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Cadre méthodologique

II. Le déroulement d’une recherche développée dans deux contextes : Montréal et Santiago.

2.2 Un nouveau départ à Santiago : trois mois chez Consumers International, bureau de l’Amérique latine.

2.2.1 La stratégie de recrutement des jeunes adultes à Santiago Premier départ.

Lors de l’élaboration de mon protocole de départ pour la constitution du dossier d’éthique, je visais une méthode d’échantillonnage par contraste (Pires, 1997) où l’hétérogénéité d’accès à l’endettement serait considérée. Ainsi je pourrais avoir des entretiens avec des jeunes qui sont endettés par les différentes sources du crédit qui existent au Chili pour financier ses études universitaires.

Pour construire mon échantillon, j’avais un cheminement relativement clair : je devais d’abord contacter les regroupements des étudiants endettés pour savoir comment recruter mes participants. Le contexte des mobilisations étudiantes qui marquèrent l’agenda politique au Chili en 2011 était pour moi extrêmement favorable à ma recherche. Cette situation promeut la création de nouvelles organisations étudiantes qui cherchaient à dévoiler leur situation d’endettement et interpeler le gouvernement et les institutions bancaires pour trouver des solutions. Des organisations telles que yodebo.cl et l’association

33 XX Seminario latinoamericano de Escuelas de Trabajo Social, Córdoba Argentina, Septiembre 2012; V

Encuentro Sur Andino de Trabajo Social, Temuco Chile, Octubre 2013; III Seminario Latinoamericano de Antropología, Santiago, Noviembre, 2013; III seminario Palabras y Cosas del Trabajo Social, Universidad Alberto Hurtado, Santiago Chile. Noviembre 2013; I encuentro de Investigaciones en Trabajo Social, Universidad Raúl Silva Henríquez, Santiago, Chile. Noviembre 2012; Congreso Internacional del Conocimiento, Santiago Chile, Enero 2013.

des endettés de la Corfo34 sont des exemples de ces nouvelles organisations créées autour du thème de la dette.

J’ai suivi toute la mobilisation étudiante de très près. Je savais donc que recruter de jeunes adultes endettés serait plus facile à Santiago qu’à Montréal; mais ce que je ne savais pas, c’était le bouleversement de recherche qui serait causé par mon entretien avec Julia, la jeune porte-parole de l’association des endettés de la Corfo.

La semaine qui a suivi mon arrivée à Santiago, j’ai commencé à développer ma stratégie de recrutement. Le premier pas était de laisser un message dans un groupe Facebook appelé « les arnaques de la Corfo », en invitant les jeunes adultes âgés de 25 à 36 ans et qui ont contracté des dettes d’études à participer à ma recherche. Moins de deux heures après, j’avais dans ma boîte de réception une réponse de Julia.

Trois jours plus tard, nous nous rencontrions dans un café situé dans un centre commercial du sud de Santiago. Lorsque Julia me raconta sa trajectoire d’endettement en m’expliquant en détail le système de financement pour des études de premier cycle de la Corfo, toute l’image du terrain que j’avais construite dans ma tête a commencé à s’effriter. Les conditions contractuelles du crédit de la Corfo, les couts élevés du remboursement de la dette et leurs conséquences personnelles et familiales étaient pour moi les éléments déclencheurs pour décider d’effectuer un virage dans ma thèse. Dès le moment où j’ai quitté à Julia, je savais que ma recherche à Santiago porterait sur la situation des jeunes endettées de la Corfo.

RS! Il s’agissait d’un système de crédit administré par des banques commerciales à partir de fonds

approvisionnés et garantis par l’État (de la Corfo). Dans la pratique, cela fonctionnait comme deux programmes, le crédit de la Corfo et le Subside contingent de premier cycle (SUCO). Le premier consistait en prêts à faibles taux d’intérêt que de la Corfo livrait aux institutions financières dans le but qu’elles accordent des prêts aux étudiants de l’enseignement supérieur, agissant ainsi comme intermédiaire. Pour sa part, le crédit connu comme le SUCO de premier cycle consistait en une garantie que la de la Corfo offrait aux institutions financières et qui devenait effective dès lors que les banques épuisaient les actions judiciaires de recouvrement. La garantie couvrait jusqu’à 50% du solde de crédit impayé avec une limite de 500UF. Concrètement, cela impliquait que la de la Corfo faisait des prêts aux banques à un taux d’intérêt de 3% afin qu’elles prêtent à leur tour avec une plus-value de 5% et qui en cas de non-paiement, étaient garanti à hauteur de 50%!

Le cas de jeunes adultes appartenant à l’association des endettés de la Corfo.

Mon terrain à Santiago devient ainsi une étude de cas des jeunes adultes endettés auprès de la Corfo. Ce revirement de ma recherche m’a obligée à approfondir la connaissance superficielle que j’avais de ce système de financement universitaire. En effet, le premier constat était le peu d’écrits disponibles sur ce système de financement universitaire. Malgré le fait que, grâce au mouvement étudiant, les recherches sur le système de financement universitaire aient presque doublé (Meller, 2011; Atria, 2012; Urzua, 2012.), y aucune étude ne portait sur la situation des endettés de la Corfo. Le défi était donc double : je devais fouiller dans différentes sources et types de documents pour reconstruire l’histoire du système de financement universitaire de la Corfo – documents de l’association des endettés par la Corfo, presse écrite, documents de recherche, etc.. – et, en plus, construire ma propre base donnée sur les endettés de la Corfo à Santiago, parce qu’il n’y avait pas de donnes disponibles (voir ci-après).

En considérant tous les éléments que j’étais tenue de maitriser pour bien contextualiser l’expérience d’endettement des jeunes adultes débiteurs de la Corfo, j’ai choisi de considérer mon travail comme une étude de cas. L’étude de cas est définie comme une méthode de recherche comme l’analyse intensive d’une unité (personne ou communauté), tout en réunit un grand nombre d’informations et d’observations sur l’unité et son contexte pour favoriser une recherche en profondeur et intensive de chaque unité (Roy, 2005).

L’association d’endettés de la de la Corfo avait vraiment besoin de recherches portant sur leur situation. Les revendications qu’ils faisaient connaître dans l’espace public avaient à l’époque une tonalité très émotionnelle et subjective : l’histoire de monsieur-madame tout le monde qui a des difficultés pour rembourser leurs dettes d’études. Les associés savaient qu’il était nécessaire de faire de la recherche pour pouvoir mieux interpeler les autorités responsables, mais n’avaient ni le temps, ni les outils, ni la légitimée – que donne par exemple l’institution universitaire – pour mener à bien une telle recherche.

Une semaine après notre première rencontre, Julia et moi nous sommes rencontrées pour signer une entente de collaboration. Dans cette entente, l’association d’endettés de la Corfo s’engageait à : encourager ses associés à participer à la recherche à travers l’envoi des messages via Facebook et de courriels; me faciliter l’accès à la base de données interne pour pouvoir leur envoyer un sondage quantitatif électronique; m’inviter aux assemblées pendant la période du travail de terrain allant du 15 octobre 2012 au 15 janvier 2013. Je m’engageais pour ma part à : faire des analyses statistiques avec les données de leur base de données; donner les analyses statistiques de l’enquête quantitative que je mettrais en place; donner la base de données et les résultats de recherche à l’association une fois que la thèse serait soutenue et les articles qui la concernent seraient publiés. Cette entente de collaboration a été signée le 12 novembre 2012 et a été élaborée en fonction des critères d’éthique exigés par l’Université de Montréal.

Ainsi et tel qu’il était établi dans notre entente de collaboration, les jeunes adultes furent rencontrés grâce au soutien de l’association d’endettés de la Corfo. J’ai élaboré une stratégie de recrutent à trois volets : 1. Par des messages dans le site Facebook de l’association d’endettés de la Corfo 2. Lors des assemblées organisées par l’association où j’ai été invitée en tant que chercheuse 3. Par des références personnelles à des membres de l’association que la porte-parole a considérés comme des « cas exemplaires ».

2.2.2 Les entretiens semi-dirigés de reconstruction de la trajectoire d’endettement