Chapitre III. Qualités sensorielles de la viande bovine et conséquences de sa variabilité
IV.4. L’analyse protéomique pour la découverte de biomarqueurs
En raison de l'abondance et de la diversité des protéines et la grande quantité de
l’information générée, la production, le traitement et l'interprétation des données
protéomiques est une tâche très complexe. Des échantillons de tissus de mammifères
contiennent entre 10 000 et 30 000 types de protéines différentes, d'où une large gamme de
technologies (Tableau 02) qui doit être utilisé en parallèle pour préparer, séparer et quantifier
les abondances des milliers de protéines (Mullen et al., 2009 ; Bendixen, 2005 ; 2013 ). Une
liste non exhaustive des approches protéomiques appliquées dans le domaine des viandes à la
recherche d’indicateurs de qualité est présentée dans le Tableau 02.
Initialement, l’électrophorèse, monodimensionnelle (Laemmli, 1976) puis
bidimensionnelle (2DE) après coloration simple au Bleu de Coomassie ou au nitrate d’argent
Figure 26. Evolution de l’utilisation de la protéomique.
Histogrammes montrant l’évolution du nombre de travaux scientifiques publiés durant la
période 2000 – 2014 et liés à l’application de la protéomique dans le domaine des viandes. Le
graph a été préparé en interrogeant le moteur de recherche bibliographique « Google
Scholar ». La requête a été effectuée le 15.04.2015 en utilisant comme mots clés
« Proteomic » ; « Protein » ; « Meat » et « Quality ».
0 300 600 900 1200 1500 1800 2100 2400 2700 3000 3300 3600
N
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Année
Proteomic AND protein AND meata été utilisée dans l'étude du protéome. La 2DE fait intervenir deux paramètres de séparation,
le point isoélectrique (pI) et la masse moléculaire (O’Farrell, 1975 ; Jensen et al., 1998). La
séparation permet l’amélioration de la résolution du fractionnement des mélanges de protéines
complexes, et permet ainsi aux différentes protéines d'être séparées. La DiGE pour Difference
Gel Electrophoresis, a été mise au point pour palier aux inconvénients liés aux réplicats
techniques de la comparaison de gels 2DE, une technique assez proche mais utilisant des
fluorochromes, les cyanines (Unlu et al., 1997 ; Viswanathan et al., 2006). Deux ou trois
échantillons de protéines différents sont marqués avec des colorants fluorescents avant la
séparation. Ceci permet une analyse plus précise et poussée des différences dans l'abondance
des protéines entre échantillons.
Bien que très utilisée, l’analyse 2DE présente quelques limites pour lesquelles l’opérateur
doit rester prudent, par exemple, la co-migration des protéines et la mauvaise résolution et
séparation des protéines basiques et hydrophobes. De plus, les protéines faiblement
concentrées sont difficiles à étudier et ne sont souvent pas révélées par les colorations
classiques (Gygi et al., 2000). Un autre inconvénient de l'analyse 2DE est que lorsqu'elle est
appliquée à des échantillons complexes non fractionnés, la surface limitée du gel ne permet
d’analyser que les protéines les plus abondantes (Pedersen et al., 2003). De ce fait, le
pré-fractionnement d'échantillons complexes peut être appliqué pour contourner ce problème
(Gorg et al., 2002; Spandidos et Rabbitts, 2002).
La caractérisation et l’identification des spots d’intérêt font aussi appel à d’autres
techniques d’identification, appelées communément la spectrométrie de masse (MS)
(Malmstrom et al., 2007). Deux principales applications de la MS ont vu le jour dans les
études protéomiques. La première est l'identification des spots de protéines à partir d’un gel
2DE ou directement des extraits protéiques et la deuxième est la protéomique comparative.
Les technologies de MS les plus utilisées pour l'identification des protéines sont l'ionisation
électrospray (ESI) (Fenn et al., 1989) et le MALDI (Matrix Assisted Laser
Desorption/Ionization) (Hillenkamp et al., 1991). Le MALDI peut être combiné avec un
analyseur de masse en temps de vol (TOF pour time-of-flight). Cette technologie est idéale
pour analyser les empreintes peptidiques massiques (PMF), de protéines digérées par
protéolyse, par exemple, digestion trypsique. Les spectres des peptides ne sont pas
quantitatifs, mais qualitatifs, vu que les capacités d'ionisation des peptides ne sont pas
visualisables (Lim et al., 2003). Une analyse in silico, par comparaison aux bases de données
d’empreinte peptidiques est effectuée.
Figure 27. Principe des biopuces à protéines (Anton Leberre, 2013).
La molécule-partenaire est marquée à l’aide d’un fluorophore. Une fois les molécules mises
en contact avec la biopuce, les complexes formés émettront une fluorescence détectable. La
lecture des spots sera alors réalisée par un scanner et analysée par un logiciel qui va traduire
ces signaux en informations représentatives de l’abondance relative des protéines. Les
fluorophores les plus utilisés sont des dérivés de la cyanine solubles dans l’eau qui émettent à
des longueurs d’onde comprises entre 500 et 650 nm. Une seconde approche, connue sous le
terme de « sandwich », présente l’avantage de ne pas perturber la structure de la
molécule-partenaire et augmente de ce fait l’intensité du signal. Dans ce cas, l’interaction entre les
molécules partenaires est détectée par un anticorps marqué.
Comme alternative, de nouvelles autres technologies se caractérisant par une vitesse et
sensibilité très élevées ont été proposées et appliquées pour remédier aux défauts de la 2DE
seule. Nous citons le SELDI-TOF (Surface-Enhanced Laser
Desorption/Ionization-time-of-flight) (Marcos et al., 2013a,b) ; XIC-based (Extracted Ion Currents) (Bauchart et al., 2006) ;
nLC-MS/MS (nanoliquid chromatography-tandem mass spectrometry) (Gallego et al.,
2015) ; LESA-MS (Liquid Extraction Surface Analysis Mass Spectrometry) (Montowska et
al., 2014a,b) et iTRAQ (isobaric Tag for Relative and Absolute Quantification) (Ross et al.,
2004 ; Ernoult et al., 2008). Pour la majorité de ces techniques, la quantification est très
spécifique avec une très haute répétabilité. En outre, le fractionnement par la méthode
OFF-GEL est une autre alternative qui séduit un bon nombre de laboratoires. Elle est de plus en
plus appliquée dans le domaine des viandes (Sentandreu et al., 2010 ; Surowiec et al., 2011 ;
Fernandez et al., 2015). Cette méthode est basée sur une séparation de molécules amphotères,
en fonction de leur pI, dans un gradient de pH soumis à un champ électrique (Ros et al.,
2002). L’évolution de ces technologies protéomiques ainsi que leurs applications dans les
sciences de la viande ne cessent de croître. La Figure 26, en interrogeant le moteur de
recherche Google Scholar illustre cette évolution croissante depuis le début de l’année 2000.
Enfin, certains laboratoires s’intéressent aujourd’hui aux puces à protéines (biopuces), qui
sont des technologies extrêmement sensibles pour l’analyse du protéome. Les biopuces sont
des systèmes miniaturisés permettant des analyses sur un grand nombre d’échantillon et à
haut débit (Figure 27). Les biopuces sont très utiles dans l'étude des interactions entre
biomolécules et les réflexions pour leur utilisation dans le domaine de la viande est d’actualité
Cette technologie, qui est en pleine émergence, offre l’avantage de pouvoir comparer et
caractériser simultanément un grand nombre de cibles protéiques (Sakanyan, 2004). Elles
impliquent l'utilisation d'une sonde qui est spécifique pour un analyte particulier, placé à la
surface de la puce à une position définie. Les principes de base ont été largement documentés
par Elkins et al. (1989) et illustrés dans la Figure 27. Toutefois, l'application de puces à
protéines pour la protéomique n’est pas très avancée par rapport à celle des puces à ADN.
Bien que très efficace, cette technologie a des limites. En particulier, les protéines
sous-exprimées peuvent ne pas être révélées. D’autre part, des changements affectant les niveaux
d’abondances relatives des protéines peuvent impliquer des peptides à faible abondance (Celis
et al., 2000). Par conséquent, la technologie des biopuces peut être avantageuse dans ce cas.
La finalité de nos recherches actuelles sur l’indentification des biomarqueurs des qualités de
viandes est la mise en place d’une biopuce à protéines pour des analyses en routine.
Chapitre IV Revue de littérature
IV.5. Applications des technologies de la protéomique à l’étude du protéome de la
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Biomarqueurs des qualités sensorielles de la viande bovine : compréhension des mécanismes et prédiction
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