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Chapitre II. Transformation post-mortem du muscle en viande et rôle de l’apoptose

II.5. Preuves de la mise en place de l’apoptose

II.5.1. Dégradation de l’actine

Les myofilaments fins sont constitués de 3 protéines : l’actine (20 – 25 % des protéines

myofibrillaires totales), la tropomyosine et les troponines (Figure 13). L’actine est la seconde

protéine la plus abondante des myofibrilles et elle est très abondante dans beaucoup de

cellules eucaryotiques et son ubiquité est largement documentée. Le squelette d'actine

constitué par les filaments d'actine et une myriade de protéines liées à l’actine est impliqué

dans plusieurs fonctions cellulaires (Svitkina, 2013). Elle est impliquée dans les activités

cellulaires qui exigent un mouvement ou un changement de conformation cellulaire, même

partiellement (Atencia et al., 2000 ; Disanza et al., 2005).

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L’actine est une protéine globulaire possédant un acide aminé rare, la 3-méthyl histidine.

L’actine a un poids moléculaire de ~ 43 kDa. Elle est constituée d’une chaîne polypeptidique

hautement conservée (376 résidus) dont la séquence est connue. Elle existe sous deux formes,

l’actine globulaire (actine G) sous forme de monomères dispersés qui peuvent s’assembler

pour donner une forme filamenteuse (actine F) sous forme de polymères (Dingová et al.,

2009 ; Chhabra et al., 2009). Les molécules au nombre de 350 environ sont placées bout à

bout et forment deux brins torsadés en hélice (Figure 13). Les myofilaments fins sont formés

par l’association de cette double hélice et de deux protéines régulatrices (Poirier et al., 1999).

Les filaments d'actine sont des structures polaires et ont donc deux extrémités

structurellement et biochimiquement distinctes.

L’actine monomérique (actine G) majoritaire à une concentration ionique très basse, et des

assemblages spontanés ont lieu juste après l’augmentation de la concentration ionique pour

former l’actine filamenteuse (actine F). L'actine F, est une protéine cytosquelettique

importante impliquée dans beaucoup de fonctions physiologiques, y compris la motilité,

l'adhérence, la division cellulaire, l’endocytose, la phagocytose, l’établissement et le maintien

de la polarité, le trafic intracellulaire et la morphogénèse des cellules et leur entretien

(Chhabra et al., 2009 ; Carlier et Pantaloni, 2010).

L'actine, qui est connue pour toutes ces fonctions et en particulier pour être un composant

cytosquelettique, possède également d’autres fonctions au sein du noyau des cellules. L’actine

nucléaire est impliquée dans divers processus tels que le remodelage de la chromatine, la

régulation transcriptionnelle, les transports nucléaires (Vartiainen et al., 2007), et la

transcription des trois classes d’ARN polymérases eucaryotiques (Ye et al., 2008). La variété

de fonctions cytoplasmiques du cytosquelette d'actine est basée sur sa capacité d’adaptation

aux diverses structures selon les conditions ioniques et l'interaction avec certaines protéines

spécifiques (Pak et al., 2008).

II.5.1.2. Dégradation de l’actine et apoptose

Le processus apoptotique se compose d'un ordre d’événements cellulaires finement

régulés. Sans compter la dégradation de l'ADN nucléaire et l'activation des caspases,

caractéristiques apoptotiques déjà citées, d'autres événements cellulaires sont impliqués.

Parmi ces événements, consistant à dégrader des protéines cytosquelettiques au cours de

l'apoptose et qui a suscité beaucoup d'attention est celui de l’actine (Atencia et al., 2000).

L'actine cytosquelettique, un élément essentiel de la cellule, semble être impliquée dans le

phénomène de la mort apoptotique des cellules (Atencia et al., 2000). Plusieurs études ont

indiqué qu’elle est clivée pendant le phénomène d’apoptose (Asumendi et al., 2000 ; Bursch

et al., 2000). Le clivage de l'actine se produit en même temps que la dégradation d'ADN

nucléaire (Suarez-Huerta et al., 2000).

Il est bien connu aujourd’hui que la dégradation de l'actine est le résultat d’un clivage

protéolytique. Le rôle des caspases, a suscité une attention particulière en raison de leur

implication dans l’initiation et l'exécution du phénomène d’apoptose. Plusieurs lignes

d'évidence soutiennent ce rapport causal entre la rupture des filaments d'actine et l'apoptose :

Ξ Premièrement, dans certaines cellules, chaque cellule ayant un noyau réduit en fragments,

indicateur du changement d'ADN lors d’apoptose, montrent également, une

désorganisation complète de l’actine F (Van De Water et al., 1996) ;

Ξ Deuxièmement, la rupture cytosquelettique dans les cellules apoptotiques favorise les

dommages de la membrane mitochondriale, et augmente la libération du Cyt c, activant la

caspase 9, qui à son tour lance la cascade caspasique (Yamazaki et al., 2000) ;

Ξ Troisièmement, il y a une association physique entre l'actine et la DNase I (Kabsch et al.,

1980). L'actine intacte peut lier et séquestrer la DNase I, une endonucléase qui induit la

fragmentation de l’ADN, de sorte que la rupture de l'actine active les DNases et provoque

la dégradation nucléaire, une forte caractéristique de l’apoptose (Kayalar et al., 1996) ;

Ξ Quatrièmement, le clivage cytosquelettique accélère ainsi l'activation de la caspase 3

(Yamazaki et al., 2000).

Le clivage de l’actine F par la caspase activée est étudié in vitro et in vivo, et les effets

peuvent être empêchés par certains inhibiteurs de caspases (Mashima et al., 1995, 1997,

1999). Il a été constaté que la caspase activée, n’assure pas seulement la catalyse directe de la

dégradation d'actine, mais active également d'autres enzymes intracellulaires qui, à leur tour

attaquent l'actine intracellulaire (Sabourin et al., 2000). Le déclenchement des changements

de l’actine F ayant lieu lors de l’apoptose varient avec le type de cellules et, selon les

inducteurs apoptotiques considérés (Suarez-Huerta et al., 2000). Cependant, on admet que le

clivage de l’actine F est un événement qui s’installe à un stade très précoce de l’apoptose

(Maruyama et al., 2000).

Une autre étude a démontré la formation de filaments enrobés dans des corps apoptotiques

(van Engeland et al., 1997). Dans les études montrant l'ordre de la cascade apoptotique,

Maruyama et al. (2000) ont signalé que les changements cytosquelettiques sont parmi les

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événements les plus précoces, précédant d'autres changements apoptotiques. Par ailleurs, il a

été constaté que le processus de bourgeonnement ayant lieu dans les cellules apoptotiques,

menant par la suite à la fragmentation des cellules, exige la neopolymérisation de l'actine

(Suarez-Huerta et al., 2000) et semble être dynamiquement régulé (Rao et al., 1999). En

outre, à la suite de son clivage, le fragment d'actine lui-même peut induire des changements

morphologiques (Mashima et al., 1999). Plusieurs études ont montré qu’il s’agit d’un

changement biphasé.

II.5.1.3. Les peptidases apoptogènes (caspases) et clivage de l’actine

L'actine est bien connue comme un substrat des caspases (Kayalar et al., 1996 ; Song et al.,

1997) et des calpaïnes (Brown et al., 1997 ; Wang et al., 1998). Dans certaines cellules

modèles, un lien direct entre la dépolymérisation d'actine et la dégradation de l’ADN a été

ainsi suggéré (Kayalar et al., 1996). Bien qu’elle présente une résistante au clivage in vivo

dans certains modèles (Song et al., 1997), le ciblage de l'actine et d'autres filaments

intermédiaires est responsable en partie de la dégradation de la morphologie cellulaire

pendant la phase exécutrice de l’apoptose.

Le lien qui existe entre la caspase 3 et l’actine a été largement étudié et il semble que la

caspase 3 clive la gélsoline. Les fragments produits perturbent les filaments d'actine

(Kothakota et al., 1997).

Le Gas2 (growth arrest-specific gene), un composant de la structure des microfilaments

auquel l’actine se lie, est considéré comme substrat, et est clivé par la caspase 3 (Sgorbissa et

al., 1999). De plus, l’actine est clivée par la caspase (Figure 08c) principalement au niveau de

deux emplacements, entre Asp

11

et Asn

12

et entre Asp

244

et Gly

245

. Un site du clivage mineur

entre Glu

107

et Ala

108

a également été identifié (Kayalar et al., 1996).

II.5.1.4. Dégradation de l’actine post-mortem

Il a été suggéré qu’une dégradation potentiellement mineure d'actine pourrait se produire dans

le muscle post-mortem (Sancho et al., 1997 ; Lametsch et al., 2002 ; 2003 ; Morzel et al.,

2004 ; Rodríguez-Frómeta et al., 2013 ; Rasolofoharitseheno et al., 2015). La dégradation

peut être mise en évidence par électrophorèse en conditions dénaturantes (SDS-PAGE) à

différents temps post-mortem, et les différents fragments peuvent être révélés par western blot

par l’utilisation d’anticorps mono ou polyclonaux dirigés contre l’actine et ses fragments ou

aussi par analyse protéomique couplée à la spectrométrie de masse.

Les caspases vont alors dégrader différents constituants de la cellule, notamment le

cytosquelette. Ainsi, des protéines comme l’actine, la myosine, la spectrine, et la tubiline sont

protéolysées. Cela mène à un affaissement de la cytostructure de la cellule, ce qui lui confère

un aspect caractéristique au microscope photonique. Les fragments d’actine générés ont été

proposés comme biomarqueurs potentiels de l’apoptose (Yang et al., 1998) et aussi de la

tendreté de la viande (voir Tableau 05 du chapitre IV).

La dégradation d'actine est associée à l'apoptose en considérant que sa dégradation précoce

est assurée par les caspases. Un fragment de 32 kDa a été identifié par Becila et al. (2010), un

résultat qui corrobore ceux obtenus par des études antérieures montrant un fragment de 32

kDa dans des cellules apoptotiques en culture (Yang et al., 1998), dans le muscle post-mortem

(Lametsch et al., 2002 ; 2003 ; Morzel et al., 2004) et sur l'actine pure hydrolysée par les

caspases (Mashima et al., 1995 ; Kayalar et al., 1996). Récemment, des fragments de la

dégradation d’actine ont été révélés par notre groupe en travaillant sur le muscle d’un poisson

d’eau douce, Cyprinus carpio (Boudida et al., 2015).