à l'autre, on manipule, on voit des tas de choses. Voici une image d'un musée américain puis, en deuxième exemple, la salle consacrée à la téléphonie au Science Museum.

• Deuxième type, le musée-joconde ; c'est le musée dans lequel on vous présente de superbes objets, comme par exemple le Musée de l'automobile de Mulhouse. On y voit des objets uniques, en l'occurrence une série de Bugattis… Un autre exemple, la machine à calculer de Pascal qui est au Musée national des techniques ; c'est aussi une espèce de Joconde, un objet unique qu'on vient voir.

• Troisième type, le musée-livre ; c'est-à-dire le musée dans lequel on a des panneaux, beaucoup de photos, des graphiques, du texte, un peu comme un livre devant lequel on se trouve, et qu'on regarde, qu'on lit. Un exemple comme un autre, c'est le Musée du fer de Nancy, très beau musée où l'on montre des reproductions de tableaux de la Renaissance, sur lesquels on peut lire l'histoire des techniques. Ici, par exemple, on retrouve l'histoire de l'abattage du minerai. C'est à peu près la dimension un : ce que vous avez au mur pourrait être dans un livre.

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• Le quatrième type, le musée-réserve, c'est le musée dans lequel on met tout ; un exemple : le Musée de la machine agricole et de la machine à vapeur qui se trouve à Ambert, dans lequel tous les objets sont présentés, sans sélection. Autre exemple de musée-réserve, le Musée du chemin de fer de Mulhouse.

• Autre type : le musée-bijou ; j'ai repris encore une photo du Musée du chemin de fer de Mulhouse. Je dis musée-bijou, parce qu'on y met les objets du quotidien, comme une locomotive, mais au lieu de voir cette locomotive comme vous l'avez vue dans votre enfance, crasseuse, noire, pleine de graisse, de poussière… vous la voyez superbe, bien briquée, avec des chromes qui brillent comme un bijou ; qui peut en voir une comme ça dans la réalité ? Il y a là une rupture ; cette rupture est-elle volontaire ? que veutelle dire ?

• Autre type de musée : le musée-miroir ; je ne sais pas si vous y êtes déjà allés, c'est le Musée de la mine de Lewarde, près de Douai. C'est l'un de ces musées, ou écomusées, dans lesquels le lieu de travail, l'usine, est lui-même musée, c'est-à-dire qu'on a laissé les choses en l'état, et c'est un musée-miroir (ou mémoire), parce que le principe en est que les gens viennent pour se retrouver, y trouver leur propre mémoire, c'est un miroir de leur propre réalité, de leur vie, c'est le contraire du musée-bijou : on se salit en passant partout et, d'une certaine manière, on revit ce qu'était la vie des ouvriers, des mineurs qui y travaillaient.

• Autre type de musée, le musée-show. C'est le Jorvik Viking Center, à York, en Angleterre ; vous entrez, vous vous promenez dans ce musée, vous vous asseyez dans un petit chariot, et ce chariot remonte le temps. Vous vous retrouvez au milieu d'un village viking, reconstitué grandeur nature, et vous vous promenez au milieu des maisons. York est une ville viking fort intéressante au plan de l'histoire des techniques. Là, aucune explication ne vous est donnée au niveau technique, mais, devant un bateau viking, vous pouvez parfaitement voir le mode de construction, dit à clin, c'est-à-dire de planches clouées les unes sur les autres, à simple recouvrement, et beaucoup d'autres éléments techniques fort bien reconstitués.

• Et le dernier, le musée-usine, où l'on a reconstitué des machines qui fonctionnent, comme une grosse machine à vapeur. On se retrouve un peu dans l'ambiance d'une usine, avec là quand même des machines reluisantes, comme flambant neuves.

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2. Un musée des techniques, à quoi ça sert ?

Au risque de briser le rythme de l'exposé, j'aimerais bien que vous me donniez dès maintenant quelques réponses. Si l'on vous posait la question, un musée technique, à quoi ça sert, que diriezvous ?

conserver et montrer ;

comprendre la technique ; - démystifier la technique ;

faire rêver ;

je ne sais pas si on n'y va pas aussi pour s'amuser, plus que pour apprendre ou pour comprendre ;

produire des vocations.

Une partie des choses qui ont été dites jusqu'à présent seraient sans doute valables pour les musées en général. Spécifiquement pour la technique, il y a quand même l'idée, je pense, de valoriser une partie de la culture et du patrimoine qui a, jusqu'à présent, peut-être plus qu'une autre, à se situer par rapport à d'autres objets culturels plus traditionnellement valorisés. C'est la spécificité des techniques.

Après ce petit préambule, il ne serait pas inintéressant de savoir d'où viennent les musées techniques, les grands musées comme le CNAM, le Museo Leonardo da Vinci de Milan, mais aussi les petits musées spécialisés, tels que le musée d'Ambert. Je ferais remonter l'origine de ces musées au XVIIC siècle, notamment avec ce qu'on appelait les théâtres de machines. Les théâtres de machines n'étaient pas des théâtres, mais des livres, écrits par des Italiens des Français ou des Allemands. Dans ces sortes de livre d'images, contrairement aux traités techniques, les techniques sont mises en représentation. Dans la vue d'ensemble d'un atelier ou d'un moulin, tout est représenté en fonction du public qui lit, avec une bulle, des écorchés, des dispositions telles que le lecteur voie à peu près tout. Ces théâtres de machines naissent dans le courant des premiers cabinets de curiosités et cabinets de physique. Dans ces cabinets de curiosités, d'histoire naturelle, les explorateurs, les savants ramènent d'Afrique, d'Océanie, des objets extraordinaires, des coquillages, des girafes, qu'ils installent sur des étagères. On vient les voir, on les admire et on les montre. On a déjà en germe un peu de ce que sera le musée technique. On regarde ces objets,

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on les admire, mais on les manipule aussi, et l'on fait des démonstrations. Les cabinets ont déjà la triple vocation :

– expérimentation : on fait des expériences, c'est la partie destinée à une élite de spécialistes ;

– formation : c'est un lieu où l'on va former des gens : on apprend en montrant des expériences ; un apprentissage au geste et à la parole ;

– récréation : on fait venir, dans ces cabinets, les belles dames de la cour comme les gens de la rue… Et on regarde avec fascination, comme au spectacle. Ce plaisir, on le retrouvera au XIXe siècle, avec la « physique amusante ».

C'est dans ce contexte qu'est fondé le Conservatoire des Arts et Métiers. Si je parle du Conservatoire, c'est parce que, pour moi, il est un peu le grand-père de beaucoup de musées. Ses fonctions sont à peu près les mêmes que celles d'un cabinet de physique : expérimentation, formation, récréation. Mais avec un autre volet, tout à fait intéressant, qui est l'innovation. On va instituer une sorte de dépôt légal des machines. Comme on dépose un livre à la Bibliothèque Nationale, on va déposer, au Conservatoire des Arts et Métiers, un modèle de la machine ou une machine originale. Et cet objet aura notamment pour fonction de permettre l'innovation ; c'est-à-dire que les ingénieurs, les techniciens vont pouvoir regarder et dire « tiens, voilà une solution technique tout à fait intéressante : si on prend ça, etc. on peut reconstruire telle machine ».

À sa suite, au XIXe siècle, vont naître à droite et à gauche des musées industriels liés plus directement aux chambres patronales. Ils auront plus spécifiquement pour mission la transmission de savoir-faire et de savoirs techniques. Ces institutions vont prendre le nom de musées, mais ce terme ne recouvre pas autant le sens de patrimoine qu'aujourd'hui ; il a un sens d'actualité très clair, c'est-à-dire que l'on conserve le up to date pour pouvoir le transmettre.

On voit que cela a beaucoup changé : je dirais qu'au début de notre siècle, il se produit une sorte de crise des musées techniques, pourquoi ? Eh bien, parce qu' il y a une certaine « déconcrétisation » de la technique ; on passe de la mécanique à l'électricité, on va passer aux télécom, aux boîtes noires, pour lesquelles il ne suffira plus, pour comprendre comment ça marche, simplement d'un petit modèle qu'on pourra manipuler avec une manivelle, mais il va falloir expliquer ce qui se trouve à l'intérieur, la circulation des fluides, des électrons… Et cela est beaucoup plus

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difficile à mettre en musée, c'est le problème de l'informatique aujourd'hui.

Dans l'entre-deux guerres, on voit naître les « science-centers ». L'un des premiers, le plus spectaculaire en fait, a été créé pour l'exposition universelle de 1937 à Paris, c'est le Palais de la Découverte. Dans cette lignée verra le jour l'Exploratorium de San Francisco. Le dernier grand musée-show en date, c'est la Cité des Sciences et de l'Industrie.

Un élément à prendre en compte dans l'histoire des musées techniques, c'est le phénomène relativement récent des écomusées, dans la lignée des musées d'arts et traditions populaires et à côté des musées de plein air tels que le musée de la métallurgie en Angleterre (Ironbridge Gorge Museum). Dans ces musées, on va de plus en plus loin vers le réalisme, il faut qu'on retrouve la trace, les odeurs, l'ambiance, et on va donc reconstituer des ensembles, comme les ateliers présentés aux ATP. Mais ensuite, on se dit « tout cela est complètement froid, complètement mort », donc on va conserver in situ, on va y faire venir des gens, mais ce sera encore un petit peu mort, parce que on n'y fera plus rien. Alors on va refaire travailler des gens qu'on va payer : c'est le cas de la Maison des couteliers à Thiers, par exemple, où les gens travaillent à faire des couteaux devant le public qui regarde.

Voilà comment, finalement, on est passé du cabinet de physique à l'écomusée et, après cet aspect historique, j'en reviens à la question de tout à l'heure : « que demande-t-on à un musée des techniques » ?

Quand on regarde un objet, on se pose la question : à quoi sert cet objet ? On est obligé de le resituer dans un contexte technique, économique, social, culturel. On ne peut pas parler de la montre sans parler de l'horloge, de la mesure du temps, et si on voulait, du contexte de la naissance de ces horloges, du contexte des grandes découvertes…

Deuxième aspect important, comment c'est fait ? On va produire des éclatés, montrer des machines ouvertes. Quand on se pose la question « comment c'est fait ? », on entend aussi « quel est le processus de production ? Est-ce un produit artisanal ou un produit industriel ? Est-il fabriqué à l'unité, ou en très grande série » ? C'est important ; si l'on coupe l'objet de son procès de production, on casse quelque chose, on ne remplit pas notre mission.

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Enfin, troisième question : « comment ça marche » ? C'est la question immédiate que se posent les enfants quand ils viennent au musée. Comment ça marche ? Comment est la structure de la machine, de l'appareil, de l'objet technique ? Lorsque je faisais mes études, on m'a mis devant une boîte à vitesses de 403, à charge pour moi de la démonter, puis de la remonter en entier. Une fois que j'ai eu remonté ma boîte à vitesses, j'ai compris comment elle marchait parce que j'avais tout manipulé. Il y a donc l'aspect manipulation, démontage, remontage.

Le deuxième volet important du « comment ça marche », c'est le principe. Voilà qui nous amène beaucoup plus loin, au cour des phénomènes physiques mis en jeu. Prenez l'exemple du moteur à quatre temps. Si vous le présentez dans un musée technique, devez-vous aller jusqu'à l'explication thermodynamique de l'explosion, de la manière dont le gaz « s'enflamme » à l'intérieur de la chambre, comment se produit le phénomène de détente, etc… ?

Tout ceci nous éloigne de la technique pure pour entrer dans le domaine des sciences. Je me pose la question : est-ce qu'un musée des techniques doit aborder ces problèmes ? Cela dépend du contexte ; Dans les musées étrangers, comme à Londres ou à Munich, vous avez de grandes institutions où l'on vous explique à la fois la structure et les principes. En France, à Paris, le phénomène est un peu différent, car vous avez plusieurs centres spécialisés. Si vous voulez savoir comment circulent les électrons, le gaz etc…, vous allez au Palais de la Découverte, et là on vous fera des « manips »… Cela pose le problème important du rapport entre sciences et techniques. Et, pour faire référence à l'histoire des techniques, je vais bien prendre garde aussi à une idée reçue, couramment répandue encore aujourd'hui, qui veut que les techniques soient des sciences appliquées, c'est-à-dire que la technique est une application de la science. En un mot, les scientifiques, les « savants », travaillent, imaginent des choses extraordinaires et les techniciens les appliquent. La réalité est toute autre ; je citerai l'exemple bien connu de la machine à vapeur : Carnot vient après la machine à vapeur, la thermodynamique a découlé de la machine à vapeur et non l'inverse.

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3. Un musée des techniques idéal

Pour terminer, esquissons très rapidement un musée technique idéal.

Première question, à quel public s'adresse-t-on ? A priori, à tout public, donc il faut permettre plusieurs lectures. Pour les jeunes, c'est l'appréhension du « comment ça marche », par des modèles, mais aussi par la manipulation ; plus on a directement accès aux choses en trois dimensions, mieux c'est.

Dans le public d'adultes, on a deux types de publics. Pour des adultes non techniciens, il y a un aspect très important que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est l'émotion. S'il est accroché par la beauté des choses, il peut aussi se l'approprier et aller voir plus loin.

Pour les adultes techniciens, le musée technique peut être à la fois un lieu où ils apprennent quelque chose de plus, où ils approchent l'histoire des objets techniques, mais ce peut être aussi un lieu – voir le musée-miroir dont on parlait tout à l'heure – où quand ils se retrouvent avec les leurs, ils leur montrent un élément de leur culture ; ils disent : « tiens, voilà comment ça marche, c'est fait comme ci, c'est fait comme ça ». Je dirais que le musée a un rôle social à jouer, notamment pour tout un public de techniciens.

Deuxième question : comment présenter les objets ? Les instruments scientifiques, est-ce qu'on les présente comme ils sont actuellement sur des étagères, ou est-ce qu'on les présente en situation ? Doivent-ils fonctionner, ne doivent-ils pas fonctionner ? Pour les transports, est-ce qu'on doit pouvoir monter dans les voitures et se promener avec ? Est-ce qu'on peut se pencher dessous ? Est-ce qu'on peut montrer un moteur en pièces détachées ou pas ? Je pose des questions, je n'apporte pas de réponses parce que je crois qu'en fonction des objets, la réponse est différente.

Autre question : faut-il présenter un objet représentatif des lanternes magiques du XIXe siècle, étant donné que le Musée en a quarante-cinq, ou est-ce qu'on présente toutes parce qu'elles sont toutes différentes et que cela nous permet de lire l'évolution génétique de ces objets techniques ?

Dernier point, que j'ai mis à la fin parce qu'il me semble vraiment très important, c'est appréhender la dynamique de l'évolution, voir le foisonnement des solutions techniques adoptées

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au cours du temps. On est obligé de se situer dans une dynamique d'objets techniques, de se situer dans l'axe du temps, mais aussi dans l'axe de la culture d'un pays.

Bibliographie

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Enseigner à des adultes

Gérard Malglaive

Débat préparé par : J. Lebeaume, M. Méheut, P. Pelpel

G. Malglaive : Dès le début de ma carrière, j'ai très vite été

préoccupé par l'importance de la résonance pratique des savoirs chez les salariés en formation. Le début de ma carrière, c'est lorsque je travaillais à Nancy avec Bertrand Schwartz. On commençait à essayer de faire de la formation d'adultes autrement qu'en reproduisant les cours destinés aux jeunes générations. Lorsqu'on arrivait à ancrer cette formation dans la pratique, c'est-à-dire lorsqu'on arrivait à répondre à la grande question de nos auditeurs : à quoi ça sert ? on pouvait constater une sorte d'amélioration des apprentissages. Bien sûr, on ne savait pas comment mesurer cette amélioration, mais en tout cas ça se passait mieux. Lorsqu'on réussissait à enseigner la physique ou la chimie à partir de situations concrètes, de situations professionnelles, alors disons qu'on avait à la fois un meilleur degré de satisfaction, d'adhésion, et, me semble-t-il, une amélioration de la compréhension. À l'époque, nous parlions de pédagogie du concret pour améliorer ce phénomène, ce qui était plus une formule qu'une doctrine bien établie. En effet, lorsque l'on essayait de voir comment cette pédagogie pouvait se concrétiser, on retombait sur des problèmes insurmontables qu'à l'époque on appelait les obstacles épistémologiques ; à savoir la rupture existant entre la formalisation, les énoncés de la théorie et la perception spontanée de la réalité concrète.

Cette préoccupation du sens pratique des savoirs a été réactivée lorsque je me suis occupé de la formation en alternance. La question était cette fois : mais qu'est-ce qu'on apprend par la pratique ? Qu'est-ce qu'on apprend dans la pratique ? Qu'est-ce qu'on apprend sur le tas ? Historiquement on sait que la formation sur le tas remonte aux métiers artisanaux peu sophistiqués sur le plan technique, mais demandant néanmoins des savoirs, des savoirs de métier.

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Dans ce cadre, l'apprentissage se faisait entièrement sur le tas. À vrai dire il n'y avait même pas d'apprentissage organisé si on naissait fils de charpentier, hé bien on était charpentier en naissant et on devenait charpentier. On apprenait le métier sans qu'il y ait de dispositif particulier pour l'apprendre.

Ces interrogations ont été remaniées et approfondies à partir d'une recherche que j'ai faite sur les formations liées aux nouvelles technologies, dans les entreprises, autour des années 83-85. Dans l'une de ces entreprises, le PDG avait décidé pour des raisons politico-sociales qu'il y aurait des O.S. sur les lignes de robots nécessaires à la fabrication du nouveau modèle. Le service formation fit convenablement son boulot, c'est-à-dire qu'il discuta avec les ingénieurs sur la question de savoir ce que pourrait faire un OS sur une ligne robotisée. La réponse des ingénieurs fut simple « rien, vous n'y pensez pas, ce n'est pas possible ». Tant bien que mal, cependant, le Service Formation parvint à définir un profil et à construire un programme de formation. Un programme hyper classique c'est-à-dire à base des maths, de physique, d'automatisme, etc… Nous avons interviewé les compagnons en formation, vers la fin de leur stage. L'un d'entre eux confondait les interrupteurs, les fameux interrupteurs « pédagogiques » utilisés pour essayer de faire comprendre le couple ouvert/fermé, et le formalisme de logique a/non-a. Pour lui, par exemple, un interrupteur devenait un non-interrupteur ! Quand à la fin de l'interview je lui demande « bon, alors et tout cela à quoi ça sert ? », il me répond « ça, c'est à eux qu'il faut le demander ». Nous avons revu les mêmes stagiaires trois mois après, au pied des machines, et là ils étaient devenus capables, lorsque le robot tombait en panne, de tester les cartes des automatismes, de voir si c'était à oui ou à non. Apparemment ça ne leur posait plus de problème. Qu'est ce qui s'était passé au pied de ces machines ? Un beau jour j'ai décidé de prendre tout ça à bras le corps et d'essayer d'analyser ce que pouvaient être les savoirs de l'action, avec évidemment l'hypothèse de départ que les savoirs de l'action n'étaient pas seulement les savoirs théoriques. Cela a été l'axe fort de mon travail de recherche. Pour mon propre plaisir, j'y ai également introduit deux axes dérivés, deux axes plus polémiques, si je puis dire.

Le premier de ces deux axes polémiques est celui qui donne le titre du bouquin « Enseigner à des adultes ». Le monde de la formation des adultes s'est constitué à partir de la fin des années

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soixante contre le monde de l'enseignement. Par la suite, les effets du post-soixante-huitisme ont fait que de plus en plus le champ dominant de la formation des adultes est devenu le relationnel, le psycho-affectif, la personnalité. Si bien que les contenus, les disciplines, les connaissances ont fini par être considérés comme n'appartenant pas au champ de la formation des adultes. Et cela jusqu'aux années 80. Or, pendant tout ce temps là, en même temps que je bataillais avec moi-même pour savoir ce qu'était ce savoir qui s'apprenait par la pratique, je suis en permanence resté convaincu qu'il ne pouvait y avoir de formation sans connaissances. J'ai participé à un numéro de la revue Éducation Permanente où j'ai écrit un article qui s'appelait « Défense et illustration du cours magistral ». Le titre de cet article et celui du livre relève de la même volonté de lutter contre le rejet de la connaissance.

Il est apparu autour des années 83 que l'irruption des nouvelles technologies rendait difficile de s'en tenir au seul aspect relationnel de la formation et qu'il y avait un aspect technique qui devenait incontournable. Mais, nouvel avatar du refus des connaissances dans le monde de la formation des adultes, on est allé chercher ce qui pourrait bien rendre les gens intelligents sans qu'on ait besoin de faire appel aux connaissances. Le leitmotiv dans les entreprises étant : « les ouvriers n'ont pas de logique », certains formateurs ont cherché à donner de la logique à ces ouvriers indépendamment des connaissances c'est ce qui a donné lieu au courant dit de « l'éducabilité cognitive ».

M. Méheut : On va reprendre les principaux thèmes que vous

abordez dans votre livre, les rapports en fait des savoirs et des pratiques. Vous insistez en particulier sur la diversité des formes de savoir et sur la diversité des formes de pratique matérielle ou symbolique, c'est une première partie. Dans une deuxième partie vos réflexions s'orientent davantage vers des aspects pédagogiques et vous analysez en particulier l'histoire et les limites de la notion d'objectif, encore avec un certain esprit de polémique… Ensuite vous passez à un point de vue plus cognitif, en analysant l'évolution de la pensée de Piaget sur la construction des structures cognitives et vous intégrez certains travaux de traitement de l'information en particulier ceux de Hoc. Tout ceci vous amène à formuler un certain nombre de propositions sur la construction de dispositifs pédagogiques. On va reprendre

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