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Spectroscopie d’absorption x et champ magnétique intense

Dans le document Diffraction et Champ Magnétique Intense (Page 85-93)

4.2 Perspectives et projets

4.2.4 Spectroscopie d’absorption x et champ magnétique intense

rayons x (XMCD) permettent de sonder sélectivement la valence et le magnétisme des atomes absorbeurs (moment de spin et moment orbital), donnant ainsi accès à la nature microscopique des transitions magnétiques. Combinées avec des champs magnétiques pulsés intenses, ces techniques offrent l’opportunité d’étendre ces études à une grande variété de composés dont les échelles d’énergie caractéristiques sont de l’ordre de plu-sieurs dizaines de Tesla, comme notamment dans le cas des transitions métamagnétiques des systèmes à électrons fortement corrélés.

Bien que non présentées dans ce manuscrit, de nombreuses expériences de XAS et XMCD en champs magnétiques pulsés ont été réalisées de 2016 à 2018 sur la ligne dispersive en énergie ID24 de l’ESRF, en collaboration avec Olivier Mathon, Sakura Pascarelli, Peter van der Linden (ESRF) et Cornelius Strohm (DESY, Hambourg). La ligne dispersive en énergie ID24 de l’ESRF [170] est particulièrement bien adaptée aux expériences de champs pulsés [41,27] (fig.4.5). En effet, la dispersion en énergie permet la mesure d’un spectre d’absorption complet en énergie pendant des temps très courts.

Combinée au système de détection de type CCD FreLoN (Fast Readout Low

Noise)-Figure 4.5: Schéma de principe d’une expérience de spectroscopie d’absorption des rayons x (XAS et XMCD) en champ magnétique pulsé installée sur la ligne dispersive ID24 à l’ESRF

Hamamatsu permettant des acquisitions multiples, elle donne la possibilité d’exploiter la durée totale de l’impulsion de champ magnétique et de suivre les changements dans les spectres d’absorption aux différentes valeurs de champ, les spectres complets en énergie et la dépendance en champ étant mesurés simultanément plutôt que point par point [62,46].

Utilisant un dispositif de champs magnétiques pulsés transportable développé antérieurement par le LNCMI-Toulouse [26, 38], les expériences réalisées ont permis d’aborder des problématiques variées comme l’étude des ordres de charges dans les cu-prates supraconducteurs, la séparation des contributions magnétiques dans les composés ferrimagnétiques intermétalliques RFe5Al7 (R=Er, Tm), ou encore la compréhension du rôle des sous-réseaux magnétiques de Mn et de Pr dans l’émergence d’un état ferroélectrique induit sous champ dans le système multiferroïque PrMn2O5. La diversité des systèmes étudiés montre toutes les possibilités offertes par le dispositif développé.

En collaboration avec des utilisateurs extérieurs au LNCMI, ces différents projets ont permis des avancées importantes dans le développement des analyses de données XAS et XMCD en champs pulsés, ces expériences générant une grande quantité de données.

L’arrêt de l’ESRF en 2018 et pendant toute l’année 2019 pour modernisation de la source m’a permis de m’investir plus largement dans ce travail. Les articles illustrant les nombreux résultats obtenus sont en cours de rédaction. Leur publication devrait permettre une plus grande visibilité des expériences de XAS et XMCD en champs pulsés et permettre d’envisager les évolutions futures de l’expérience (champ magnétique par exemple jusqu’à 40 ou 50 T), tout en maintenant le dispositif actuel existant pour les expériences jusqu’à 30 T.

En collaboration avec Cornélius Strohm (DESY, Hambourg) et Olivier Mathon (ID24, ESRF), nous avons également le projet de développer les mesures de spectro-scopie (XAS et XMCD) sous conditions extrêmes multiples de champs magnétiques in-tenses (jusqu’à 30 T), hautes pressions (jusqu’à 10 GPa) et basses températures (jusqu’à

2 K). Le challenge est grand du fait de la difficulté de générer de fortes pressions dans un environnement de champ magnétique pulsé intense, et du fait des difficultés d’adapter les mesures de spectroscopie d’absorption x sous hautes pressions aux contraintes du champ magnétique pulsé. A cela s’ajoute la complexité d’un environnement cryogénique permettant de faire varier la température de l’ambiante à 2 K, indispensable à l’étude des phénomènes critiques quantiques dans les systèmes à électrons fortement corrélés.

Les premières expériences préliminaires ont été réalisées au cours de l’année 2018.

La bobine solénoïde de 30 T, champ horizontal, fabriquée par le LNCMI pour les mesures de diffusion des rayons x convient particulièrement bien à ce type de développe-ment. En effet, alors que la plupart des mesures XAS et XMCD sous champs magnétiques pulsés intenses ont été développées [42, 43, 41, 27, 62] avec des bobines miniatures de courtes durées d’impulsion (de 1 à 10 ms), la bobine construite par le LNCMI fournit une durée d’impulsion plus longue (de l’ordre de 25 ms avec un temps de montée de 10 ms) dans un diamètre de trou plus large, permettant d’étendre son domaine d’application.

En effet, sa longue durée d’impulsion conduit à une plus grande efficacité de mesure, permettant la détection de plus petits signaux, et réduit les échauffements par courants de Foucault, rendant possible l’étude à basse température d’échantillons conducteurs, comme les matériaux à fermions lourds. Le diamètre plus large du trou de la bobine permet, quant à lui, l’insertion d’un cryostat échantillon à flux d’4He et offre un espace suffisant pour accueillir une cellule de pression miniature. Le cryostat à4He, associé à cette bobine et conçu par l’ESRF, permet de compenser la charge thermique du faisceau synchrotron et de refroidir l’échantillon jusqu’à des températures de l’ordre de 2 K par convection forcée.

Figure 4.6: Cellule haute pression miniature (prototype en PEEK). (a) corps, (b) bouchon gauche, (c) bouchon droit, (d) de gauche à droite : gaine de centrage, enclume de diamant, joint composite, enclume de diamant, gaine de centrage.

Pour les premières expériences, une cellule miniature à enclumes de diamant répon-dant aux contraintes de dimensionnement imposées par la bobine et le cryostat a été développée (fig.4.6). Pour éviter les échauffements par les courants induits générés par les champs pulsés dans les matériaux conducteurs, cette cellule a été fabriquée dans un

matériau thermoplastique, le PEEK, qui est un plastique de haute performance, non conducteur, résistant aux rayons x, bien connu pour ses propriétés d’usinage et pour sa résistance élevée à la traction de 90-100 MPa.

S’inspirant des cellules de pression en plastique avec joint composite isolant dévelop-pées à Los Alamos pour les mesures de résistivité en champs magnétiques pulsés [171], il a ainsi été possible de miniaturiser la cellule à un diamètre extérieur de 10 mm, pouvant s’intégrer dans le cryostat de la bobine, tout en gardant la possibilité de générer une pression élevée en se basant sur le principe de fonctionnement des tendeurs de câble.

Une fois les diamants en contact il est, en effet, possible d’ajuster la pression par les deux vis en faisant tourner le corps de la cellule, à condition d’avoir auparavant aligné convenablement les deux diamants. Un joint composite est également utilisé. L’espace échantillon de diamètre inférieur à 120µm doit pouvoir contenir l’échantillon à étudier, le liquide transmetteur de pression, ainsi qu’une bille de rubis, la fluorescence du rubis servant de jauge de pression. Les premiers tests de mesure en champs pulsés jusqu’à 30 T et sous une pression de 2 GPa ont été réalisés sur des échantillons monocristallins d’ErCo2 afin d’accéder à la contribution magnétique de chacun des sous-réseaux d’Er et de Co sous l’application simultanée d’un champ et d’une pression (figs. 4.7).

Figure 4.7: (a) Carte d’absorption de la zone échantillon dans la cellule de pression réalisée au seuil K du Co mettant en évidence l’échantillon, le rubis et le joint. (b) Premières données de mesures XMCD sous pression en champs magnétiques pulsés obtenues pour un échantillon monocristallin de ErCo2. Le signal XMCD résultent de la différence entre les spectres XAS mesurés en changeant la polarité du champ magnétique, correspondant à la mesure de 10 paires (+B,−B), la pression appliquée étant comprise entre 2 et 1 GPa. Seules les données mesurées autour du maximum de champ sont reportées.

Ces mesures se sont révélées très prometteuses mais ont aussi mis en évidence les limites de ce premier dispositif. Outre les faibles dimensions des différentes parties qui rendent l’ensemble des manipulations particulièrement délicates et qui justifient à elles seules la fabrication d’une deuxième cellule de pression, plusieurs difficultés ont été relevées. Ainsi la contamination des spectres d’absorption par des pics de diffraction de Bragg provenant des enclumes en diamant monocristallin est d’autant plus problé-matique que le diamètre limité de la bobine n’offre aucun degré de liberté permettant d’orienter les diamants par rapport au faisceau. Pour s’en affranchir, la cellule a été testée avec deux enclumes perforées en diamant monocristallin sur lesquelles ont été déposées de fines fenêtres (150µm) en diamant nano-polycristallin (NPD). Cette configuration s’est cependant montrée particulièrement difficile à préparer et appropriée seulement pour les basses pressions. Compte tenu de la forte intensité du faisceau délivrée par la ligne dispersive en énergie ID24 à l’ESRF, nous envisageons raisonnablement d’utiliser une enclume pleine en diamant NPD côté faisceau incident et d’utiliser uniquement du côté du faisceau transmis une enclume perforée doublée d’une fenêtre en diamant NPD (fig.4.8).

Figure4.8: (a) Schéma de la cellule. Nous envisageons d’utiliser une enclume pleine en diamant nano-polycristallin (NPD) côté faisceau incident et une enclume perforée côté faisceau transmis sur laquelle sera déposée une fine fenêtre en diamant NPD.(b) Forme des enclumes pleines en diamant NPD.

Une autre complexité réside dans l’alignement mutuel des enclumes dans la cel-lule miniature, absolument crucial pour générer de hautes pressions. L’utilisation de diamants à couronne cylindrique usinée au laser et parfaitement concentrique au cu-lot devrait permettre de dépasser cette difficulté. D’autre part, les différentes parties constituant la cellule doivent être parfaitement ajustées pour assurer les alignements latéraux et angulaires des diamants. C’est pourquoi, nous planifions de fabriquer une nouvelle cellule dans un matériau thermoplastique présentant une résistance à la traction encore plus élevée de 207 MPa, le Tecamax, d’usinage plus délicat que le PEEK, mais nous permettant d’espérer atteindre une pression de 10 GPa, dans un champ magnétique maximal de 30 T.

Par ailleurs, compte tenu des faibles dimensions de l’espace échantillon, un soin tout particulier devra être apporté à la préparation des échantillons monocristallins à mesurer (leur diamètre ne devra pas dépasser 100µm) : ils devront être amincis (par polissage ou mis en forme par FIB) à la bonne épaisseur (souvent inférieure à 15µm) pour des mesures en transmission, et les plus homogènes possible, afin de compenser les faibles déplacements de l’échantillon (de l’ordre de ±25µm en vertical, inférieur à 10µm en horizontal) dus aux vibrations induites par l’impulsion de champ magnétique. En plus des nouveaux développements proposés pour la cellule de pression, nous envisageons également de mettre en place sur la ligne ID24 un système optique PRL (Pressure by Ruby Luminescence) à longue distance focale permettant la mesure de la pression in situ (dans la bobine de champs pulsé) par fluorescence du rubis.

Ces développements ouvrent des perspectives uniques pour l’étude des matériaux à supraconductivité non-conventionnelle en conditions expérimentales extrêmes. Grâce à ce dispositif, il sera en particulier possible d’examiner le rôle des fluctuations de valence et des transitions de valence du premier ordre dans l’apparition de la supraconductivité non conventionnelle dans les systèmes à fermions lourds ou encore de sonder les pro-priétés magnétiques par des mesures de XMCD sous pression de différentes familles de composés multiferroïques.

De tels développements demandent toutefois des moyens financiers et humains com-plémentaires que j’espère pouvoir obtenir en répondant à différents appels à projet.

Par ailleurs, la reprise de ces expériences ne pourra avoir lieu qu’à partir de janvier 2022, la ligne ID24 profitant de l’arrêt prolongé de l’ESRF pour être profondément modifiée en ne conservant notamment qu’une seule branche dispersive. De plus, les modifications des spécificités de la source et les nouvelles caractéristiques de la ligne vont nous amener à consacrer plusieurs semaines pour tester et retrouver des conditions de mesure de XAS et XMCD en champs intenses au moins similaires à celles obtenues avant l’arrêt de l’ESRF fin 2018. Ces tests sont d’ores et déjà planifiés pour fin 2021 avant l’ouverture aux utilisateurs début 2022.

Conditions expérimentales pour la mesure de U(Ru 0.96 Rh 0.04 ) 2 Si 2

A.1 Bobine miniature 30 T

La figureA.1 présente une photo du dispositif miniature de champ pulsé développé par l’équipe du prof. Nojiri (IMR, Sendai, Japon) [57] et utilisé pour les mesures de l’échantillon de U(Ru0.96Rh0.04)2Si2 par diffraction des neutrons. Il comprend une mini-bobine produisant un champ maximum de 30 T, avec une durée d’impulsion de ∼6 ms et un temps de montée de ∼ 2.6 ms (fig. A.3) introduite dans un insert de cryostat permettant de maintenir la bobine dans un bain d’azote liquide. L’insert est lui-même monté dans un cryostat à flux d’hélium standard (« cryostat orange » ILL).

Figure A.1: Photo montrant l’extrémité de l’insert du cryostat, la bobine miniature 30 T (di-mensions : Øext = 43 mm, Øint = 9.4 mm,l = 33 mm), les pièces en acier inox (SUS), le tube porte-échantillon en saphir, ainsi que la boîte cylindrique et le cône en nitrure de bore (BN) permettant le maintien de l’échantillon et limitant la contamination des différentes parties. L’in-sert a été conçu de manière à pouvoir être introduit dans un cryostat à flux d’hélium standard (« cryostat orange » ILL).

FigureA.2: Vue 3D du porte-échantillon et de l’assem-blage des différentes pièces dans la bobine miniature, elle-même montée dans la partie basse de l’insert. A titre d’exemple, le passage du faisceau de neutron est matérialisé par les lignes en rouge. A l’intérieur de la bobine, les angles de diffusion 2θsont limités à 30.

Figure A.3: Profil temporel du champ magnétique pulsé produit par la bobine miniature 30 T.

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