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1. Analyses des données et traitement des hypothèses

1.2. Stratégie de réassurance, de dédramatisation et de valorisation

Les trois autres femmes ne se sont pas exprimées sur ce sujet, l’une d’elles vient depuis peut être trop peu de temps pour avoir le recul nécessaire de témoigner de l’intérêt ou non d’être impliquée dans la prise en charge de sa fille. Mesdames N et Z, pendant les séances, s’expriment davantage avec leur fille qu’avec l’orthophoniste.

1.2. Stratégie de réassurance, de dédramatisation et de valorisation

Cette stratégie est étroitement liée à la stratégie de valorisation. C’est pourquoi dans l’analyse de nos résultats, nous avons choisi d’analyser les deux ensembles.

1.2.1. L’orthophoniste rassure le parent sur son attitude, sur sa compréhension du trouble et dédramatise des comportements antérieurs

Comme nous l’avons mentionné dans la stratégie précédente, certaines femmes participant à notre étude se sont senties ou se sentent encore démunies face aux troubles dyslexiques. L’orthophoniste ne juge jamais le comportement de ces parents et témoigne de son empathie. Ces deux qualités participent largement à l’établissement d’une confiance partagée. Voici quelques énoncés de la praticienne issus de notre corpus :

 « mais c’est normal en même temps je pense qu’on peut souffrir de ce qui va affecter son enfant c’est normal c’est pas quelque chose d’anormal »

 « qu’une maman exige le meilleur pour son enfant, ça me paraît normal. » « Vous êtes sa mère et à ce titre c’est normal que vous exigiez de lui le meilleur. »

 « vous avez une analyse extrêmement fine, c’est précieux »

 « Vous êtes en train de faire un drôle de chemin, drôlement intéressant et drôlement riche. »

 « je pense que l’activité que vous lui proposez est tout à fait intéressante »

Nous avons constaté également que ce qui inquiète le plus ces mères de famille, c’est l’avenir scolaire de leur enfant car comme nous allons le voir dans la stratégie du laisser-dire, l’Ecole ne reconnaît pas forcément les troubles spécifiques du langage écrit. Pour les rassurer, la praticienne les félicite d’avoir consulté une orthophoniste très rapidement et leur explique tout ce qu’elles vont pouvoir construire ensemble.

61 Pour illustrer nos propos, nous nous appuyons sur la réponse fournie par l’orthophoniste face à l’inquiétude de Madame I, au temps T3 :

« I très tôt a été mis dans des situations ici où il a dû chercher par lui-même des moyens pour faire face à des situations et je le sais très créatif en la matière et puis vous vous prendrez l’habitude avant son entrée en sixième parce que vous aurez compris une tonne de trucs à propos des troubles dyslexiques c’est qu’il va falloir en partie lui lire à haute voix certaines leçons pour qu’il ne perde pas un temps fou à lire lui-même à haute voix même si nous savons aujourd’hui en l’écoutant qu’il lit très bien quoi mmh simplement ça lui coûte beaucoup d’efforts dont on est absolument pas conscientes toutes les trois hein ».

L’Ecole, comme il a été dit dans la partie théorique (2.3), reconnaît difficilement les troubles dyslexiques comme une déviance du langage écrit. Cette technique d’étayage contribue à rassurer le parent à faire face aux troubles dyslexiques. L’orthophoniste valorise leur propos, leur conduite, la façon dont ils se battent au quotidien. Tout en les valorisant, en les rassurant, l’orthophoniste leur suggère des aménagements concrets et adaptées au mode de vie familial.

1.2.2. L’orthophoniste rassure le parent en insistant sur les progrès, sur l’intelligence et le comportement de leur enfant

Si dans le point précédent, les encouragements et la dédramatisation de certains comportements étaient exclusivement destinés au parent, ici, il s’agit de féliciter l’enfant, car le féliciter revient également à féliciter le parent sur l’éducation et les conduites qu’il met en place au quotidien pour l’aider. Ainsi, l’orthophoniste rassure le parent en s’adressant essentiellement à l’enfant. Le fait qu’elle encourage autant l’enfant valorise ce dernier aux yeux des parents. Il y a une reconstruction de l’image que se font les parents de leur enfant.

Pour toutes les familles, l’orthophoniste pointe systématiquement l’intelligence de l’enfant et ce pour chaque temps enregistré. Tout en rassurant les parents, l’orthophoniste insiste tout de même sur le fait que les troubles dyslexiques entrainent toutes sortes de conséquences et qu’il ne faut pas se fier uniquement à la qualité de lecture de l’enfant. Pour chaque famille et ce qu’importe depuis quand le parent est impliqué en séances d’intervention orthophonique, elle répétera ceci en s’adressant à l’enfant :

« ce qu’il faut bien bien comprendre c’est que les troubles dyslexiques au départ ce sont des problèmes énormes pour reconnaître les mots écrits et que ces problèmes énormes pour reconnaître sont en relation avec comment la personne a à associer les lettres et les sons

62 d’où l’histoire des alphabets écrits qui sont des lettres je voulais voir comment tu faisais un tu es un enfant parfaitement intelligent d’eux- mêmes quand nous on a l’impression que c’est devenu facile pour toi de lire ce n’est pas aussi facile que ça en a l’air et que ça te coûte beaucoup de concentration tu lis de mieux en mieux ce qu’il ne faut surtout pas oublier je crois c’est même quand on a l’impression qu’il n’y a pas de troubles dyslexiques parce que la personne lit normalement et ben peut être qu’elle aura du mal à comprendre ce qu’elle lit cette personne parce que tous ces efforts, toute son attention vont être dirigés sur la lecture à haute voix et ça va prendre tellement de place et tellement d’énergie pour lui à haute voix, qu’il n’y a plus de place pour comprendre ce qu’on lit ». Ces propos reviennent systématiquement dans le discours de l’orthophoniste, pour que les parents prennent conscience que les troubles dyslexiques ne sont pas uniquement une difficulté de décodage.

1.2.3. L’orthophoniste contextualise et explique les erreurs commises par l’enfant.

Ce troisième point permet à l’orthophoniste d’expliquer les mécanismes des troubles dyslexiques à travers les erreurs commises par l’enfant et au parent de mieux comprendre. Au temps T3, I a écrit le mot haut en oubliant la lettre h. L’orthophoniste explique : « mais ça c’est très bien ça illustre tout à fait un troisième point dont on a déjà parlé qui est la cogestion des tâches si I pense à ça {l’orthophoniste montre la lettre T} son attention est mobilisée sur le t c’est pas hause c’est pas haude ».

Dans cette stratégie, l’orthophoniste détaille également ce qui est demandé par l’enseignant aux enfants (quand la famille rapporte le cahier du jour) et montre pourquoi ces exigences ne sont pas toujours adaptées aux enfants ayant des troubles dyslexiques afin que les parents relativisent les notes de leur enfant. Au temps T3, la professeure de Z lui reproche de ne pas connaître suffisamment ses leçons. Voici un extrait de l’interaction :

L’orthophoniste : « comportement respecté juste un truc à améliorer je travaille mes leçons avec sérieux j’apprends mes leçons avec rigueur est-ce que vous êtes d’accord avec ça ou pas »

Madame Z : « elle apprend mais c’est dur à retenir pour elle »

L’orthophoniste : « donc on n’est pas d’accord on n’est pas d’accord le regard de l’école c’est que l’enseignant c’est une maîtresse ou un maître » Z : « une maîtresse »

63 L’orthophoniste : « a l’impression que Z n’apprend pas assez alors que ce n’est pas vrai Z apprend mais Z le lendemain { mime le fait qu’elle oublie} ».

La remarque de la professeure invite l’orthophoniste à recontextualiser que l’une des composantes des troubles dyslexiques peut être un déficit visuo-orthographique.

Synthèse sur ces stratégies :

Peu importent, la durée de l’implication du parent et nos temps d’enregistrement, les deux interlocuteurs du professionnel sont encouragés, félicités de façon récurrente tout au long de la séance d’orthophonie. Cette reconnaissance est d’autant plus légitime et valorisante, puisqu’elle émane d’un professionnel spécialiste des troubles du langage écrit. Cette stratégie re-crédite les parents en tant qu’éducateurs. En conclusion, cette deuxième stratégie associée à celle de valorisation permet au parent de prendre conscience « des mécanismes » des troubles dyslexiques, de leur complexité et de réaliser que son enfant « ne fait pas exprès », puisque l’orthophoniste crédite l’enfant de son intelligence, de son comportement. Ces deux stratégies sont fortement dépendantes de la troisième et de la quatrième. En effet, quand l’orthophoniste recueille les représentations parentales dans la stratégie du laisser-dire, elle va s’appuyer sur elles pour les ajuster, les faire évoluer au sein de la séance, en questionnant les parents (stratégie du faire-dire) et en adaptant son lexique.