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Quelques éléments du contexte québécois sur les réponses institutionnelles à l’endettement critique chez les jeunes adultes scolarisés.

Normalement les personnes ne pouvait plus faire face à leur niveau élevé d’endettement au Québec ont deux types de solutions à leur disposition : les « solutions financières » qui englobent toutes les ressources auxquelles l’individu peut accéder pour régler sa situation en dehors du système juridique, et les « solutions légales » qui font appel au règlement par les lois provinciales ou fédérales selon les cas. La réponse choisie dépend des possibilités des débiteurs de surmonter leur situation. Comme dernier recours, on trouve la « faillite personnelle » qui est une procédure juridique régie par la Loi fédérale : son principe de base consiste à échanger des biens saisissables38 contre les dettes. La Loi établit aussi une liste de dettes non admissibles à la faillite, comme celles associées aux contraventions, fraudes, pensions alimentaires ainsi que les prêts étudiants pendant les sept premières années suivant

38 La Loi sur la faillite établit comme « biens non saisissables » les outils de travail, les meubles jusqu’à un

montant de 6000$, les biens loués ou financés par la vente à tempérament, les REÉR (sauf cotisations des 12 derniers mois).

la fin des études. Ces critères s’appliquent aussi pour la loi « proposition de consommateur »39.

Au début de l’année 2010, plusieurs organismes, dont les ACEF, constatent un rajeunissement des populations qui font faillite. De plus, de 1987 à 2005, le nombre de faillites chez les 15-25 ans a doublé et pour les 25-35 ans, on constate une augmentation de 150% au cours de la même période (Conseil permanent de la jeunesse, 2010). Cependant, dans le cas de jeunes adultes qui ont des dettes d’études auprès le gouvernement, leurs options pour trouver des solutions financières sont limitées. La loi fédérale sur l'insolvabilité estime que les dettes liées à des prêts étudiants sont susceptibles d’être annulées par la faillite sept années après que l’étudiant endetté ait terminé ses études à temps plein ou à temps partiel 40. Cette clause exclut presque tous les répondants, puisque la période de sept ans est considérée à partir de la dernière inscription à l'université, indépendamment du fait d’avoir terminé ses études ou non.

Autre possibilité : s’adresser aux organismes communautaires à but non lucratif que sont les ACEF : ils interviennent sur les questions de budget, d’endettement, de défense des droits des consommateurs et offrent des services pour établir son budget, notamment pour les débiteurs ayant des problèmes de dettes. À Montréal, il existe quatre ACEF qui sont réparties en fonction du territoire. Ainsi, on trouve : ACEF du Nord, ACEF de l’Est, ACEF du Sud Ouest et ACEF du Centre (plus connue sous le nom d’Option-Consommateurs). Datant de 1965, les ACEF étaient à leur origine liées au mouvement syndical; leurs actions sont aujourd’hui davantage liées à la problématique du surendettement et à la défense des consommateurs, sous différentes formes : « elles informent, forment et fournissent des services directs aux consommateurs, mais, en plus, elles font de la recherche et interviennent auprès des décideurs publics ou privés pour faire changer des pratiques ou des

39 On appelle proposition de consommateur un arrangement proposé par un débiteur à ses créanciers en vertu

de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI), afin de modifier les paiements qu'il leur verse. Par exemple, le débiteur peut proposer de faire des versements mensuels moins élevés, de les échelonner sur une plus longue période, ou de rembourser seulement une partie de ce qu'il doit. Dans le cas d'une proposition, la période de remboursement ne doit pas dépasser cinq ans. Source : <http://www.ic.gc.ca/eic/site/bsf- osb.nsf/fra/br01976.html>

règles » (Vinet, 2010 : 24). Le travail de proximité réalisé par les ACEF auprès des personnes qui connaissent des problèmes d’endettement prend essentiellement deux formes : des séances d’information collectives – réalisées aussi en format d’ateliers de solution aux dettes – et des consultations budgétaires individuelles qui, dans la plupart des cas, font suite à la participation aux ateliers collectifs. Les rencontres individuelles se déroulent autour de la question du budget et de la façon dont les personnes dépensent leur argent. D’abord, la conseillère présente aux bénéficiaires le modèle de budget avec lequel elle va travailler puis elle pose des questions pour chaque item du budget, en insistant auprès des participants sur l’importance d’être « conservateurs » avec leurs revenus et plus réalistes avec leurs dépenses. Ensuite, on fait le calcul du solde par la soustraction des dépenses (fixes et variables) des revenus. À partir de ce résultat, les conseillers présentent des pistes de solutions aux personnes. Pour finir, les conseillers leur proposent de définir des objectifs à court, moyen ou long terme de manière à les aider à faire face à leurs dettes de la façon la plus réaliste possible. Dans le cas des séances d’information de groupe, chaque ACEF a sa manière de procéder. Ainsi, tandis qu’à Option Consommateurs les séances d’information sont axées sur le budget, et qu’on y propose des outils de gestion, des moyens pour économiser et informer sur les droits des consommateurs, de leur côté, les ACEF du Sud Ouest et du Nord de Montréal articulent davantage leur intervention en donnant de l’information sur les sept solutions possibles à l’endettement41.

Par ailleurs, les associations membres de la Coalition des associations de consommateurs du Québec (CAQ) réalisent une campagne annuelle « Dans la marge jusqu’au cou », spécifiquement adressée à la population juvénile, visant à sensibiliser les jeunes à une utilisation responsable du crédit. En 2000, l’ACEF du Nord de Montréal a ainsi produit un guide spécialisé sur le budget étudiant pour informer les jeunes étudiants sur le crédit et l’endettement. Pour sa part, Option-Consommateurs a un volet jeunesse consacré à la sensibilisation de la population juvénile aux modes de consommation.

41 Les sept solutions possibles aux dettes sont : 1.- réaménagement budgétaire ; 2.- vente de biens ; 3.-

négociation ave les créanciers ; 4.- consolidation de dettes ; 5.- dépôt volontaire ; 6.-faillite personnelle ; 7.- proposition de consommateur.

À cet égard, il est intéressant de souligner que les résultats du portrait statistique, que nous avons construit durant notre terrain réalisé à Option-Consommateurs, révèlent des changements concernant les caractéristiques de leur clientèle, ce dont la plupart des intervenants n’étaient pas conscients. Ces résultats montrent qu’une majorité des bénéficiaires du service budgétaire, entre 2007 et 2012, était composée de personnes âgées de plus de 55 ans (28,9%) et de jeunes adultes de 25 à 34 ans (22,8%), ayant presque la moitié d’entre eux (40,8%) un niveau d’éducation universitaire . Ce dernier chiffre fut le plus discuté lors de la présentation du portrait statistique devant les membres de l’organisation. Bien que pour l’équipe d’intervenants du Service budgétaire, la forte présence d'universitaires était un reflet de ce qu'ils appelaient la « paupérisation de la situation socio-économique du professionnel », ils sont d’accord sur la nécessité de réévaluer leur modèle d'intervention construit pour une clientèle moins instruite.