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Chapitre III. Qualités sensorielles de la viande bovine et conséquences de sa variabilité

IV.3. La stratégie protéomique

IV.3.2. Stratégies d’identification des protéines

Globalement, deux stratégies permettent l’identification des protéines: l’approche

bottom-up et l’approche top-down. L’approche bottom-up qui a longtemps été la plus utilisée repose

sur une stratégie basée sur la digestion protéolytique des protéines d’intérêt suivie d’une

identification par spectrométrie de masse. L’approche top-down qui nécessite l’utilisation de

spectromètres de masse permettant une analyse de masse précise repose sur la fragmentation

directe des protéines d’intérêt sans digestion au préalable (Zhang et al., 2013 ; Garcia, 2010 ;

Catherman et al., 2014)

Aujourd’hui, c’est l’usage de la spectrométrie de masse (MS) qui est plébiscité pour

l’analyse du protéome en raison des multiples avancées techniques apparues ces 20 dernières

années (Nilsson et al., 2010). La protéomique permet au final non seulement d’inventorier et

cartographier (Bouley et al., 2004) les protéines qui composent un protéome donné, mais

aussi de déterminer les différences qualitatives et quantitatives induites par une situation

physiologique particulière (analyse protéomique différentielle) (Aebersold et Mann, 2003).

L’analyse protéomique est généralement composée d’une série d’étapes (Figure 24). Les

protéines sont extraites à partir d’un échantillon biologique et sont ensuite séparées ou

fractionnées avant et/ou après digestion enzymatique. Les peptides ainsi obtenus sont

analysés par spectrométrie de masse et les spectres générés serviront à l’identification, à la

caractérisation et/ou à la quantification des protéines à l’aide d’outils bioinformatiques.

Les techniques de séparation des protéines peuvent être classées en deux grandes

catégories : Les techniques de séparation sur gels d’électrophorèse et les techniques de

séparation sans gel souvent appelées « Gel-free » ou « OFF-GEL ». Dans ce qui suit, une

brève description des techniques séparatives mono- et bidimensionnelle sur gel.

Figure 25. Principe général de l’électrophorèse bidimensionnelle (2DE) et stratégie

protéomique.

Les protéines sont séparées dans une (A) première étape en fonction de leur pI après une

isoélectrofocalisation (IEF) dans un gradient de pH crée grâce à des copolymères d’acrylamide : les

immobilines portant des charges généralement de 3 à 10, mais variables (gradient large, ou étroit ou

très étroit). Dans une seconde étape, les protéines de ce gel sont séparées dans un gel SDS-PAGE

standard en fonction de leur poids moléculaire puis colorées, (B) par exemple au bleu de

Coomassie. Les protéines d’intérêt (spots ou bandes) sont (C) excisées du gel pour une

identification poussée par spectrométrie de masse et analyse in silico.

Chapitre IV Revue de littérature

IV.3.2.1. Électrophorèse monodimensionnelle (1DE)

L’électrophorèse 1DE en conditions dénaturantes (SDS-PAGE) (Laemmli, 1970) est une

technique séparative permettant de fractionner le contenu protéique d’un extrait sur un gel

d’acrylamide selon la masse moléculaire des protéines. Après extraction, les protéines sont

solubilisées dans un tampon contenant le SDS. Ce dernier est un détergent puissant,

permettant la solubilisation des protéines en leur conférant une seule charge négative.

Sous l’effet d’un champ électrique, les protéines, qui portent toutes une charge équivalente

après traitement au SDS, migrent dans le gel réticulé en direction de l’anode et sont ainsi

séparées selon leur masse moléculaire dans les mailles du gel d’acrylamide. Les protéines

sont ensuite communément révélées au bleu de Coomassie ou au nitrate d’argent (Neuhoff et

al., 1988 ; Brunelle et Green, 2014 ; Kavran et Leahy, 2014).

Selon le niveau de fractionnement souhaité, on pourra limiter la séparation à l’obtention

d’une seule bande regroupant toutes les protéines (le gel « stacking ») ou au contraire

l’étendre jusqu’à obtention d’une multitude de bandes correspondant aux protéines de

l’échantillon selon l’objectif escompté. Il est aussi possible de faire varier la réticulation du

gel (la taille des mailles) afin d’augmenter la capacité résolutive sur des gammes de masses

moléculaires spécifiques.

IV.3.2.2. Électrophorèse bidimensionnelle (2DE)

L’électrophorèse bidimensionnelle (2DE) (O’Farrell, 1975) comme présentée ci-dessus,

consiste à séparer les protéines sur deux dimensions. Dans une première dimension, les

protéines sont séparées selon leur point isoélectrique (pI) dans une bande de gel d’acrylamide

fonctionnalisée avec des immobilines ou IPG-Strip (acides et bases faibles créant un gradient

de pH) par isoélectrofocalisation (IEF) (Gorg et al., 2004). Dans une seconde dimension, les

protéines sont séparées sous l’effet d’un champ électrique, selon le même procédé que le gel

SDS-PAGE, au sein d’un gel d’acrylamide (environ 20 x 20 cm le plus souvent) plus ou

moins réticulé (rapport acrylamide/bis acrylamide) selon leur masse moléculaire. Le principe

général de l’électrophorèse 2DE est présenté en Figure 25.

L’électrophorèse bidimensionnelle permet donc la séparation en routine de 2000 protéines

environ. Elle offre également l’avantage d’être compatible avec la spectrométrie de masse, de

permettre l’observation de la présence de certaines modifications post-traductionnelles (MPT)

et de conserver des informations relatives aux propriétés physico-chimiques des protéines

comme leur poids moléculaire ou la valeur de leur point isoélectrique (Rabilloud et al., 2010).

La révélation des spots protéiques sur les gels 2D offre l’avantage de permettre la

quantification de l’abondance relative des protéines contenues dans divers échantillons.

Pour la visualisation des protéines séparées sur les gels 1DE ou 2DE, il existe de nombreux

types de révélations qui diffèrent par leur sensibilité et gamme de linéarité de réponse :

Ξ la coloration au bleu de Coomassie (sensibilité 50 – 100 ng environ, linéarité : 2 – 3

ordres de grandeur) (Westermeier et Marouga, 2005) ;

Ξ au nitrate d’argent (sensibilité de l’ordre du ng ; gamme de linéarité < 2 ordres de

grandeur) (Rabilloud, 1999) ;

Ξ le marquage des protéines avec des composés fluorophores (sensibilité < 0,1 ng; gamme

de linéarité : 4 – 5 ordres de grandeur) (Marouga et al., 2005). Les colorations

fluorescentes qui permettent d’atteindre des sensibilités de l’ordre de l’attomole, sont

souvent utilisées dans le cas de la DiGE citée ci-dessus.

IV.3.2.3. Analyse des peptides par spectrométrie de masse et PMF

Un spectromètre de masse permet la mesure du rapport masse sur charge (m/z) des

peptides issus de la digestion enzymatique des protéines de l’échantillon à analyser, ainsi que

de leurs fragments qui sont générés au sein des instruments. Les spectromètres de masse

combinent 4 éléments : la source, qui permet l’ionisation et la volatilisation des molécules,

une interface qui permet la transmission et la focalisation des ions vers l’analyseur, un

analyseur qui « filtre » (sépare) les ions selon leur rapport m/z et un détecteur contre lequel

les ions viennent frapper permettant la détection du signal.

Les sources qui permettent d’ioniser les protéines sont dites « douces » puisque l’énergie

qu’elles leur transmettent ne risque pas de les détruire. Il s’agit des sources MALDI (

Matrix-Assisted Laser Désorption/Ionisation) (Karas et Hillenkamp, 1988) et électrospray (Fenn et

al., 1988). La source électrospray par exemple permet l’ionisation de molécules en solution à

pression atmosphérique sous l’effet d’un champ électrique.

Tableau 02. Revue non-exhaustive des approches de protéomique quantitatives les plus utilisées dans le domaine des sciences de la viande.

Approche Méthode Exemples Objectif Références

Gel-based Comparaison de

l’abondance de protéines

SDS-PAGE (1-D)

DIGE

Changement du profil protéique lors de l’attendrissage du muscle Longissimus bovin Différences chez des poulets sélectionnés pour leur poids/rendement en carcasses Utilisation de bandes protéiques pour prédire la tendreté de la viande bovine

Analyse de protéines associées à la masse corporelle et conformation de la perchaude Analyse protéomique du muscle de la morue atlantique, Gadus morhua

Changement dans les fibres légères de myosines au cours de stockage du muscle LT bovin Biomarqueurs de la tendreté de la viande bovine dans le muscle Longissimus

Comparaison des profils protéomiques de deux races porcines à différents âges Effet de la température de stockage sur la dégradation du muscle du bar commun Analyse de l’exsudat de la viande porcine fraiche en réponse au stress

(Sawdy et al., 2004) (Updike et al., 2005) (Zapata et al., 2009) (Reddish et al., 2008) (Gebriel et al., 2010) (Muroya et al., 2007) (Jia et al., 2009) (Hollung et al., 2009) (Terova et al., 2011) (Di Luca et al., 2013)

Label-based Coloration par isotopes

chimiques

iTRAQ Abondances protéiques dans le muscle Longissimus : viande tendre vs. dure

Impact de la restriction alimentaire sur le protéome du mouton australien Peppin

(Bjarnadottir et al., 2012) (Almeida et al., 2014)

Label-free Intensité du signal des

spectres de masse des peptides détectés SELDI-TOF MALDI-TOF LC-ESI-MS LC-MS/MS XIC-based nLC-MS/MS LESA-MS

Dégradation du protéome du muscle Longissimus porcin et impact sur la qualité Biomarqueurs de la qualité de la viande porcine dans le muscle Longissimus Comparaison du profil protéomique de deux muscles de cinq races porcines pures Biomarqueurs de la viande porcine du muscle Longissimus chez quatre races

Modification du protéome du muscle LT et relation avec la qualité de la viande porcine Identification de protéines spécifiques d’oxydation dans le muscle du poulet

Impact du stockage et conditions pré-abattage sur le protéome de la viande du porc Modification du protéome du muscle Pectoralis du poulet au cours de la croissance Analyse protéomique de l’hypertrophie du muscle bovin des taurillons bleu belge Protéolyse et relation avec la qualité de la viande du muscle Longissimus porcin Peptides de faible PM libérés au cours du stockage et la cuisson de la viande bovine Une méthode pour la quantification des protéines d’un extrait de viande de porc

Détection rapide de biomarqueurs de stabilité chez le bovin, porcin, équin et volaille Identification des protéines musculaires de mélanges de bovin, équin, porcin et volaille

(Te Pas et al., 2009) (Te Pas et al., 2013) (Mach et al., 2010) (Marcos et al., 2013) (Lametsch et al., 2003) (Stagsted et al., 2004) (Morzel et al., 2004) (Doherty et al., 2004) (Bouley et al., 2005) (Hwang et al., 2005) (Bauchart et al., 2006) (Gallego et al., 2015) (Montowska et al., 2014a) (Montowska et al., 2014b)

Abbreviations: DIGE: Difference Gel Electrophoresis; iTRAQ: isobaric Tag for Relative and Absolute Quantification; SELDI-TOF: Surface-Enhanced Laser

Desorption/Ionization-time-of-flight; MALDI-TOF: Matrix Assisted Laser Desorption/Ionization-time-of-flight; XIC: Extracted Ion Currents; nLC-MS/MS: nanoliquid

Il existe différentes géométries d’analyseurs qui peuvent être caractérisées par la gamme de

masses analysables, leur précision de masse, leur sensibilité et leur résolution. Le choix de

l’analyseur doit donc être adapté à chaque type d’analyse, qu’elle soit qualitative ou

quantitative. Les analyseurs les plus utilisés sont : i) l’analyseur quadripolaire (Q) ; ii) le piège

à ions quadripolaire (IT) ; iii) l’analyseur en temps de vol (TOF) et iv) l’analyseur à

transformée de Fourier (FT-ICR).

L’apparition des banques de données protéiques et leur enrichissement en séquences

protéiques ainsi que les développements instrumentaux récents ont conduit à l’apparition de

différentes stratégies pour l’identification des protéines. Ainsi, le concept de l’identification

par empreinte peptidique massique PMF (« Peptide Mass Fingerprint ») a été décrit (Pappin

et al., 1993 ; Henzel et al., 2003 ; Thiede et al., 2005 ). Cette stratégie consiste à identifier

les protéines en comparant la liste des masses expérimentales des peptides à l’ensemble des

listes de masses calculées à partir des séquences des peptides issues de la digestion in silico.

De nombreux moteurs de recherche PMF sont développés. On peut citer entre autres

Mascot (Cox et al., 2014), MOWSE (Hsu et al., 2003), MS-Fit (Sandin et al., 2014),

ProFound (Cappadona et al., 2012), etc. En général, cette stratégie est utilisée pour identifier

des protéines séparées par gel 2DE puis digérées et analysées par MALDI-TOF-MS. En effet,

avec la croissance considérable du nombre d’entrées dans les banques de séquences

protéiques, la spécificité du PMF est devenue très limitée (Venable et al., 2004) par rapport au

séquençage par MS/MS des peptides.