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III. 2.4.2.3 Les procédés du mensonge et de la désinformation

III.3 Presse féminine française

III.3.2 La presse féminine : phénomène social d’ampleur

274 NEVEU, Erik, Op. cit., p. 29.

275 Idem, p. 29

276 Ibid, p. 29

277 Ibid, p. 29

278 Ibid, p. 29

279

SULLEROT280 classifie dans la presse féminine tous les périodiques destinés aux femmes, qu'il soient ou non rédigés par des femmes. BONVOISIN et MAIGNEN (1996) en proposent une autre définition, soit l’ensemble des magazines qui ont les caractéristiques suivantes : « ils sont écrits pour des femmes et possèdent un lectorat majoritairement féminin ; ils traitent de sujets spécifiquement féminins, comme la mode et la beauté, ou de thèmes dits féminins, comme la cuisine et les ouvrages. Ils abordent aussi des questions d’informations générale dans leurs rubriques de renseignements pratiques et juridiques »281.

Dans ce mémoire, en ce que concerne la production des magazines féminins, nous adopterons la définition de SULLEROT (112), renforcée par BARD (2001) pour qui la presse féminine est « destinée aux femmes, mais pas forcément produite par des femmes »282 car, même si la plupart des postes de rédacteur en chef sont tenus par des femmes qui s'entourent d'une équipe majoritairement féminine, les directeurs de publication sont bien souvent des hommes, sans oublier qu’à son apparition, la presse féminine n’était écrite et dirigée que par des hommes.

« Depuis sa création, la presse féminine n'a cessé de pénétrer en profondeur toutes les couches de la société. A l'heure actuelle, elle touche la totalité des femmes françaises »283 La presse féminine est aujourd'hui le secteur le plus florissant de la presse périodique française. Avec 30 titres et une diffusion mensuelle d’environ trente millions d’exemplaires284, elle constitue un secteur majeur de la presse écrite et représente un phénomène social de grande ampleur.

L’essor prit par la presse féminine, qui se décline en presse haut de gamme, presse populaire et presse du cœur, est significatif. BONVOISIN et MAIGNEN proposent une typologie fondée sur les catégories socioprofessionnelles des lectrices :

a) Des « haut de gamme » dirigés vers une clientèle aisée. « Très ouverts à l’évolution des mentalités, ils s’adressent aux femmes en valorisant leur féminité, en leur renvoyant un miroir narcissique et sublimé »285. Ces magazines peuvent être généralistes, comme ELLE et Marie Claire, ou spécialisés par âge, mode de vie ou catégorie socioprofessionnelle, comme 20 ans, Biba, Cosmopolitan.

b) Des journaux populaires pratiques qui conseillent et aident les femmes dans leur rôle de mère, ménagère et maîtresse de maison. Généralistes, comme Femmes d’aujourd’hui ou Prima, ou centrés sur des activités manuelles traditionnelles comme Modes et Travaux, Mon

280 SULLEROT, Evelyne. La presse féminine. Armand Colin, 1966.

281BONVOISIN, Samra-Martine et MAIGNEN, Michèle, Op. cit., p. 4.

282 BARD, Christine. Les femmes dans la société française au 20e siècle. Armand Colin, Paris, 2001, p. 117.

283 SULLEROT, Evelyne. La presse féminine. Armand Colin, 1966, p. 269.

284 Source : Média Sig 2006 Service d'information du gouvernement. IN : http://mediasig.premier-ministre.gouv.fr/mediasig.cfm

285 BONVOISIN, Samra-Martine et MAIGNEN, Michèle, Op. cit., p. 5.

Ouvrage, ma Maison, « ils véhiculent en général des valeurs de pragmatisme et de conservatisme »286.

c) La presse du cœur, qui subsiste en marge de ces deux grandes catégories, regroupe des titres voués à la lecture sentimentale et à l’évasion, comme Nous Deux, Intimité, Confidences, qui touchent principalement les catégories socioprofessionnelles défavorisées.

A partir de cette typologie générale il faut souligner, comme l’observe CHARON287, que les magazines féminins ne se contentent plus de se décliner selon les milieux sociaux visés ou selon certains styles. Ils proposent un grand nombre de thématiques qui s’entrecroisent et présentent une segmentation par âge, catégorie sociale, etc. Un certain nombre de spécialisations - comme la mode, la santé, la beauté, la décoration, la cuisine, les thèmes se référant aux enfants, la psychologie, les peoples, les jeunes - servent d’outils de marketing permettant de mieux toucher les différents marchés. Quelques magazines haut de gamme publient plusieurs suppléments spécialisés sous le même titre. C’est le cas de ELLE, qui, outre l’édition de son haut de gamme généraliste hebdomadaire, a créé quelques suppléments comme : ELLE à la table, ELLE décoration, ELLE à Paris et ELLE girl.

La lecture de la presse féminine occupe une place privilégiée dans la vie des femmes, même dans les milieux modestes288. Cependant, si une femme française sur deux est une lectrice de magazine féminin, c’est avant tout dans les couches sociales privilégiées289, que cette presse trouve son public, en particulier parmi les jeunes, de milieu urbain, qui regardent moins longtemps la télévision et achètent fréquemment plusieurs titres290, ce qui fait que les « taux de duplication »291 entre les différents titres soient très élevés. La similitude des contenus rédactionnels au sein de chaque catégorie est une hypothèse qui pourrait expliquer l’important taux de duplication car « on peut imaginer que, malgré les prix de ventes relativement élevés, les lectrices n’hésitent pas à acheter plusieurs titres par mois, autant pour bénéficier d’une information complémentaire que pour s’immerger dans ''leur'' presse où elles se reconnaissent narcissiquement et où elles se rassurent sur leur niveau de connaissances pratiques »292.

Toutefois, les femmes ne sont globalement pas tendres avec la presse féminine. Selon DEBRAS « elles lui reprochent notamment la monotonie des sujets, le côté invraisemblable

286 Idem, p.5.

287 CHARON, Jean-Marie. Les médias en France. Editions La Découverte, Paris, 2003.

288 BARD, Christine. Op. cit., p. 117.

289Catégories sociales supérieures : foyers AB+. Source : AEPM, Les pratiques culturelles des français, DEP, Ministère de la culture. IN : CHARON, Jean-Marie, Op. cit., p. 104.

290 BONVOISIN, Samra-Martine et MAIGNEN, Michèle, Op. cit., p. 4.

291 L'on entend par duplication entre deux titres le nombre de lecteurs ayant déclaré lire ces deux titres.

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des articles, le décalage avec la ''vraie vie'', la surabondance de recettes miracle, pour maigrir en particulier, la mode présentée pour laquelle leurs corps sont trop épais et leurs port-monnaies trop minces, la publicité envahissante, et surtout l'image que la presse féminine donne d'elles, ''superwomen'' ou ''femmes qui ne s'intéressent qu'à la mode ou à la cuisine'' selon les titres »293.

Les études sur les attentes des lectrices de la presse féminine et sur leur avis à propos de cette dernière sont encore rares. Cependant, notre objectif ici, étant d'analyser le discours de la presse féminine - concernant la représentation des Brésiliennes - et non pas sa réception, nous n’approfondirons donc pas ce sujet.

III.3.2.1 Un discours pour fidéliser

Pour parler de sujets féminins à un public féminin, ce type de magazine utilise un discours spécifique car les femmes « n'ont ni les mêmes sujets de conversation, ni la même façon de parler »294 et d’écrire que les hommes. Alors que « l’écriture féminine stimule le dialogue, l’écriture masculine est marquée par le monologue »295. En s’adressant exclusivement aux femmes à travers un langage intimiste, la presse féminine établit avec ses lectrices une « proximité personnalisée »296, une relation amicale qui permet une certaine identification. « C'est sans doute aussi le ton employé par la presse féminine qui séduit les femmes »297.

Selon FILLOL298, pour atteindre le plus grand nombre de lectrices, et dans le même temps les fidéliser, la presse féminine utilise deux stratégies essentielles, qui opèrent au niveau du discours :

a) l'utilisation du « nous » inclusif et du « couple je/vous ». La politique éditoriale du magazine construit son discours en fonction des contraintes de genre - sélection des rubriques correspondant au genre presse féminine -, en posant un « nous » dans lequel la lectrice est inclue. « Le ''nous inclusif'' de la presse féminine est à la fois la configuration d’un lieu (sémantique) commun et d’un lien énonciatif qui permet de construire le contrat de lecture »299.

293 DEBRAS, Sylvie. IN : BARRE,Virginie et al, 1999, Op. cit., p. 124.

294Idem, p. 132.

295 ALEGRIA, Rosa. Jornalismo para a mulher: avanço ou retrocesso? IN : http://observatorio.ultimosegundo.ig.com.br/cadernos/do0506b.htm

296 BONVOISIN, Samra-Martine et MAIGNEN, Michèle, Op. cit., p. 22.

297 DEBRAS, Sylvie. IN : BARRE,Virginie et al, 1999, Op. cit., p. 135.

298 FILLOL, Véronique. Vers une sémiotique de l’énonciation : Du Lieu Commun comme stratégie et Des formes et/ou formations discursives comme Lieux Communs de l’énonciation (dans la presse féminine). Université de Toulouse – Le Mirail, 1998, p. 139.

299 Idem, p. 139.

Comme l'observe FILLOL, ce lien énonciatif entre le magazine et ses lectrices est aussi établit à travers l'utilisation du « couple je/vous »300. Cette complicité se transforme

« naturellement en un ''nous''. Une fois ce rapport instauré, l’énonciatrice s’inscrit donc dans un rapport d’inclusion à ses lectrices. Ce qu’il est intéressant de remarquer, c’est que ce ''nous'' qui embrasse en une seule entité, l’énonciateur et le destinataire, englobe pour ainsi dire deux ''nous''. En effet, ce ''nous'' désigne, ''les femmes'' ; ''toutes les femmes'', et d’un autre côté ''la lectrice'', que le ''nous'' tente de confondre, ou d’inclure »301.

Selon VERON, ce type d’interpellation est caractéristique d'une stratégie de la complicité.

« Dans un univers de discours où, du point de vue du contenu, l’offre est à peu près la même, le seul moyen pour chaque titre de construire sa ''personnalité'', c’est au travers une stratégie énonciative qui lui soit propre, autrement dit en construisant un certain lien avec le lecteur »302.

b) la convocation de lieux communs pour communiquer sur la base d’un savoir commun partagé. Le discours à l’oeuvre dans la presse féminine se doit de répondre à une contrainte essentielle : celui d’être lu par un grand nombre de lectrices. Selon FILLOL, l’usage des stéréotypes satisferait une attente, et permettrait de renouveler sans cesse un nombre infini d’énonciations, « pour proposer dans le même temps, un type d’énonciation unique ou singulier, celui qui définit le contrat de lecture »303.

Ce contrat est aussi déterminé par une autre contrainte : celle de « fidéliser » la lectrice.

Cette adhésion et cette fidélité à un magazine passe par la sélection d'un contenu, mais aussi, au niveau énonciatif, par la construction d'une position discursive. Le magazine féminin doit proposer un univers, dont les valeurs sont partagées par les lectrices. Chaque magazine construit ainsi un « monde possible »304 en fonction du lectorat visé. L'usage de stéréotypes participe à la construction de ce « monde possible » et est l’une des conditions d’accès du lecteur à la matière textuelle.

Pour FILLOL, les lieux communs auraient pour fonction de maintenir une certaine

« stabilité », c'est-à-dire d'« homogénéiser » un type particulier de discours correspondant à l'attente de la « lectrice-cible ». Le lieu commun déterminerait un « cadre énonciatif spécifique correspondant en quelque sorte au contrat entre l'énonciateur-pluriel du magazine

300 Ibid, p. 140.

301 Ibid, p. 140.

302 VERON, 1988, cité par FILLOL, 1998, p. 139.

303 FILLOL, Véronique, Op. cit., p. 154.

304

féminin et la ''lectrice-modèle'' »305.

D'après FILLOL, dans le discours de la presse féminine, les stéréotypes et les lieux communs participent à un jeu de langage qui sert à « construire la complicité entre l’énonciateur et le destinataire, par le moyen d’un renvoi permanent à des objets culturels que l’un et l’autre sont censés connaître évoquant l’appartenance à un univers culturel partagé »306.

III.3.3 Historique de la Presse Féminine en France : l'évolution de l'image des femmes