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Chapitre 5 - L’institutionnalisation de l’approche genre et développement en Algérie151

1.6.3 D’autres institutions

Etant transversale, l’intégration du genre aux politiques publiques devrait concerner la quasi-totalité des institutions. Plusieurs Ministères et autres institutions ont eu à s’impliquer d’une manière ou d’une autre à des moments donnés. Le programme commun pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes a été l’occasion de relancer l’implication de certaines institutions.

Le Ministère de la Justice est garant de l’égalité devant la loi, de l’application de la loi et de

la vulgarisation des textes de loi ; il est par conséquent le centre névralgique de la production des normes liées au genre. En 2007, il a réalisé un projet en partenariat avec le PNUD, intitulé « Femmes et accès à l’information juridique en Algérie » visant à appuyer les efforts nationaux en matière d’information et de sensibilisation des femmes sur leurs droits. Il avait organisé en 2006-2007, antérieurement au projet avec le PNUD, des rencontres d’informations et de sensibilisation sur le contenu du code de la famille.

Le Ministère de l’Education : l’égalité des sexes en matière d’éducation est garantie par la

législation nationale qui consacre le droit à l’éducation et garantit la gratuité à tous les enfants sans aucune discrimination. L’éducation est une condition fondamentale à l’autonomisation des femmes mais aussi à la déconstruction des stéréotypes du point de vue du genre, sachant le poids de l’école et des manuels scolaires sur les enfants et les jeunes.

Pour ce qui est de l’enseignement stéréotypé du point de vue du genre, les responsables du secteur avaient affirmé, en 2007, que tous les manuels scolaires étaient soumis à une évaluation préalable systématique et rigoureuse et leur diffusion dans les établissements scolaires est conditionnée par une homologation délivrée par une commission d’expert-e-s en matière de stéréotypes discriminatoires.

Le Ministère de la Formation et de l’Enseignement Professionnel

Ce Ministère est sensible à la question de l’insertion des femmes dans le champ économique et a pris plusieurs initiatives en faveur de l’égalité des chances entre les filles et les garçons dans l’accès à la formation. Il a mené des activités de soutien à la formation des jeunes filles

et femmes défavorisées, dans le cadre d’un programme avec l’Allemagne. Actuellement il y a une volonté affichée en faveur du genre mais les mesures concrètes se font attendre.

Le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale

Ce Ministère est de loin l’un des principaux acteurs intervenant sur l’intégration du genre. L’essentiel des mécanismes de création de l’emploi, où devrait avoir lieu des discriminations positives pour attirer plus de femmes et de jeunes filles vers les projets de création d’entreprises, est encadré par ce ministère. Il nous semble que ce Ministère devra jouer un rôle majeur dans les années à venir.

Le Ministère de la Solidarité Nationale

Ce Ministère devrait être le plus proche des actions du MDCFCF parce que non seulement il est sa tutelle, mais en plus il regroupait antérieurement la Solidarité et la Famille. Et au lendemain de la Conférence de Beijing, ce Ministère s’était même engagé dans l’action avec les associations des femmes pour les amendements du code de la famille, un atelier avait été organisé en 1996 et adopté un projet d’amendement du code de la famille dont toutes les dispositions, à l’exception de l’héritage, étaient égalitaires, ce qui était une avance surtout si on la compare à la réforme de 2005. Par ailleurs, ses attributions le rapprocheraient du MDCFCF, et notamment par rapport à l’ANGEM.

D’autres Ministères, également auraient un rôle important à jouer, tel que le Ministère du Tourisme et de l’Artisanat, etc.

2) Quelques bonnes pratiques d’intégration du genre

2.1 L’observatoire de l’emploi féminin SONATRACH

Le 11 février 2002, a été créé l’observatoire de l’emploi féminin SONATRACH par décision N° 43/DG du Président-Directeur Général.

Le 05 mars 2002, le Président Directeur Général de SONATRACH, Monsieur Chakib Khelil, procéda à son installation. Il tient un discours dans lequel il développe et affirme des principes du respect des droits des femmes, et de l’équité, dont voici un extrait : « Les femmes de SONATRACH attendent beaucoup de leur entreprise en matière de développement de

carrière, d’épanouissement professionnel, ou encore plus simplement de respect de leurs droits et de traitement équitable. Votre observatoire peut apporter beaucoup dans ce cadre … SONATRACH attend beaucoup de ses femmes. Elle entend mieux utiliser leurs connaissances, tirer un plus grand profit de leurs compétences, bénéficier davantage de leur apport dans la réalisation des performances attendues du Groupe.».

L’observatoire devait œuvrer à contribuer à la mise en œuvre de la politique des ressources humaines de SONATRACH en vue de

 Renforcer la part de l’emploi féminin dans toutes les activités et fonctions du groupe ;  Faire évoluer les carrières sur la base du critère « à compétences égales, chances égales » ;  Permettre l’accès des femmes cadres aux postes de responsabilité, y compris

opérationnelles.

Les missions de l’observatoire consistent à :

 Proposer des mesures d’amélioration de la gestion de la carrière des femmes, en matière de recrutement, d’accès aux postes de responsabilités, d’accès à la formation et de gestion des compétences ;

 Identifier les entraves au cheminement professionnel des femmes et proposer des mesures de facilitation tendant à promouvoir leur évolution de carrière ;

 Développer un travail de sensibilisation et d’information auprès des gestionnaires sur les progressions des carrières des femmes dans le groupe, par l’organisation notamment de conférences et de rencontres ;

 Constituer une base de données sur les tendances du marché de l’emploi féminin national et international.

Pour la réalisation de ses missions, l’observatoire s’est fixé un certain nombre de tâches au nombre de onze dont : la mise en place d’une banque de données relatives à l’emploi féminin dans toutes les activités et fonctions du Groupe SONATRACH ; l’analyse de ces informations et données en vue d’en dégager les tendances ; l’établissement de rapports d’évaluation de ces tendances et les corrections à apporter ; l’examen de toutes les requêtes qui lui sont adressées, et la transmission et, le cas échéant, le rapport aux responsables concernés ainsi qu’à leur responsable de ressources humaines, etc.

Pour l’accomplissement de ses missions, l’observatoire pouvait faire appel aux structures du groupe et/ou à des organismes spécialisés, comme il pouvait également demander toute étude ou diagnostic sur les questions liées à ses missions.

En mai 2002, l’observatoire se dote d’un règlement intérieur.

Pour ce qui est de la prise en charge du harcèlement sexuel, une circulaire N° 13/IG du 21 novembre 2006 relative au harcèlement des femmes sur le lieu de travail a été établie et diffusée, et en février 2009, un guide de procédures de prévention et de prise en charge des cas de harcèlement et de souffrances au travail est établi.

Le Président-Directeur Général tient un discours très en faveur de l’égalité, l’équité et la non-discrimination. Nous illustrons ces affirmations par deux messages qu’il a adressés au personnel féminin de SONATRACH à l’occasion du 8 mars, journée internationale de la femme, l’un en 2005 et l’autre en 2007.

Dans son message du 07 mars 2005, il fait part de la conscience qu’il a de la place importante que prennent les femmes dans le groupe et de leur précieuse contribution aux performances de SONATRCAH. Il affirme sa conviction profonde que l’égalité des chances doit être donnée à toutes et à tous dans les mêmes conditions, et que pour cela de grands efforts doivent être faits. Il conclut son message par la nécessité de persévérer dans la concrétisation de l’égalité en droits pour les femmes.

Dans celui du mars 2007 : tout en rappelant le rôle joué par les femmes dans l’amélioration du fonctionnement et des performances de SONATRACH, il affirme que ce sont leurs compétences qui ont permis aux femmes de SONATRACH d’évoluer, sur la base, désormais clairement affichée, de l’égalité des chances. Il confirme de manière forte le respect de l’équité et le rejet de la discrimination. « Nous veillerons au strict respect de l’équité dans l’évolution des carrières des femmes et des hommes de SONATRACH, sur la base de critères qui excluent toute discrimination ».

Cette démarche visant la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’emploi, avec un discours aussi tranché pour l’équité, l’égalité des chances, contre la discrimination, est plutôt unique en Algérie. Cette expérience mériterait d’être capitalisée

pour aller de l’avant et la généraliser dans d’autres secteurs. Elle mériterait, au moins, d’être connue.

Un Observatoire de l’emploi féminin a également été installé à SONELGAZ, mais il semblerait qu’il n’a pas fonctionné, ou du moins il n’est pas fonctionnel en ce moment.

2.2 Le Ministère de l’Energie et des Mines – De l’intégration du genre à la politique du secteur

Le Ministère de l’Energie et des Mines est le Ministère de tutelle de SONATRACH et de SONELGAZ, les deux entreprises où des observatoires de l’emploi féminin ont été mis sur pied.

Le 5 janvier 2005, émane une directive ministérielle N°1, relative à la promotion de l’emploi féminin dans le secteur. Elle a été adressée par le Ministre sous forme d’un dépliant, dans un contenu sur l’égalité qui tranche avec le discours ambiant en Algérie. Que dit cette directive ?

Le ton est annoncé dès le préambule : « aujourd’hui, si l’égalité professionnelle est reconnue en droit, elle ne l’est pas encore dans les faits. Force est de constater qu’en dépit de tous les textes liés à la question, les femmes continuent de faire l’objet d’importantes discriminations ».

Dans un second passage toujours sous le label « Etant convaincu », il affirme que « le complet développement d’un pays, et par la même le bien être du monde, demande la participation maximale des femmes autant que des hommes dans tous les domaines de la vie », « que la mixité professionnelle est une source de complémentarité, d’équilibre social et d’efficacité économique ». Il informe qu’il s’applique à développer une culture novatrice dans le secteur qui encouragerait les femmes et les hommes qui permettraient, par leurs performances, de développer les avantages comparatifs et d’atteindre les standards internationaux. Il affirme vouloir marquer sa volonté inébranlable de maintenir le cap sur une question aussi cruciale que la promotion de l’emploi féminin. Il rappelle la nécessité, pour les décideurs du secteur, de concrétiser leur volonté et leurs engagements à mettre en pratique les principes d’égalité des chances et d’équité.

En fait, la directive constitue un véritable instrument d’intégration du genre dans la politique de l’entreprise, c’est du gender maintreaming. Elle présente une série de mesures précises permettant la mise en œuvre du principe d’égalité des chances et d’équité. Il nous semble important de présenter, ici, les principes qu’elle énonce pour réaliser cette égalité parce qu’elle est unique en Algérie, et rare ailleurs.

Les principes visant l’équité et l’égalité sont présentés sous trois axes 1) recrutement, formation et évolution des carrières, 2) promotion et suivi de l’emploi féminin, 3) communication.

En matière de recrutement, de formation et d’évolution des carrières, il s’agirait de :

Inscrire la promotion de l’emploi féminin dans les politiques des ressources humaines et la traduire en objectifs de recrutement, de formation et de promotion ;

Instituer dans les plans et bilans du secteur, le critère du genre comme indicateur pertinent ; Assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les comités d’évaluation du personnel lors des opérations de recrutement et d’accès aux postes proposés dans le cadre de la bourse de l’emploi ;

Créer les conditions pour que les femmes de profil technique puissent exercer leur métier et progresser dans des filières en rapport avec leurs compétences ;

A compétences équivalentes, les mêmes possibilités d’évolution de carrière doivent être offertes aux hommes et aux femmes ;

Adapter la règlementation interne des entreprises au principe de non discrimination à l’égard des femmes.

En matière de promotion et de suivi de l’emploi féminin, il est préconisé de :

Mettre en place des mécanismes de contrôle et d’évaluation des managers en matière de promotion de l’emploi féminin ;

Offrir de nouveaux services au personnel, notamment féminin, permettant de concilier vie personnelle et familiale, et vie professionnelle (institutions préscolaires, gardes des jeunes enfants scolarisés, infrastructures d’accueil dans les zones isolées…) ;

Mettre en place des cellules d’écoute, animées par un personnel qualifié, pour la prise en charge de la question du harcèlement sous toutes ses formes.

En matière de communication, il est demandé de :

Créer des observatoires de l’emploi féminin en tant qu’organes de veille, de pôles d’analyse, de réflexion et de proposition pour la promotion de l’emploi féminin, et ce au niveau du Ministère, des groupes SONATRACH, SONELGAZ ainsi que leurs filiales, et des organisations relevant du secteur ;

Sensibiliser le management, l’encadrement et l’ensemble du personnel à la question du genre par des campagnes d’information (conférences, séminaires, journées d’études,…) ;

Diffuser toutes études et enquêtes réalisées par les différents observatoires et liées à la thématique ;

Faire connaître les droits spécifiques des femmes au travail ;

Veiller, dans toutes les actions de communication, à promouvoir une image positive de la femme travailleuse.

La directive aborde, également un sujet primordial lié au travail de nuit interdit aux femmes, qui freine l’évolution de carrière des femmes, ingénieures et techniciennes. Il est demandé aux décideurs d’engager la réflexion pour trouver une solution.

Il est demandé également aux responsables de s’assurer que les entreprises sous traitantes en relation d’affaires avec les entreprises du secteur de l’Energie et des Mines, et utilisant du personnel féminin, respectent les conditions d’éthique et les dispositions légales en matière d’emploi féminin.

Par ailleurs, la directive propose la démarche dans laquelle elle devra être mise en œuvre, à savoir une mise en commun des expériences en vue de créer les synergies nécessaires dans le secteur. C’est pourquoi une rencontre biennale relative à la promotion de l’emploi féminin est instituée. La création d’une revue du secteur de l’Energie et des Mines consacrée à l’emploi féminin, est souhaitée.

2.3 Essai d’intégration de l’approche genre dans un projet existant – le cas du projet « daïra de Charouine : Appui au renforcement des capacités locales pour un développement durable ».