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Il ne fait aucun doute que le vol, le pillage et le déplacement de biens culturels et d’œuvres d’art sont aussi vieux que l’humanité elle-même et caractéristiques des temps de guerre5. Mais le pillage ordonné par Hitler durant la Seconde Guerre mondiale faisait partie intégrante d’une idéologie culturelle et raciale qui discriminait principalement les Juifs6. Il convient tout d’abord de distinguer les biens en fuite (Fluchtgut) des biens spoliés (Raubgut). Les biens en fuite sont des biens culturels que les émigrants juifs emportaient avec eux dans leur exil. Tandis que les biens spoliés sont des biens culturels qui ont été confisqués en Allemagne ou dans les territoires occupés par le Troisième Reich. Deux sous-catégories de biens spoliés doivent être

1FATA, p. 80 ; Encyclopaedia Universalis France.

2 « Action de déposséder par violence ou par ruse » (Larousse).

3 Encyclopaedia Universalis France.

4 KOLLER.

5 HARTUNG, p. 9 ; HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 37.

6 HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 37. Et ce, depuis la rédaction de « Mein Kampf » par Hitler en 1925.

différenciées. Premièrement, les biens spoliés illégaux qui résultaient de la saisie pure et simple de biens appartenant à des Juifs (Raubkunst). Deuxièmement, les biens spoliés « légaux » qui provenaient de la confiscation de l’art dit « dégénéré »7 (Entartete Kunst) pratiquée dans tous les musées allemands à partir de 19378. En effet, les œuvres d’art dégénérées étaient considérées comme inférieures, immorales et incompatibles avec la supériorité de la race aryenne.

Quant au sort que subissaient ces œuvres d’art confisquées, la politique nazie prévoyait trois cas de figure. Premièrement, elles pouvaient être détruites et la plupart du temps, elles étaient alors brûlées9. Deuxièmement, elles pouvaient être exploitées en faveur de la propagande politique nazie10. Troisièmement, elles pouvaient être vendues à l’étranger et ainsi permettre la réalisation d’un produit financier, qui, souvent, contribuait à l’effort de guerre11. Les ministres de la propagande nommés par Hitler avaient rapidement pris conscience du bénéfice qu’ils pouvaient retirer de ces œuvres impures mais d’une valeur marchande considérable.

C’est d’ailleurs en Suisse, à Lucerne, qu’a lieu l’une des ventes les plus importantes en 1939.

Cette vente, organisée par la Galerie Fischer, a vendu environ 126 tableaux et sculptures modernes sur les quelque 20 000 œuvres confisquées pour des prix biens inférieurs à leur valeur réelle12. De nombreux marchands d’art et collectionneurs de différents pays ont donc pu s’enrichir et profiter de la vente de ces biens.

Par la stigmatisation de l’art « dégénéré », Hitler poursuit donc un véritable but d’aryanisation et de purification de l’art. Il souhaite par ailleurs construire un musée à Linz, sa ville natale afin qu’elle devienne le centre culturel du Troisième Reich13. Pour mener à bien ce projet, toutes les œuvres aryennes des pays occupés doivent être saisies14. Une véritable opération militaire est ainsi mise en place en violation des conventions internationales et des lois existantes15.

7 Il n’est pas aisé de définir précisément en quoi consistait l’art « dégénéré », cependant certains mouvements artistiques tels que l’expressionnisme, le surréalisme, le dadaïsme et l’art abstrait en faisaient partie (Rapport

BERGIER, p. 344 ; REGAZZONI, p. 6). De façon générale, Hitler détestait l’art moderne du 20ème siècle. Une nuance est à apporter puisqu’il appréciait le réalisme socialiste qui était pourtant un mouvement artistique moderne. Mais il aimait particulièrement le travail des artistes allemands et traditionalistes du 19ème siècle, tels que Hans Makart, Anselm Feuerbach et Ferdinand Waldmüller (ADAM,p. 43 cité par REGAZZONI, p. 7).

8 Rapport BERGIER, p. 337-338.

9 Rapport BERGIER, p. 344 ; Les Marchands d’Hitler.

10 Rapport BERGIER, p. 344. A titre d’exemple, nous pouvons citer l’Exposition Entartete Kunst organisée à Munich en juillet 1937 dont le but principal était de valoriser la Grande exposition d’art allemand (Grosse Deutsche Kunstausstellung) qui avait lieu en même temps (Ibid., p. 344 ; HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 37).

11 Rapport BERGIER, p. 344.

12 Ibid., p. 345 ; Les Marchands d’Hitler ; HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 37-38.

13 HARCLERODE/PITTAWAY, p. 2-3 cité par REGAZZONI, p. 7.

14 HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 39.

15 « Dans cette démarche, le dictateur a sciemment ignoré les dispositions des conventions internationales élaborées à partir de la Conférence sur la paix organisée à la Haye (Pays-Bas) en 1899. Il a fait fi notamment des dispositions de la Convention IV et de son annexe, votée à la Haye le 19 octobre 1907 et ratifiée par l’Allemagne le 27 novembre 1909, relatives à la protection du patrimoine culturel en temps de guerre » (HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 39). Ces pratiques ont été réprimées et condamnées par les Alliés à partir du 5 janvier 1943. De plus, le Tribunal militaire international de Nuremberg a considéré et qualifié la spoliation des citoyens juifs comme étant un crime de guerre (CANDRIAN, p. 258 et références citées).

Pourtant, la politique de spoliation des nazis n’était pas la même partout en Europe. A l’est, la volonté d’Hitler était d’éliminer la race slave tout comme sa culture. L’ordre de ne préserver que les œuvres d’art considérées comme germaniques et celles provenant d’Europe occidentale avait été donné. Les centaines d’œuvres d’art qui répondaient aux critères de l’idéologie culturelle nazie étaient donc rapatriées en Allemagne16. A l’ouest en revanche, environ 20 000 biens culturels ont été pillés entre 1940 et 194417. La spoliation des œuvres d’art y a aussi été plus insidieuse. En France particulièrement, dès 1940, les nazis tentaient de légitimer les appropriations des biens culturels en affirmant les mettre en sécurité18. Plusieurs arguments ont été invoqués notamment la confiscation temporaire de ces biens19. En réalité, « [les] mesures dites de “préservation“ dissimulaient une appropriation définitive et sans volonté de restitution »20.

A cette époque, Alfred Rosenberg21 mettait également en place l’Einsatztab Reichsleiter Rosenberg (ERR), organe responsable de la spoliation des biens appartenant à des Juifs et de leur exportation vers l’Allemagne nazie. Mais l’ERR s’occupait également des ventes et des échanges d’œuvres d’art22. Puis, c’est en 1942 que la Möbel-Aktion a été créée.Il s’agissait d’un programme qui avait pour but de donner des meubles aux Allemands occupant les pays de l’est pour remplacer ceux détruits par les bombardements. C’est ainsi qu’en France, aux Pays-Bas et en Belgique, environ 72 000 logements de Juifs déportés ou ayant fui ont été entièrement pillés de leurs objets d’art, tableaux et mobiliers. Après la guerre, peu d’informations existaient concernant l’identité des propriétaires ou la provenance de ces biens23. Les dispositions ainsi prises par Hitler en matière d’œuvres d’art sont révélatrices de l’antisémitisme et de la politique destructrice nazie. La spoliation des œuvres d’art n’est en réalité qu’une étape supplémentaire de la déshumanisation caractéristique de la Seconde Guerre mondiale24.

B. La place et le rôle de la Suisse

Entre 1939 et 1945, la Suisse était déjà un Etat neutre25 et bien qu’entourée d’un empire totalitaire, elle n’a pas été attaquée ni envahie par les troupes nazies. Au contraire, elle a réussi à conserver son Etat de droit démocratique et fédéral ainsi que ses institutions26. Si elle est épargnée par les horreurs de la guerre, la Suisse maintient d’étroites relations économiques avec des pays européens et d’outre-mer mais également avec l’Allemagne. Ce sont d’ailleurs ces liens commerciaux qui permettent d’assurer le niveau de vie des citoyens suisses27. Depuis

16 HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 40.

17 Rapport BERGIER, p. 346.

18 FRAOUA, p. 50.

19 Ibid., p. 51.

20 Ibid., p. 51.

21 Homme politique allemand. Il occupe diverses fonctions au sein du Reich. Il est responsable du pillage des bibliothèques, des musées et des collections privées appartenant aux Juifs. Il sera nommé Ministre des Territoires occupés de l’est (Larousse). Il est aussi soutenu par Hermann Göring (HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 40).

22 FRAOUA, p. 51.

23 Ibid., p. 41.

24 BOUCHOUX, p. 44 ; Les Marchands d’Hitler.

25 Tout comme d’autres pays: la Suède, le Portugal, l’Espagne et la Roumanie(REGAZZONI, p. 14 ; LUDI, p. 273).

26 Rapport BERGIER, p. 20.

27 Ibid., RASCHÈR, p. 230.

1930, l’Allemagne manque de devises étrangères, raison pour laquelle elle a aussi recours au pillage d’or, de titres et d’œuvres d’art, autant de biens qui pourront être convertis en devises ou vendus à condition qu’un pays accepte de les écouler en fermant les yeux sur leur provenance28. C’est le rôle que la Suisse a accepté de jouer pendant la guerre. Elle était d’autant plus attrayante pour le Troisième Reich que sa monnaie était stable et convertible29.

Mais la Suisse a surtout fait preuve d’un véritable laxisme quant au contrôle des changes, ce qui facilitait les transactions financières et était bénéfique pour l’Allemagne nazie30. La question du rachat de l’or volé par la Suisse sera d’ailleurs vivement critiquée par les Alliés tout comme celle des comptes dormants, du blanchiment d’argent, des biens en déshérence et de l’assistance à la fuite de capitaux nazis31. Pourtant, aux dires de MARGUERAT :« […] l’achat d’or a probablement contribué plus que tout autre facteur à protéger la Suisse et sa population, sa population juive donc ainsi qu’une bonne partie des 50 000 réfugiés civils accueillis »32. Selon JANNER33 en revanche, aucun pays neutre ne porte une aussi grande responsabilité dans la Seconde Guerre mondiale que la Suisse et son gouvernement de l’époque34. Et il serait incohérent de nier le rôle évident que les industries et les banques suisses ont joué, notamment en participant à l’effort d’équipement de la Wehrmacht et en la soutenant économiquement35. Dès lors, il est possible de souligner le paradoxe d’une Suisse qui se revendiquait neutre mais qui ne l’a pas réellement été politiquement et économiquement parlant36. La neutralité absolue avait été abandonnée au profit d’une neutralité « différentielle » qui se limitait au domaine militaire uniquement37. Cette attitude peut cependant s’expliquer par la situation délicate de l’époque. En effet, un climat d’incertitude et d’angoisse régnait. Personne ne savait si la Suisse allait être envahie par les nazis, combien de temps la guerre durerait et les citoyens craignaient de manquer d’approvisionnement et de nourriture38. Nous estimons qu’il est important de tenir compte de ce contexte historique. Si avec le recul et le temps nécessaires, tout paraît critiquable, nous pensons que la Suisse a agi tel qu’elle le devait et surtout tel qu’elle le pouvait pour protéger son Etat et sa population au vu des circonstances passées. Malgré tout, deux mythes s’articulent autour de ce petit Etat neutre, « […] celui d’une Suisse affairiste et immorale, contre celui, lumineux, d’une stratégie réussie de survie »39.

S’agissant des biens culturels, les propriétaires juifs faisaient soit transiter leurs biens en fuite par la Suisse avant qu’ils ne soient envoyés dans d’autres pays, aux Etats-Unis par exemple.

Soit ils décidaient de les vendre sur le territoire helvétique. Quant aux biens culturels spoliés, ils ont été introduits clandestinement en Suisse par les hauts dignitaires nazis pour y être vendus

33 Homme politique britannique et membre du Congrès juif mondial (WJC)

34 L’honneur perdu de la Suisse.

35 Rapport BERGIER, p. 21 ; MAUROUX, p. 7.

36 L’honneur perdu de la Suisse.

37 BÉGUIN, p. 31.

38 La Suisse était dépendante des fournitures allemandes (charbon, fer, essence, sucre, alcool, pommes de terre, semences notamment) (LUDI, p. 274 ; BÉGUIN, p. 194).

39 Rapport BERGIER, p. 22.

ou échangés40. Il est de ce fait intéressant de se questionner sur une possible responsabilité de l’Etat helvétique41. Il est évident que les autorités fédérales participaient à ce marché immoral.

En effet, le commerce et le transfert des œuvres d’art se déroulaient sous leurs yeux dû aux contrôles qui devaient être effectués42. Puis, plusieurs opérations de vente et d’acquisition de biens culturels à l’origine douteuse ont bénéficié de dérogations accordées par l’Office suisse de compensation (OSC). En principe, il s’agissait de « facilités » telles que la libération de l’obligation de clearing43 qui étaient accordées aux représentants nazis et aux émigrants juifs qui fuyaient la guerre. Et si le droit en vigueur à l’époque était déterminant, les intérêts économiques étaient largement pris en considération par l’Etat et ses fonctionnaires. En effet, le marché international de l’art qui se développait en Suisse à cette époque ainsi que les différentes ventes aux enchères à l’instar de celle organisée par la Galerie Fischer ont eu des retombées financières plus que positives pour l’économie suisse. Cependant, face aux différents problèmes que pouvait soulever ce commerce de biens culturels, la législation suisse en la matière était lacunaire. L’Etat n’a pas décidé d’agir pour autant44.

Nous sommes d’avis que le gouvernement suisse ne pouvait ignorer le fait que les œuvres d’art introduites sur son territoire étaient issues de spoliations. La seule augmentation du nombre de celles-ci sur le marché de l’art durant les années de guerre nous semble être suffisant pour éveiller les soupçons. Il est indéniable qu’en omettant d’agir, la Suisse a servi ses intérêts. De là, à retenir une responsabilité de l’Etat uniquement, nous n’en sommes pas convaincus. Si ces ventes de biens culturels ont profité à l’économie suisse, elles ont avant tout et à notre sens, enrichi des personnes privées. L’Etat aurait bien sûr pu prendre des mesures concrètes telles que l’interdiction d’importation des ces œuvres d’art spoliées ou en fuite sur le territoire suisse.

Mais un marché noir de l’art se serait alors probablement développé et une telle décision n’aurait pas non plus avantagé les propriétaires juifs dans le besoin de vendre leurs biens pour fuir la guerre. Il est tout de même possible de s’étonner que dans une Suisse non occupée et régie par les principes de l’Etat de droit, rien n’ait été entrepris pour limiter ou réglementer ce commerce de l’art45. Ce n’est qu’après avoir longtemps tardé et dû à la pression extérieure, que la Suisse finit par promulguer en décembre 1945, une législation spéciale46.

En définitive, si aucune spoliation à proprement parler n’a eu lieu avant ou durant la Seconde Guerre mondiale sur le territoire helvétique puisqu’il n’était pas occupé par les Allemands47, la Suisse, pays de transit, a malgré tout été une plaque tournante pour la vente et les transferts de biens culturels spoliés et de biens en fuite.

40 RASCHÈR/MÜNCH, p. 128 ; Rapport BERGIER, p. 338.

41 Rapport BERGIER, p. 336.

42 Rapport BERGIER, p. 336.

43 L’accord de clearing est défini comme suit : « convention entre deux pays aux termes de laquelle le produit des exportations d’un des pays est affecté au règlement de ses importations et qui tend à réaliser un équilibre des échanges entre les deux pays » (Larousse).

44 Rapport BERGIER, p. 336.

45 RapportBERGIER, p. 348.

46 Ibid.

47 RASCHÈR, p. 230.

III. Les principes en matière de biens culturels spoliés dans l’après-guerre A. La situation au lendemain de la guerre

Outre l’immense souffrance humaine, la destruction et la spoliation massive de biens culturels dans l’immédiat après-guerre est une question difficile à appréhender. Mais elle permet une prise de conscience. Les Alliés réalisent que des mesures rapides pour tenter de réparer les dégâts causés doivent être prises48. C’est ainsi que l’un des objectifs premiers n’est autre que la restitution49 des biens culturels spoliés50 à leur légitime propriétaire, qu’il s’agisse de personnes privées, d’institutions publiques telles que des musées ou d’Etats étrangers51. Au lendemain de la guerre, les Alliés considèrent les Etats neutres comme une menace au programme de restitution puisqu’ils peuvent servir de terre de refuge pour des biens volés52. C’est bien sûr le cas de la Suisse qui subit une véritable pression pour signer les différentes déclarations et accords internationaux explicités ci-dessous.

1. La Déclaration de Londres du 5 Janvier 194353

La Déclaration de Londres du 5 janvier 194354 peut être considérée comme le premier pas vers une meilleure protection des biens culturels spoliés. Il s’agit d’une déclaration solennelle rédigée par 18 gouvernements alliés, dont les Etats-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni ainsi que le Comité national français55. Pour ce faire, ils s’inspirent de différentes lois sur la guerre existantes ainsi que de la Convention de la Haye du 18 octobre 1907 relative à la protection du patrimoine culturel en temps de guerre56.

En tant que telle, la Déclaration de Londres ne crée donc pas de nouvelles obligations internationales. Elle dénonce l’étendue du vol commis par les nazis57. Et si le pillage était déjà prohibé par le Règlement de la Haye de 1907, cette interdiction était insuffisante58. C’est la raison pour laquelle la Déclaration de Londres du 5 janvier 1943 introduit une disposition qui condamne les actes de pillage perpétrés dans les territoires occupés ou sous contrôle du Troisième Reich59. Ce faisant, elle s’adresse particulièrement aux pays neutres afin d’exprimer la volonté des Alliés de tout faire pour lutter contre les méthodes de confiscation et

48 FATA, p. 86.

49 « En droit international, la notion de restitution désigne en effet l’opération par laquelle le pays vaincu rend les biens matériels qu’il a illégalement emportés des territoires qu’il avait occupés » (FISCH, p. 31 cité par Rapport BERGIER, p. 412).

50 En réalité, « [les] premières démarches entreprises en vue d’obtenir la restitution de biens volés ou confisqués ainsi que les premières demandes individuelles remontent à l’époque même de la guerre. En 1939 déjà, peu après le début du conflit, des projets dans ce sens émanèrent des milieux juifs de Grande-Bretagne et de Palestine » (Rapport BERGIER p. 405 ; FISCH, p. 126 ; KEILSON, p. 122).

51 REGAZZONI, p. 26.

52 RapportBERGIER, p. 406.

53 De son titre complet : la Déclaration interalliée contre les actes de dépossession commis dans les territoires sous occupation et contrôle ennemis du 5 janvier 1943.

54 Idem.

55 SIEHR, p. 158 ; SIEHR 2004, p. 78.

56 HERSHKOVITCH/RYKNER/MAGET, p. 43 ; RS 0.193.212.

57 RENOLD/CHECHI/FERLAND/VELIOGLU-YILDIZCI,p. 9.

58 TOMAN, p. 365.

59 Ibid.

d’expropriation des biens culturels60. Les pays signataires de cette Déclaration revendiquent donc le droit de déclarer nuls tous les transferts de propriété qui ont profité à l’Allemagne ou à ses complices61. Toutes les expropriations et les pillages étaient donc visés par cette Déclaration62. C’est peut-être d’ailleurs l’une des critiques qui peut lui être adressée : une expression peu claire et surtout très large63. Il convient de préciser que « [la] Déclaration de Londres du 5 janvier 1943 se [limite] à la restitution dit “externe“, c’est-à-dire de tous les biens et avoirs que les représentants du régime nazi s’étaient appropriés dans les territoires occupés.

Ce n’est que plus tard que les Alliés portèrent aussi leur attention sur la restitution “interne“, celles des confiscations opérées sur le territoire du Reich »64.

Puis, aux yeux des Alliés, l’obligation de restituer les biens devait être maintenue même s’ils avaient été vendus à un prix correct et même si les victimes semblaient y avoir consenti65. La Suisse, en tant que pays neutre, était bien sûr concernée par cette Déclaration concernant les biens culturels spoliés qui se trouvaient sur son territoire. Cet accord lui était d’autant plus applicable dû aux transactions sur l’or qu’elle avait pratiquées avec la Reichsbank et pour lesquelles elle était vivement critiquée66. C’est donc suite à cette Déclaration et lorsqu’il apparaissait clair que l’Allemagne allait perdre la guerre, que les bourses et les banques suisses ont adopté un système sévère d’affidavits67 pour empêcher la vente des biens volés dans les territoires occupés par les Allemands68.

2. Les Accords de Bretton Woods du 22 juillet 1944 et l’Accord Currie du 8 mars 1945 Dans le but de concrétiser davantage la Déclaration de Londres du 5 janvier 1943, la troisième commission de la Conférence monétaire et financière des Nations Unies se réunit à Bretton Woods, aux Etats-Unis, du 1er au 22 juillet 194469. A cette époque, la fin de la guerre approche et nombres de hauts dignitaires nazis se sont constitués des fortunes considérables. Cet accord avait donc pour but d’empêcher le transfert de ces fonds ainsi que des biens spoliés vers l’étranger70. « La VIe Résolution adoptée à l’issue de la conférence donnait un clair avertissement : le rachat d’or pillé et le recel de biens ennemis ne resteraient pas impunis »71. La Suisse était particulièrement concernée car elle était l’un des pays neutres les plus importants financièrement parlant72. Une délégation alliée a donc été spécifiquement nommée. Il s’agit de la délégation Currie, appelée ainsi car elle est présidée par un Américain, Laughlin CURRIE73.

67 Un affidavit est une « [déclaration] faite sous serment, devant une autorité, par les porteurs étrangers de certaines

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