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CHAPITRE 3 : CADRE CONCEPTUEL ADOPTÉ

3.1 Gestion de crise et des opérations d’urgence

Dans cette section, nous allons tout d’abord montrer comment cette thèse s’inscrit dans une perspective contingente de la gestion de crise et des opérations d’urgence (sous- section 3.1.1), avant de voir le modèle des opérations d’urgence ayant été retenu en matière de phases de réponse (sous-section 3.1.2), pour finir par décrire brièvement l’approche systémique et l’approche réseau dans laquelle s’insère cette recherche (sous-section 3.1.3).

3.1.1 Une perspective contingente de la gestion des opérations d’urgence

Tout d’abord, à l’instar de certains auteurs, les notions de crise et de désastre seront assimilées, bien que les désastres soient un type particulier de crise en ce sens qu’ils peuvent entraîner des morts ou des blessés, ce qui n’est pas toujours le cas des crises. Le concept qui sous-tendra à cette recherche repose sur la définition de crise suivante :

[Crisis] involve a severe threat (destructive environmental change), a high degree of uncertainty (degree of impact), and time pressure (Rosenthal and Kouzmin 1993 :1). […] (…) events become crises as a result of being perceived as nonroutine, unstable, less-understood, and time-urgent […]. (Kouzmin et Jarman, 2004, p. 188)

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Cela conduit à assimiler la notion de gestion de crise et de gestion des opérations d’urgence. Par ailleurs, la définition qui sera retenue pour cette recherche est un amalgame d’éléments pris dans les définitions de Spillan (2003) et de Tobin et Montz (1997), à savoir que l’aide d’urgence a pour objectif de sauver des vies, de réduire les souffrances des victimes et de limiter l’impact de la crise. Tout cela afin d’aider à reprendre le contrôle de la situation, aussi bien pour les victimes que pour les organisations intervenantes.

Vu l’environnement dynamique et changeant dans lequel s’insère la gestion des opérations d’urgence, nous avons adopté la perspective des théories de la contingence, car les contraintes imposées aux organisations et aux gestionnaires d’urgence en fait de temps et de ressources (entre autres contraintes) vont les obliger à s’adapter et à effectuer plusieurs changements. Tout d’abord, ces organisations devront choisir des structures organisationnelles particulières (Jahre, Jensen et Listou, 2009), beaucoup plus souples et permettant une plus grande fluidité des rôles et des responsabilités. Ensuite, la forme de gestion adoptée devra être flexible afin de permettre de s’adapter rapidement à l’environnement dynamique (Boin, 2009; Boin et autres, 2009; Comfort, 2007; Paton et Jackson, 2002; Cuhna et Kamoche, 1999). L’organisation devra avoir des stratégies particulières afin de pouvoir répondre à des besoins particulièrement importants et pressants en cas de désastre. Enfin, l’organisation devra utiliser des processus particuliers et flexibles (Balcik et autres, 2010; Beamon et Balcik, 2008; Jahre et Fabbe-Costes, 2005; Jahre, Jensen et Listou, 2009), car les processus élaborés pour des situations de gestion « normale » ne sont habituellement ni assez rapides ni assez adaptables. Cela devrait se refléter sur le plan des processus liés aux ressources, qui sont au cœur de cette recherche, et pour lesquels toute organisation intervenante fait face à maints défis. Ces défis sont ceux liés à l’acquisition (par achats, dons ou échanges), au transfert des ressources au sein des ONG, et à la coordination des ressources entre les ONG, dans un contexte où le temps est compté (c’est une question de vie ou de mort pour les victimes), où les ressources sont habituellement en quantité insuffisante et où les besoins sont immenses et urgents.

3.1.2 Modélisation temporelle des opérations d’urgence

La réponse d’urgence a été modélisée de deux façons différentes, soit d’une façon linéaire (prédésastre, désastre et postdésastre avec un enchaînement séquentiel des phases de préparation, de réponse et de rétablissement), soit selon un mode dual cycle dans lequel les phases se chevauchent, s’interpénètrent et ne suivent nullement un aspect séquentiel. Dans le cadre de cette recherche, nous intégrerons les deux modèles. En effet, nous considérerons d’une part la phase de préparation, ou phase prédésastre, durant laquelle sont mis en œuvre certains processus de transfert de ressources en prévision de la phase de réponse (transferts de ressources découlant de la planification et de la préparation à un désastre éventuel). D’autre part, nous analyserons la phase de réponse elle-même, c’est-à-dire la phase postdésastre durant laquelle sont activés d’autres processus directement en lien avec une réponse d’urgence particulière. Dans les faits, ces deux phases peuvent s’influencer et s’interpénétrer.

La phase postdésastre recouvre elle-même habituellement deux étapes, soit celle qui intervient aussitôt après le désastre, et celle qui se déroule sur une plus longue échéance et qui concerne ce qui a été appelé la phase de rétablissement. Cette recherche ne s’intéressera qu’à la phase de réponse couvrant un maximum de trois mois après le désastre, car, au-delà de cette période, on entre dans une dynamique totalement différente laquelle relève plutôt de la logique des projets de développement (Levitt, 1997; Smith et Wenger, 2007). En effet, durant cette phase de rétablissement, il y a normalisation de la situation, les organisations ayant eu le temps de mettre en place des processus qui ne rentrent plus dans le cadre de la gestion de crise. Ce que Leavitt (1997) a appelé l’After Phase :

The After Phase does not start when the out-of course event ceases or disappears, but when the effects of its impact and its consequences are no longer interfering with as-intended functioning of the business process cells. (p. 106)

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3.1.3 Une perspective systémique et de réseau

La réponse d’urgence sera vue sous la perspective d’un système formé par un ensemble d’organisations ou d’individus qui interviennent et qui, de ce fait, interagissent puisqu’ils travaillent dans un même endroit et sur une même population touchée par une catastrophe. Ces interactions s’influencent les unes les autres, ce qui contribue à former un système dynamique et complexe (Deschamps et autres, 1996). Dans le domaine spécifique des transferts de ressources, et dans un contexte fréquent de rareté des ressources, les organisations sont en compétition pour les ressources (Cook, 1977; Pfeffer et Salancik, 1977). Cela crée une dynamique particulière au sein du système. Cette dynamique peut conduire à des échanges interorganisationnels de différentes formes, ce qui sera vu un plus loin dans la section 3.2.

Les ONG peuvent être elles-mêmes constituées en réseaux lorsqu’elles sont membres d’un groupe d’ONG (ONG affiliées, portant la même bannière). Ces réseaux peuvent avoir la forme d’une structure formelle ou virtuelle ou être constitués de liens informels entre les organisations. La caractéristique d’un réseau est habituellement qu’il n’y a pas de lien hiérarchique entre les organisations : « Networks are ‘structure of interdependance, involving multiple organizations or parts therof, where one unit is not merely the formal subordinate of the others in some hierarchical arrangement’ (O’Toole, 1997, p. 45). » (Agranoff et McGuire, 2001, p. 312). En effet, dans le cadre des opérations d’urgence, les diverses ONG sont indépendantes les unes des autres et ne sont habituellement subordonnées à aucune autorité hiérarchique (Seaman, 1999), sauf délégation momentanée de leur pouvoir à une autre organisation. Même l’organisme de coordination de l’ONU (OCHA) n’a aucune autorité sur les ONG. Elles ne rendent des comptes qu’à leurs donateurs. La perspective « réseau » de la réponse d’urgence adoptée pour cette recherche met l’accent sur les échanges interorganisationnels comme liens définissant la structure et le fonctionnement du réseau. Il y a toutefois lieu de noter que si elles deviennent automatiquement une partie du système en tant que participantes aux opérations d’urgence, le fait de rentrer, ou non, dans un réseau particulier relève de leur choix.

3.2 Les échanges interorganisationnels vus sous l’angle de l’échange de ressources