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Stratégies de modifications du cœur xanthène pour approcher des longueurs d’ondes dans le NIR-I longueurs d’ondes dans le NIR-I

Synthèse de colorants fluorescents de type hétéro-xanthènes

I. État de l'Art 1. Xanthènes

I.1.3. Stratégies de modifications du cœur xanthène pour approcher des longueurs d’ondes dans le NIR-I longueurs d’ondes dans le NIR-I

La première stratégie, pour induire un déplacement bathochrome significatif des longueurs d'onde d'absorption et d'émission des rhodamines/rosamines, est d'étendre la conjugaison du système p, comme cela est couramment pratiqué avec les colorants de la famille des polyméthine cyanines27. Le groupe de R. P. Haugland, fondateur de la société Molecular Probes (rachetée en 2003 par Invitrogen, et aujourd'hui intégrée au groupe Thermo Fisher Scientific) a été le premier à explorer en profondeur cette voie. Leurs travaux28 ont conduit à la délivrance de plusieurs brevets29 et à la commercialisation d'une nouvelle famille de fluorophores hydrosolubles et bioconjugables (i.e., possédant une fonction CO2H activable ou préalablement activée sous forme d'ester de N-hydroxysuccinimidyle (NHS)) nommés les "Alexa Fluor® dyes" dont ceux présentant des propriétés spectrales dans la gamme 488-633 nm sont des dérivés xanthènes (Figure 5).

Figure 5. Structures et propriétés photophysiques des "Alexa Fluor® dyes" (PBS = Phosphate Buffered Saline, pour tampon phosphate salin, pH 7,5). Issue de la publication du groupe de R. P. Haugland28.

En 2003, le groupe de K. Burgess publie des travaux portant sur l'extension du système p d'analogues de rosamines substituées en position meso par un motif para-bromophényle30. L'ajout de doubles liaisons sur les cycles pipéridiniques fusionnés au cœur xanthène permet un déplacement bathochrome important comme illustré sur la Figure 6.

27 B. Ballou, L. A. Ernst, A. S. Waggoner, Curr. Med. Chem., 2005, 12, 795-805.

28 N. Panchuk-Voloshina, R. P. Haugland, J. Bishop-Stewart, M. K. Bhalgat, P. J. Millard, F. Mao, W.-Y. Leung, R. P. Haugland, J. Histochem. Cytochem., 1999, 47, 1179-1188.

29 a) F. Mao, W.-Y. Leung, R. P. Haugland, Sulfonated xanthene derivatives synthesis and applications as fluorescent stains. Molecular Probes, Inc., USA . WO9915517A1; b) Z. Diwu, J. Liu, R. P. Haugland, K. R. Gee, Novel hydroxyquinoline derivative fluorescent dyes and their biological applications. Molecular Probes, Inc., USA . WO2002012195A1.

30 G.-S. Jiao, J. C. Castro, L. H. Thoresen, K. Burgess, Org. Lett., 2003, 5, 3675-3677. O CO2H N H N H SO3H SO3 -O N N HO3S CO2H SO3 -HO2C O SO3- SO3 -H2N NH2 CO2 --O2C 3 Li+ O N H N H HO3S SO3 -CO2H HO2C O N H N H CO2H SO3- SO3 -Cl Cl S Cl O HO2C Na+ Alexa Fluor® 594 λabs/em = 591/618 nm φF = 66% (PBS) Alexa Fluor® 568 λabs/em = 579/603 nm φF = 69% (PBS) Alexa Fluor® 488 λabs/em = 490/519 nm φF = 92% (PBS) Alexa Fluor® 532 λabs/em = 530/555 nm φF = 61% (PBS) Alexa Fluor® 546 λabs/em = 556/572 nm φF = 79% (PBS)

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Figure 6. Dérivés rosamines développées en 2003 par le groupe de K. Burgess30

Cinq années plus tard, le groupe de M. Lemaire publie une nouvelle voie de synthèse basée sur la réaction de Heck31 facilitant l'accès à des dérivés aux systèmes p conjugués étendus, initialement développés par le groupe de R. P. Haugland32. Ces derniers montrent les mêmes propriétés spectrales que les précédents dérivés, cependant leurs rendements quantiques ont été déterminés dans des solvants organiques (Figure 7). Tout comme dans les travaux présentés précédemment (études réalisées dans l'éthanol), aucun de ces dérivés n'a été caractérisé, du point de vue spectral, dans un tampon aqueux (typiquement le PBS à pH 7.4). En effet, l'ajout de cycles (hétéro)aromatiques confère le plus souvent à la structure un caractère hydrophobe marqué et donc une solubilité dans l'eau médiocre et/ou une forte tendance à s'agréger en milieu aqueux. Cela affecte souvent les propriétés spectrales (notamment le rendement quantique de fluorescence) et il est alors indispensable de développer et/ou d'appliquer une méthode d'hydrosolubilisation souvent basée sur l'introduction de groupements polaires, chargés à pH physiologique ou zwitterioniques33. La difficulté consiste à obtenir des xanthènes bolaamphiphiles34 et non pas des molécules solubles dans l'eau et non fluorescentes car formant des micelles en milieu aqueux. Un important travail de conception moléculaire et de synthèse est donc souvent nécessaire pour obtenir des colorants xanthènes à la fois brillants et utilisables en milieu biologique. Si on fait abstraction du paramètre solubilité, il est intéressant de noter que plusieurs réalisations spectaculaires ont été publiées lors de la dernière décennie avec notamment les aminobenzopyrano-xanthènes (ABPX) du groupe de S. Kamino35 ou les dérivés ECX du groupe de Y. Yang36 qui possèdent des propriétés spectrales dans la gamme 850-950 nm (Figure 8).

31 E. David, J. Lejeune, S. Pellet-Rostaing, J. Schulz, M. Lemaire, J. Chauvin, A. Deronzier, Tetrahedron Lett., 2008, 49, 1860-1864.

32 J. Liu, Z. Diwu, W.-Y. Leung, Y. Lu, B. Patch, R. P. Haugland, Tetrahedron Lett., 2003, 44, 4355-4359.

33 Pour des publications sur des méthodes d'hydrosolubilisations de cœurs xanthènes fluorescents : a) A. Romieu, D. Brossard, M. Hamon, H. Outaabout, C. Portal, P.-Y. Renard, Bioconjugate Chem., 2008, 19, 279-289; b) V. P. Boyarskiy, V. N. Belov, R. Medda, B. Hein, M. Bossi, S. W. Hell, Chem. - Eur. J., 2008, 14, 1784-1792; c) A. Romieu, D. Tavernier-Lohr, S. Pellet-Rostaing, M. Lemaire, P.-Y. Renard, Tetrahedron Lett., 2010, 51, 3304-3308; d) A. Chevalier, C. Mercier, L. Saurel, S. Orenga, P.-Y. Renard, A. Romieu, Chem. Commun. , 2013, 49, 8815-8817; e) P. Shieh, M. S. Siegrist, A. J. Cullen, C. R. Bertozzi, Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 2014, 111, 5456-5461; f) A. Chevalier, W. Piao, K. Hanaoka, T. Nagano, P.-Y. Renard, A. Romieu, Methods Appl. Fluoresc., 2015, 3, 044004.

34 J.-H. Fuhrhop, T. Wang, Chem. Rev. , 2004, 104, 2901-2937.

35 Pour des publications du groupe sur le sujet : a) S. Kamino, M. Murakami, M. Tanioka, Y. Shirasaki, K. Watanabe, J. Horigome, Y. Ooyama, S. Enomoto, Org. Lett., 2014, 16, 258-261; b) M. Tanioka, S. Kamino, A. Muranaka, Y. Ooyama, H. Ota, Y. Shirasaki, J. Horigome, M. Ueda, M. Uchiyama, D. Sawada, S. Enomoto, J. Am. Chem. Soc., 2015, 137, 6436-6439; c) Y. Shirasaki, Y. Okamoto, A. Muranaka, S. Kamino, D. Sawada, D. Hashizume, M. Uchiyama, J. Org. Chem., 2016,

81, 12046-12051; d) N. Fukino, S. Kamino, M. Takahashi, D. Sawada, J. Org. Chem., 2017, 82, 13626-13631.

36 Z. Lei, X. Li, X. Luo, H. He, J. Zheng, X. Qian, Y. Yang, Angew. Chem. Int. Ed., 2017, 56, 2979-2983.

O N N Br O N N Br O N N Br

λabs/em = 556/579 nm λabs/em = 580/602 nm λabs/em = 594/616 nm

+ 24 nm + 14 nm

+ 38 nm

X- X

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Figure 7. Structures et propriétés photophysiques de sulforhodamines à conjugaison étendue31.

Figure 8. Structures et propriétés photophysiques de dérivés xanthènes à conjugaison étendue35c,36.

Afin de pallier au principal défaut de la méthode exposée ci-dessus (i.e., augmentation excessive de la taille et du caractère hydrophobe du colorant xanthène), une seconde stratégie moins intuitive a été envisagée au début des années 2000. Elle repose sur une modification chimique subtile, à savoir la substitution de l'atome d'oxygène intracyclique du cœur xanthène par un atome de carbone disubstitué (typiquement CMe2) ou plus généralement un motif possédant un hétéroatome (e.g., SiR2, GeR2, S, Se, P(O)R, P(O)OR, …).

Dans les années 2000, le groupe de K. H. Drexhage est le premier à explorer cette voie en synthétisant des dérivés carbo-pyronines et carbo-rosamines37. Celles-ci présentent des déplacements bathochromes de leurs maxima d'absorption et d'émission de plus de 50 nm par rapport à leurs homologues oxygénés. En 2004, c'est au groupe de M. Detty d'exploiter cette stratégie en substituant l'atome oxygène intracyclique de la tétraméthylrosamine par un atome de soufre ou de sélénium afin d'obtenir de bons photosensibilisateurs pour des applications en PDT38. Les longueurs d'ondes sont déplacées de +20 nm et +30 nm respectivement pour le soufre et le sélénium. Ces deux atomes favorisent en outre le passage à l'état triplet de la molécule excité (i.e., ISC favorisé par l'effet d'atome lourd) ce qui a pour conséquence une forte diminution du rendement quantique de fluorescence de ces composés (de moitié pour la S-tétraméthylrosamine et quasi-nul pour la Se-tétraméthylrosamine) et une forte augmentation du rendement quantique de formation de 1O2. Les dérivés S- et Se-xanthènes sont donc généralement de bons photosensibilisateurs contrairement au composé oxygéné parent. La première Si-pyronine,

37 J. Arden-Jacob, J. Frantzeskos, N. U. Kemnitzer, A. Zilles, K. H. Drexhage, Spectrochim. Acta, Part A, 2001, 57A, 2271-2283.

38 M. R. Detty, P. N. Prasad, D. J. Donnelly, T. Ohulchanskyy, S. L. Gibson, R. Hilf, Bioorg. Med. Chem., 2004, 12, 2537-2544. O N N Ph Ph SO3 -Rhodamine indolique λabs/em = 634/672 nm φF = 64% (MeOH) Rhodamine Benzothiophène λabs/em = 613/638 nm φF = 16% (MeOH) N N SO3H O N N Ph Ph SO3 -S S SO3H O ECXb λabs/em = 879/922 nm φF = 9% (CH2Cl2) ε = 13.3 x 104 M-1.cm-1 N N O Cl -O N N COOH HOOC 2 CF3COO -ABPX λabs/em = 660/680 nm φF = 9% (10% CF3COOH in CHCl3) ε = 7.7 x 104 M-1.cm-1

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nommée TMDHS, analogue SiMe2 de la pyronine Y, sera quant à elle synthétisée en 2008 par le groupe de Y. Xiao. Elle présente un maximum d'absorption à 634 nm et un maximum d'émission à 660 nm avec un rendement quantique de 18% dans l'eau39. C'est cette réalisation remarquable qui a inspiré de nombreux groupes de recherche à travers le monde et a permis le développement exponentiel des travaux sur les colorants hétéro-xanthènes. L'étendue de ces réalisations publiées sur une période de moins de 10 ans est bien illustrée par la Figure 9 issue de la revue du groupe de K. Hanaoka et T. Nagano40. Un état de l'art non-exhaustif des différents hétéro-xanthènes et plus particulièrement les travaux concernant les sulfone-xanthènes ainsi que les Si-xanthènes sera détaillé dans la prochaine partie.

39 M. Fu, Y. Xiao, X. Qian, D. Zhao, Y. Xu, Chem. Commun., 2008, 1780-1782.

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Figure 9. Représentation des différents (hétéro-)xanthènes suivant leurs maxima d'absorption et leur rendement quantique de fluorescence. Illustration issue de la revue de Ikeno et al.40. © 2017 Wiley-VCH.

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