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1. Analyses des données et traitement des hypothèses

1.3. Stratégie d’adaptation au lexique parental

1.3.1. L’orthophoniste s’approprie le langage utilisé par la famille

L’orthophoniste s’approprie le langage utilisé par le parent en le nuançant, en le précisant. Dans l’interaction, l’orthophoniste ajuste son discours par rapport aux productions des parents. Par exemple, la mère de M ne parvient pas à trouver le terme exact pour expliquer que sa fille a utilisé plusieurs styles d’écriture.

L’orthophoniste : « il y a deux choses dans les mélanges deux sortes de mélange je suis d’accord avec vous il y a un mélange de lettres mais je pense que ce que vous voulez dire vous par mélange de lettres ce n’est pas un mélange de lettres »

64 Madame N : « majuscule et minuscule »

L’orthophoniste : « voilà c’est un mélange de typographie »

Ici, la professionnelle aide le parent à poser des mots justes sur sa pensée

Elle peut également être amenée à demander au parent de s’approprier son vocabulaire. Le lexique employé lors des séances est donc négocié entre les participants. Au temps T2, l’orthophoniste demande à Mesdames I et N de ne plus utiliser le terme de « fautes » pour parler des « erreurs » commises par leur enfant : « ce qu’on va essayer de convenir entre toi maman et moi c’est qu’on va essayer de ne plus jamais dire le mot {orthophoniste écrit le mot faut} et qu’on va employer un autre mot qui me paraît drôlement intéressant qui est le mot {orthophoniste écrit le mot faute} voilà si on y arrive pour enlever euh comment dire l’aspect culpabilité qu’il y a dans ce mot-là ». Au temps T3, Madame N essaye de ne plus utiliser ce terme ce qui n’est pas le cas de Madame I qui emploie le terme « faute » de façon récurrente.

Enfin nous avons pu constater que certains parents s’approprient le lexique de l’orthophoniste. Madame Y utilise, au temps T3, le terme de confusions « visuo-perceptives » pour parler des confusions entre le b et le d. Trois femmes se sont appropriées les métaphores de l’orthophoniste pour expliquer les troubles dyslexiques. Madame I s’appuie constamment sur l’image de la conduite d’une voiture pour comprendre les difficultés que son fils a à cogérer plusieurs tâches.

1.3.2. L’orthophoniste s’adapte au lexique du parent

L’orthophoniste utilise plusieurs techniques pour s’adapter au lexique du parent :  Des mises en situation concrète

Nous avons l’exemple de la mère de L qui demande ce que sont les troubles dyscalculiques. L’orthophoniste l’incite à réfléchir à partir d’exemples :

Madame O : « mais c’est quoi la dyscalculie alors ceux qui ont la dyscalculie c’est quoi ça moi je l’entends de plus en plus mais je sais pas trop »

65 L’orthophoniste : « en gros un enfant petit vous placez trois pommes vingt cerises vous lui demandez où ce qu’il y en a le plus trois pommes ce qui va l’impact c’est la quantité le volume la taille vous lui montrez une photo avec six immeubles une photo avec deux grosses maisons représentées plus grosses que les immeubles où ce qu’il y en a plus »

Madame O : « les maisons ».

La deuxième situation concrète consiste à mettre le parent en situation d’échec pour qu’il comprenne les difficultés auxquelles son enfant peut être confronté compte-tenu de ses troubles dyslexiques. La mère de X, au temps T3, ne comprend pas pourquoi sa fille ne parvient pas à mémoriser certains graphèmes complexes.

L’orthophoniste : « c’est comme si vous je vous demandais d’apprendre par cœur comme ça les deux premières lignes du deuxième tableau {tableau avec l’alphabet arabe que l’orthophoniste a accroché au mur dans son cabinet} »

Madame X : « là-bas » L’orthophoniste : « à votre avis »

Madame X : « oui non c’est c’est compliqué »  Des métaphores

Nous en sélectionnerons qu’une. Par exemple, l’orthophoniste illustre la cogestion de tâches et le non automatisme des correspondances grapho-phonémiques par la passation du permis de conduire, pendant laquelle il faut penser à tout parce que rien n’est encore automatisé. Elle explique : « bon j’imagine que ça fait très longtemps que vous avez passé votre permis de conduire moi c’est un truc que je me rappelle assez bien et c’est un exemple assez parlant que je prends pour les parents quand vous avez appris à conduire vous vous souvenez quand on est avec le moniteur ou la monitrice rétroviseur intérieur rétroviseur extérieur frein embrayage on pense à tout quoi je vais à droite à droite à droite je prends à droite cling clignotant en bas à droite je vais à gauche cling clignotant gauche donc on pense à tout aujourd’hui quand vous montez dans votre voiture on est bien d’accord vous pensez plus

66 à tout ça hein et ben les troubles dyslexiques c’est comme si un gosse pour l’alphabet pour les lettres arrivait jamais à ce que ce soit automatique les lettres et les sons auxquelles ces lettres correspondent c’est un petit peu ça le truc faut vraiment que vous pensiez à des gestes de la vie quotidienne qui vous sont faciles qu’on fait comme ça quoi comme si ces gestes à chaque fois ça vous demanderait de réapprendre donc là ras-le-bol c’est ce qui se passe mmh ».

 Des utilisations de synonymes ou du terme exact mais accompagné d’explications ou illustré par l’erreur de l’enfant.

Nous prenons un propos tiré du temps T2 de la famille I où l’orthophoniste explique la notion de cogestion de tâches « voilà la deuxième caractéristique va être ce qu’on appelle la cogestion des tâches en même temps si je fais ça en étape séparée avec I il y aura aucun problème la dictée c’est pas des étapes séparées donc là on est en plein dans un problème de cogestion de tâches comme son attention qui est grande hein se focalise sur un secteur unique elle s’est focalisée sur le secteur unique morpho et du coup le secteur son s’est cassé la binette »

L’orthophoniste a banni de son lexique tous les termes techniques quand elle s’adresse au parent. Ainsi des expressions scientifiques comme « les correspondances grapho-phonémiques » ou « un déficit visuo-orthographique » sont remplacées respectivement par « associer une lettre et un son » et « un problème de stockage des mots écrits ». Même si le parent est impliqué comme Madame B, depuis 12 ans, la professionnelle continue à adapter son lexique.