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Intérêt théorique des typologies et aperçu des typologies d’ONG existantes

CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS

1.5 Sommaire des recherches et introduction au manque de typologies en matière d’ONG

1.5.2 Intérêt théorique des typologies et aperçu des typologies d’ONG existantes

La diversité des ONG a été soulignée précédemment (Partie I), notamment sur le plan de la taille, du type d’activités et de la mission. Ainsi Vakil (1997) mentionne « the plethora of terms used to describe NGOs », parmi lesquels elle mentionne les BINGOs (ou big international nongovernmental organizations), les CBOs (ou community-based organizations), les DOs (developmental organizations), les DONGOs (donor nongovernemental organizations), les GONGOs (governement nongovernmental organizations), les INGOs (international nongovernemental organizations), les QUANGOs (quasi-nongovernmental organizations), les ECOs (welfare church organizations), pour n’en citer que quelques-unes (p. 2060). Yaziji et Doh (2009) soulignent que « Within the category [of NGOs], there are many different types, characteristics and purposes of NGOs. » (p. 4). Cela soulève une difficulté majeure dans l’étude des ONG. En effet

At the root of the names question is the multidimensional nature of NGOs as types of organizations and the inability to agree on which of these dimensions are critical for labeling and, ultimately, analysis. (Vakil, 1997, p. 2060)

D’où la difficulté de comprendre le fonctionnement de ces organisations :

[The] lack of consensus on how to define and classify nongovernmental organizations has inhibited progress on both the theoretical and empirical fronts in the effort to better

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understand and facilitate the functioning of the NGO sector. (Vakil, 1997, dans Yaziji et

Doh, 2009)

Cela crée aussi une grande difficulté à comprendre pourquoi et comment des organisations a priori si différentes les unes des autres pourraient travailler ensemble, ou en coordination lorsqu’elles travaillent sur un même théâtre d’opérations. Peut-on même concevoir qu’une petite ONG locale puisse se coordonner avec une grande ONGI qui bien souvent dispose d’un budget important avec une « machine administrative » considérable? Leurs façons de faire, notamment au niveau de la gestion de leurs ressources, peuvent-elles leur permettre de se coordonner? Les processus qu’elles adoptent facilitent-ils la coordination de leurs ressources ou au contraire l’empêchent-ils? Cela nous a conduite à voir dans les recherches qui nous ont précédée si des typologies avaient été faites des ONG, visant à les regrouper entre ONG ayant des similitudes relativement à leur fonctionnement interne (coordination intraorganisationnelle) et à leurs relations avec leur environnement (coordination interorganisationnelle). Une telle typologie nous permettrait sans doute de mieux comprendre ce phénomène de gestion et de coordination des ressources. En effet, des auteurs (Collier, LaPorte et Seawright, 2012) soulignent l’intérêt des typologies :

Typologies—defined as organized systems of types—are well-established analytic tool in the social sciences. They make crucial contributions to diverse analytic tasks: forming and refining concepts, drawing out underlying dimensions, creating categories for classification and measurement, and sorting cases. […] typologies can provide new insight into underlying dimensions, thereby strengthening both quantitative and qualitative research. (p. 217)

Or il appert que probablement en raison de cette grande diversité, seuls quelques auteurs se sont risqués à établir une typologie des ONG. Nous allons passer en revue quelques-unes des typologies proposées par les auteurs qui nous ont précédée.

Typologie d’ONG de Quéinnec (2004)

Laissant de côté les typologies d’ONG fondées sur des critères tels que leur clientèle cible ou leur mission, qui sont selon Quéinnec de peu d’intérêt théorique, cet auteur nous propose une typologie basée sur « des styles d’organisations de solidarité internationales autour de certaines dimensions institutionnelles ou opérationnelles ». Le tableau II.1.1 en résume les

grandes lignes. La distinction que nous avons présentée d’entrée dans notre problématique, à savoir les ONG qui sont axées uniquement sur l’urgence, celles axées exclusivement sur les projets de développement et enfin celles ayant un axe mixte d’urgence et de développement, est issue de cette typologie.

Tableau II.1.1. Typologie des ONG (adaptée de Quéinnec, 2004, p. 20-22)

Type d’ONG Caractéristiques Types d’actions Évolution

ONG humanitaires Origine

entrepreneuriale

x Action médicale en situation d’urgence

Diversification avec des actions de développement et d’assistance technique ONG « d’urgence pure » ONG constituées de professionnels x Secours en situation de catastrophe naturelle x Interventions très

spécifiques et sur un temps très court

ONG caritatives Souvent d’obédience religieuse

x Lutte contre la pauvreté x Utilisent des partenariats locaux

x Actions simples, faiblement professionnalisées

Nette tendance aux projets de développement avec importance de l’appropriation par les populations visées ONG de

« parrainage »

x Visent spécifiquement les enfants en situation de grande pauvreté

ONG

« développemen- talistes »

Adhèrent à une vision « tiers-mondiste » du sous-développement

x Volet de plaidoyer important (information et sensibilisation) x Projets de développement à long terme – Vision « durable » x Utilisent beaucoup de partenariats locaux

Deux types :

- Petites ONG locales faiblement dotées : présentant plutôt les caractéristiques des ONG caritatives

- Grandes ONG : devenues des professionnels du développement durable

Cette typologie (tableau II.1.1) reprend les nombreuses caractéristiques que peuvent avoir les ONG et est très intéressante par son objectif de les intégrer. Toutefois, cette intégration conduit parfois à avoir des types qui se chevauchent. Ainsi, les ONG caritatives peuvent être des ONG « développementalistes » ou inversement, alors que les ONG humanitaires peuvent à la limite recouvrir tous les autres types proposés.

Il existe d’autres typologies qui semblent moins intégratives que celle de Quéinnec. Elles sont brièvement présentées dans ce qui suit.

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Typologie d’Olivier (2005)

Cette typologie est basée sur les modes d’action des ONG. Elle permet de dégager cinq types d’ONG, soit les ONG ayant un rôle de conseil, un rôle de lobbying, un rôle d’expert, un rôle d’initiateur d’actions en justice ou enfin un rôle d’information. Il faut cependant remarquer que de nombreuses ONG choisissent une mission qui leur permet d’assumer simultanément plusieurs de ces rôles, ce qui tend à diluer un peu l’intérêt de cette typologie.

Typologie de Yaziji et Doh (2009)

Ces deux auteurs regroupent les ONG en fonction de leurs bénéficiaires (whom the NGO is designed to benefit) et leurs activités (what the NGO does). Les bénéficiaires peuvent être directement les membres de l’ONG ou d’autres personnes extérieures à l’organisation (dans ce dernier cas, l’ONG serait à rapprocher de la notion d’ONG de solidarité de Quéinnec). Les activités peuvent être des activités de service ou des activités de plaidoyer. Cette typologie nous permet d’écarter d’emblée du sujet de notre thèse les ONG qui s’adressent à leurs membres externes et qui ne fournissent pas de services.

Typologie de Vakil (1997)

Cette typologie est intéressante, car elle s’organise autour des « attributs organisationnels », soit le type d’activité (bien-être, développement, plaidoyer, éducation, réseautage et recherche); le niveau d’opération (ONG internationales, ONG régionales, ONG nationales et community-based NGOs); le type d’intervention de l’ONG (sectorial focus); et enfin les « attributs d’évaluation », faisant référence à la reddition de comptes, l’efficience, les valeurs, le contrôle sur les ressources, l’égalité entre les genres et le niveau de participation. Toutefois, cette typologie, un peu comme celle de Quéinnec présentée précédemment, prend en compte tellement « d’attributs » qu’elle crée énormément de « types », ce qui complexifie l’analyse et met en cause l’objectif de simplification et d’explication d’une typologie.

Typologies de Guillet et Leménager (2013) et de Holmen et Jirstrom (1994)

Ces deux typologies sont basées sur les relations entre l’ONG et ses bailleurs de fonds. Pour Guillet et Leménager (2013), quatre postures sont possibles, soit le plaidoyer externe, la collaboration critique, la coopération et la prestation de service. La typologie de Holmén et Jirström (1994) est plus axée sur la dualité nord-sud et sur le financement spécifique des ONG du Nord en opposition à celui des ONG du Sud. Ces deux typologies sont donc assez restrictives puisque limitées à l’aspect financement, mais elles ont le mérite de délimiter clairement des « types » d’ONG.

Typologies de Weiss (1999) et O’Malley et Dijkzeul (2002)

Ces deux typologies ont une perspective éminemment politique, car principalement axées sur l’engagement des ONG vis-à-vis des autorités politiques et le gouvernement. Ainsi, selon Weiss (1999), les ONG, selon leur position de neutralité, d’impartialité et leur consentement, se placent sur un continuum allant de « classiciste », à « minimaliste », « maximaliste » et « solidaire ».

Pour O’Malley et Dijkzeul (2002), les ONG sont catégorisées à partir de deux dimensions. La première dimension s’articule autour de l’indépendance vis-à-vis du gouvernement, alors qu’une ONG peut être un Public Service Contractor ou être indépendante du gouvernement. La deuxième dimension tourne autour de l’impartialité ou de la solidarité exprimée par une ONG. Toutefois, la typologie présentée par O’Malley et Dijkzeul (2002) ne semble s’adresser qu’aux grandes ONGI, et cela diminue un peu son intérêt.

Typologie de Stoddard (2003)

La dernière typologie que nous présenterons ici est celle de Stoddard, laquelle reprend la typologie de O’Malley et Djikzeul (2002) tout en y ajoutant une dimension importante, soit la volonté ou non d’adhérer à des codes et des règles partagées ainsi qu’à une « formal accountability structure ». Ces divers éléments permettent à Stoddard (2003) de regrouper les ONG en deux types principaux, soit les ONG « Wilsonniennes », qui sont plutôt coopératives vis-à-vis des gouvernements, et en faveur de telles règles et standards, versus les ONG « Dunantistes » (du nom de Dunan qui lança le mouvement de la Croix Rouge)

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plus indépendantes et réticentes à se soumettre à toute autorité et forme de réglementation. À ces deux grands types, l’auteur ajoutera cependant un autre type, soit les ONG religieuses (p. 27).

Toutes ces typologies ont donc des bases différentes, ce qui illustre bien la difficulté d’élaborer une typologie qui regrouperait différentes perspectives relevant de divers champs disciplinaires. Elles montrent de plus une lacune importante, à savoir le peu de typologies relatives au fonctionnement des ONG elles-mêmes, aucune à notre connaissance ne s’intéressant directement à la façon dont elles gèrent et coordonnent leurs ressources, aussi bien à l’interne qu’avec les autres ONG. À cet effet, Stoddard (2003) émettait la critique suivante, critique qui pourrait être généralisée à l’ensemble des typologies que nous avons passées en revue :

This method [celle de O’Malley et Dijkzeul) does not, however, address another basic split, namely how willing organisations are to link with each other to advance shared values, under rule-based codes and self-policing mechanisms. (p. 27)

Le manque dans les recherches qui nous ont précédée nous ont donc conduite à notre objectif de construire deux typologies, soit une concernant les processus utilisés par les ONG pour la coordination intra organisationnelle de leurs ressources, et une autre relative aux processus utilisés par les ONG pour coordonner leurs ressources entre elles. L’élaboration de ces deux typologies nous permettra de mieux comprendre le fonctionnement des ONG d’urgence, en dépit ou grâce à leur diversité et contribuera de façon intéressante au corpus scientifique relatif aux connaissances des « boîtes noires » que constituent ces organisations si particulières. En plus de cette valeur explicative, il est possible que nos typologies puissent avoir une valeur prédictive, permettant d’anticiper si tel type d’ONG serait plus enclin à coordonner ses ressources qu’un autre.