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Chapitre 1 : Photovoltaïque organique : problématiques et axes d’amélioration

4. Caractérisation à l’échelle nanométrique des couches actives

4.2 Spectroscopie Raman

4.2.1 Présentation de la spectroscopie Raman

La spectroscopie Raman est une technique, découverte par C. V. Râman en 1928, qui permet d’étudier les modes de vibration des liaisons chimiques des molécules. Le principe de la spectroscopie Raman est décrit en annexe.

Cette technique associée, aux calculs par DFT des modes de vibrations de la molécule actifs en spectroscopie Raman, peut fournir des informations fondamentales sur la relation structure-propriété des matériaux. Les études en spectroscopie Raman sur les semi- conducteurs organiques sont en général réalisées dans des conditions hors résonance (les molécules sont excitées par une énergie incidente plus faible que leur bande interdite optique) pour éviter d’induire le phénomène de fluorescence qui pourrait masquer certains pics. La spectroscopie Raman en résonance (les molécules sont excitées à une longueur d’onde correspondant à une de ses transitions électroniques) conduit à une augmentation de l’intensité du signal Raman ainsi qu’à une diminution de la profondeur sondée liée à l’augmentation de l’absorption. Un faible signal Raman peut ainsi être amélioré.

Les défauts structuraux et le désordre vont modifier le spectre Raman d’un matériau. Ainsi, en analysant les pics, associées aux modes de vibration, composants le spectre Raman, il est possible d’obtenir des informations concernant :

i. Leur position, qui dépend de la vibration propre ainsi que des interactions avec l’environnement.

ii. Leur largeur prise à mi-hauteur (« full width at half maximum » ou FWHM) qui est reliée au degré d’organisation de la structure du matériau. Plus il y a de défauts, plus ce paramètre augmente.

iii. Leur intensité qui est influencée par différents paramètres tels que le désordre, la concentration ainsi que la longueur d’excitation. L’intensité du signal Raman, étant proportionnelle à l’inverse de la longueur d’onde à la puissance quatre, plus la source d’excitation est énergétique, plus l’intensité est élevée. De plus, la résonance s’accompagne d’une augmentation de l’intensité et le désordre diminue l’intensité.

44 Ainsi la spectroscopie Raman permet d’étudier la présence de défauts ou désordre dans les matériaux, ce qui en fait un outil intéressant pour l’étude de l’ordre dans les films minces notamment pour l’étude de film de P3HT.

4.2.2 Cas particulier du P3HT

Selon la littérature, la spectroscopie Raman a largement été utilisée pour étudier le P3HT ou ses mélanges (notamment avec le PCBM) en fonction du procédé de fabrication. Dans le cas des mélanges P3HT-PCBM, le transfert de charge efficace entre ces matériaux permet une extinction de la fluorescence, permettant à la spectroscopie Raman en résonance d’être un excellent outil d’analyse.

Le cas particulier du P3HT est intéressant car dans ce cas, la spectroscopie Raman peut fournir des informations concernant la structure chimique du P3HT, le degré d’organisation des macromolécules en film mince ainsi que leur planéité. Il permet ainsi de mieux aborder le lien entre organisation et performances de cellules solaires à base de P3HT117,118,120. Pour de telles études, un certain nombre de paramètres sont à considérer, notamment, les modes de vibrations des liaisons du P3HT actifs en spectroscopie Raman qui sont résumés dans le Tableau 2.

Tableau 2 : les modes de vibrations du P3HT117

Fréquence de vibration

(cm-1) Mode de vibration

1445 Mode d’élongation symétrique des liaisons C=C des cycles 1381 Mode d’élongation intra-cycle des liaisons C-C 1208 Mode d’élongation inter-cycle des liaisons C-C

1180 Mode de déformation des liaisons C-H avec celle d’élongation inter-cycle C-C

728 Mode de déformation des liaisons C-S-C

Les deux modes principaux de vibration du squelette dans le plan sont le mode d’élongation intra-cycle des liaisons C-C (1381 cm-1) et le mode d’élongation symétrique des liaisons C=C des cycles (1445 cm-1). Ces deux modes qualifiés des modes de respirations du cycle

(RBM) sont les plus étudiés du fait de leur sensibilité à la délocalisation des électrons π (donc à la longueur de conjugaison) des chaînes de P3HT117.

Leurs intensités, positions et largeurs à mi-hauteur, ainsi que le rapport 𝐼𝐶−𝐶

𝐼𝐶=𝐶 sont les paramètres étudiés. Le rapport 𝐼𝐶−𝐶

𝐼𝐶=𝐶, est le rapport des aires des pics du mode C-C et du mode C=C. Il permet d’évaluer la planéité du P3HT en film. En effet, une augmentation du rapport

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𝐼𝐶−𝐶

𝐼𝐶=𝐶 est synonyme d’une augmentation de la densité d’électrons π dans les liaisons C-C résultant d’une meilleure planéité des chaînes de P3HT118. L’augmentation de la planéité

favorise l’empilement π-π des chaînes du polymère et donc améliore l’ordre moléculaire117,118.

W. C. Tsoi et al.117 se sont intéressés à l’influence de l’organisation des chaînes de P3HT sur

les spectres enregistrés en spectroscopie Raman. Ils ont étudié des films de P3HT-RR et - RRa, ainsi que des mélanges de P3HT-RR avec du PCBM (avant et après recuit). L’étude des spectres Raman de ces films (cf. Tableau 3) ainsi que la modélisation des spectres apportent une corrélation entre les spectres Raman du P3HT et son organisation en film mince (longueur de conjugaison, ordre, conformation de chaînes). La position du mode d’élongation intra-cycles des liaisons C-C (pic à 1381 cm-1) n’est pas sensible au degré d’ordre moléculaire ainsi qu’à la longueur d’excitation, ainsi seule la position du pic du mode d’élongation symétrique des liaisons C=C est étudiée.

Tableau 3 : résumé des positions et FWHM du mode de vibration C=C et du rapport Ic-c/Ic=c pour des films de P3HT-RRa, P3HT-RR, (P3HT-RR)-PCBM, et (P3HT-RR)-PCBM ayant subi un recuit thermique (140°C pendant 30 minutes) pour les longueurs d’excitation 785 nm (hors résonance) et 514 nm (en résonance) en spectroscopie Raman117

P3HT-RRa P3HT-RR (P3HT-RR)-PCBM (P3HT-RR)-PCBM recuit Longueur d'excitation

Raman 785 nm 514 nm 785 nm 514 nm 785 nm 514 nm 785 nm 514 nm Position du pic du mode

d'élongation symétrique

des liaisons C=C (cm-1) 1446 1465 1446 1450 1446 1455 1446 1449 FWHM du pic (cm-1) 109 39 32 31 39 39 26 32

Rapport Ic-c/c=c ~0,10 ~0,14 ~0,13 ~0,14

Ainsi, en comparant les résultats obtenus avec ces différents films de P3HT et les mélanges de P3HT-PCBM (cf. Tableau 3), on peut observer:

 Une réduction de la largeur à mi-hauteur qui est significative d’une amélioration de l’ordre dans le film121. Comme cela est observable entre le P3HT ordonné (RR) et

désordonné (Ra), ainsi que par l’effet du recuit sur les mélanges (P3HT-RR)-PCBM.

 Hors résonance, la position du pic du mode C=C est insensible à l’ordre122.

 Dans des conditions de Raman résonant, un décalage de la position du mode C=C vers de plus bas nombres d’onde est représentatif d’une amélioration de l’ordre (augmentation de la longueur de conjugaison notamment).

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 Une augmentation du rapport 𝐼𝐶−𝐶

𝐼𝐶=𝐶 entre le P3HT-RRa, et le P3HT-RR où les chaînes de P3HT sont les mieux organisées.

La spectroscopie Raman permet donc une analyse qualitative de l’organisation du P3HT en film mince.