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En conclusion

Dans le document Diffraction et Champ Magnétique Intense (Page 76-81)

Malgré la présence de la phase à ordre caché et les nombreuses similarités relevées entre les composés pur et substitué par 2% de Rh, l’ordre magnétique induit à fort champ n’est pas défini par le même vecteur de propagation. Ce résultat met en avant l’importance de l’effet du dopage sur la nature des structures magnétiques induites sous champs intenses dans les systèmes U(Ru1−xRhx)2Si2. En effet, la variation faible de la quantité de Rh semble conduire à un changement continu de la valeur du vecteur de propagation (fig. 3.30), le système développant une phase onde de densité de spin, probablement incommensurable, de vecteur d’onde k1=(0.6 0 0) dans URu2Si2, restant de type onde de densité de spin (tant que la phase à ordre caché existe) mais avec une modification progressive du vecteur d’onde incommensurable, passant à k3=(0.63 0 0) dans U(Ru0.98Rh0.02)2Si2 avant de se stabiliser finalement dans un état ordonné com-mensurable de vecteur de propagationk2=(2/3 0 0), la modulation devenant carrée avec l’augmentation du dopage en Rh pour les composés ne présentant pas d’ordre caché, tels

que les composés substitués par 4 et 8% de Rh. L’établissement d’une phase onde de densité de spin à fort champ dans les composés présentant une phase à ordre caché à plus bas champ met ainsi en évidence une compétition entre cette dernière et la phase magnétique commensurable.

Figure 3.30: Variation de la composante k du vecteur de propagation k=(k 0 0) en fonction de la concentrationxen Rh des phases magnétiques induites à fort champ dans les composés U(Ru1−xRhx)2Si2.

Bien que la substitution du Ru par le Rh corresponde à une pression chimique, l’effet du dopage en Rh est plus subtil qu’un simple effet de pression puisqu’il ajoute des électrons au système (augmentant le nombre de porteurs) modifiant la structure de bande. Ainsi, on peut voir la variation continue de la composante k du vecteur de propagation des phases magnétiques induites à fort champ comme une signature des changements progressifs avec le dopage en Rh de la structure de bande et de la surface de Fermi.

Par ailleurs, l’observation à fort champ d’un pic ferromagnétique dans les composés dopés à 2, 4 et 8% de Rh, contrairement au composé pur, met en évidence la conservation d’un comportement localisé des électrons 5f dans la phase paramagnétique polarisée en présence d’un faible dopage en Rh. L’intensité trop élevée de la raie ferromagnétique dans le composé à 8% de Rh attribuée à une diminution des effets d’extinction dans l’état paramagnétique polarisé est cependant en contradiction avec la diminution à fort champ de l’intensité du pic nucléaire (2 0 0) observée dans U(Ru0.98Rh0.02)2Si2 pour lequel une augmentation de l’extinction est proposée. Ces observations soulignent une fois de plus les différences de comportement des composés faiblement dopés (teneur en Rh x ≤3%) dans lesquels une phase à ordre caché est observée de ceux ne présentant pas de phase à ordre caché (x≥4%).

Bilan et perspectives

4.1 Quel bilan pour la diffraction en champs magnétiques pulsés ?

Les projets combinant diffraction et champ magnétique intense développés ces quinze dernières années sont sans aucun doute un succès. Ils ont permis la réalisation de progrès considérables, les nouveaux dispositifs offrant des performances sans cesse améliorées, repoussant les limites des mesures à fort champ, accroissant leur efficacité, tout en élar-gissant les accès angulaires, conduisant ainsi à de bien meilleures conditions expérimen-tales. Grâce à ces progrès, des expériences de diffraction des rayons x et des neutrons à basses températures jusqu’à 2 K sous champs magnétiques pulsés respectivement jusqu’à 30 et 40 T sont maintenant possibles.

Ces expériences restent malgré tout complexes et présentent encore un certain nombre de contraintes et limites qu’il ne faut pas ignorer :

Indissociables des champs pulsés, les échauffements par courants induits nécessitent de proscrire toutes parties métalliques à proximité de l’échantillon. Celles-ci sont rem-placées par des matériaux thermoplastiques comme le Torlon ou le PEEK, des résines du type fibres de verre/époxy ou encore du saphir, qui sont souvent moins faciles à usiner, et qui rendent la thermalisation des échantillons souvent plus difficile. Si de plus, les échantillons sont eux-mêmes métalliques, il faut alors user de différents stratagèmes pour que la section de l’échantillon perpendiculaire au champ soit la plus petite possible (échantillons de petites dimensions ou incisés par électro-érosion ou encore mis en forme par FIB) afin de réduire les boucles de courants. A cela peuvent également s’ajouter les échauffements par le faisceau, essentiellement dans le cas des rayons x.

Pour pallier à ces différentes sources d’échauffement, les dispositifs de champs pulsés requièrent un système cryogénique particulièrement performant dans un environnement contraint en ce qui concerne les matériaux autorisés et le dimensionnement, ne per-mettant pas actuellement de descendre en dessous de 2 K pour les mesures de diffraction.

Les vibrations résultantes des forces électromagnétiques générées par le champ pulsé constituent une autre limite dont il faut tenir compte pour rendre compatible les expériences de diffusion et les champs pulsés, notamment si on veut augmenter la valeur maximum du champ dans les dispositifs futurs. Si on peut les réduire, il reste difficile de s’en affranchir totalement, si ce n’est au dépens d’un abaissement de la résolution.

Les exemples présentés ont montré que la diffraction des rayons x, du fait de sa résolution plus élevée, y est beaucoup plus sensible que la diffraction des neutrons et ce d’autant plus que les échantillons sont généralement bien plus petits et plus homogènes

(conduisant à des largeurs à mi-hauteur plus fines). En plus des solutions mises en œuvre qui permettent déjà les mesures, des solutions d’écrantage supplémentaires et d’utilisation de mousses viscoélastiques sont d’autres pistes de travail pour minimiser ces vibrations.

La mesure à vecteur de diffusion fixe fait aussi partie des limites des mesures en champs pulsés. En effet, elle ne permet pas d’exclure complètement la présence dans l’échantillon d’effets magnétostrictifs qui peuvent être non négligeables sous l’applica-tion d’un fort champ magnétique, en plus des inévitables changements de structure magnétique. Cette contrainte peut donc conduire à une mauvaise interprétation de la diminution des intensités à fort champ.

Dans le cas du cryoaimant pour la diffraction des neutrons, elle s’accompagne égale-ment de l’impossibilité de tourner ou de changer d’échantillon à basse température.

Le cryoaimant doit en effet être réchauffé dans son ensemble pour accéder au doigt froid et au porte-échantillon à température et pression ambiante. L’évolution futur de ce cryoaimant doit ainsi intégrer en priorité la possibilité d’effectuer la rotation et le changement d’échantillon à basse température pour permettre plus de flexibilité dans les mesures.

Malgré ces contraintes et limites, des avancées considérables ont incontestablement été effectuées, une des plus importantes étant l’augmentation de l’efficacité des mesures grâce à la fois au refroidissement rapide des bobines et à la longue durée des impulsions.

Seulement une trentaine d’impulsions de champ à 40 T sont maintenant nécessaires en diffraction des neutrons pour acquérir une statistisque équivalente à celle obtenue auparavant en cumulant 100 à 200 impulsions de 30 T, ce qui permet d’enregistrer entre 2 à 4 fois plus de données.

En diffraction des rayons x, où une seule impulsion de champ magnétique suffit à mesurer des changements structuraux, d’énormes progrès ont également été accomplis dans l’acquisition des données qui a profité des avancées technologiques dans le domaine de la détection de ces deux dernières décennies. Pour rappel, le premier détecteur utilisé sur la ligne BM26 pour collecter des données de diffraction des rayons x par des poudres était un détecteur bidimensionnel (2D) à gaz, destiné initialement aux mesures de diffusion à petits angles. Utilisé pour ses possiblités d’acquisition en temps réel, avec la détection d’une image toutes les 5 ms, il présentait cependant le désavantage d’avoir une résolution enQ très limitée, la taille de ces pixels étant de l’ordre de 300µm. Nous sommes alors passés à des détecteurs de type plaque image MAR345, qui permettaient de bénéficier d’une meilleure résolution avec une dimension de 100µm entre deux pixels, au détriment cependant d’une acquisition temporelle. L’utilisation de ce type de détecteur nous a alors amené à développer un système permettant de synchroniser précisément l’impulsion du champ magnétique et l’acquisition des données pendant un temps de 3 à 5 ms autour du maximum du champ. Un pas supplémentaire a encore été fait ensuite, en même temps que se développait la diffraction par des monocristaux à fort champ, avec la généralisation dans les synchrotrons de détecteurs rapides 2D

à pixels qui présentent le double avantage de proposer des fréquences d’acquisition élevées (supérieures au kHz) et des tailles de pixels de l’ordre de 50µm. Ces détecteurs s’accordent parfaitement à la structure temporelle des champs magnétiques pulsés. Ils permettent des acquisitions sur toute le durée de l’impulsion donnant la possibilité de suivre les changements structuraux en fonction de la valeur du champ pendant une seule impulsion, et offrent également de bien meilleures résolutions.

Accompagnant ces changements, il ne faut pas oublier les nombreux développements de programmes de traitement de données sous Matlab et Python qui ont été nécessaires pour gérer et analyser la grande quantité de données générées par ces expériences. Ceux-ci sont d’ailleurs toujours en constante évolution.

Enfin, les dispositifs développés mais aussi les stratégies d’acquisition des données ont pu être transposés et adaptés à d’autres techniques de diffusion des rayons x comme les spectroscopies d’absorption x.

Ces développements ont également ouvert la voie à un groupe de travail dirigé par T. Herrmannsdörfer du Dresden High Magnetic Field Laboratory, Helmholtz-Zentrum Dresden Rossendorf (HLD-HZDR), au sein du consortium d’utilisateurs HiBEF (Helmholtz International Beamline for Extreme Fields at the HED instrument), pour l’implémentation des champs pulsés sur l’instrument HED (High Energy Density) du centre XFEL européen. Ce groupe de travail a mis en place le développement de trois bobines de champs pulsés s’inspirant fortement des bobines conçues par le LNCMI-Toulouse pour les mesures de diffusion des rayons x.

De même, le succès de la réalisation du projet MAGFINS a permis d’inclure un environnement de conditions extrêmes intégrant les champs intenses dans le projet de diffractomètre MAGiC (MAGnetIC single crystal diffractometer) proposé par un consortium Franco-Germano-Suisse pour la nouvelle source neutronique à spallation européenne European Spallation Source (ESS). Il est en effet prévu d’équiper à long terme cet instrument d’une installation de champs magnétiques pulsés qui devrait comprendre un générateur de 3 MJ et un cryoaimant de configuration similaire à celui développé dans le cadre de MAGFINS, mais pouvant atteindre des champs magnétiques de 60 T. Très bien accueilli par les comités notamment grâce à l’environnement de conditions extrêmes dont il devrait se doter dans le futur, le diffractomètre MAGiC est actuellement en cours de construction.

Enfin, grâce à ces projets, des collaborations entre des communautés qui n’avaient que très peu d’interaction ont vu le jour permettant d’accomplir des développements techniques nouveaux qui ont grandement bénéficié de la complémentarité des différents partenaires. D’autres modifications pour optimiser et diversifier les applications des dispositifs développés nécessitent des investissements supplémentaires que l’on ne peut que souhaiter. En effet, de telles évolutions permettraient de poursuivre le dialogue et l’enrichissement mutuel entre les communautés des champs magnétiques intenses, des rayons x et des neutrons.

Pour finir, le succès de ces projets doit beaucoup à l’investissement et au soutien, tout au long de ces quinze années, d’un certain nombre de personnes clés, sans qui, tous ces développements n’auraient pu exister.

Dans le document Diffraction et Champ Magnétique Intense (Page 76-81)