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Chapitre V Les scénarios proposés aux parties et la réaction de

3- Le statut du camionneur

D’autres intervenants ont fait référence à un régime qui pourrait être inspiré de ce qu’ils ont appelé la « loi sur le statut des artistes ».

En effet, on peut rapidement déceler une certaine ressemblance entre le statut du camionneur-propriétaire et celui de l’artiste tel que défini dans la Loi sur le statut professionnel des artistes de la scène, du disque et du cinéma13

Ces deux types d’artisans ont plusieurs traits en commun de même que les secteurs d’activité dans lesquels ils évoluent.

- Le statut de ces artisans

Les uns et les autres ne sont habituellement pas des salariés au sens ordinaire du terme ou, lorsqu’ils le sont, c’est souvent pour de courtes périodes.

Ils sont tous les deux propriétaires de leur instrument de travail.

Ils fournissent parfois leurs services par l’intermédiaire d’une société ou d’une personne morale, ce qui fait qu’on les associe souvent à des entrepreneurs.

Le tarif auxquels ils louent leurs services ne sont pas les mêmes pour tous. Les artistes, tout comme les camionneurs, sont, le plus souvent, dans une certaine situation de concurrence les uns par rapport aux autres.

Enfin, les uns et les autres travaillent le plus souvent pour plusieurs « employeurs » ou donneurs d’ouvrages successifs et non pour un employeur unique.

13 L.R.Q., c. S-32.1

75 - Le secteur d’activité

Malgré le fait que les activités professionnelles qui caractérisent l’un et l’autre secteur soient très différentes, ceux-ci n’en présentent pas moins une certaine ressemblance à maints égards.

D’abord, ce sont des branches d’activité non homogènes, se découpant en plusieurs sous-secteurs ayant souvent peu de liens entre eux, constituant des marchés bien différents mais susceptibles de faire appel au même type de main-d’oeuvre.

Ainsi, les domaines de la production artistique sont très diversifiés: ils recouvrent aussi bien le disque, le film et la scène, et parmi les arts de la scène, on y distingue l’opéra (en fait, tout l’art lyrique), le théâtre et la musique.

De la même manière, dans l’industrie du camionnage, on distingue habituellement le transport général de celui du vrac, à l’intérieur duquel on retrouve les sous-secteurs de la forêt et des agrégats, ce dernier se subdivisant également en marchés publics (MTQ, Hydro-Québec, municipalités, etc.) et en marchés privés.

De plus, de la même manière que certains artistes pourront évoluer aussi bien sur la scène qu’au cinéma et même faire des disques, des camionneurs propriétaires pourront faire du transport aussi bien dans le secteur forestier que dans celui des agrégats selon les saisons.

Enfin, dans un cas comme dans l’autre, bien que certains offrent leurs services sur un marché strictement local, les lieux de travail sont parfois séparés par de grandes distances sur le territoire.

En fait, de la même manière qu’un même artiste peut accepter un contrat tantôt à Montréal, tantôt à Chicoutimi, un camionneur peut accepter un contrat au départ comme au retour de n’importe quelle ville et même vers l’extérieur ou de l’extérieur du Québec.

Présentation

On pourrait donc imaginer un régime de rapports collectifs du travail fondé sur un principe d’adhésion volontaire et qui pourrait graviter autour des grandes orientations suivantes.

Pour avoir le droit de négocier, une association doit être reconnue et pour cela, elle doit pouvoir démontrer qu’elle regroupe la majorité absolue des camionneurs-propriétaires d’un secteur de négociation.

L’association ainsi reconnue aurait un pouvoir exclusif de représentation des camionneurs-propriétaires du secteur pour lequel elle est reconnue. Plus spécifiquement, elle aurait le pouvoir de négocier pour eux une entente relative aux conditions minimales de travail qui leur seraient applicables. Pareille entente définirait, entre autres, les termes d’un contrat type devant régir les relations individuelles entre un camionneur-propriétaire et un donneur d’ouvrage.

Si une telle entente était conclue par une association reconnue de donneurs d’ouvrage, elle lierait tous les donneurs d’ouvrage du secteur ou sous-secteur. Et si l’entente était conclue par une association non reconnue, seuls les donneurs d’ouvrage membres de celle-ci seraient liés.

Enfin, il convient de rappeler que ce modèle conduit à l’établissement de conditions minimales de travail et d’un contrat-type de prestation de services de camionnage sur une base individuelle.

Tout comme les deux précédents, ce modèle ne manque pas, lui non plus, de poser certains problèmes.

Obstacles

Cette approche soulève la question de savoir s’il y a place dans le système québécois des rapports collectifs du travail pour un autre régime dérogatoire, un régime d’exception pour une catégorie particulière de travailleurs que justifierait la problématique dans l’industrie du camionnage ?

Si la négociation ne sert qu’à l’établissement de minima, la concurrence ne risque-t-elle pas demeurer vive, peut-être même féroce, sur certains aspects où les plus petits, c’est-à-dire ceux qu’un tel régime veut d’abord protéger, sont plus vulnérables ?

Notons enfin qu’avec la mise en place d’un tel modèle, on se retrouve avec deux régimes différents de rapports collectifs du travail dans le camionnage selon que l’on s’adresse à des propriétaires qui font du transport interprovincial ou selon que l’on s’adresse à des

camionneurs-77 propriétaires qui sont engagés dans le transport local ou intraprovincial. N’y a-t-il pas ici un risque énorme de concurrence déloyale dans un contexte de déréglementation totale ? Le mise en place d’un tel régime est-elle imaginable sans une obligatoire contrepartie fédérale, c’est-à-dire sans

« dispositions miroirs » de la part du législateur fédéral ? Un régime de travail de conditions de travail fondé sur l’acceptation du vedettariat (« star system ») est-il transposable dans un industrie comme celle du camionnage ?