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CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE

4.3 Démarche méthodologique

4.3.2 Stratégie d’échantillonnage

Choix des ONG

Notre objectif de recherche étant dans un premier temps d’identifier tous les processus utilisés par les diverses ONG pour la gestion de leurs ressources, tant intra qu’interorganisationnels, il importait de rencontrer d’une part, le plus d’ONG possible, et d’autre part des ONG différentes, partant de l’hypothèse que des ONG différentes devraient avoir des processus différents, selon la théorie de la contingence (Lawrence et Lorsh, 1967; Mintzberg, 2003). Notre objectif étant essentiellement exploratoire, notre modalité d’échantillonnage est non probabiliste, par choix raisonné (Pires, 1997, p. 117), avec un échantillon par contraste basé sur un critère de diversification externe : « [la diversification externe, appelée aussi contraste] s’applique lorsque la finalité théorique est de […] contraster un large éventail de cas variés. » (Pires, 1997, p. 155). Nous avons identifié a priori un critère essentiel de différence, soit la taille de l’ONG selon son budget annuel, à l’instar de certains auteurs (Beamon et Balcik, 2008; Tatham et Pettit, 2010), et avons défini trois catégories d’ONG, soit les petites ONG dont le budget annuel est entre 0 et 10 millions de $, les ONG moyennes avec un budget annuel entre 10 et 100 millions de $, et les grandes ONG avec un budget annuel supérieur à 100 millions de $. En effet, selon la théorie de la contingence structurelle, de grandes différences de taille devraient conduire à l’adoption de processus très différents. De plus, si cela devait nous assurer une diversité des organisations, en pratique, cela n’avait pas d’incidence sur l’interprétation des données ni sur l’établissement des deux typologies puisque celles-ci ne sont pas basées sur la taille de l’ONG. Nous avons également intégré dans nos critères de choix des ONG d’autres éléments distinctifs additionnels soit l’origine, l’âge et la structure (centralisée/décentralisée). En effet, notre but n’était pas d’avoir un échantillon parfaitement représentatif de l’ensemble de la population des ONG, mais plutôt d’obtenir

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l’échantillon le plus large possible, c’est-à-dire constitué d’ONG les plus diverses possible, afin d’identifier le plus de processus différents possibles, selon l’hypothèse de Mintzberg (2003) en vertu de laquelle différents types d’organisations (ici les ONG) choisiraient différents ensembles de processus. Notre approche par études de cas multiple est d’ailleurs tout à fait conforme à notre stratégie d’échantillonnage, car selon Stake (1995) : « The choice [of cases] is made, ensuring variety but not necessarily representativeness, [.. ]. Here, too, the primary criterion is opportunity to learn. » (p. 452). Ainsi que le dit Pires (1997, p. 159), cette stratégie permet une généralisation non par saturation, mais par comparaison, car « ce sont les différences entre les groupes qui viennent renforcer la pertinence de la description proposée pour chaque groupe. »

Toutefois, un critère de choix essentiel était que l’ONG, pour faire partie de l’échantillon, devait intervenir directement dans les opérations d’urgence. En d’autres termes, les ONG n’intervenant pas sur le terrain et agissant exclusivement comme canal de transmission des ressources entre des donateurs et d’autres organisations ou ONG étaient exclues de notre échantillon. Cela limitait donc les ONG de notre échantillon aux ONG d’urgence pure et à celles ayant un axe stratégique mixte d’urgence et de développement et agissant directement sur le terrain.

Les ONG sont des organisations difficiles d’accès, d’autant plus quand le sujet abordé est relatif aux ressources, car il s’agit d’un sujet extrêmement sensible. Toutefois, disposant de contacts personnels, nous avons été recommandée à plusieurs grandes ONGI que nous avions ciblées et ayant un siège au Canada. Nous avons également été en mesure de rencontrer des gestionnaires d’ONGI d’autres coins du globe par téléphone ou par Skype. La difficulté s’est encore accrue quand nous avons voulu rencontrer des ONG plus petites, locales ou nationales œuvrant en urgence, car le Canada n’est pas un pays sujet aux désastres qui justifie la présence d’ONG locales d’urgence. Il fallait donc trouver un pays qui soit l’objet de désastres récurrents, et qui de ce fait, a un réseau d’ONG locales œuvrant en urgence. Parallèlement, nous avions exclu les pays n’ayant pas ou plus de structures étatiques et où, de ce fait l’État ne joue pas le rôle qu’il doit jouer, conduisant ainsi les

ONG à se substituer à l’État, ce qui complexifie encore la problématique. Nous avons exclu les pays en guerre et les pays en voie de développement pour les mêmes raisons.

Un pays remplissait les conditions souhaitées : le Chili. En effet, le Chili est un pays ayant un État coordonnateur, avec des infrastructures et des structures étatiques solides. Situé sur une des plaques tectoniques les plus actives au monde faisant partie de la ceinture de feu (la plaque de Nazca à 10 km des côtes), il est sujet à des tremblements de terre, éruptions volcaniques et tsunamis à répétition. En 2010, un tel évènement s’est produit : un séisme d’une magnitude de 9,2, suivi d’un tsunami, a dévasté 650 km de côtes, détruisant plusieurs grandes villes en quasi-totalité et mettant à la rue près de deux millions de personnes, affectant ainsi 18 % du PIB chilien. Une réponse d’urgence internationale, parallèle à une réponse d’urgence nationale, organisée par l’État chilien et les ONG nationales et locales, fut organisée. Cela nous fournissait un contexte répondant à nos critères d’échantillonnage et un terrain parfaitement adapté à l’étude de notre objet de recherche. Nous nous sommes donc rendue au Chili afin de rencontrer des ONG chiliennes intervenues en 2010, en parallèle ou en collaboration avec des ONGI afin d’étudier leurs processus.

Au total, 65 entrevues en profondeur ont été conduites. De ce nombre, 47 entrevues ont été conduites auprès de 18 ONG et organisations œuvrant dans les réponses d’urgence. Parmi ces ONG, nous avons dû écarter cinq ONG. Trois ONG ont été retirées de l’échantillon pour deux raisons : nous n’avons pas pu rencontrer plus d’un gestionnaire et la documentation disponible était insuffisante pour appuyer ce que nous avait dit le répondant. Il était donc impossible de s’assurer de la fiabilité des données. Deux autres ONG ont dû être écartées parce qu’elles n’interviennent pas directement dans les opérations d’urgence. Notre échantillon final comprend donc 13 ONG dont les caractéristiques sont reproduites dans le tableau II.4.1 dans la section 4.3.5.

Des 65 entrevues, 18 ont été conduites auprès de personnes nous permettant de comprendre le contexte de la réponse d’urgence. Sur le plan international, nous avons rencontré un coordinateur de l’ONU basé à Genève, un gestionnaire de la Sécurité publique de Valparaiso, un coordinateur d’un réseau d’ONG chiliennes travaillant dans l’urgence, mais surtout dans le plaidoyer, deux gestionnaires de l’ACDI et un du ministère des Affaires

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étrangères du Canada. Du côté Chilien, nous avons rencontré plusieurs adjoints à l’Alcalde (ou maire) de deux des villes rasées par le tsunami (Talca et Talcahuano), deux représentants de deux Juntas de Vecinos (ou associations de voisinage, organisations informelles que nous n’avons pu classer dans les ONG, et ce même si elles ont activement participé aux réponses d’urgence de leur ville au niveau des ressources), deux représentants de deux Syndicates des Pescadores (Syndicats de Pêcheurs, organisations aussi très actives durant l’urgence, mais écartées, car non classées dans les ONG) et enfin un responsable de l’agence gouvernementale chilienne ONEMI (Oficina Nacional de Emergencia del Ministerio del Interior), équivalente de la FEMA aux États-Unis.

Choix des répondants

Parmi les treize ONG sélectionnées pour notre échantillon, les répondants étaient choisis exclusivement sur deux critères : en premier lieu, ils devaient travailler ou avoir travaillé récemment pour une ONG. En deuxième lieu, leurs fonctions devaient les amener soit à gérer les ressources, soit à prendre les décisions au niveau des ressources, soit à connaître les processus relatifs aux ressources utilisés par leur organisation. Nous avons ainsi rencontré cinq logisticiens de six ONGI (il n’y a pas de logisticien dans les petites ONG et la fonction est assurée le plus souvent par le directeur de l’ONG, ce qui témoigne à quel point les ressources sont un domaine sensible); nous avons également eu vingt entrevues avec des gestionnaires au niveau des sièges ou des bureaux pays et huit entrevues avec des gestionnaires de terrain.

Comme il s’agit de professionnels choisis pour leur expertise professionnelle, leurs caractéristiques sociodémographiques importaient peu.

Pour qu’une ONG soit conservée dans l’échantillon, le nombre minimum d’entrevues devait être de deux, ou bien nous devions disposer de documents suffisants pour pouvoir nous assurer de la fiabilité des données. De fait, dans toutes les grandes ONGI, nous avons eu entre trois et cinq entrevues, nous assurant ainsi du respect du principe de saturation. Pour les petites ONG, cela a été beaucoup plus difficile d’obtenir plus d’une entrevue, car les gestionnaires des petites ONG sont peu nombreux et prennent en charge de nombreuses

tâches. Par contre, ils touchent à tous les domaines de gestion et ils sont tous très au fait des processus de gestion des ressources. Le fait pour ces petites ONG de croiser diverses sources de données nous a permis également d’atteindre un certain niveau de saturation.