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Le statut juridique composite de la zone industrielle littorale polluée

LITTORALES : UN STATUT JURIDIQUE INADAPTÉ

Section 2. Le statut juridique composite de la zone industrielle littorale polluée

En droit interne, plusieurs dispositions législatives et règlementaires traitent de la pollution des sols et de leur réhabilitation sans y être exclusivement dédiées. Dès le milieu des années 1970, les législations relatives aux installations classées et aux déchets avaient pour objet de réduire les atteintes à l’environnement (articles L. 511-1 et L. 541-2 du Code de l’environnement). Une police administrative spéciale existe pour chacune de ces législations. Elle est dévolue à une autorité déconcentrée et permet de prendre les mesures nécessaires en cas de non respect des obligations législatives ou règlementaires. La combinaison des législations et plus particulièrement, des polices générales et spéciales qui règlementent ou encadrent les installations classées pour la protection de l’environnement modèle un statut juridique complexe de la zone industrielle littorale. Ainsi, outre la législation relative aux installations classées, la législation relative aux déchets qui a notamment pour objet de « prévenir ou réduire la production et la nocivité des déchets (....) » (art. L. 541-1 du Code de l’environnement), institue une police spéciale permettant l’élimination de déchets abandonnés menaçant de polluer les sols (§ 1). Le maire, autorité compétente au titre de la police « déchets », est également susceptible d’intervenir en matière d’installation classée dont la police spéciale est exclusivement dévolue au préfet en vertu de l’article L. 514-1 du Code de l’environnement.

D’autres dispositions, plus générales, permettent de protéger certaines zones du territoire et d’exclure l’affectation des sols à un usage industriel. Telle est la possibilité des autorités municipales en matière d’urbanisme. A ce titre, le plan local d’urbanisme peut consacrer certaines zones à l’industrialisation et interdire l’implantation de toute activité potentiellement dangereuse dans d’autres parcelles du territoire. Chapeautés par le principe d’indépendance des législations, loi ICPE et droit de l'urbanisme n’en sont pas moins proches et interdépendants (§ 2).

§1. La combinaison des législations relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement et aux déchets

Le maire dispose d’un pouvoir de police générale conféré par l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (ci-après CGCT) : « la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». L’alinéa 5 précise que la police comprend notamment « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature ». Le maire, sur le fondement de son pouvoir de police générale, peut donc prendre les mesures nécessaires pour faire cesser une pollution ou prescrire l’élimination de déchets susceptibles de causer une pollution. La problématique des déchets fait l’objet d’un titre quatre au sein du Code de l’environnement. Les dispositions du Code instituent une police spéciale « déchets » au profit de « l’autorité titulaire du pouvoir de police », c’est-à-dire le maire. En vertu de l’article L. 541-3, le maire peut agir pour éliminer des déchets abandonnés en cas de pollution ou de risque de pollution des sols. Contrairement au préfet, le maire ne peut agir en matière d’installation classée, sauf en cas de péril imminent et uniquement par des mesures provisoires. Bien que gouverné par le principe d’indépendance des législations (A) ce texte élargit les possibilités d’action du maire en matière d’installation classée (B).

A. La séparation formelle des législations relatives aux déchets et aux ICPE

En vertu de l’article L. 514-1574 du Code de l’environnement, le préfet est

l’autorité titulaire du pouvoir de police spéciale en matière d’installations classées. Il peut mettre en demeure l’exploitant de satisfaire aux dispositions législatives

574 L'article L. 514-1 dispose : « (...) lorsqu'un inspecteur des installations classées (...) a constaté

l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé (...) ».

règlementant l’exploitation dans un délai déterminé. Sans réponse de la part de l’exploitant, le préfet peut faire procéder d’office aux travaux nécessaires, consigner la somme correspondante aux travaux entre les mains d’un comptable public ou encore suspendre le fonctionnement de l’installation. Par principe, le préfet est le seul à pouvoir agir en la matière. La jurisprudence a tout de même reconnu cette possibilité au maire, sur le fondement de son pouvoir de police générale l’assortissant de conditions restrictives : l’exigence d’un péril imminent et le caractère temporaire des mesures575.

Ainsi, l’aggravation par une police générale de mesures dictées sur le fondement d’une police spéciale n’est possible ici, qu’avec des conditions bien précises. La plupart des jurisprudences du Conseil d’Etat « sanctionnent l’immixtion des maires dans la sphère de compétence du préfet en appréciant avec rigueur la notion de péril imminent »576.

Si le maire ne peut agir en matière d’installations classées sur le fondement de son pouvoir de police générale, une autre voie lui est ouverte par le biais de la législation relative aux déchets. Selon les dispositions de la loi du 15 juillet 1975577

codifiée (art. L. 541-2 et s. du Code de l’environnement), tout producteur ou détenteur de déchet doit en assurer ou faire assurer l’élimination afin d’éviter notamment tout effet nocif sur le sol, la flore, la faune et plus généralement de ne pas porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement. L’obligation posée, il fallait cependant prévoir une contrainte en cas de manquement. L’article L. 541-3 du Code de l’environnement donne la possibilité à « l’autorité titulaire du pouvoir de police » d’intervenir en cas de carence du responsable de l’élimination, de pollution des sols ou de risque de pollution. Le maire peut, après mise en demeure, assurer d’office l’élimination des déchets aux frais du responsable. Il peut également demander au responsable de consigner une somme couvrant le montant des travaux à réaliser dans les mains d’un comptable public.

575 CE, 29 septembre 2003, Houillères du Bassin de Lorraine, req. n° 218217 ; concl. OLSON Terry,

« Les limites du pouvoir de police du maire face à une police spéciale », AJDA, 2003, p. 2164 ; WILLIAMSON Simon, « Les pouvoirs de police du maire en matière d’installations classées : quelles stratégies d’action ? », Gaz. Pal., n° 327, 23 et 24 novembre 2005, p. 15-20 ; ROMI Raphaël, « Les pouvoirs du maire en matière de gestion des risques industriels », Droit de l’environnement, n° 116, mars 2004, p. 35 ; note BILLET Philippe, JCP A, n° 50, 8 décembre 2003, n° 2109, p. 1640-1641 ; Journal des

maires, novembre 2003, p.116-119.

576 WILLIAMSON Simon, op. cit., p. 17.

577 Loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux,

L’article précise qu’en cas de disparition ou d’insolvabilité du débiteur, la remise en état peut être confiée à l’Agence De l'Environnement et la Maîtrise de l'Energie (ADEME).

En vertu du principe de l’indépendance des législations, le maire ne saurait ordonner la remise en état d’un site en fin d’exploitation sur le fondement de la législation relative aux déchets578. Cependant, si le juge administratif a posé des

conditions restrictives aux actions du maire par le biais de son pouvoir de police générale, il semble renforcer ses pouvoirs de police spéciale en lui permettant d’agir concurremment à des mesures préfectorales qui iraient dans le même sens (B).

B. La consolidation de l’exercice des polices administratives, confirmée par la jurisprudence communautaire

Le Conseil d’Etat a entamé une évolution dans la possibilité d’intervention du maire en matière d’installation classée. Dans son arrêt Jaeger de 1998579, il estime que

« l’autorité investie du pouvoir de police municipale est fondée, alors même que le préfet est susceptible d’intervenir au titre des pouvoirs de police spéciale qu’il tient de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées, à prendre des mesures d’élimination prévues à l’article 3 de la loi du 15 juillet 1975 ». En l’espèce, un arrêté municipal mettait en demeure une personne de supprimer un dépôt de déchets et de divers objets de récupération. Le Conseil d’Etat en a conclu que si le maire « n’était pas compétent pour retirer ou suspendre une autorisation de traiter les déchets qui aurait été régulièrement accordée » par le préfet sur le fondement de la loi du 19 juillet 1976, « il pouvait, sur le fondement de la loi du 15 juillet 1975 [le] mettre en demeure (…)

578 Voir BRAUD François et MOUSTARDIER Alexandre, « Les limites à l'obligation de remise en état

des sols pollués par une installation classée », AJDA, n° 12, 28 mars 2005, p. 675-679, note sur CE, 17 novembre 2004, Société Générale d'Archives, req. n° 252514, AJDA, n° 12, 28 mars 2005, p. 668 et s.

579 CE, 18 novembre 1998, M. Jaeger, req. n° 161612 ; BILLET Philippe, « La police des sites pollués, en

quête d'identités », Gaz. Pal., n° 154, 3 juin 2001, p. 11-16 ; DEHARBE David, Le droit de

l'environnement industriel, 10 ans de jurisprudence, Litec, coll. Affaires Finances, 2002, Paris, n°

91 ; DA 1999, p. 9 ; note FONTBONNE Gérard, « Sites pollués et dépôts de déchets: Quid du propriétaire ou du détenteur ? », Droit de l’environnement, n° 67, avril 1999, p. 6-7 ; note COURTIN, BDEI, n° 2/1999, p. 16. Confirme TA Strasbourg, 16 juin 1994, Jaeger ; note SCHNEIDER Raphaël, RJE, n° 3/1995, p. 507.

d’éliminer les déchets de son dépôt ». Le maire peut donc s’immiscer dans le pré carré du préfet qu’est la police relative aux ICPE en usant des pouvoirs de police qu’il détient de la législation sur les déchets. Ainsi, le Conseil d’Etat juge que les dispositions de l’article L. 541-3 qui met en place une police spéciale « déchets », « ont créé un régime juridique distinct de celui des installations classées pour la protection de l’environnement, n’ont pas le même champ d’application et ne donnent pas compétence aux mêmes autorités », consacrant la compétence exclusive du maire en ce domaine580.

Le Conseil d’Etat a interprété l’article L. 541-3 comme conférant cette compétence au maire alors même que l’article concerné ne désigne pas nommément « l’autorité investie du pouvoir de police ». L’arrêt Société Générale d’Archives de 2004 ferme toute possibilité pour le préfet d’agir sur le fondement de la police des déchets581.

Le juge administratif de cassation a récemment renforcé582 le pouvoir de police

spéciale du maire en consacrant la compétence exclusive et l’impossibilité d’action du préfet sur le fondement de la police spéciale « déchets ». Il a en effet considéré que l’article « L. 541-3 confère à l’autorité investie des pouvoirs de police municipale la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présentent de tels dangers »583.

Estimant qu’en cas de carence du maire dans l’exercice de la police spéciale « déchet », le préfet pouvait agir sur le fondement du même article, il était cependant dans l’impossibilité de le faire si la carence n’était pas établie. Dès lors, « c’est bien

580 CE, 17 novembre 2004, Société Générale d'Archives, req. n° 252514 ; BRAUD François et

MOUSTARDIER Alexandre, « Les limites à l'obligation de remise en état des sols pollués par une installation classée », AJDA, n° 12, 28 mars 2005, p. 675-679 ; JEGOUZO Yves, TREBULLE François- Guy et FONBAUSTIER Laurent, « Impossibilité de poursuivre le propriétaire du site d’exploitation d’une installation classée en vue de la remise en état de celui-ci », RDI, janvier-février 2005, p. 36-39 ; Droit de l’environnement, n° 129, juin 2005, Panorama de jurisprudence, p. I ; BILLET Philippe, « La guerre des polices n'aura plus lieu », JCP A, n° 16, 18 avril 2005, n° 1176, p. 668-671.

581 L'injonction illégale du préfet ordonnant de dépolluer le site peut donner lieu à indemnisation : CE, 22

février 2008, Société générale d'archives, req. n° 252514 ; comm. GILLIG David, « Responsabilité pour faute de l'Etat en raison de l'illégalité d'une mise en demeure », Environnement, n° 5, mai 2008, comm. 84.

582 CE, 11 janvier 2007, Min. Ecologie c/ Société Barbazangues Tri Ouest, req. n° 287674, ; BILLET

Philippe, « Partages des polices et des responsabilités en matière d'élimination de déchets », RJE, n° 3/2007, p. 347-360 ; BILLET Philippe, « Elimination des déchets : polices et responsabilité d’élimination en concours », JCP A, n° 19, 7 mai 2007, p. 25-29 ; note DEHARBE David, « La compétence du maire en matière de déchets est première, celle du préfet secondaire ! », Droit de l’environnement, n° 147, avril 2007, p. 84-88 ; note FOURNEAU Nathalie et HOURCABIE Aymeric, « Confirmation de l'existence de deux blocs de compétence en matière de sites pollués », BDEI, mars 2007, n° 8, p. 53-58.

reconnaître que le maire est la seule autorité compétente au titre de la police des déchets et laisser intact la jurisprudence Jaeger qui, pour sa part autorise le maire (…) à s’immiscer dans la gestion des déchets par une ICPE »584. Le pouvoir de substitution

créé par le Conseil d’Etat est strictement encadré et la compétence du maire en matière de police spéciale des déchets prime donc celle du préfet. Parallèlement, le Conseil d’Etat reconnaît la compétence du préfet pour assurer l’élimination des déchets sur la base de l’article L. 514-1 du Code de l’environnement. Il considère en effet que « lorsque les déchets sont issus de l’activité d’une installation classée pour la protection de l’environnement », le préfet peut exercer la compétence qu’il tire de l’article L. 541-1 « pour assurer le respect de l’obligation de remise en état prévue par l’article 34-1 » du décret du 21 septembre 1977. Cependant, le Conseil d’Etat s’est livré ici à une interprétation extensive de l’article 34-1 précité puisque celui-ci ne vise que les hypothèses de mise à l’arrêt définitif de l’exploitation, « ce qui n’est pas nécessairement le cas lorsque les déchets se trouvent hors de celle-ci »585. Encore une

fois, l’interprétation prétorienne de cet article démontre l’objectif poursuivi par les juges : trouver un responsable solvable pour éliminer toute pollution ou toute menace de pollution. Ce faisant, le juge permet l'exercice concurrent des pouvoirs de polices administratives spéciales par le maire et le préfet.

Les solutions combinées de ces jurisprudences confèrent au maire la compétence, sur le fondement de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, de mettre en demeure toute personne, y compris l’exploitant d’une installation classée, de procéder à l’élimination des déchets abandonnés, déposés ou traités par une installation classée pour l’environnement, contrairement aux prescriptions légales et règlementaires qui dévoluent cette compétence au préfet. Il convient maintenant de mettre ces solutions en perspective avec la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés

584 DEHARBE David, « La compétence du maire en matière de déchets est première, celle du préfet

secondaire ! », Droit de l’environnement, n° 147, avril 2007, p. 88.

585 BILLET Philippe, « Elimination des déchets : polices et responsabilité d’élimination en concours »,

Européennes586. En septembre 2004587, la CJCE a considéré que des terres polluées par

des hydrocarbures qualifiés de déchets et destinées à être excavées pour décontamination, sont elles-mêmes des déchets au sens de la directive du 15 juillet 1975 relative aux déchets. Cette solution a permis de retenir plusieurs responsables potentiels dont le détenteur des déchets, comme précisé à l’article L. 541-2 du Code de l’environnement. Cependant, elle paraît en contradiction avec la législation interne puisque l’article L. 541-1 définit le déchet comme un bien meuble d’un site contaminé sur le fondement de la loi du 15 juillet 1975. Une circulaire du 1er mars 2005588 du

Ministère de l’écologie et du développement durable a fait suite à l’arrêt de la CJCE du 7 septembre 2004, pour préciser que la solution donnée par la Cour concernant la qualification de terres polluées comme déchets, ne modifiait en rien l’articulation de la législation relative aux installations classées avec la législation relative aux déchets. Dès lors, seul le préfet est compétent, au titre de ses pouvoirs de police spéciale, pour prescrire des mesures de gestion (surveillance, réhabilitation…) des sites pollués par l’exploitation d’une installation classée.

Il convient cependant de mettre en parallèle cette directive du Ministère avec l’évolution de la jurisprudence interne et les dispositions législatives en matière de déchet. On sait que l’intervention du maire en matière d’installation classée est conditionnée par l’urgence d’une situation. Seul le péril imminent589 permet de justifier

l’ingérence du maire dans la police spéciale des installations classées attribuée au préfet,

586 Voir infra, Seconde Partie, Titre 2, Chapitre 1, Section 2, § 1 « La qualification des terres polluées en

déchets : vers une légitimation de la responsabilité du propriétaire du sol pollué », p. 464 et s.

587 CJCE, 7 sept. 2004, Société Texaco c/ Région de Bruxelles Capitale, dit « Van de Walle », aff. C-1/03,

JOCE C 262, 23 octobre 2004, p. 8 ; JEGOUZO Yves, TREBULLE François-Guy et FONBAUSTIER Laurent, « Le sol pollué, même accidentellement, peut être qualifié de déchet », RDI, janvier-février 2005, p. 31-36 ; BILLET Philippe, « Le déchet, qualification incertaine des sols pollués », RJE, n° 3/2005, p. 309-327 ; Mc INTYRE Owen, « The All-Consuming definition of “Waste” and the end of the “contaminated land” debate? », Analysis of case C-1/03(2004) 7 september 2004, Van de Walle and others, Journal of environmental law, Oxford University Press, 2005, vol. 17, n° 1, p. 109-127 ; SIMON Denys, « Définition des déchets au sens de la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 »,

Europe, n° 11, novembre 2004, comm. 374, p. 25-26 ; GOSSEMENT Arnaud, « Le sol pollué est un

déchet dont le détenteur doit assurer la décontamination », AJDA, n° 44, 20 décembre 2004, p. 2454-2457.

588 Circulaire du 1er mars 2005 relative à l’inspection des installations classées - sites et sols pollués.

Conséquences de l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes dit « Van de Walle » (non publiée). Texte disponible sur le site internet de la Direction de la Prévention des pollutions et des risques du Ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement Durable : http://aida.ineris.fr

589 CE, 30 septembre 1983, SARL COMEXP, rec. Leb., p. 393 ; Gaz. Pal. 1982, 2, p. 212. CE, 15 janvier

1986, Soc. Pec-Engeneering, rec. Leb. p. 425. TA Montpellier, 15 juin 1990, Préfet de la région

y compris en matière de déchets. Mais si l’on interprète les jurisprudence Jaeger590 et

Société générales d’Archives591 précitées à la lumière de l’arrêt Van de Walle592, on en

conclut que le maire peut mettre en demeure l’exploitant d’une installation, classée ou non, à l’origine d’une pollution des sols, de procéder à la réhabilitation du terrain pollué. En pratique, le préfet n'est donc pas la seule autorité compétente pour ordonner la remise en état d’un site pollué, comme l’affirme la circulaire du 1er mars 2005.

La combinaison des législations relatives aux déchets et aux ICPE souligne les difficultés inhérentes à cette méthodologie. Si les contours des compétences semblent clairs au sein du texte, la pratique révèle des situations complexes aboutissant à des solutions insatisfaisantes. La concurrence de deux autorités de police sur une même compétence est davantage source de conflits que de complémentarité. Cette imbrication ne facilite pas la tâche du juge qui n’hésite pas, pour certaines matières comme l’urbanisme, à refuser d’examiner des moyens tirés d’autres législations, au nom du principe d’indépendance des législations. Pourtant, si les lois sont indépendantes les unes des autres, la frontière n’est pas étanche (§2).

§2. Les législations relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement et à l’urbanisme

Le droit de l'urbanisme et la législation ICPE sont fortement liés. La question de la réhabilitation des sites pollués handicape les efforts de renouvellement urbain. Ces législations n'en restent pas moins distinctes et par principe, indépendantes. Cette exclusivité est clairement affirmée par le juge qui semble y attacher une importance particulière (A). Toutefois, les faits nous montrent que l'affirmation de la protection de

590 CE, 18 novembre 1998, M. Jaeger, req. n° 161612, op. cit.

591 CE, 17 novembre 2004, Société Générale d'Archives, req. n° 252514, op. cit.

592 CJCE, 7 sept. 2004, Société Texaco c/ Région de Bruxelles Capitale, dit « Van de Walle », aff. C-1/03,

l'environnement comme exigence crée progressivement une « zone d’intérêts communs »593 entre ces législations (B).

A. Une indépendance de principe

L’indépendance des législations relatives aux installations classées et à l’urbanisme se justifie par leur objet. La première soumet l’exploitation de certaines activités dangereuses à des conditions particulières de sécurité ou de salubrité. La seconde a pour objet de planifier et de fixer les règles d’utilisation des sols. Evidemment, ces dispositions se côtoient puisque, pour exploiter une ICPE, il faut pouvoir installer l’établissement sur un terrain aménagé à cet effet. Néanmoins, le permis de construire délivré pour l’installation d’une industrie classée ne lui confère pas l’autorisation d’exploiter. Les deux actes administratifs sont délivrés séparément et la délivrance de l’un n’implique pas la délivrance de l’autre (1).

L’évolution des normes et des préoccupations environnementales conduit cependant à introduire quelques aménagements (2). L’adoption récente de la Charte de l’environnement594 a notamment intégré le principe de précaution dans le bloc de

constitutionnalité. Or, selon la hiérarchie des normes chère à Kelsen595, la loi doit être