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Chapitre V Les scénarios proposés aux parties et la réaction de

1- Le maintien du statu quo

Lors de la rencontre du 25 janvier, les interventions de certains porte-parole ont été comprises comme favorables au maintien du statu quo. Dès lors, il y a lieu d’examiner à quoi pourrait ressembler un scénario fondé sur la situation présentement existante.

Présentation

Il existe déjà, depuis plusieurs années, une structure de représentation des camionneurs qui repose sur des associations volontaires dynamiques, notamment l’ANCAI, la COOP et l’APCRIQ.

En plus des services directs qu’elles rendent à leurs membres, ces associations ont représenté les camionneurs de façon efficace, semble-t-il, aussi bien auprès du ministère des Transports qu’auprès

6 L.R.C. (1985), c. L-2 art. 2.

7 art. 3(1)

69 des associations de donneurs d’ouvrage, particulièrement, bien que non exclusivement, dans le sous-secteur du vrac.

Cette représentation a conduit à des ententes avec le ministère et à la promulgation de règlements visant à régir certains aspects de l’activité du camionnage, notamment par la mise en place de clauses dites de protection.

Ces associations ont également comme caractéristique de regrouper indistinctement diverses catégories de camionneurs, c’est-à-dire aussi bien ceux qui se considèrent plutôt comme des artisans, au sens classique du terme, que ceux qui se voient plutôt comme des entrepreneurs, possédant un ou plusieurs camions et qui se présentent de préférence comme des « gens d’affaires ».

Cette structure est aussi l’incarnation de toute une tradition en matière de rapports entre les camionneurs-propriétaires et les autres intervenants du secteur qu’il s’agisse du ministère ou des associations de donneurs d’ouvrage.

De plus, les associations existantes de camionneurs-propriétaires paraissent bien connaître leurs membres et leurs besoins et semblent entretenir depuis longtemps des relations de proximité avec eux.

On peut donc imaginer un scénario selon lequel, toujours sur une base volontaire, les associations existantes et les organisations syndicales pourront représenter les diverses catégories de camionneurs-propriétaires aussi bien auprès du ministère qu’auprès des donneurs d’ouvrage soit afin de négocier avec eux les conditions de travail des camionneurs, soit afin de porter assistance aux camionneurs pour la négociation de leurs contrats individuels avec les donneurs d’ouvrage.

De plus, ce scénario, puisqu’il consiste à prendre acte d’une situation de fait et à la reconduire, ne nécessite aucune intervention législative.

La mise en oeuvre d’un tel scénario ne peut toutefois se faire sans obstacle.

Obstacles

Il faut noter d’abord que le type de représentation effectuée auprès du ministère se situe dans le cadre d’une approche de type réglementaire et qu’en conséquence, elle a donné lieu à des interventions du gouvernement par voie de règlement et aussi à quelques ententes à caractère contractuel, notamment sur les clauses de protection, lorsque le gouvernement est lui-même donneur d’ouvrage.

Pour ce qui est de la détermination des prix et des conditions de travail, la négociation se fait sur une base individuelle entre le camionneur et le donneur d’ouvrage. On a parlé, dans certains cas, de contrats d’adhésion.

La déréglementation qui surviendra en l’an 2000 imposera un virage important à cette forme de représentation si tant est qu’elle doit continuer d’exister. En effet, le maintien d’une approche réglementaire risque fort de venir en conflit avec certaines dispositions de l’ACI ou de l’ALENA ou d’être, en pratique, inapplicable aux entrepreneurs québécois mis en concurrence avec des entreprises d'autres provinces à proximité de leurs frontières ou encore à des entrepreneurs québécois qui effectueraient une part significative de leurs opérations dans le camionnage transfrontalier.

Dès lors se posent les questions suivantes:

Un tel scénario repose entièrement sur le concept de « négociation volontaire ». Le Comité se demande s’il relève de son mandat de proposer un scénario qui ne débouche pas sur la négociation obligatoire des conditions de travail entre camionneurs-propriétaires et donneurs d’ouvrage ? Cette question revêt une acuité particulière alors qu’il apparaît qu’aucune des associations de donneurs d’ouvrage ne paraît avoir de mandat de la part de ses membres pour négocier les conditions de travail des camionneurs-propriétaires ? Et qu’en est-il à cet égard de l’ANCAI, de la COOP et de l’ACPRIQ ?

Peut-on valablement espérer qu’une forme de regroupement fondé sur une approche réglementaire de fixation des conditions de travail puisse opérer le virage nécessaire pour devenir une structure de représentation collective dans un environnement de négociation libre et volontaire ? Puisque, dans le cadre du mandat du présent Comité d’experts, il s’agit de proposer des scénarios de type

« relations du travail », c’est-à-dire devant déboucher sur des modes de négociation des conditions de travail et non sur la réglementation de l’industrie, comment la structure actuellement en place peut-elle se transformer en conséquence ?

Dans l’hypothèse où les acteurs concernés en arrivent, d’une manière ou d’une autre, à mettre en place une structure de dialogue qui permette la négociation et la conclusion d’ententes ou de contrats relatifs aux conditions de travail, quelle sera la valeur légale de telles ententes ? Quel sera le mécanisme de contrôle de leur application ?

71 Par ailleurs, pour ce qui est de la négociation des conditions de travail comme telles, les camionneurs paraissent divisés entre eux8. Certains semblent attendre une intervention de l’État, d'autres paraissent à l’aise dans un cadre de marché libre et de négociation individuelle des contrats, d’autres veulent une négociation collective des conditions de travail. Est-il possible de réconcilier toutes ces approches sans aucun cadre formel de relations du travail ?

Au surplus, au plan juridique, se retrouvent côte à côte, dans une même groupement, « salariés » et

« non salariés ». Dès lors, comment réconcilier ce clivage ?

Enfin, le maintien d’un régime fondé sur le statu quo implique la coexistence de plusieurs statuts différents selon qu’on est dans le domaine du transport interprovincial ou dans celui du transport local ou intraprovincial. Une telle disparité est-elle acceptable, est-elle viable, dans le cadre de la déréglementation annoncée ?