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La stratégie nationale de lutte contre les violences de genre

Chapitre 5 - L’institutionnalisation de l’approche genre et développement en Algérie151

1.2.3 La stratégie nationale de lutte contre les violences de genre

Le MDCFCF a élaboré et mis en œuvre une stratégie de lutte contre les violences fondées sur le genre, après un long processus de concertation, depuis 2003. Le Ministère engage, en 2003, un début de consultation par l’organisation d’un atelier sur « l’analyse de la situation et l’évaluation des besoins et des priorités avec les intervenants et parties prenantes » regroupant des représentant-e-s de plusieurs ministères et d’associations concernés par la question des violences faites aux femmes, ainsi que le FNUAP et l’UNICEF. Cette consultation est organisée à un plus large niveau en 2004 et en 2005 touchant des actrices et acteurs intervenant sur la question des violences, et au niveau de plusieurs wilayates.

En 2005, le Ministère signe un projet, portant sur les violences, avec des agences des Nations Unies, en l’occurrence le FNUAP, l’UNIFEM et l’UNICEF, visant le renforcement des capacités techniques et institutionnelles du Ministère et de ses partenaires dans la stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes.

Cette stratégie a pour objectif principal l’amélioration de la prise en charge des femmes victimes de violences à travers entres autres, une étude nationale, un atelier de formation, des journées d’information/sensibilisation au niveau national et local.

Un atelier de formation a été organisé par le MDCFCF visant la conception et le plan de mise en œuvre d'une stratégie nationale de lutte contre les violences envers les femmes, avec la participation des représentant-e-s des ONG, institutions et départements ministériels.

Par ailleurs, en 2006, l’étude nationale sur la prévalence des violences faites aux femmes en Algérie est lancée. Son objectif était double : mesurer la prévalence de la violence et mesurer la gravité du phénomène. Il s’agissait de repérer les différentes formes de violence, d’en identifier les causes profondes et les conséquences. Cette étude a été réalisée par le CRASC, Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle.

Les journées de sensibilisation/information ont eu lieu dans plusieurs régions du pays ; des documents ont été conçus, édités et diffusés, etc.

Cette stratégie a eu le mérite d’exister et d’être portée au plus haut niveau institutionnel dans le cadre de politiques publiques, alors que seules les associations des femmes menaient cette lutte contre les violences faites aux femmes. La visibilité ne peut être que plus importante et les effets plus positifs. Voilà une politique publique en faveur de l’égalité !

1.3 Le conseil national de la femme et de la famille - CNFF

Le conseil national de la femme et de la famille (CNFF) a été créé le 22 novembre 2006, par décret exécutif N° 62-41, auprès du MDCFCF et installé officiellement le 07 mars 2007 par le chef du gouvernement. C’est un organe consultatif chargé « d’émettre des avis, d’assurer la

concertation, le dialogue, la coordination et l’évaluation des actions concernant la famille et la femme. ». Il a été mis en place en vue du renforcement de l’action du MDCFCF.

Il est, entre autres, censé œuvrer à la collecte, au traitement des informations, qualitatives et quantitatives liées aux domaines de la famille et de la femme ; contribuer et/ou entreprendre des études et recherches ; faire des recommandations concernant toutes les mesures visant la promotion de la famille et de la femme ; émettre des avis sur les projets de textes ; organiser des rencontres et éditer des publications ; élaborer des rapports périodiques sur la situation de la famille et de la femme.

Il est composé par des représentant-e-s des ministères (au nombre de 18), des organismes nationaux et institutions (9), des universitaires (4), des chercheur-e-s (6), du mouvement associatif (10). Ces chiffres sont arrêtés dans le décret de création.

Le conseil est organisé en assemblée générale, la présidente (nommée par arrêté du MDCFCF) assistée d’une vice-présidente, les commissions permanentes et ad-hoc. Le secrétariat est assuré par les services du MDCFCF. Quant aux frais de fonctionnement du conseil, ils étaient inscrits au titre du budget du MDCFCF.

La dernière réunion du CNFF en session ordinaire a eu lieu durant deux jours en janvier 2011 et a regroupé une soixantaine de personnes. Elle était consacrée à la présentation du projet de la stratégie nationale de la famille (2011-2015) qui devait être soumis au gouvernement et à l’élaboration du programme d’action annuel autour de quatre axes, à savoir « la famille algérienne et les nouveaux défis », « les droits sociaux et économiques de la femme et le développement durable », « la participation de la femme à la vie politique et la lutte contre les préjugés », et « les droits culturels de la femme et le rôle des médias »

Un conseil national de la femme avait été créé le 29 mars 1997 par décret N° 97-98, auprès du chef du gouvernement, mais il n’avait jamais été installé. Il est à noter qu’il s’agissait d’un conseil de la femme et non pas comme c’est le cas actuellement « de la famille et de la femme ». Du point de vue de la question du genre, c’est un recul, car on intègre la question de la femme dans la famille, ce qui participe à la dilution de la question de la femme, en tant qu’individu, personne humaine, citoyenne tout court, et par conséquent de l’approche genre.

Quelle peut être l’efficacité d’une telle structure, quelles que soient les bonnes volontés de personnes bénévoles qui le constituent, si elle n’est pas dotée de ressources humaines et

matérielles ? Quand on sait qu’au départ le secrétariat du CNFF devait être assuré par le secrétariat du MDCFCF, lui-même à l’époque sous équipé.

1.4 Le mouvement associatif en faveur du genre

L’Etat et les organismes internationaux de développement n’ont pas le monopole sur l’action publique. Il n’est plus à démontrer que le mouvement international des femmes et les ONG ont joué, et continuent de jouer, un rôle moteur dans l’orientation en faveur de l’égalité des politiques des Nations Unies et dans l’évaluation de leur mise en œuvre. Au niveau national, le mouvement social doit exercer des pressions politiques sur les centres de décision pour le respect des accords internationaux ratifiés par le pays, pour la levée des réserves de la CEDAW, pour la suppression des lois nationales discriminatoires et pour l’application des mesures en faveur du genre émises dans les politiques publiques. L’action collective est au centre de la transformation sociale.

La dimension genre peut être prise en compte dans les politiques publiques nouvelles au moment de leur élaboration ou dans des politiques déjà existantes et qui pourraient être recentrées, comme nous l’avons vu plus haut pour les projets de développement menés par les agences des Nations Unies ou autres. La mise en œuvre de ces politiques pourrait provoquer des changements sociaux, économiques et politiques sur les rapports sociaux existants, rapports de domination et de pouvoir entre les femmes et les hommes. Cependant, et on l’a vu dans l’expérience de Tissemsilt que nous présentons ci-dessous, des résistances fortes peuvent aussi bloquer ces transformations en faveur de l’égalité ; ces résistances se situent à tous les niveaux, dans la sphère du pouvoir d’où émanent les politiques publiques, dans des forces puissamment organisées, dans les mentalités patriarcales et des pratiques profondément ancrées dans la société, etc.

Cela ne pourrait se faire en dehors d’une plus grande démocratisation de la vie sociale et devrait passer nécessairement par le renforcement de la société civile, seul garant d’une plus grande participation des femmes à la vie sociale, politique et économique, et donc de leur autonomisation et de la réalisation de l’égalité de genre (Remaoun Malika, 2002). Le soutien aux associations de femmes et le renforcement de leurs capacités d’organisation et d’intervention s’avèrent un passage obligé. Les associations des femmes ont un rôle à jouer

dans l’égalité de genre. Elles devraient veiller à impulser la réalisation des mesures en faveur de l’égalité contenues déjà dans les politiques, à lutter pour l’éradication des textes discriminatoires et pour des lois égalitaires et contribuer au changement des mentalités en faveur de l’égalité (Malika Remaoun, 2002a).

Les associations des femmes s’inscrivant dans les principes universels de l’égalité, contenus dans les différentes conventions internationales, ont pu, grâce aux différentes initiatives qu’elles ont prises, faire avancer les consciences et les mentalités sur les discriminations dont sont victimes quotidiennement les femmes, et contribuer à casser des tabous en mettant au débat public un certain nombre de questions ; elles ont acquis leur place dans la société et le mouvement social, d’une part, et à l’extérieur du pays, notamment dans le mouvement féministe international, d’autre part (Malika Remaoun, 1999).

Une des lacunes en Algérie est que ces associations ne sont pas suffisamment associées aux politiques en faveur de l’égalité entreprises par les pouvoirs publics. L’Etat gagnerait à revoir sa stratégie de travail avec le mouvement associatif dont, celui des femmes.

Par ailleurs, la recherche et l’action ont besoin l’une de l’autre. C’est un regard croisé. Les personnes du terrain ont besoin de temps à autre de prendre du recul, de réfléchir sur ce qu’elles sont en train de faire et de systématiser leurs expériences. Parallèlement, les chercheur-e-s ont tout à gagner de sortir sur le terrain et d’entamer le dialogue.

1.5 Les points focaux genre des Ministères

La nécessité que chaque Ministère doive disposer de personnes ressources a été ressentie assez tôt au niveau des initiatrices de l’institutionnalisation du genre et développement. Pour sensibiliser les autres Ministères à l’approche genre, elles ont tenté d’organiser des rencontres regroupant les divers départements susceptibles de s’approprier la démarche et de l’intégrer dans leur secteur. Le peu d’intérêt accordé à l’époque à la question, a fait que ce sont les personnes disponibles qui étaient chargées de représenter le ministère, quel que soit leur intérêt ou non intérêt à la question du genre. Cela avait plusieurs inconvénients, dont le plus important était le changement permanent des personnes à ces rencontres et par conséquent, l’impossibilité d’avoir des personnes sensibilisées et suffisamment formées pour pouvoir de la sorte essayer d’infléchir l’approche dans le secteur où elles se trouvent.

La difficulté s’est fait sentir dans les périodes où l’Algérie était amenée à produire des rapports à remettre dans le cadre de ses engagements internationaux, et il était difficile d’avoir des données selon le genre au niveau des différents secteurs, d’autant plus qu’à l’époque, il n’existait pas d’instances nationales dédiées aux femmes/genre. On découvrait que les Ministères étaient dépourvus de personnes ressources genre. L’idée d’un référent genre par Ministère est née. Chaque institution devait dégager une personne chargée de la représenter dans tout ce qui a trait au genre. De référent, on en vient progressivement à parler en termes de point focal genre. Ces points focaux étaient censés impulser l’approche genre dans leur secteur.

La création du MDCFCF a, en quelque sorte, ralenti le processus de construction de ces points focaux : la question du genre est l’affaire du MDCFCF maintenant qu’il existe ; évidemment ce n’est pas le cas des ministères qui s’étaient déjà engagés dans la démarche genre et qui étaient généralement pourvus de personnes suffisamment engagées sur la question.

Le projet d’appui institutionnel du MDCFCF mené par la coopération technique belge, a remis cette question des points focaux genre au centre de l’institutionnalisation du genre en Algérie. Le projet vise le renforcement des capacités de l’équipe du MDCFCF pour qu’il puisse jouer son rôle de catalyseur dans le soutien des points focaux, leur développement et la coordination en vue d’échanges d’informations et de bonnes pratiques. En effet, la persistance des approches sectorielles, ne permet pas d’avoir une vision et une démarche globale de l’approche genre. Une série d’actions a été prévue dans ce sens, notamment des formations, rencontres, ateliers, etc., autour de l’établissement des mécanismes de coordinations sectorielles au niveau national.

La coordination des points focaux genre, pour être viable, doit être perçue dans le cadre d’un partenariat pour la mise en œuvre d’une stratégie qui est la coordination de l’intégration du genre dans les politiques nationales. Cela nécessite des dispositifs d’accompagnement à tous les niveaux opérationnels. Ce dispositif concerne toutes les procédures et outils pour la mise en place de modalités de coordination qui assure l’efficacité de l’action mais aussi facilite l’appropriation par les acteurs et partenaires multiples de tout le programme/projet mis en œuvre.

1.6 Les autres institutions intervenant sur les questions des femmes et/ou du genre