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III. 2.4.2.3 Les procédés du mensonge et de la désinformation

III.2.7 Stéréotypes brésiliens

III.2.7.3 Stéréotypes brésiliens dans le cinéma

Dans son oeuvre « O Brasil dos gringos : imagens no cinéma »250, AMANCIO s'appuie sur les notions de stéréotypes, de clichés, de représentations et d’images, pour analyser la manière dont le Brésil est conçu à l'étranger à travers ses représentations dans des films nord-américains et européens.

Le Brésil a toujours été inclus dans la catégorie des pays exotiques, soit par son caractère

247 Idem, p. 18.

248 Dans une filmage de José Roberto da Cunha Sales. IN : AMANCIO, Tunico, Op. cit., p. 35.

249 MACHADO, 1992, cité par AMANCIO, Tunico, 2000, p. 35.

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périphérique face aux centres de l'économie capitaliste occidentale, soit par son extension géographique qui abrite une énorme variété d’individus, de paysages, d'histoires.

AMANCIO251 remarque que dans plusieurs filmes étrangers sur le Brésil, l'exotisme est assumé en tant que catégorie d'identité nationale. Ce qui fait que, dans la plupart des films analysés, le choix du Brésil comme localisation des tournages obéit à l’appel de l’exotisme252: Bahia, l’Amazonie, Foz do Iguaçu et Rio de Janeiro253, avec une prédominance de ce dernier dans la représentation urbaine du Brésil.

Les beaux paysages de Rio de Janeiro sont peuplés par des personnages-types stéréotypés comme la mulata (« figure par excellence »), le sambiste, la mãe de santo254 et le malandro255. Les images de Rio de Janeiro sont surtout liées à la sensualité et à la musicalité d'un peuple métissé dont les racines africaines représentent un élément important pour la caractérisation de leurs rites et de leurs rythmes256. Selon AMANCIO257, c'est sans doute une vision stéréotypée de la société carioca, dans la mesure où elle nie l’historicité de la représentation, accumule des images dépourvues de contact avec les pratiques sociales concrètes, mais aussi parce qu’elle a recours à un merveilleux fablier qui met en avant la liberté des mœurs.

AMANCIO a observé que l'univers du travail était presque inexistant des représentations cinématographiques du Brésil, dans lesquelles le pays ne passait pas d’une

« grande station balnéaire vouée au plaisir »258. Au cinéma, on ne voit aucune activité productive générée au Brésil qui y est montré comme un terrain réservé au business international mené par des étrangers. D'après GIUCCI259, devant un « paysage d’oisiveté » fourni par l'idée de la non exigence de travail, et à travers une vision consommatrice des délices des tropiques, de la générosité de la flore, de la faune et des natifs, les européens y projettent leurs fantasmes idylliques.

AMANCIO260 observe aussi que, contrairement au carnaval qui constitue une référence obligatoire dans le répertoire de l’imagerie brésilienne, le café et le football - qui, tout comme le carnaval, la mulata et la musique, font pourtant parti des piliers de l'image

251 Idem, p. 61.

252 Ibid, p. 75.

253 L'auteur remarque que la capitale Brasilia attire l'attention des européens mais pas celle des américains.

254 « Mère des Saints », grande prêtresse des religions afro-brésiliennes, comme le Candomblé e l'Umbanda.

255 Voyou sympathique, mauvais garçon charismatique. Le malandro est un personnage mythique de Rio de Janeiro, autrefois directement associé aux quartiers bohèmes, Lapa surtout, et aux docks. Il était toujours bien habillé (costume et chapeau blancs), il aimait beaucoup les femmes et vivait de petites affaires pas très nettes. De nombreuses sambas exaltent ce personnage tout à la fois dandy et ennemi de la police.

256 AMANCIO, Tunico, Op. cit., p. 171.

257 Idem, p. 161.

258 Ibid, p. 171.

259 GIUCCI, 1993, cité par AMANCIO, Tunico, 2000, p. 29.

260 AMANCIO, Tunico, Op. cit., p. 117.

brésilienne d'exportation - ne sont pas exploités de manière significative dans les fictions cinématographiques. L'auteur note d’ailleurs une série d’éléments qui semblent incontournables dans la représentation du carnaval dans les films étrangers comme : l'exotisme des instruments musicaux, la joie, la décontraction, les transgressions sexuelles et la mulata (présenté comme un objet de désir). Selon AMANCIO261, le caractère spectaculaire de l'événement est mis en valeur par des plans rapprochés de l'anatomie des femmes et de l'habilitée manuelle des hommes. En ce qui concerne la musique brésilienne, qu'elle soit ou non associée au carnaval, elle constitue le plus important véhicule de promotion du Brésil.

D'après l'analyse d'AMANCIO262, les Brésiliens à l'étranger sont vus comme des malandros, des nouveaux riches, des femmes sensuelles et insatiables, et des travestis réfugiés dans la marginalité, stéréotypes presque toujours liés à un transbordement de la sexualité et à un comportement social transgresseur.

Plusieurs films font référence à des mystifications liées à la suprématie sexuelle des noires, à la sensualité des mulatas, à la libéralité des tropiques. On y voit alors proliférer des Brésiliennes métissées semi nues, des danseuses de samba et des prostituées, dans des situations qui vont des bordels au carnaval et qui privilégient une exposition exagérée du corps féminin.

Le Brésil est la terre du plaisir sexuel illimité et il est commun de trouver des touristes qui ne ramènent du Brésil que l'expérience de la sexualité263. AMANCIO remarque que dans certains films où la confrontation de cultures et la suprématie européenne est particulièrement explicite, les européens savent toujours profiter de ce que l'exotisme a de mieux, les femmes y comprises.

Selon AMANCIO264, dans la plupart des cas, le cinéma étranger traite les femmes Brésiliennes, avec un regard sévère, comme si elles étaient dotées d’une sensualité qui devrait être réprimée par les étrangers, leur simple présence devenant un motif de crainte pour les structures affectives déjà consolidées. La femme brésilienne y représente une menace à cause d'une image préconçue d'agressivité sensuelle et d’infantilité intellectuelle265.

Dans les films de fiction étrangers, l'image du Brésil et des Brésiliens est truffée de

261 Idem, p. 120.

262 Ibid, p. 99 et 140.

263 Ibid, p. 75.

264 Ibid, p. 97.

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banalités, de lieux communs et de préjugés. Elle y est construite à partir d'articulations historiques, de procédures rhétoriques, de simplifications socioculturelles et de typifications réductrices, suivant une tendance à la folklorisation et à une « généralisation si intense et statique qui momifie ce qui se voulait vivant, et cristallise ce que l'on voulait en mouvement »266.

266 Ibid, p. 120.