• Aucun résultat trouvé

A. La situation dès les années 1990

V. Le droit civil suisse actuel en matière de restitution de biens spoliés

spécifique252 à la restitution de biens culturels spoliés durant la Seconde Guerre mondiale. Cette question n’est effectivement pas réglée par la Loi fédérale sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, de catastrophe ou de situation d’urgence du 20 juin 2014 (LPBC)253 ni par la Convention de la Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, ni par son règlement d’application ou son Deuxième protocole du 26 mars 1999254. La Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels du 14 novembre 1970

248 ATF 94 II 297, in JdT 1970 I 176 ; FATA, p. 100-101.

249 ATF 94 II 297, in JdT 1970 I 176, consid. 5.a, p. 184.

250 ATF 94 II 297, in JdT 1970 I 176, consid. 5.b, p. 184.

251 FATA, p. 101. Au sens de l’art. 728 CC, une possession de bonne foi, paisible et sans interruption pendant 5 ans est nécessaire. Précisons cependant qu’à cette époque, le délai de prescription de 30 ans pour les biens culturels prévu par l’art. 728 al. 1 ter CC n’existait pas encore puisqu’il renvoie à l’art. 2 al. 1 de la LTBC qui n’est entré en vigueur que le 1er juin 2005.

252 Hormis la soft law.

253 RS 520.3.

254 PIGUET, p. 1532. Seul le Premier protocole du 14 mai 1954 trouve à s’appliquer en matière de restitution de biens culturels spoliés.

(Convention de l’UNESCO)255 et sa concrétisation en droit interne suisse par le biais de la Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels du 20 juin 2003 (LTBC)256 ainsi que son ordonnance d’application ne trouvent pas non plus à s’appliquer. En effet, même si au moment de l’adoption de la Convention de l’UNESCO, certains Etats prônaient un effet rétroactif de celle-ci257, l’article 7 lettre b) ii) dispose que cette Convention exclut toute rétroactivité258. Ce même principe est consacré à l’article 33 LTBC qui précise que cette loi est inapplicable aux acquisitions de biens culturels qui ont eu lieu avant son entrée en vigueur, soit avant le 1er juin 2005259. Etant donné que les confiscations pratiquées par les nazis se sont déroulées bien avant l’entrée en vigueur de la Convention de l’UNESCO et de la LTBC, il va de soi que ces deux instruments juridiques ne sont pas applicables en matière de restitution d’œuvres d’art spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Quant à la Convention d’Unidroit sur les biens culturels ou illicitement exportés du 24 juin 1995, elle a effectivement été signée par la Suisse mais n’a pas été ratifiée. Il n’est donc pas possible de l’invoquer en droit interne260. C’est ainsi qu’en Suisse, « [excepté] la compétence du Bureau de l’art spolié pour les biens propriété de la Confédération, toute demande [en restitution] doit être déposée devant les tribunaux ordinaires »261. Pour ce faire, tant les procédures civile, pénale qu’administrative peuvent être utilisées262. Ce sont avant tout les articles 932 et suivants du CC qui sont applicables en matière d’actions en revendication de biens spoliés263 et ce, à partir du 1er janvier 1948264. La question de la bonne ou de la mauvaise foi est une question fondamentale dans la résolution des litiges concernant la propriété. Particulièrement, lorsqu’il s’agit d’œuvres d’art volées par les nazis265. Afin de mieux comprendre cette problématique, il convient donc de s’intéresser aux articles 934 et 936 CC qui sont aujourd’hui les deux dispositions légales applicables à la restitution d’œuvres d’art spoliées durant la Seconde Guerre mondiale266. A. Le possesseur de bonne foi et l’article 934 CC

Au sens de l’article 934 alinéa 1 CC : « [le] possesseur auquel une chose mobilière a été volée ou qui l’a perdue, ou qui s’en trouve dessaisi de quelque autre manière sans sa volonté, peut la revendiquer pendant cinq ans. L’article 722 est réservé »267. Ainsi, une action « mobilière »

264 Comme déjà explicité, en vertu de l’Arrêté du Conseil fédéral du 10 décembre 1945 relatif aux actions en revendication de biens enlevés dans les territoires occupés pendant la guerre, les demandes en restitution ne pouvaient être déposées que jusqu’au 31 décembre 1947. Après cette date, la législation spéciale n’était plus en vigueur et les dispositions du Code civil suisse s’appliquaient à nouveau (cf. p. 10).

265 RENOLD, p. 331.

266 Nous ne nous intéressons pas à l’article 933 CC qui concerne un acquéreur de bonne foi auquel une chose mobilière est transférée à titre de propriété ou d’autre droit réel. Cet article implique que la chose en question ait été confiée et remise volontairement à l’alinéateur. Ce qui n’était évidemment pas le cas en matière de spoliations de biens culturels par les nazis.

267 Art. 934 al. 1 CC (RS 210).

(Besitzesrechtsklage) est accordée au possesseur dépossédé contre sa volonté. Il peut l’exercer contre le tiers possesseur même s’il est de bonne foi. Le but de cette disposition consiste donc à défendre les droits du possesseur dépossédé et à lui permettre de récupérer la maîtrise effective de son bien268.

1. Les conditions de l’action

S’agissant des conditions personnelles, la qualité pour agir appartient au possesseur antérieur de la chose mobilière soit à celui qui en a été dessaisi sans sa volonté. La qualité pour défendre en revanche appartient au possesseur actuel, soit celui qui est en possession du bien au moment où l’action est intentée269.

Quant aux conditions matérielles, il faut premièrement un dessaisissement involontaire qui est assimilé à une perte de la possession. De la sorte, le possesseur ne doit pas savoir où se trouve la chose mobilière en question ni avoir accès à cet endroit270. L’absence de volonté quant à elle s’oppose au fait d’avoir confié volontairement son bien à un tiers tel que prévu par l’article 933 CC. Ainsi, sont particulièrement assimilés à une dépossession involontaire, le vol ou la perte271. Deuxièmement, la bonne foi du défendeur est exigée. Troisièmement, il doit exister une absence d’exception. A cet égard, il s’agit d’examiner si le défendeur peut valablement se prévaloir d’un droit préférable ou s’il peut établir que le demandeur, tout comme lui, n’a pas de droit sur le bien en question.

Pour le droit préférable, le défendeur peut soit établir qu’il a été dessaisi du bien involontairement et précédemment (avant la possession du demandeur) soit qu’il est devenu propriétaire de la chose grâce à un mode originaire d’acquisition de la propriété. Dans cette dernière hypothèse, il peut être question de la spécification, de l’adjonction, du mélange ou encore de la prescription acquisitive272. Quant à la question de savoir si le défendeur est en mesure de prouver que le demandeur, tout comme lui, n’a pas de droit sur le bien, la question est en réalité controversée273. « Lorsque le demandeur a acquis la chose de mauvaise foi, il est admis que le défendeur peut refuser la restitution de l’objet en invoquant le principe de [l’article 936 alinéa 2 CC] ; le demandeur de mauvaise foi ne peut pas réclamer la restitution, que ce soit à un possesseur de bonne ou de mauvaise foi. En revanche, lorsque le demandeur a acquis la chose de bonne foi, le Tribunal fédéral a laissé la question indécise274. Une partie de la doctrine

268 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 1 et N 3.

269 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 8, N 10 et références citées.

270 CR CC II-PICHONNAZ, CC 921 N 5 par renvoi de CC 934 N 14.

271 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 13, N 14, N 15.

272 Ibid., CC 934 N 19, N 20, N 21, N 22, N 23 et références citées. Quant à la prescription acquisitive, elle est régie par l’article 728 CC. La possession paisible et de bonne foi ainsi que l’écoulement d’un certain délai (5 ans en matière mobilière, 10 ans en matière immobilière et 30 ans pour les biens culturels permettent au possesseur de devenir propriétaire. Comme nous l’avons déjà exposé, c’est par le biais de la prescription acquisitive que les enfants de Jakob Koerfer sont devenus propriétaires des deux tableaux dont ils ont hérité (cf. p. 24). Mais il convient de rappeler que la prescription acquisitive n’est qu’un mode d’acquisition de la propriété parmi d’autres.

En effet, elle « […] ne revêt qu’une portée pratique limitée, car l’acquéreur devient souvent propriétaire sur la base d’autres règles, en particulier selon les règles sur l’acquisition de bonne foi des art. 714 al. 2 CC et 933 à 935 CC » (CR CC II-PANNATIER, CC 728 N 2 et références citées).

273 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 25.

274 ATF 84 II 253, consid. 1 in, JdT 1959 I 115 cité par CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 27.

estime qu’il faut distinguer la situation dans laquelle le défendeur est de bonne foi de celle où il est de mauvaise foi. S’il est de mauvaise foi, il ne doit pas pouvoir alléguer l’absence du droit du demandeur de bonne foi […]. En revanche, s’il est lui aussi de bonne foi, le défendeur doit pouvoir établir que le demandeur n’a pas de droit sur la chose en litige et empêcher ainsi la restitution de la chose mobilière. Cette position se justifie pour des raisons d’équité. Une autre partie de la doctrine propose toutefois que, dans cette situation, le juge doive décider si l’intérêt du possesseur antérieur prime sur celui du possesseur actuel »275. A cet égard, il est probable que l’intérêt du possesseur antérieur soit d’une victime juive persécutée et spoliée durant la Seconde Guerre mondiale prime sur celui du possesseur actuel, un simple collectionneur d’art par hypothèse.

Concernant la condition temporelle, l’ancien possesseur dispose d’un délai de cinq ans à compter du vol ou de la dépossession pour intenter son action mobilière276. Ce délai est considéré comme étant un délai de péremption. Il ne peut donc pas être suspendu ni interrompu.

Si aucune action mobilière n’est intentée, le possesseur du bien qui est de bonne foi en devient propriétaire au terme des cinq ans pour autant qu’il ait voulu acquérir un droit réel soit un titre de propriété et ce, en vertu de l’article 934 alinéa 1 CC et de l’article 714 alinéa 2 CC277. En ce sens, il bénéficie d’une protection définitive en droit suisse278.

Nous ne traitons pas de l’article 934 alinéa 1 bis CC279 qui ne s’applique pas aux actions en revendication de biens culturels spoliés durant la Seconde Guerre mondiale dû au principe de la non-rétroactivité de la LTBC280.

2. Les conséquences de l’action

Deux conséquences principales découlent de l’action mobilière. Soit le demandeur peut simplement faire constater son droit. Soit la chose revendiquée est restituée et dans ce cas, la restitution s’opère en vertu des règles ayant trait au possesseur illégitime au sens des articles 938 à 940 CC281. Pour ce faire, le demandeur doit apporter la preuve de sa possession antérieure et le fait qu’il a été dessaisi involontairement de son bien. Etant donné que la preuve de ces éléments n’est pas toujours évidente à apporter, il est considéré que le seuil d’exigence quant à l’admission de celle-ci ne doit pas être trop élevé282. Cela concerne particulièrement les œuvres d’art spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale, étant donné que les nazis avaient en

275 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 26, N 27 et références citées.

276 Le moment où il a pris connaissance de la perte n’a pas importance (CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 28).

277 « Celui qui, étant de bonne foi, est mis à titre de propriétaire en possession d’un meuble en acquiert la propriété, même si l’auteur du transfert n’avait pas qualité pour l’opérer, la propriété lui est acquise dès qu’il est protégé selon les règles de la possession » (RS 210).

278 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 28, N 29, N 30 et références citées.

279 Un délai de 30 ans et non pas de 5 ans est prévu pour intenter une action en revendication portant sur des biens culturels au sens de l’article 2 alinéa 1 LTBC (RS 210).

280 « L’art. 934 al. 1 bis CC est entré en vigueur le 1er juin 2005, en même temps que la LTBC. L’art. 33 LTBC dispose ce qui suit : « [la] présente loi n’est pas rétroactive. En particulier, elle ne s’applique pas aux acquisitions qui ont eu lieu avant son entrée en vigueur ». En raison du principe de non-rétroactivité, ce n’est donc que conformément à l’ancien droit que se jugent les acquisitions qui ont été complètement achevées avant le 1er juin 2005 ; partant, pour les acquititions antérieures, on doit appliquer le délai de cinq ans de l’art. 934 al. 1 CC » (CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 94).

281 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 33 et références citées.

282 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 38 et références citées.

principe pris le soin d’effacer la provenance de l’œuvre d’art ou le nom du propriétaire. De plus, souvent, les conditions et les circonstances des ventes n’étaient pas connues. Autant de raisons qui peuvent engendrer des difficultés de preuve.

Puis, si les conditions de l’action mobilière sont remplies au sens de l’article 934 alinéa 1 CC, il convient encore de préciser que l’article 934 alinéa 2 CC prévoit que dans certaines circonstances283, le demandeur peut obtenir la restitution de la chose uniquement s’il rembourse au défendeur le prix qu’il avait payé pour l’acquisition de celle-ci (Lösungsrecht). Ce droit au remboursement exige que l’acquéreur soit de bonne foi et ce, au moment de l’acquisition de la chose. La bonne foi étant bien sûr présumée au sens de l’article 3 alinéa 1 CC. En revanche, si le défendeur est de mauvaise foi, il n’a droit à aucun remboursement et se doit de restituer la chose en tout temps284. Cette possibilité de remboursement nous rappelle en partie l’Arrêté du Conseil fédéral du 10 décembre 1945 qui prévoyait une indemnisation versée par la Confédération à l’acquéreur de bonne foi qui était tenu à restitution.

B. Le possesseur de mauvaise foi et l’article 936 CC

Selon l’article 936 alinéa 1 CC : « [celui] qui n’a pas acquis de bonne foi la possession d’une chose mobilière peut être contraint en tout temps de la restituer au possesseur antérieur »285. Puis, au sens de l’alinéa 2 : « [lorsque] celui-ci n’est pas lui-même un acquéreur de bonne foi, il ne peut revendiquer la chose contre aucun possesseur subséquent »286.

Ainsi, cet article instaure une sorte de seconde action mobilière en plus de celle fondée sur l’article 934 CC. Il permet en effet au possesseur antérieur de revendiquer son bien lorsque le possesseur actuel de celui-ci était de mauvaise foi au moment où il l’a acquis287.

« Précisons que [l’article 936 alinéa 1 CC] règle la position de l’acquéreur de mauvaise foi par rapport au possesseur antérieur de bonne foi, tandis que [l’article 936 alinéa 2 CC] celle de l’acquéreur de mauvaise foi par rapport au possesseur antérieur de mauvaise foi »288.

1. Les conditions de l’action

Concernant les conditions personnelles, la qualité pour agir appartient à tout possesseur antérieur. Même si l’article 936 alinéa 2 CC restreint cette qualité au possesseur antérieur de bonne foi. Mais en réalité, étant donné que la bonne foi est présumée (art. 3 al. 1 CC), chaque possesseur antérieur peut intenter une action. C’est d’ailleurs au défendeur qu’il appartiendra de prouver que le demandeur n’était pas de bonne foi ou qu’il n’était pas en droit de l’invoquer (art. 3 al. 2 CC).

283 Le droit au remboursement est accordé si la chose a été acquise dans des enchères publiques, dans un marché ou auprès d’un marchand d’objets de même espèce.

284 CR CC II-PICHONNAZ, CC 934 N 39, N 40, N 41, N 41 et références citées. Cf. également développements de l’article 936 ci-dessous.

285 RS 210.

286 Ibid.

287 CR CC II-PICHONNAZ, CC 936 N 1 et référence citée.

288 Ibid., CC 936 N 2.

Quant à la qualitépour défendre, elle appartient au possesseur actuel qui a été de mauvaise foi au moment de l’acquisition de la chose289.

Deux conditions matérielles sont requises pour intenter l’action mobilière de l’article 936 CC.

Premièrement, la chose doit être un meuble (ou un animal) ayant été acquise de mauvaise foi par le défendeur. A cet égard, une personne est considérée être de mauvaise foi si elle savait que l’aliénateur n’était pas en droit de disposer de la chose ou si elle n’a pas prêté suffisamment d’attention aux circonstances. Précisons tout de même que la bonne foi doit seulement exister au moment de l’acquisition de la possession. Une quelconque mauvaise foi qui surviendrait par la suite ne nuit pas (mala fides superveniens non nocet). Puis, considérant que la bonne foi est présumée (art. 3 al. 1 CC), il appartiendra au demandeur de prouver que le défendeur était de mauvaise foi (art. 8 CC). Deuxièmement, le défendeur ne doit pas être en mesure d’opposer des exceptions290. Tout comme pour l’article 934 CC, le défendeur peut se prévaloir d’un droit préférable sur l’objet ou établir que le demandeur, tout comme lui, n’a pas de droit sur la chose en question. A ce sujet, nous renvoyons donc aux développements de l’article 934 CC291. Quant à la condition temporelle, l’action mobilière de l’article 936 CC n’est soumise à aucun délai puisque selon la loi, elle peut être intentée en « tout temps »292.

2. Les conséquences de l’action

La principale conséquence qui découle de l’article 936 CC n’est autre que la restitution de la chose litigieuse. Puis, de façon exceptionnelle, le simple droit du demandeur pourra être constaté293. « La restitution a lieu conformément à [l’article 940 CC], ce qui implique que, si le possesseur actuel se trouve dans l’impossibilité de rendre l’objet, il doit indemniser le demandeur. En revanche, contrairement à [l’article 934 alinéa 2 CC], le défendeur n’a pas la possibilité de se faire rembourser le prix d’acquisition de la chose. Enfin, contrairement à l’action de [l’article 934 CC], l’écoulement du temps n’a pas d’influence sur l’action

« mobilière » de [l’article 936 CC]. Cette dernière est imprescriptible »294.

En résumé, le Code civil accorde à chaque propriétaire légitime le droit de revendiquer son bien contre quiconque le priverait de sa propriété. Toutefois, le possesseur d’une œuvre d’art spoliée l’ayant acquis de bonne foi soit par le biais d’une transaction juridique (art. 714 al. 2 CC et art.

934 CC) soit par prescription acquisitive (art. 728 CC) peut en devenir propriétaire et ne pas avoir à s’en dessaisir. Cette protection définitive de l’acquéreur de bonne foi rend la restitution de la chose presque impossible. Seul le possesseur de mauvaise foi est tenu de la restituer, en tout temps, au propriétaire légitime (art. 936 al. 1 CC)295. Ainsi, pour obtenir la restitution d’un bien culturel spolié, il s’agira toujours d’essayer de déterminer que le possesseur actuel n’est pas de bonne foi296.

289 Ibid., CC 936 N 4, N 6, 10.

290 Ibid., CC 936 N 13, N 14, N 15, N 17, N 18, N 20 et références citées.

291 Ibid., CC 936 N 23 et références citées.

292 RS 210 ; CR CC II-PICHONNAZ, CC 936 N 3 et référence citée.

293 CR CC II-PICHONNAZ, CC 936 N 32 et référence citée.

294 Ibid., CC 936 N 33, N 34 et références citées.

295 RASCHÈR,p. 231 et références citées.

296 RENOLD, p. 14.

C. Les critiques du droit civil suisse actuel

Au vu de l’analyse juridique qui précède, plusieurs remarques et critiques peuvent être formulées. En prenant en considération la longue période qui s’est écoulée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le délai de prescription extrêmement court de 5 ans après lequel une acquisition de bonne foi est possible est l’un des obstacles majeurs à la restitution d’œuvres d’art pillées par les nazis. En effet, aujourd’hui et dans la majorité des cas, une personne juive spoliée ou ses héritiers ne sont plus considérés comme étant les propriétaires légitimes de leurs biens en droit suisse. Et ce, pour autant que le nouvel acquéreur ait été de bonne foi.

A cet égard précisément, le droit suisse ne favorise pas non plus les intérêts des propriétaires spoliés puisqu’en cas de doute, la bonne foi de l’acquéreur est présumée. Pratiquement, la plupart des propriétaires actuels sont considérés être de bonne foi car la sensibilisation du public quant à la provenance d’une œuvre d’art lors de son acquisition n’est que relativement récente.

Les acquéreurs privés ayant acheté des biens culturels spoliés affirment donc souvent ne pas en avoir eu conscience. Et même s’ils en connaissent l’origine douteuse, ce qui était le cas de Theodor Fischer et d’Emil Bührle notamment, la bonne foi est malgré tout souvent admise par le Tribunal fédéral.

L’établissement du titre de propriété est bien sûr une autre difficulté que rencontrent les demandeurs lorsqu’ils intentent une action mobilière en vue de la restitution de leurs biens. En

L’établissement du titre de propriété est bien sûr une autre difficulté que rencontrent les demandeurs lorsqu’ils intentent une action mobilière en vue de la restitution de leurs biens. En