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3.4 Comparaison avec la mésorhéologie acoustique

4.1.1 Spécificités des milieux granulaires

4.1.3 Écoulements de milieux granulaires . . . 122 4.1.4 Vibrations, acoustique et milieux granulaires . . . 129

4.2 Dispositif expérimental . . . 133

4.2.1 Description de l’expérience . . . 133 4.2.2 Excitation acoustique . . . 134 4.2.3 Premières observations expérimentales . . . 137

4.3 Principe des simulations numériques . . . 140

4.3.1 Dynamique moléculaire . . . 140 4.3.2 Interactions entre grains . . . 142 4.3.3 Modélisation de l’expérience . . . 143 4.3.4 Résultats des simulations . . . 147

4.4 Caractéristiques de la fluidification . . . 148

4.4.1 Intermittence . . . 149 4.4.2 Hystérèse . . . 156 4.4.3 Intermittence et hystérèse dans les lits fluidifiés . . . 158

4.5 Modèle heuristique . . . 159

4.5.1 Description et justification du modèle . . . 159 4.5.2 Observations . . . 160 4.5.3 Effet des différents paramètres . . . 162

4.6 Perspectives et bilan . . . 165

4.6.2 Autres types d’excitations acoustiques . . . 165 4.6.3 Effet des interactions entre grains . . . 167 4.6.4 Réponse mécanique locale d’un empilement bloqué . . . 168 4.6.5 Résumé du chapitre . . . 169

Dans le chapitre 3, nous avons vu qu’il était possible de mettre en mouvement une bille unique grâce à la pression de radiation acoustique. Nous souhaitons mainte-nant étudier l’effet de la pression de radiation sur une assemblée de billes immergées dans de l’eau, c’est-à-dire sur un empilement granulaire saturé. Après une présentation générale des milieux granulaires, nous décrivons l’expérience effectuée et les résultats obtenus. Nous menons en outre des simulations numériques permettant de reproduire nos observations et proposons un modèle simple pour les expliquer.

Les résultats de ce chapitre ont été publiés dans Soft Matter [Lidon16a].

4.1 Généralités sur les matériaux granulaires

Dans ce paragraphe, nous passons en revue certaines caractéristiques des milieux granulaires, mais on trouvera une description nettement plus exhaustive dans les mul-tiples ouvrages et revues qui leur sont consacrés [Jaeger92, Guyon94, Jaeger96, An-dreotti11].

4.1.1 Spécificités des milieux granulaires

Définitions et difficultés

On appelle milieu granulaire un matériau formé d’un grand nombre de particules solides et rigides, de taille typiquement supérieure à la centaine de micromètres. Pour des particules de taille inférieure, mais restant supérieure au micromètre, on entre dans le domaine des poudres dans lequel les interactions électrostatiques de Van der Waals tiennent un rôle prépondérant. Enfin, pour des tailles encore inférieures, l’agitation thermique devient importante et l’on parle de colloïdes.

Sable, piles de médicaments, tas de riz, ceintures d’astéroïdes, etc. : les matériaux granulaires sont extrêmement divers, en taille et en forme, et omniprésents autour de nous, que ce soit dans la nature ou dans l’industrie. Ils forment, comme nous allons le voir, une catégorie très particulière de matériaux mous, dont l’étude est très active depuis quelques décennies.

D’un point de vue fondamental, la taille caractéristique importante des grains in-troduit deux sources de difficultés pour décrire la physique des matériaux granulaires. Tout d’abord, il devient parfois difficile de véritablement distinguer les échelle méso-scopiques et macroméso-scopiques : les milieux granulaires portent bien leur nom, puisque leur granularité a une influence cruciale sur leur comportement. Leur description en termes de milieu continu peut donc s’avérer discutable.

D’autre part, comme nous l’avons dit, les matériaux granulaires ne sont pas sensibles à l’agitation thermique, du fait de la taille conséquente de leur structure mésoscopique. Pour donner un ordre de grandeur, évaluons la taille typique ` du mouvement induit par l’agitation thermique pour un grain de sable, de masse volumique ρ = 2500 kg · m−3, de diamètre d = 100 µm dans le champ de pesanteur ~g : en égalant énergie de pesanteur et énergie thermique, nous avons ρd3g`∼ kBT et nous obtenons à température ambiante

` ∼ 4 × 10−14m, distance tout à fait négligeable devant toutes les tailles pertinentes. La température peut certes induire un mouvement des grains via des effets de dila-tation des grains [Divoux08, Percier13b, Blanc13] par exemple, mais toujours de façon

indirecte : l’agitation thermique, elle, ne joue aucun rôle. La dynamique du système est entièrement déterminée par les interactions entre les grains et par leur configuration spatiale : dès lors, malgré le grand nombre d’éléments, il n’est pas possible d’appliquer directement une approche de physique statistique standard.

Notons toutefois qu’Edwards a proposé une adaptation de la physique statistique au cas des milieux granulaires, en remplaçant l’énergie interne par le volume occupé par l’empilement permettant de reproduire de nombreuses observations expérimentales [Edwards89].

Interactions

Les interactions entre grains sont de natures multiples [Andreotti11]. Pour des mi-lieux granulaires secs, elles sont dominées par les forces de contact.

Les grains ne sont, en pratique, pas infiniment rigides et peuvent se déformer lors de chocs, ce qui se traduit par l’apparition d’une force répulsive ~fn normale à la surface de contact entre les grains. Pour deux grains sphériques de rayon R, l’élasticité linéaire permet de relier l’intensité de cette force à l’interpénétration δ entre les grains via la loi de Hertz

fn = E√2R

3(1 − ν2)δ3/2 (4.1) où E désigne le module d’Young des grains et ν leur coefficient de Poisson. On constate que cette force est non linéaire, ce qui s’avère une source de complexité pour la des-cription analytique. En outre, lors d’un choc, une partie de l’énergie est dissipée sous diverses formes : déformation plastique des grains, rayonnement d’ondes, échauffement local, etc. Ces phénomènes dissipatifs rendent les chocs inélastiques, et peuvent se dé-crire empiriquement par l’introduction d’un coefficient de restitution e = v(t+)/v(t) compris entre 0 et 1 : il s’agit du rapport entre la vitesse relative v(t+) entre deux grains après le choc et avant le choc v(t). Plus e est petit, plus la dissipation est importante. Par ailleurs, une force de contact tangentielle ~ft existe à cause de la présence de frottements. Elle peut être décrite par la loi de Coulomb : si l’on note ~vg = vg~tla vitesse de glissement entre les deux grains, nous avons

( f~t = −µdfn~t si vg 6= 0

k ~ftk ≤ µsk ~fnk si vg = 0 (4.2) où µs et µd sont respectivement les coefficients de frottement statique et dynamique du matériau. A priori, ces deux coefficients sont différents ce qui est à l’origine de phénomènes d’hystérèse et de l’instabilité de collé-glissé (stick-slip). Cette force est également dissipative. Nous constatons que dans le cas statique, pour lequel la vitesse de glissement est nulle, la force tangentielle n’est pas déterminée de façon univoque par la loi de Coulomb : elle dépend de l’histoire du contact. Cet effet mémoire engendre une difficulté supplémentaire pour décrire théoriquement les milieux granulaires, et il implique de prendre des précautions sur la préparation du système pour parvenir à des résultats reproductibles dans les expériences et dans les simulations numériques.

La spécificité des systèmes granulaires au sein des matériaux mous tient en grande partie à leur forte dissipation d’énergie, du fait des collisions inélastiques et des frotte-ments solides que nous venons d’évoquer. Les interactions de contact décrites ici sont

délicates à prendre en compte dans les simulations : nous en décrirons une modélisation simple dans le paragraphe 4.3.2.

Pour des grains de petite taille, à la limite du domaine des poudres, des effets électrostatiques peuvent se faire sentir : en effet, les grains peuvent porter une charge surfacique, susceptible d’évoluer au cours des collisions par triboélectricité [Waitukai-tis14]. Ces forces donnent une cohésion aux matériaux granulaires et peuvent avoir des conséquences significatives sur leur comportement, comme la formation d’agré-gats [Royer11,Waitukaitis11,Lee15]. De tels effets d’adhésion électrostatique sont très sensibles à la rugosité des grains.

Dans les matériaux granulaires humides, des ponts d’eau liquide peuvent se former entre les grains. Cet effet se produit même pour des humidités relatives modérées, à cause du phénomène de condensation capillaire : pour des surfaces mouillantes, de l’eau liquide peut condenser entre des grains suffisamment proches, y compris pour des pressions partielles en eau inférieures à la pression de vapeur saturante [Bocquet98]. Les ponts capillaires ainsi créés forment une nouvelle source de cohésion du milieu granulaire.

Enfin, dans les milieux saturés, un couplage entre grains apparaît, induit par les écoulements du fluide dus aux mouvements des grains. Il faut alors tenir compte de ces interactions hydrodynamiques : les systèmes obtenus sont désignés sous le terme de suspensions. On opposera les suspensions non-browniennes, pour lesquelles les grains sont suffisamment gros pour pouvoir négliger l’agitation thermique, aux suspensions colloïdales pour de plus petits grains.

Gaz, solide, ou liquide ?

Les matériaux granulaires sont un excellent exemple de la diversité de comportement des matériaux mous : ils peuvent en effet présenter des caractéristiques solides, liquides ou gazeuses selon les situations, comme nous le voyons sur la figure 4.1 [Andreotti11, Jaeger96].

(a) Dune du Pyla un jour de grand vent : les grains emportés par le vent se comportent comme un gaz, ceux qui coulent en surface de la dune, comme un liquide, et la dune elle-même, comme un solide. Pho-tographie « Dune du Pilat Officiel ».

Gaz

Liquide

Solide

(b) Écoulement de billes d’acier sur un plan incliné sous l’effet de la gravité. Figure issue de [Forterre08].

Figure 4.1 – Les matériaux granulaires peuvent se comporter comme des gaz, des solides ou des liquides selon les sollicitations auxquelles ils sont soumis.

Un empilement de grains soumis à son propre poids uniquement est statique, et il est possible de lui appliquer de faibles cisaillements sans induire de déformation plas-tique : on a donc là un comportement solide. Dans ce régime, le réseau de contacts entre grains n’évolue pas, et sa géométrie domine les propriétés de l’empilement. Les exemples ne manquent pas de telles situations et les interactions entre grains donnent lieu à des effets originaux. Mentionnons par exemple l’un des plus emblématiques : l’effet Janssen [Tighe07,Ovarlez03,Perge12]. Contrairement à ce que l’on observe avec un fluide newtonien, la pression au fond d’un empilement granulaire épais n’évolue pas proportionnellement à sa hauteur mais sature à une valeur constante, du fait de la redistribution du poids de la colonne dans la direction horizontale par le biais des frot-tements. En contrepartie, le matériau exerce une force normale aux parois du récipient qui le contient supérieure à ce que l’on obtiendrait pour un liquide simple de même densité, ce qui a des conséquences pratiques pour le dimensionnement de silos, par exemple. Nous étudierons cet état solide de la matière granulaire dans le paragraphe