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Réaction 1 : Production du radical hydroxyle par la réaction de Fenton.

III. La Spore Photoproduct Lyase

III.1.

Mise en évidence d'un processus de réparation spécifique

Comme nous l'avons vu précédemment, les spores de bactéries sont particulièrement résistantes aux rayonnements UV, notamment grâce à des caractéristiques intrinsèques favorisant la formation d'une lésion prépondérante qu'est le Photoproduit des spores. En revanche, la spore n'ayant aucune activité métabolique, le SP s'accumule au cours des irradiations et peut alors être très délétère pour la bactérie. Or la spore ne possède qu'une seule copie de son génome, ce qui exclut la recombinaison homologue comme mécanisme de réparation de ces lésions. Des systèmes de réparation efficaces ont donc du être développés par la spore, constituant ainsi un deuxième facteur de résistance des spores aux UV, en plus de la photochimie particulière observée pour leur ADN.

De façon très intéressante, K. Smith et coll. (Smith et al., 1966) et J.J. Donnellan et coll. (Donnellan et al., 1968) ont observé que le SP était stable sous réirradiation à 254 nm, et qu'une irradiation à 405 nm ne réparait pas le SP, contrairement au CPD réparé directement par une photolyase dans cette dernière condition.

De plus, le SP n'est pas ou peu retrouvé dans la fraction issue de la solubilisation acide des spores, suggérant que le SP n'est pas excisé de l'ADN mais plutôt réparé directement. Ceci conduit à penser que la REN n'interviendrait ainsi pas du tout chez B. megaterium dans la réparation du SP, et prendrait en charge la lésion dans une faible proportion pour B. subtilis et

B. cereus (Donnellan et al., 1968, Munakata et al., 1974).

Un deuxième mécanisme de réparation de SP a été mis en évidence par l'utilisation de souches mutées pour un des gènes impliqués dans la REN, souches pour lesquelles la disparition du SP est comparable aux souches sauvages. En revanche, la mutation du gène de réparation spécifique du SP appelé à l'origine ssp provoque une augmentation de la sensibilité des spores (due à une diminution du taux de SP plus lente), encore augmentée lorsque les deux gènes sont mutés (aucune réparation du SP). Ce mécanisme spécifique est donc plus efficace et plus rapide que la REN car opérationnel dès le début de la germination. Ceci peut s'expliquer par le fait que le mécanisme de la REN implique une resynthèse oligonucléotidique, nécessitant une réserve d'acides nucléiques et une disponibilité énergétique suffisantes, ce qui n'est pas le cas de l'autre mécanisme. De plus, le système de réparation spécifique, qui s'est avéré être une réversion, est déjà présent dans la spore, ce qui

permet de prendre en charge la lésion dès le début de la germination même si la synthèse protéique n'est pas encore opérationnelle.

III.2.

La Spore Photoproduct Lyase

L'existence d'un mécanisme de réversion directe non photoactivé du Photoproduit des spores a donc été postulée par J.J. Donnellan et R. Strafford puis par N. Munakata et C.S. Rupert mais les premiers résultats expérimentaux n'ont été publiés qu'en 1977 par T.C. Wang et C.S. Rupert (Donnellan et al., 1968, Munakata et al., 1974, Wang et al., 1977). L'enzyme, baptisée Spore Photoproduct Lyase6, est donc la première lyase non photoactivable identifiée (et la seule à ce jour) catalysant la réversion directe de ce dimère bipyrimidique. Des données plus précises sur cette enzyme ont été obtenues grâce aux développements de la biologie moléculaire dans les années 1990. Ainsi, le gène qui code pour la SPL chez B. subtilis a-t-il été cloné et séquencé en 1993 par l'équipe de W.L. Nicholson (Fajardocavazos et al., 1993). Il s'agit d’un opéron bicistronique splAB. Cet opéron est exprimé lors de la phase III de la sporulation, la régulation de son expression ne se faisant pas suite à l'apparition de dommages mais de façon concomitante à la sporulation par l’ARN polymérase σG (régulon EσG, contenant également les gènes codant pour la synthèse des SASP et leur dégradation, ainsi que pour la DPA synthase) (Pedrazareyes et al., 1994). Le cistron splB code pour la protéine Spore Photoproduct Lyase, synthétisée dans la préspore, alors que le cistron splA code pour une petite protéine de 72 acides aminés, qui n'est pas nécessaire à l'activité de la SPL mais qui aurait un rôle de régulateur négatif, modulant la quantité de Spore Photoproduct Lyase produite.

Le clonage a permis de commencer de nombreuses études in vitro sur le mécanisme de réparation de la Spore Photoproduct Lyase.

Tout d’abord, l’analyse des séquences primaires des Spore Photoproduct Lyases de différents organismes a montré d’une part des similarités avec des membres de la famille des ADN photolyases (Brennan et al., 1989, Fajardocavazos et al., 1993, Todo et al., 1996), et d’autre part l’existence de quatre cystéines conservées pour les deux organismes clonés (B.

subtilis et B. amyloliquefaciens) dont trois sont arrangées selon un motif (CxxxCxxC)

également rencontré dans une autre famille, celle des protéines de la famille des « Radical- SAM ». Plus précisément, un alignement des acides aminés 80 à 115 a montré de fortes

6 Pour des raisons de simplicité, c’est le nom anglophone Spore Photoproduct Lyase (SPL) qui est utilisé dans le manuscrit.

homologies avec des protéines Fer-Soufre comme les sous-unités activatrices de la Ribonucléotide Réductase Anaérobie (RNR) et de la Pyruvate-Formiate Lyase (PFL). L'existence d'un centre fer-soufre était également fortement suggérée par la sensibilité accrue des spores aux UV lors d’une carence en fer (Nicholson et al., 1997). Par la suite, la purification de la SPL recombinante produite dans E. coli ou dans des spores de B. subtilis a permis de confirmer que celle-ci contenait bien un centre fer-soufre, à la faveur de sa couleur rouge-marron et de la présence de quantités équimolaires de fer et de soufre (Rebeil et al., 1998). Par analogie avec la sous-unité activatrice de la RNR, les auteurs ont montré que l’enzyme n’était active in vitro en anaérobiose qu’après réduction (par du dithionite ou lorsque les extraits sont mis en présence de NADPH) et en présence d’un cofacteur : la S- Adénosylméthionine (SAM) (Rebeil et al., 1998), ce qui est une caractéristique des « Radical- SAM ». Cette famille de protéines à centre Fer-Soufre et à cofacteur SAM fait l’objet du paragraphe IV. L’appartenance de la SPL à cette superfamille suggère un mécanisme radicalaire pour la réparation du Photoproduit des spores.

Outre les trois cystéines conservées du motif CxxxCxxC supposées coordiner le centre Fe-S, les séquences des SPL de toutes les bactéries sporulantes possèdent une quatrième cystéine conservée (Figure 14). Cette cystéine est en aval du motif CxxxCxxC pour les espèces du genre Bacillus (position 141 d’après la numérotation de B. subtilis), et en amont (position 77) pour les SPL du genre Clostridium.

Figure 14 : Alignement des séquences d’acides aminés de SPL de différents organismes. La position du

motif CxxxCxxC est surlignée en vert. La position de la quatrième cystéine est indiquée en rose. Celle-ci est située en position 141 (numérotation de B. subtilis) pour les espèces du genre Bacillus, et en position 77 pour les espèces du genre Clostridium.

Dans le cas de la SPL de B. subtilis, W.L. Nicholson a construit des plasmides contenant le gène splB muté pour chacune des 4 cystéines de la séquence (chaque cystéine est remplacée par une alanine : C91A, C95A, C98A et C141A). Il a réintroduit les plasmides mutés dans des souches de B. subtilis délétées au niveau du gène splB, ainsi qu’un plasmide ne contenant pas

germiner et enfin mesure la résistance des bactéries7 (Figure 15). Il n’est pas surprenant de voir que les mutations des cystéines 91, 95 et 98 en alanines conduisent à l’inactivation de la SPL et donc à la létalité des spores, de la même manière que si la SPL est absente (vecteur). En effet, ces cystéines sont proposées comme étant ligands du centre [4Fe-4S] essentiel à l’activité. En revanche, la mutation de la cystéine 141 en alanine conduit également à la létalité des spores, dans les mêmes proportions que pour les autres mutations. Cette cystéine est donc essentielle à la survie des spores lors d’une irradiation UV (254 nm) (Figure 15) (Fajardo-Cavazos et al., 2005).

Figure 15 : Résistance aux UV de spores de B. subtilis portant différentes mutations sur le gène splB. LD90 est la dose UV létale pour 90% de la population (Fajardo-Cavazos et al., 2005)

Les auteurs démontrent également que cette cystéine n’interviendrait pas dans la chélation du centre fer–soufre, car une analyse en spectrophotométrie UV-Visible de la protéine purifiée sauvage et de la protéine mutée au niveau de cette quatrième cystéine ne montre pas de différence sur le contenu en fer et en soufre. Bien qu’essentielle à la survie des spores irradiées par les UV, le rôle précis de cette cystéine n’a pas été déterminé dans cette étude.

7 Cette résistance se mesure par la dose d’UV létale pour 90% de la population (en J.m-2). Plus cette valeur est élevée, plus les spores sont résistantes.