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Chapitre 1 : Photovoltaïque organique : problématiques et axes d’amélioration

3. Voies explorées pour améliorer les performances photovoltaïques

3.3 Contrôle de la morphologie des couches actives

La morphologie de la couche active joue un rôle primordial dans le transport des charges. Au sein des domaines D-A, la mobilité des porteurs de charge doit être suffisamment élevée (de l’ordre de 10-4-10-3 cm2V-1s-1) et équilibrée (similaire pour les électrons et les trous). Or, la

plupart des polymères, de par leur caractère amorphe, présentent une mobilité souvent inférieure à 10-4 cm2V-1s-1. De plus, dans la pratique, les hétérojonctions en volume

n’engendrent pas une séparation de phase contrôlée. Il est cependant nécessaire de maîtriser l’organisation intermoléculaire au sein des nanodomaines, la taille de ces derniers et leur percolation dans les BHJs.

Pour cela, il existe de nombreuses méthodes telles que les recuits thermiques, l’exposition aux vapeurs de solvant, l’ajout d’additifs ou l’utilisation de cristaux liquides pour ordonner les matériaux dans les BHJs.

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3.3.1 Méthodes physico-chimiques

Pour améliorer la morphologie de la couche active (organisation des molécules et taille des nanodomaines), les traitements post-dépôt, tels que les recuits thermiques ou l’exposition à des vapeurs de solvant, sont parmi les techniques les plus utilisées.

En effet, les dépôts à la tournette produisent généralement des mélanges intimes dans lesquels les molécules ne sont pas organisées. Les traitements post-dépôt permettent une meilleure ségrégation de phases entre les matériaux. Dans le cas des polymères, de nombreux paramètres sont à prendre en compte, tels que la régiorégularité, la masse moléculaire, le solvant utilisé, la composition du mélange D-A, la vitesse de montée en température du recuit thermique ainsi que la vitesse du refroidissement32. Dans le cas du système P3HT-PC61BM,

les recuits thermiques avant et après le dépôt de la cathode permettent une amélioration des performances photovoltaïques du système99.

Ces méthodes physico-chimiques sont relativement simples à mettre en place mais coûteuses en énergie pour une éventuelle industrialisation. C’est pourquoi d’autres solutions sont proposées telles que l’agrégation des matériaux avant dépôt de la couche active31,

l’optimisation de la concentration en D et A dans les mélanges100, l’utilisation de solvants, co-

solvants et tensioactifs (additifs).

3.3.2 Utilisation des cristaux liquides

Le transport de charges est fortement lié à la structure chimique du matériau. Par exemple, la planéité des molécules engendre une meilleure délocalisation intra-chaîne des électrons et favorise les interactions inter-chaînes. Pour rendre une molécule plus plane, il existe plusieurs solutions, comme diminuer les torsions entre deux unités conjuguées en jouant sur la nature et la position des groupements latéraux, ou introduire des motifs plans. Il existe également des matériaux conjugués de type cristaux liquides (CL) qui peuvent présenter des structures ordonnées101 et par conséquent de bonnes propriétés de transport de charges.

3.3.2.1 Généralités sur les cristaux liquides

Les CLs constituent un état de la matière possédant un degré d’organisation intermédiaire entre l’état liquide isotrope (aucun ordre à longue portée), et l’état cristallin (très ordonné) 102. Le terme mésophase est utilisé pour désigner une phase intermédiaire entre la phase solide et la phase liquide isotrope.

38 Les CLs peuvent être classés en fonction de la condition d’apparition des mésophases. Lorsque celles-ci apparaissent sous l’effet d’une variation de sa concentration dans un solvant donné, il s’agit d’un CL lyotrope. Lorsqu’elles apparaissent sous l’effet d’une variation de température, le CL est qualifié de thermotrope. L’apparition de ces mésophases peut se faire de façon réversible, en chauffant ou refroidissant, elles sont alors qualifiées de phases énantiotropes. Les phases métastables qui n’apparaissent qu’au refroidissement sont qualifiées phases monotropes.

Les mésophases ont pour origine le caractère anisotrope des molécules qui les composent. Ces molécules anisotropes peuvent être décrites par leurs formes géométriques. Les plus couramment rencontrées sont les formes de bâtonnets (calamitiques) et de disques (discotiques). L’auto-organisation de ces molécules dans les phases cristallines liquides provient de l’anisotropie des forces intermoléculaires (forces dispersives ou stériques) entre ces molécules. Les CLs sont en majorité composés de deux parties distinctes : un cœur rigide, le plus souvent aromatique, substitué par une ou plusieurs chaînes aliphatiques flexibles. Le cœur aromatique permet l’introduction de l’anisotropie géométrique, son incompatibilité chimique avec les chaînes aliphatiques apporte le caractère CL. Les mésophases présentent un ordre d’orientation à longue portée, mais conservent un ordre de type liquide dans une direction spatiale au moins. De ce fait, elles possèdent des propriétés anisotropes (optiques, diélectriques, magnétiques…).

Les cristaux liquides calamitiques présentent différentes phases classées selon leurs symétries (cf. Figure 21)103,104 :

 La phase liquide isotrope.

 La phase nématique, où les molécules sont alignées les unes par rapport aux autres selon une direction définie (directeur n) mais ne possèdent pas d’ordre de position. Il s’agit de la phase la moins organisée de toutes les phases CLs.

 La phase smectique, où au-delà de l’ordre d’orientation, il existe également un ordre de position puisque les molécules s’arrangent par couches (cf. Figure 21). On distingue notamment, la phase smectique A où le directeur est perpendiculaire au plan des couches et la phase smectique C où il existe un angle d’inclinaison entre le directeur et la normale au plan des couches.

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Figure 21 : principales mésophases des cristaux liquides calamitiques. L’orientation spatiale moyenne des molécules selon leur grand axe est appelée directeur n

Les molécules discotiques peuvent présenter des mésophases plus ou moins ordonnées dites colonnaires. Suivant la température ou la concentration, les molécules s’empilent pour former des colonnes. Cet empilement est favorisé par l’attraction entre les disques dû au recouvrement entre les orbitales π des cœurs aromatiques. Les colonnes peuvent s’organiser parallèlement entre elles pour former un réseau bidimensionnel hexagonal, rectangle ou oblique105 (cf. Figure 22). Les molécules discotiques peuvent également former des

mésophases nématiques discotiques dans lesquelles les disques s’organisent statistiquement selon une direction privilégiée sans former de colonne.

Figure 22 : représentation schématique d’un arrangement hexagonal, rectangulaire et oblique dans la phase colonnaire106

Les cristaux liquides présentent un intérêt tout particulier pour le transport de charges. Tout d’abord, le phénomène de micro-ségrégation qui s’observe dans ces matériaux, conduit à une superposition spontanée des parties aromatiques les unes sur les autres, donnant lieu à un recouvrement des orbitales. Ensuite, le caractère liquide confère aux CLs un effet auto-

40 réparateur de défauts de structure : les défauts peuvent se résorber sous l’effet de l’agitation thermique, ce qui n’est pas le cas pour les phases cristallines. Enfin, les phases cristallines liquides peuvent être orientées et organisées sur de longues distances, notamment par des techniques de traitements de surface ou de recuits thermiques.

Des propriétés de transport de charges remarquables ont été observées aussi bien dans les phases cristallines liquides de type colonnaires (CLC) que de type smectiques107. Par

exemple, des mobilités de trous de 10-3 à 10-1 cm²V-1s-1 ont été mesurées dans des phases CLs de type colonnaires de dérivés de triphénylène108. Par ailleurs, des valeurs de longueurs de

diffusion des excitons dépassant 70 nm ont été mesurées dans des dérivés de triphénylène en phase CL colonnaire109.

Dans les phases colonnaires, la mobilité des charges s’effectue essentiellement le long de l’axe des colonnes, tandis que dans les phases smectiques le transport de charges s’effectue dans le plan des couches. Quelle que soit la phase cristalline liquide, la forte anisotropie de mobilité des charges nécessite une orientation des molécules à grande échelle (colonnes ou couches smectiques perpendiculaires aux électrodes).

Les cristaux liquides semi-conducteurs suscitent beaucoup d’intérêt puisqu’ils présentent un grand potentiel pour des applications en électronique organique.

3.3.2.2 Applications des cristaux liquides à l’OPV

Les cristaux liquides peuvent être utilisés comme additifs dans les cellules OPV pour améliorer l’organisation des couches actives et par conséquent la mobilité des porteurs de charges110-113.

Afin de profiter de ces propriétés d’ordre structural, et de favoriser la création de nanodomaines présentant une bonne mobilité de charge, il est possible d’utiliser les cristaux liquides non pas comme additifs mais comme matériaux actifs de la cellule.

Il existe plusieurs exemples dans la littérature citant l’usage de cristaux liquides colonnaires en OPV, en structure BHJ ou en bicouche: un dérivé de l’hexabenzocoronène avec un dérivé du pérylène114, des porphyrines associée au C60115, et un dérivé de décacyclène associé au

polymère MEH-PPV116. Cependant, la plupart des dispositifs montrent des performances modestes avec des PCE inférieurs à 1 %.

Récemment, K. Sun et al.41, ont synthétisé une petite molécule donneuse, le benzodithiophène terthiophène rhodanine (BTR) évoquée précédemment (cf. Figure 18) présentant un

41 comportement cristal liquide nématique qui, associée au PC71BM, mène à un rendement de

conversion de 9,3 % (cf. Tableau 1).

Ces études présentent l’impact de la modification des molécules sur le rendement de conversion de la cellule et ses paramètres, cependant l’influence du caractère cristal liquide sur l’organisation des molécules à l’échelle nanométrique au sein de la couche active n’est que très rarement développé. Pour mieux comprendre et améliorer la morphologie des couches actives et permettre ainsi l’amélioration des rendements de conversion des cellules photovoltaïques organiques, il est nécessaire de disposer de méthodes de caractérisation à l’échelle nanométrique.