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1. Chapitre 1 : Synthèse bibliographique

1.1. Larve : définitions, caractéristiques et développement

1.1.3. Stratégie de reproduction et développement larvaire

Les poissons téléostéens ont colonisé la plupart des milieux aquatiques marins et d'eau douce en raison notamment de la diversité des stratégies biologiques mises en œuvre (Balon, 1975a ; Mann et Mills, 1979). La grande diversité et la richesse des stratégies de reproduction chez les poissons ont suscité un intérêt particulier car c’est notamment au cours de la reproduction (allocation d’énergie au processus de reproduction) que se détermine le sort de la progéniture.

Différents modèles ont été proposés afin de rendre compte de la façon dont les grands types de stratégies biologiques mis en évidence chez les poissons apparaissent comme des réponses évolutives à des conditions environnementales différentes (revue dans Bruton, 1989) : continuum r-K (Pianka, 1970), généralistes versus spécialistes, formes "atricial et précocial", classification de Balon (1975a), gradient d'itéroparité à semelparité (Schaffer, 1974).

1.1.3.1. Classification de Pianka (1970)

En considérant les caractéristiques reproductives des stratégies « r » et « K » définies par Pianka (1970), on observe une relation étroite entre celles-ci et la taille des descendants. Ainsi, à la stratégie « r » caractérisée par des individus à maturation précoce, à fort taux de croissance individuel, à forte fécondité relative, à grand effort de reproduction (allocation de ressources) et à durée de vie courte est associée à une progéniture composée de larves de petite taille. Par contre, les descendants associés à la stratégie « K » (maturation tardive, faible taux de croissance individuel, fécondité relative et effort de reproduction faible, grande espérance de vie) sont généralement de grande taille. De la même façon, le cannibalisme entre larves est moins intense, voire très peu rencontré, chez les espèces de stratégie « r » qui produisent des petits œufs et ne pratiquent pas les soins parentaux (Nishimura et Hosshino, 1999). Wootton (1999) montre que les larves issues d’œufs ayant bénéficié de soins parentaux présentent des taux de survie élevés.

1.1.3.2. Classification de Winemiller (1992)

En 1992, Winemiller a proposé un schéma tridimensionnel pour rendre compte de la diversité des stratégies chez les poissons en fonction de l'âge à la maturité, du taux de survie des jeunes et de la fécondité. Cet auteur a défini trois principaux types de stratégie :

* les stratégies d'équilibre : elles optimisent la survie des produits de la reproduction (œufs de grande taille peu nombreux, protection des œufs et des larves) et atteignent des tailles moyennes à l'état adulte. C’est le cas des Salmonidés qui adoptent une stratégie visant à optimiser la survie des produits de la reproduction plutôt que de multiplier leurs œufs et de répartir leur effort de reproduction sur le long terme. Les espèces de cette stratégie tendent vers la stratégie K au sens de Pianka (1970) bien que l'on n'y retrouve pas les espèces présentant les longévités les plus élevées.

* les stratégies périodiques : elles groupent des espèces ayant des œufs de grande taille, les géniteurs répartissent leur investissement gonadique sur de nombreuses années (forte longévité), maximisent leur fécondité et présentent une seule ponte annuelle. L’ovogenèse est de type synchrone ou groupe synchrone (Kestemont et Philippart, 1991).

* les stratégies opportunistes : elles présentent une courte longévité, une faible fécondité absolue, des pontes fractionnées (ovogenèse asynchrone) ou une reproduction continue (Pont et al., 1995). Les espèces de cette stratégie se reproduisent généralement en période froide.

A partir de cette classification, on peut conclure que des œufs de grande taille et l'existence d'une protection de la descendance sont des facteurs qui favorisent la survie des jeunes. Les œufs de grand diamètre donnent généralement naissance à des larves de plus grande taille, ce qui accroît leur chance de survie dans un environnement difficile (Wooton, 1979). La protection active ou passive des œufs et/ou des jeunes tend également à réduire la mortalité lors des premiers stades de développement (Balon, 1975a).

1.1.3.3. Classification de Teletchea et Fontaine (2010)

La recherche des relations qui existent entre les caractéristiques des œufs et des larves a abouti à l’établissement d’une classification originale par Teletchea et al. (2009), complétée par Teletchea et Fontaine (2010).

Selon cette classification, deux classes composées uniquement de salmonidés (Groupes A et B) émergent. Elles regroupent des espèces qui pondent en automne (genres Salmo, Oncorhynchus, Salvelinus et Coregonus and S. leucichthys) et tardivement en hiver (Oncorhynchus mykiss and Hucho hucho). Les œufs incubent à basse température dans les graviers et sous les pierres. Pour le groupe A, les larves sont démersales jusqu’à la résorption

du sac vitellin, en effet elles éclosent avec une grande quantité de réserves et continuent leur développement dans le substrat avant l’émergence et l’initiation de l’alimentation exogène (Wallace et Aasjord, 1984 ; Beacham et Murray, 1990 ; Formicki et al., 2004). Pour le groupe B, les œufs sont aussi démersaux, les larves éclosent avec peu de réserves vitellines et doivent se nourrir peu de temps après l’éclosion (Bogdanova, 1977 ; Brown et Taylor, 1992).

Le groupe C rassemble principalement des espèces qui pondent au début du printemps (mars, avril). La durée d’incubation est relativement longue et les œufs peuvent être attachés ou non au substrat (végétation ou graviers), comme par exemple chez le brochet et la perche commune. Les larves sont pélagiques ou démersales durant toute la période de résorption du sac vitellin. Les larves de brochet par exemple mènent une vie inactive les premiers jours. Elles restent attachées à la végétation grâce à une glande adhésive (tête) pendant 6-10 jours durant laquelle elles se nourrissent de leurs réserves vitellines avant de commencer à nager librement (Scott et Crossman, 1973).

Le groupe D est le plus étoffé, il regroupe principalement des espèces qui pondent tard au printemps et tôt en été lorsque la température est élevée. La plupart des espèces de cette classe possèdent des œufs démersaux qui adhèrent au substrat (plantes, graviers). A l’éclosion les larves sont soit démersales soit pélagiques.

Le groupe E regroupe trois espèces (S. glanis, A. nebulosus and I.punctatus) qui possèdent de gros œufs démersaux et adhésifs et se développent à haute température pendant une très courte période. A l’éclosion, les larves possèdent beaucoup de réserves vitellines et restent proches du substrat.

En conclusion, quelle que soit la saison de ponte (qui peut avoir lieu toute au long de l’année en fonction des espèces), les différents compromis « trade-offs » pendant les stades de vie précoces assurent que le début de l’alimentation exogène chez la plupart des larves coïncide avec le début du printemps lorsque la taille et l’abondance des proies sont les plus adéquates (Bagenal, 1971 ; Wootton, 1984, 1999 ; Nash, 1999).

1.1.3.4. Relation larve-environnement

Winemiller et Rose (1993) ont montré qu’une forte densité en proies dans les frayères larvaires favorise la division de la biomasse reproductive en petits œufs et larves. Par contre, une faible densité de proies diminue la production d’œufs, ceux-ci donnant naissance à de grosses larves.

Des espèces comme O.keta ou S. salar qui produisent des larves relativement grandes sont distribuées dans des environnements peu riches en proies. Miller et al. (1988) et Pepin (1991) trouvent que les larves de grande taille sont plus résistantes au jeun, mais ont aussi une plus grande flexibilité (fenêtre d’opportunités) au moment de l’initiation à l’alimentation exogène ce qui représente un avantage en condition de limitation de nourriture (exemple vers la fin de la saison hivernale). Les petites larves sont plus vulnérables au jeun. Elles naissent et commencent à se nourrir au printemps et en début d’été lorsque les conditions environnementales (nourriture, température) sont plus convenables. L’éclosion précoce avec un gros sac vitellin peut augmenter les chances de survie des larves ; les larves sont moins vulnérables à la prédation et la grande quantité de vitellus dont elles disposent offre une plus grande flexibilité pour trouver les proies convenables.