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Cadre méthodologique

II. Le déroulement d’une recherche développée dans deux contextes : Montréal et Santiago.

2.1 L’entré sur le terrain : trois mois de bénévolat chez Option Consommateurs.

2.1.1 Le bénévolat et la procédure de collecte de données

Dès mon arrivée, je me suis installée dans un petit cubicule en face du bureau des services budgétaires. J’y travaillé en moyenne de deux à trois jours par semaine pendant trois mois.

Les premières semaines de travail, j’ai profité de l’absence de tâche précise pour me renseigner sur le modèle d’intervention du service budgétaire et sur le cadre législatif qui règlemente au Québec l’insolvabilité des consommateurs. J’ai eu deux longs entretiens avec des conseillères budgétaires (aussi avocates) qui m’ont fourni toute la documentation

31 Le territoire délimité par la rue Guy et le Chemin de la Côte-des-Neiges (ouest), le boulevard Pie IX (est),

nécessaire pour bien comprendre les enjeux qui font de l’endettement problématique un sujet d’intervention au Québec.

Afin de me faciliter l’accès à la population cible de ma recherche, l’équipe des conseillères budgétaires m’a permis d’assister, en tant qu’observatrice, aux séances d’information individuelles et collectives. J’ai participé à plus de dix séances d’information collectives qui se sont déroulées notamment dans des organismes communautaires du centre de Montréal. Chaque séance d’information rassemble une dizaine de personnes. Le profil de la clientèle dépend de l’organisme où la séance d’information se déroule. La majeure partie de la séance tourne autour de la construction du budget. La conseillère parle aussi du crédit et des sorties possibles de l’endettement seulement si le temps le permet.

Les premières séances d’information auxquelles j’ai assisté, m’a permis de connaitre le mode d’intervention des conseillères budgétaires, de maitriser l’information qu’elles donnent aux participants, de me faire une idée du type de clientèle, mais surtout d’observer les interactions qui se produisent entre les conseillères et les participants. En effet, observer les questionnements des participants et les types d’arguments que les intervenants utilisent pour y répondre m’ont permis de remarquer les appréhensions et les craintes que les participants ont au sujet des dettes et de leur situation d’endettement. La préoccupation de beaucoup des participants se situait au niveau de leur dossier de crédit et des conséquences qu’un possible situation d’endettement pourrait provoquer dans leur historique de crédit, ce qui était inattendu pour moi. Toutes les observations et les réflexions que j’ai menées pendant les sessions d’information ont été consignées dans un journal de bord.

J’ai assisté à une seule consultation budgétaire. Presque toute la clientèle a refusé que je participe à la consultation. Pas étonnant si l’on considère que la consultation budgétaire se pense comme une « radiographie de l’état financier » de la clientèle. On ne parle que d’argent, de revenus, de dépenses et de dettes. Le déroulement de la consultation budgétaire suit une procédure standard, très similaire aux séances d’information collective. La conseillère aide le participant à construire son budget en posant des questions spécifiques dans chaque catégorie du budget : transport, alimentation, logement, loisir, vêtement, etc.

Après le calcul « méchant » comme les conseillères l’appelle (les revenus moins les dépenses), la conseillère produit un bilan financier et selon la situation d’endettement proposent des solutions en établissant des compromis réalistes à leur client.

Après mon premier mois de bénévolat, l’équipe du service budgétaire m’a confié un travail. Elle voulait que je fasse un portrait statistique de la clientèle du service budgétaire. Pour ce faire, j’avais accès à la base de données du service budgétaire de 2007 à 2012, bâtie grâce à l’information de l’enquête que les conseillères appliquent au début de chaque consultation budgétaire individuelle.

Considérant le grand nombre de données que j’avais à ma disposition j’ai décidé de procéder de la manière suivante : d’abord, j’ai fait une analyse statistique descriptive et comparative entre les années, afin de faire ressortir les données les plus marquantes. Pour enrichir l’analyse, j’ai réalisé un petit rapport sur les tendances statistiques de l’endettement des ménages au Canada et au Québec. Avec toutes ces informations, j’ai organisé une session de travail avec l’équipe du service budgétaire pour définir les variables à interroger dans le portrait statistique.

Un mois plus tard, j’ai présenté le portrait final lors d’une session de travail. Dans cette session qui était en plus ma dernière journée de travail, on a largement discuté sur un fait marquant : la forte présence à leur clientèle de travailleurs temps plein avec des études universitaires. Cette réalité a confirmé ce qui n’était jusqu’à ce moment qu’une intuition pour eux : la clientèle d’Option Consommateurs est passée d’une clientèle « pauvre » (bénéficiaires de l’aide sociale, sans emploi, etc.) à une clientèle de travailleurs plus éduqués. Ce constat a révélé pour l’équipe de nouveaux défis allant de la gestion des horaires du travail, afin d’aider les travailleurs à assister aux consultations budgétaires, aux questions d’ordre méthodologiques pour savoir comment on s’adresse à une population plus éduquée.

J’ai fini mon bénévolat à la fin du mois de mai 2012, deux mois plus tard que prévu. Je suis partie et je garde la sensation que mon bénévolat était une immersion allant bien au- delà de mon seul sujet de recherche : vivre le quotidien dans une institution était pour moi

une immersion linguistique et culturelle totale qui m’a permis de faire l’expérience de « la vie à Montréal » au-delà des limites de l’université. De plus, me plonger dans le monde de l’endettement problématique à Montréal a renforcé ma conviction que l’endettement est avant tout un phénomène social. À Montréal, on ne parle pas d’argent, de dettes et d’endettement de la même manière qu’à Santiago. Je reviendrai sur cette idée.