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4. Un mode d’intervention orthophonique en cas de troubles dyslexiques ou une

4.2. Les stratégies d’étayage

Afin de favoriser l’émergence de ces verbalisations métaprocédurales chez l’enfant ou chez l’adolescent, Lederlé (2009) met en place un certain nombre de stratégies.

Il s’agit de conduites langagières qui permettent à l’orthophoniste de s’adapter à ses jeunes patients. Lederlé (2009) en a défini cinq qui constituent son « style professionnel » :

34  La stratégie de proximité : l’histoire interactionnelle

Au fur et à mesure des séances, l’orthophoniste et son patient apprennent à se connaître, partagent des souvenirs communs en matière de langage écrit, sur lesquels le professionnel va prendre appui pour créer une relation de confiance qui sécurise l’enfant. L’ensemble de ces souvenirs construisent l’histoire interactionnelle entre les deux partenaires de l’échange. Comme le suggère Albernhe (voir partie théorique 3.1.), l’orthophoniste fait souvent appel aux représentations antérieures de l’enfant en utilisant l’expression « tu te souviens ? ». Elle s’efforce d’amener dans son discours le maximum d’éléments concrets empruntés à la vie quotidienne de l’enfant. « Elle sollicite le jugement des enfants sur l’évolution de leurs troubles dyslexiques ( attestant de leur histoire partagée) tout en leur donnant le sien, positif, qui les valorise » ( Lederlé, 2009, p.432). Selon Serrano (2001, p. 249) « Cette écoute empathique rend possible l’établissement d’une relation de confiance ». En effet, pour que l’enfant se sente suffisamment en confiance pour s’exprimer, l’orthophoniste s’adapte à sa personnalité, à son comportement en se remettant en cause, pour éviter d’ajouter une difficulté supplémentaire à son jeune patient. Par exemple, Lederlé (2009) reçoit dans son cabinet une petite fille timide, E, qui parle très doucement. Afin de comprendre ce que E lui dit, l’orthophoniste lui explique qu’elle-même est un peu sourde et qu’il faudrait que E parle plus fort. Cette stratégie est fondamentale car elle permet de conditionner les autres, notamment celle du faire-dire et du laisser-dire.

 La stratégie de réassurance et de dédramatisation

Cette deuxième stratégie est liée fortement à la précédente, puisqu’il s’agit de s’appuyer sur les représentations de l’enfant pour les faire évoluer et lui prouver qu’il a progressé. C’est le réassurer, voire l’assurer dans sa capacité à réfléchir, afin qu’il se fasse confiance, qu’il croie en ses capacités. Ainsi, cette technique d’étayage a pour objectif de reconnaître les progrès du patient, son droit à l’erreur et d’éviter les critiques stigmatisante : « Le but est de provoquer une rupture dans les représentations de leur trouble que se sont construites les enfants par rapport à ce qu’ils ont pu entendre » (Lederlé, 2009, p.439). L’accent est mis sur le savoir et savoir-faire de l’enfant.

35  La stratégie d’adaptation au langage enfantin et de désignation progessive

La thérapeute du langage adapte son langage, son vocabulaire à son interlocuteur, afin d’être compris. En effet, un adulte ne s’adresse pas un enfant, comme il s’adresserait à un des ses pairs. Ici, Les tournures de phrases et le lexique sont simplifiés. Cet ajustement, cette appropriation de langage enfantin permettra à l’orthophoniste d’être certaine, à son tour, d’avoir compris ce que le patient lui dit. Pour comprendre et être compréhensible, l’orthophoniste réutilise dans ses propos des mots empruntés au discours de l’enfant ( Lederlé, 2009).

 La stratégie du faire-dire et du laisser dire

Il s’agit d’aider le jeune patient à mettre en mots ce dont il est capable, tout en lui laissant le temps et la place de s’exprimer. Pour cela, l’orthophoniste suscite un questionnement chez l’enfant, questionnement qui remet en cause les représentations antérieures, qu’il s’est construites vis-à-vis des troubles dyslexiques. En l’incitant à s’exprimer sous forme de relances, de questions, mais surtout en lui laissant le temps de mettre en mots sa pensée, la professionnelle l’ aide à formuler des hypothèses sur ces erreurs, à prendre conscience de ses capacités et à faire émerger ses représentations sur les troubles dyslexiques. L’orthophoniste tentera de faire évoluer les représentations actuelles au fur et mesure des séances, en tenant compte de la « zone proximale de développement » (Vygotski, 1978, cité par Bruner, 1983, p.287) et des propos de l’enfant.

 La stratégie de valorisation : approbations, encouragements, compliments, félicitations, marques de respect et de politesse

L’orthophoniste reconnaît chez cet enfant ou chez cet adolescent son intelligence, sa capacité à réfléchir, à mettre en place des moyens de compensation. Elle le félicite également pour toutes les hypothèses qu’il a émises concernant ses difficultés. L’orthophoniste lui redonne confiance en lui, en le valorisant. Il s’agit de provoquer une rupture, avec ce qu’il peut vivre quotidiennement à l’école. « Pour que ces enfants soient en mesure de se « re-considérer », c’est-à-dire changer la représentation qu’ils ont d’eux-mêmes, l’orthophoniste adopte un parti pris : elle met en exergue ce qu’ils réussissent » (Lederlé, 2009, p.453). La thérapeute du langage utilise son statut professionnel, qui est socialement reconnu pour

36 créditer de savoirs et de savoir-faire de son jeune patient. Ainsi, cette reconnaissance est légitime et valable compte-tenu de l’habilitation de l’orthophoniste à pouvoir exercer sa profession.

Chacune de ces stratégies sont étroitement liées et s’imbriquent les unes des autres. Il peut parfois être complexe de distinguer l’une par rapport à l’autre, au sein d’une même interaction. Enfin, l’adoption de ces techniques d’étayage confère des rôles à chacun et va conduire à une modification de la relation thérapeutique entre l’enfant et son thérapeute du langage.