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Chapitre II. Transformation post-mortem du muscle en viande et rôle de l’apoptose

II.6. Inhibiteurs endogènes des protéases et la science de la viande

II.6.1. Bref aperçu sur les serpines

Dans ce qui suit je donnerai un bref aperçu de la superfamille des serpines largement repris

d’une large revue bibliographique réalisée dans le cadre de mon magistère (Gagaoua, 2011).

L’identification et la découverte de la superfamille des serpines remontent aux années 80,

lorsque Hunt et Dayhoff ont noté des homologies de séquences de 30 – 50% entre deux

protéines sériques : l’antithrombine et l’α

1

-antitrypsine (α

1

-AT ou α

1

-PI), et l’ovalbumine une

protéine du blanc d'œuf (Hunt et Dayhoff, 1980). Carrell et Travis ont introduit pour la

première fois le terme SERPIN pour désigner au départ la famille des inhibiteurs de

protéinases à serine du plasma (Carrell et Travis, 1985).

Depuis, la caractérisation génétique a révélé un large groupe de gènes appartenant à cette

superfamille qui dérivent probablement d’une duplication génétique d’un gène ancestral

commun il y’a environ 500 millions d’années (Carrell et al., 1987).

La superfamille des serpines constitue la plus grande classe des inhibiteurs de protéases à

sérine/cystéine connue (Silverman et al., 2010). Actuellement, elle englobe plus de 3000

membres distribués dans les trois règnes du monde du vivant, les archaebactéries (Archées),

les eubactéries et les eucaryotes, ainsi que dans quelques virus (Olson et Gettins, 2011).

Figure 16. Mécanisme d’inhibition des serpines (Huntington, 2011 ; Olson et Gettins, 2011).

La protéase (E) (Trypsine, cyan) reconnait des résidus situé dans la boucle du RCL (rouge) de la

serpine (I) et s’associe, avec une constante d’association de second ordre k

1

, pour initier la

formation du complexe Michaelis non-covalent (EI) en interagissant avec les résidus P1 et P1’ de

la boucle , sans avoir recours au changement conformationnel major. Ce complexe peut se

dissocier avec une constante d’association notée k

–1

, mais le complexe possède plus de chance

d’aller plus loin (vu que k

2

>> k

–1

). La sérine du site actif de la protéase attaque la liaison

peptidique entre P1 et P1’ comme s’il s’agissait d’un substrat (pseudosubstrat), ce qui aboutit à la

formation d’une liaison covalente entre cette sérine et le résidu P1, puis la coupure de la liaison

peptidique entre P1 et P1’ et aboutit à la formation d’un intermédiaire acyl-enzyme (EI

§

). Le

clivage du RCL déclenche une modification dramatique de la conformation de la serpine. Deux

résultats sont possibles et sont en concurrence l’un avec l’autre. Le premier est l’insertion

complète et immédiate, du RCL clivé dans le feuillet β A pour former un brin β additionnel. Ce

mouvement permet d’entrainer avec lui la protéinase (E) du pôle de la serpine à l’autre, ce qui

correspond à un déplacement relatif d’environ 70 Å, donnant le complexe covalent

enzyme/inhibiteur (E–I*). Ce piégeage se produit avec une constante d’association, k

4

.

Cependant, si la protéase peut accomplir la réaction d'hydrolyse avant que son activité soit

entièrement compromise, des produits de la serpine clivée (I*) et de la protéase libre sont formés,

avec une constante d’association de k

3

. Le rapport (k

3

/k

4

), aboutit à la « stœchiométrie

d'inhibition » (SI), représentant le nombre de moles de serpine exigés pour former 1 mole du

complexe covalent. Enfin, puisque le complexe covalent est seulement un intermédiaire

cinétiquement emprisonnée, il peut encore former les mêmes produits d'I* et d'E par une

hydrolyse non catalytique, avec une constante d’association de k

5

.

E I

*

+

EI

I

E

+ [EI

§

]

E–I*

k

1

k

–1

k

2

k

3

k

4

k

5

Chapitre II Revue de littérature

Les serpines sont des glycoprotéines globulaires, composées de chaînes de polypeptides et

d’un nombre variable d'oligosaccharides (Potempa et al., 1994), d’un poids moléculaire

compris entre 40 et 60 kDa et ayant des séquences variant de 350 – 400 acides aminés (Irving

et al., 2000 ; Gettins, 2002).

Ainsi, une serpine est constituée de 3 feuillets β (A (cinq), B (six) et C (cinq)), constituant

le corps de la molécule, alors que les hélices et les boucles entourant ces structures,

consolident la structure tertiaire (Pearce et al., 2007). On distingue 8 à 9 hélices α (hA à hI) et

une boucle d’inhibition mobile d’environ 20 résidus exposée à la surface, située à l’extrémité

C-terminale, (Figure 15) reconnue par la protéase cible et appelée RCL (Reactive Center

Loop). La longueur du RCL varie entre les différentes serpines et dicte principalement la

spécificité inhibitrice (Huntington, 2011 ; Olson et Gettins, 2011 ; Gettins, 2002).

Les serpines présentent une conformation changeante, ou flexible, qui assure un

mécanisme d'inhibition des protéases unique mais qui leur confère aussi une instabilité

structurale forçant leur transition vers des formes latentes ou polymériques non actives

(Huntington, 2011; Whisstock et al., 2010).

Contrairement au dogme du repliement des protéines qui veut que la chaîne peptidique se

replie en divers intermédiaires jusqu'à l'obtention de la structure thermodynamique la plus

stable, les serpines, dans leur repliement natif, restent piégées par une barrière cinétique dans

un état de plus haute énergie, nommé « métastable » (Whisstock et al., 2010). Cette barrière

cinétique est franchie lors de l'interaction de la serpine avec une protéase, conduisant à

l'inhibition de cette dernière. Cette conformation native, ou « stressée, S », est très instable sur

le plan thermodynamique. Lorsque la protéase se fixe sur le RCL, celui-ci s’insert dans le

feuillet β A, formant ainsi le quatrième brin (s4A) et la serpine adopte une conformation «

relaxée, R » beaucoup plus stable (Boudier et Bieth, 2001).

Les serpines inhibent leurs protéases cibles par un mécanisme spécifique suicide – substrat

conduisant à la formation d’un complexe irréversible (E + S  ES) illustré dans la Figure 16.

Leur interaction avec les protéases cibles est nettement plus complexe, puisque elle implique

certaines modifications structurales très importantes (Gettins, 2002 ; Olson et Gettins, 2011).

Des résidus situés dans la boucle d'inhibition (RCL) de la serpine (I) sont reconnus comme

substrat par la protéase (E), qui clive le RCL et s’associe à la serpine via un intermédiaire

acyl-covalent (Silverman et al., 2001), avec une constante d’association de second ordre k

1

,

pour initier la formation du complexe Michaelis non-covalent (EI) en interagissant avec les

résidus P1 et P1’ de la boucle, sans avoir recours à un changement conformationnel majeur.

La serine 195 de la triade catalytique de la protéase attaque ensuite la liaison peptidique

entre P1 et P1’ comme s’il s’agissait d’un substrat (pseudosubstrat), formant ainsi une liaison

acyle-ester covalente entre la serine et la fonction carbonyle du résidu P1 ; puis la coupure de

la liaison peptidique entre P1 et P1’. Ceci aboutit à la formation d’un intermédiaire

acyle-enzyme (EI

§

) stable thermodynamiquement. Le clivage de la boucle déclenche une

modification dramatique de la conformation de la serpine ; elle passe de la conformation

stressée (S) à la conformation relaxée (R) plus stable thermodynamiquement (Gettins, 2002 ;

Gettins, 2007). La transition SR est dépendante de la région charnière du RCL.

Cependant, si l'insertion du RCL dans la molécule n'est pas suffisamment rapide, une

déacylation du complexe survient et la réaction emprunte la voie du substrat, c'est-à-dire que

la protéase peut accomplir la réaction d'hydrolyse avant que son activité soit entièrement

compromise, ou il y’a formation de la serpine clivée (I*) (inactive) et de la protéase libre

(active) (Lawrence et al., 2000), avec une constante d’association k

3

. Le rapport (k

3

/k

4

),

aboutit à la « stœchiométrie d'inhibition » (SI), représentant le nombre de moles de serpine

exigés pour former 1 mole du complexe covalent. Enfin, puisque le complexe covalent est

seulement un intermédiaire cinétiquement emprisonnée, il peut encore former les mêmes

produits d'I* (inactif et stable) et d'E, avec une constante d’association de k

5

(Gettins, 2007).