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Chapitre 1 : Effet des traitements thermiques sur les métaux et nanocomposites

1.4. Stabilité thermique des métaux nanostructurés

1.4.1. Stabilité des propriétés mécaniques et de la microstructure

Les premières études sur la stabilité des matériaux élaborés par SPD concernent des matériaux élaborés par HPT (High Pressure Torsion) et principalement le cuivre et le nickel [Islamgaliev 1997 ; Lian 1995 ; Jiang 2000]. Dans ces études, l’augmentation de la taille des grains et donc le début de la recristallisation sont observés pour une température d’environ Tf /3. Des modifications des propriétés et de la microstructure précèdent cette recristallisation. Par exemple, après recuit de 3 minutes à une température où la taille des grains n’est pas modifiée (423K), la microstructure observée par MET présente des joints mieux définis, suggérant une restauration partielle des défauts de la structure des joints du cuivre [Lian 1995]. La figure 1.32 présente l’évolution de la taille des grains (a) et du flux de chaleur (b) du cuivre et du nickel en fonction de la température lors d’un recuit [Islamgaliev 1997]. On observe clairement sur la figure 1.32(b) que le début des pics exothermiques est observé dès la température de 120°C pour les deux matériaux alors que la taille des grains n’augmente qu’au-dessus de 175°C. Il est suggéré que la restauration des joints « hors équilibre » (NEGBs) précède la croissance. Une diminution notable de la microdureté dès 80°C est également observée pour du cuivre par Jiang et al. (2000). L’énergie d’activation de la recristallisation/croissance des grains, mesurée à 95kJ/mol, est plus faible que l’énergie d’activation de diffusion des joints de grains pour les matériaux à gros grains (104kJ/mol) [Lian 1995 ; Jiang 2000]. Ceci pourrait être expliqué par la plus grande mobilité atomique au niveau des NEGBs.

L’observation d’une diminution importante de la dureté avant la recristallisation est également observée pour l’aluminium élaboré par ARB (Accumulative Roll-Bonding) [Cao 2009 ; Zahid 2009]. Les mesures de dureté de la figure 1.33 montrent explicitement la différence entre deux échantillons d’aluminium obtenus par ARB dont l’un est faiblement déformé (İ = 0.8) et l’autre est très fortement déformé (İ = 4.8), présentant, par conséquent, une microstructure UFG. Pour ce dernier, la diminution de la dureté s’observe dès les faibles températures, et est progressive avec l’augmentation de la température de recuit. Comparé à l’échantillon faiblement déformé, la dureté est considérablement

Fig. 1.32. Evolution de la taille moyenne des grains (a) et du flux de chaleur (b) du Cu et du Ni

élaborés par HPT en fonction de la température lors d’un recuit (10°C/min) [Islamgaliev 1997].

Fig. 1.33. Evolution de la dureté Vickers d’un Cu élaboré par ARB. ARB1 : 1 passe (İ = 0.8) ARB6 : 6

passes (İ = 4.8) [Cao 2009].

Du cuivre déformé par ECAE (Equal Channel Angular Extrusion) jusqu’à 8 passes par la route Bc présente lui aussi une faible température de recristallisation [Lugo 2010]. Les pics exothermiques observés par DSC sont larges et sont caractéristiques de la restauration et la recristallisation du cuivre. La figure 1.34 présente l’évolution de la position du pic exothermique en fonction du nombre de passes. On vérifie que les phénomènes de restauration/recristallisation sont

obtenus pour de faibles températures (180°C § 0.334 Tf) dans le cas des matériaux les plus déformés

Fig. 1.34. Positions du pic exothermique mesurées par DSC d’un Cu élaboré par ECAE (route Bc) en

fonction du nombre de passes [Lugo 2010].

Fig. 1.35. Microdureté d’un cuivre élaboré par ECAE (de 1 à 12 passes) en fonction de (a) la

température de recuit (10min) et (b) de la durée d’un recuit à 150°C [Molodova 2007].

L’observation de la diminution de la microdureté dans le cuivre élaboré par ECAE est observée par Molodova et al. (2007) dès 100°C au-delà de 4 passes (Fig. 1.35). Cette faible température et la faible énergie d’activation reportée (64kJ/mol) s’expliqueraient par des conditions de germination plus favorables avec la présence accrue de HAGBs dans la structure lorsque le nombre de passes augmente. D’après Cao et al. (2008), la présence de lacunes est non négligeable après de fortes déformations par ECAE. L’importante énergie stockée et la faible énergie d’activation seraient alors liées à la concentration élevée de ces défauts. Néanmoins, la dureté après recristallisation pour les échantillons les plus déformés reste plus élevée que celle des échantillons ayant subi moins de passes (Fig. 1.35). Ce résultat est également obtenu pour du cuivre élaboré par forgeage multidirectionnel (multi-directional forging : MDF) [Takayama 2008]. Pour cette dernière étude, les duretés plus élevées après recuit sont associées à l’observation d’une taille des grains plus faible [Fig.

Ainsi, même si le début de la restauration/recristallisation est observé pour de plus faibles températures dans le cas de matériaux élaboré par SPD, la restauration des propriétés mécaniques semble incomplète dans certains cas, même à haute température ou pour des durées de traitements thermiques importantes.

Précisons à nouveau que certains matériaux voient leur microstructure se modifier de manière homogène lors d’un recuit, par recristallisation continue puis croissance normale des grains. La recristallisation continue entraine une structure composée de grains plus fins que ceux résultant d’une recristallisation primaire [Belyakov 2005 ; Takayama 2008]. L’évolution de la taille des grains en fonction du temps au cours d’un recuit à 573K est présentée dans la figure 1.36 pour du cuivre élaboré par MDF. Pour les déformations importantes (İ = 3.6 et 6.0), après une période « d’incubation » ou de restauration, on observe une rapide, mais limitée, augmentation de la taille moyenne des grains lors de la recristallisation continue. Puis, pour des durées supérieures à 10s, l’augmentation devient plus progressive avec la croissance normale des grains. On observe très clairement que la croissance est plus lente que pour les matériaux moins déformés présentant une croissance exagérée et que, par conséquent, la taille des grains reste bien inférieure.

Fig. 1.36. Taille moyenne des grains en fonction de la durée d’un recuit à 573K de cuivre pur élaboré

Dans le cas des matériaux nanostructurés élaborés par des méthodes ne faisant pas intervenir de fortes déformations, l’apparition des phénomènes de restauration et de croissance de la microstructure est également observée pour des températures plus faibles que celles attendues pour des matériaux à gros grains. Citons par exemple le cas de cuivre nanocristallin élaboré par IGC (Inert Gas Condensation) [Kumpmann 1993] et par électrodéposition [Lu 2000], où le pic exothermique

correspondant à la restauration/croissance est respectivement obtenu à 100°C (~ 0.27 Tf) et 150°C (~

0.31 Tf). Pour ces deux études, l’énergie d’activation de la croissance est proche de 85 kJ/mol.