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Chapitre 1 : Effet des traitements thermiques sur les métaux et nanocomposites

1.4. Stabilité thermique des métaux nanostructurés

1.4.2. Relâchement des contraintes résiduelles

Au cours de la restauration, puis de la recristallisation, les contraintes internes se relâchent progressivement avec la réorganisation de la microstructure et la diminution de la densité de dislocations. Il est généralement observé une diminution partielle des macro- et micro-contraintes lors de la restauration. Il faut attendre la fin de la recristallisation pour complètement éliminer les contraintes d’ordre I. Les micro-contraintes, bien que très fortement diminuées, existent toujours en raison de la présence des joints de grains par exemple. Les contraintes internes sont souvent mesurées par des méthodes de diffraction des rayons X ou des neutrons.

Un exemple de l’évolution des macro-contraintes en fonction de la température de recuit est présenté figure 1.37(a) dans le cas d’un cuivre pur laminé à froid à 70% [Wierzbanowski 2005]. Le matériau présente des contraintes planes anisotropes, avec notamment une plus forte contrainte de tension dans la direction de laminage (ıI

11 § 120MPa) que dans la direction transverse (ıI22 § 40MPa). La température de début de recristallisation pour ce cuivre est évaluée à 210°C. On observe une très

nette diminution de la contrainte ıI

11 avant le début de la recristallisation. L’évolution des micro- contraintes (ordres II et III) peut être estimée par l’étude de la largeur du pic de diffraction. En effet, la largeur dépend directement de la dimension des domaines cohérents de diffraction et des micro- contraintes internes. Dans le cas présent, les micro-contraintes ne semblent pas se relaxer avant le début de la recristallisation. Après 210°C, les largeurs diminuent fortement avec la diminution de la densité de dislocations causée principalement par la croissance des grains lors de la recristallisation (Fig. 1.37(b)).

Fig. 1.37. (a) Evolution des différentes composantes des contraintes résiduelles d’ordre I (1 :

direction de laminage, 2 : direction transverse) et (b) évolution de la largeur à mi-hauteur des pics de diffraction des principales composantes de texture (cubique, laiton et cuivre) en fonction de la température de recuit (15 min) d’un cuivre polycristallin laminé à 70%. La ligne verticale représente le début de la recristallisation [Wierzbanowski 2005].

Matériaux monophasés nanocristallins :

Le cas d’un cuivre nanocristallin réalisé par électrodéposition puis déformé ensuite par laminage à froid a été étudié par Lu et al. (2000). Le laminage ne modifie pas la taille des grains (~30nm), mais augmente considérablement la densité de dislocation et l’énergie stockée. Les mesures DSC (Fig. 1.38(a)) montrent très clairement que le pic exothermique pour l’échantillon nanocristallin laminé (i) correspond à une énergie libérée bien plus importante (0.96 J/g contre 0.05 J/g) et (ii) est décalé vers les températures basses, comparé au cas non laminé (140°C contre 150°C). Ceci est expliqué par les plus fortes micro-contraintes existantes après laminage, entrainant une force motrice pour la relaxation et une énergie libérée plus importantes. Une analyse de la taille moyenne des grains et des micro-déformations (associées aux micro-contraintes), réalisée à partir des profils de différents pics de diffraction, montre une importante relaxation des micro-déformations pour les températures supérieures à 100°C (Fig. 1.38(c)). La relaxation se produit avant l’augmentation significative de la taille des grains vers 150°C (Fig. 1.38(b)). Dans le cas de l’échantillon non déformé, la croissance est observée dès 70°C, simultanément avec la relaxation des micro-déformations. Il y a corrélation

évidente entre la stabilité de la taille des grains et la présence de micro-contraintes dans le matériau. Une relaxation des micro-déformations précédant le processus de croissance a également

Fig. 1.38. (a) Mesures DSC d’un cuivre nanocristallin réalisé par électrodéposition puis laminage. (b)

Evolution de la taille moyenne des grains et (c) des micro-déformations moyennes pour les familles de plans {111} et {100} en fonction de la température de recuit [Lu 2000].

Films minces :

Les études concernant le comportement des films minces au cours d’un recuit renseignent également sur l’origine du relâchement des contraintes résiduelles. Les contraintes résiduelles dans les films minces sont composées de contraintes intrinsèques, résultant de la formation de défauts au cours de l’élaboration, et de contraintes extrinsèques, dues à la différence de dilatation thermique du film et de son substrat [Thompson 1996]. Un exemple de l’évolution des macro-contraintes biaxiales (contraintes planes isotropes) lors d’un cycle thermique de trois films de TiN est présenté figure 1.39 [Köstenbauer 2007]. Les films sont déposés sur un substrat de silicium par pulvérisation magnétron. Dans un premier temps, les contraintes de compression augmentent dans les trois films à cause de la différence de dilatation thermique avec le substrat. On observe ensuite un relâchement des contraintes internes expliqué par l’annihilation des défauts ponctuels. Cette étude montre très clairement l’effet de la nanostructuration sur le relâchement des contraintes : les films les plus minces présentent une température de relâchement plus faible, mais aussi un relâchement des contraintes plus important (ǻı). Ceci est expliqué par une densité moyenne de défauts bien plus importante dans les films

Fig. 1.39. Evolution des contraintes biaxiales au cours d’un cycle thermique de trois films minces de

TiN élaborés par pulvérisation magnétron. L’épaisseur des films est précisée dans la légende

[Köstenbauer 2007].

Un autre exemple est donné figure 1.40 dans le cas d’un film de Ni de 50nm d’épaisseur déposé par pulvérisation magnétron [Kuru 2008]. Lors de la chauffe, on observe une déviation de l’évolution linéaire de la macro-contrainte (ı||) dès 373K § 0.21 Tf (Fig. 1.40(a)). Ceci est expliqué par le début de la croissance des grains (Fig. 1.40(b)) qui entraine une diminution de volume au niveau des joints, et par conséquent, l’apparition de contraintes internes de traction dans le film mince. L’annihilation des défauts cristallins et, par conséquent, le relâchement des micro-déformations se produisent avant la croissance des grains, dès 325K (Fig. 1.40(c)).

Fig. 1.40. Evolution en fonction de la température de différents paramètres d’un film mince de Ni

d’épaisseur 50nm : (a) macro-contrainte, (b) taille moyenne des cristallites et (d) micro-déformation

Matériaux composites :

La relaxation thermique des contraintes dans le cas des conducteurs composites Cu-Nb in-situ a été étudiée par plusieurs auteurs. Le relâchement des contraintes internes du Nb coïncide clairement avec la sphéroïdisation (§ 1.1.5, p. 25) [Hong 1995 ; Klassen 2003]. Le relâchement des macro- contraintes axiales de traction est présenté figure 1.41. Les valeurs de relâchement correspondent à la différence entre la déformation axiale résiduelle initiale et celle après un recuit de 15h pour les différentes températures. La quantité de déformation relâchée augmente très vite au-dessus de 300°C. Des essais de dilatométrie réalisés sur des échantillons similaires montrent une déviation de la dilatation thermique du composite pour les températures supérieures à 100°C (Fig. 1.42) [Sinclair 2006]. Cette déviation est due à la relaxation des contraintes de compression axiale du cuivre. Les déformations élastiques associées à ces contraintes sont converties en déformation plastique entrainant la contraction axiale du composite. L’augmentation de la contrainte de compression avec la température, due à la différence de dilatation thermique entre le cuivre et le niobium, sert également de force motrice supplémentaire pour la relaxation. La déviation continue à s’accentuer entre 200°C et 300°C avec la recristallisation du cuivre. Au-delà, les instabilités morphologiques des fibres de niobium peuvent expliquer le comportement observé.

Fig. 1.41. Relâchement des macro-contraintes axiales dans les fibres de Nb dans un composite in-situ

Fig. 1.42. Déformation d’un composite in-situ Cu-18%Nb en fonction de la température mesurée par

dilatométrie. La ligne pointillée est la courbe de dilatation thermique prévue par une loi des mélanges entre les deux composants [Sinclair 2006].