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3.4 Comparaison avec la mésorhéologie acoustique

3.4.3 Conclusions et perspectives

Grandeur et décadence de la mésorhéologie ultrasonore

Comme nous l’avons vu, la mésorhéologie donne des résultats qualitativement sem-blables à ceux que nous avions obtenus avec le rhéomètre. Cependant, la correspon-dance quantitative est mauvaise. Une première raison de discorcorrespon-dance est celle que nous venons d’évoquer : l’existence d’oscillations de la force au fur et à mesure que la bille s’éloigne du transducteur. Cela complique a priori singulièrement l’analyse des données de fluage et aurait des conséquences plus dramatiques encore pour une étude au-dessus du seuil. Cependant, ce problème peut être résolu en utilisant des billes plus petites, comme présenté sur la figure 3.34(b). Pour des billes de diamètre 70 µm, les oscilla-tions sont très nettement réduites et ne sont plus que de l’ordre de 10% lorsque l’on parcourt la tache focale. Toutefois, comme nous l’avons expliqué dans le paragraphe 2.2.1, la pression de radiation diminue fortement lorsque l’on réduit la taille de la bille et les déplacements observés sont nettement plus faibles avec de petites billes. Sur la figure 3.34(b) correspondant à des billes de diamètre 70 µm soumises à une pression

P = 9 MPa, soit légèrement au-delà de la limite supérieure préconisée par le fabricant, le déplacement maximal observé est δrmax ∼ 10 µm. Pour comparaison, sur la figure 3.34(a), avec les billes de 300 µm nous obtenions des déplacements δrmax ∼ 100 µm pour une pression P = 0.9 MPa.

Dès lors, le dispositif conserve son intérêt : des billes de quelques dizaines de micro-mètres restent relativement grandes devant les tailles typiques de la microstructure du carbopol, et devant les tailles de particules utilisées en microrhéologie à pinces optiques ou magnétiques. Au vu de cette difficulté, l’accord qualitatif entre rhéologie macrosco-pique et mésorhéologie semble donc d’autant plus prometteur. Il n’est pas exclu que les différences de comportement observées proviennent également d’une physique

dif-férente à l’œuvre à l’échelle de la bille, comme des conditions de glissement difdif-férentes, ou un effet direct de l’hétérogénéité microscopique du microgel.

Il serait en outre utile de visualiser la déformation du matériau lors du mouvement de la bille. Nous avons essayé d’incorporer du kalliroscope, un traceur microscopique utilisé pour imager des écoulements, dans le carbopol, mais il ne s’y mélange pas de façon satisfaisante. Il serait envisageable d’effectuer de la PIV, en ensemençant le car-bopol de particules fluorescentes. Il faudrait toutefois s’assurer que l’effet de la pression de radiation sur les traceurs reste négligeable. Ce sera a priori le cas pour des particules de quelques microns.

Il est possible de calibrer la force exercée sur la bille en couplant notre dispositif avec des pinces optiques ou magnétiques, à condition toutefois de parvenir à piéger des billes suffisamment grosses. Nous pourrions également effectuer des simulations numériques, afin de calculer la force exercée sur la bille quelle que soit sa position dans le champ de pression.

Enfin, afin de tester le dispositif, il serait intéressant de travailler avec d’autres sys-tèmes. En effet, le fluage est difficile à modéliser et est important dans le carbopol : l’utilisation de matériaux dont la déformation serait principalement élastique permet-trait une interprétation plus simple des observations, et une comparaison plus directe avec la rhéologie.

Améliorations du dispositif

Pour pouvoir aller au-delà de l’étude effectuée, diverses améliorations seraient né-cessaires au dispositif. Comme nous l’avons constaté, diminuer la taille des billes réduit considérablement l’intensité de la pression de radiation acoustique, et les déplacements obtenus deviennent faibles, à la limite de résolution de notre macroscope. Il faudrait donc utiliser un dispositif de visualisation plus efficace, avec un meilleur objectif. Il serait aussi utile de disposer d’une caméra et d’un ordinateur permettant d’effectuer des acquisitions plus longues, même à haute cadence.

L’emploi d’excitations plus longues permettrait une meilleure caractérisation du fluage. Les transducteurs dont nous disposons permettent de monter jusqu’à une durée

tUS = 10 s mais des problèmes d’enregistrement des données se produisent alors avec l’ordinateur et la caméra que nous utilisons. Un système permettant une synchronisa-tion efficace de la caméra avec le transducteur permettrait de déterminer précisément l’instant d’allumage des ultrasons, ce qui simplifierait les procédures d’ajustement des données.

De plus, si l’on souhaite atteindre des mesures de précision, il faut être capable de placer précisément la bille dans le champ de pression. Le système que nous utili-sons pour fixer le transducteur est ici trop rudimentaire pour permettre d’effectuer ce positionnement de façon satisfaisante.

Enfin, comme nous l’avons dit, il serait extrêmement bénéfique de parvenir à coupler notre technique à une visualisation de la déformation locale du matériau, comme de la PIV. En obtenant cette information, nous serions capables de décrire quantitativement le mouvement du carbopol, et de le relier aux grandeurs rhéométriques.

Modules viscoélastiques hors équilibre

Une autre perspective concerne la mesure de modules viscoélastiques autour d’une position déformée. En effet, si l’on envoie une excitation acoustique modulée en ampli-tude

P = P0[1 + ψ cos (ωt)], (3.14) la force exercée sur la bille s’écrit

Frad = Frad,0 " 1 + ψ2 2 + 2ψ cos (ωt) + ψ2 2 cos (2ωt) # . (3.15) et la contrainte exercée sur le carbopol est donc

σ = σ0 " 1 + ψ2 2 + 2ψ cos (ωt) + ψ2 2 cos (2ωt) # . (3.16)

Ainsi, nous sommes capables a priori de faire de la rhéologie de superposition en ajou-tant une oscillation à une contrainte consajou-tante, ce qui est réalisable avec certains rhéo-mètres spécifiques. En effectuant de petites oscillations, nous serions capables d’obtenir les modules viscoélastiques dans une position déformée, et avec de fortes oscillations, nous pourrions sonder la viscoélasticité non linéaire du matériau. Avec notre dispositif, la fréquence maximale est limitée aux alentours de 10 Hz par la cadence d’acquisition de la caméra, et la fréquence minimale l’est autour de 0.3 Hz par sa mémoire. Nous avons réalisé quelques expériences préliminaires présentées sur la figure 3.37.

0 1 2 3 0 2 4 6 t(s) r (µ m )

(a) Mouvement de la bille sous l’effet d’une pression moyenne P0 = 2.6 MPa su-perposée à une oscillation d’amplitude relative ψ = 20% et de fréquence f = 2.5 Hz. En rouge, le résultat de l’ajustement par la procé-dure décrite dans le texte.

0 2 4 6 0 1,000 2,000 3,000 f(Hz) |ˆr | (u.a. ) (b) Transformée de Fourier du mouvement de la bille sous l’effet d’une pression moyenne P0= 2.6 MPa superposée à une oscillation de fréquence f = 2.5 Hz et d’amplitude relative ψ croissante de bas (courbe noire) en haut (courbe jaune). Les lignes pointillées marquent les valeurs f = 2.5 Hz et f = 5 Hz. 0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10 f(Hz) G 0 ,G 00 (u.a. ) (c) Modules viscoélastiques extraits pour une modulation d’amplitude ψ = 20%.

Figure 3.37 – Rhéologie de superposition avec le dispositif ultrasonore.

Comme nous le voyons sur la figure 3.37(a), nous parvenons à faire osciller la bille autour d’une position déformée. Constatons que le déplacement moyen ainsi que l’am-plitude de l’oscillation sont suffisamment faibles pour que l’on puisse espérer un impact

limité de l’effet Fabry-Pérot mentionné ci-dessus. Une transformée de Fourier nous per-met de vérifier que l’oscillation de la bille se fait bien à la fréquence f imposée par la modulation de l’onde acoustique, avec une composante harmonique à fréquence 2f dont l’amplitude croît quand on augmente le taux de modulation ψ, en accord avec la formule (3.15) (voir figure 3.37(b)). Ici encore, l’estimation du temps d’allumage des ultrasons est problématique. Nous le déterminons comme correspondant au premier passage au dessus d’un niveau de bruit donné.

Pour mesurer les modules viscoélastiques du carbopol, nous devons mesurer le dé-phasage entre l’excitation ultrasonore et le mouvement de la bille. Estimer le dépha-sage du mouvement de la bille à partir de sa transformée de Fourier est peu précis, car l’échantillonnage en fréquence est fortement limité par le nombre réduit d’oscilla-tions mesurées. Ayant constaté que pour les faibles valeurs de ψ, sur lesquelles nous nous concentrons dorénavant, le mouvement de la bille est purement harmonique, nous préférons trouver la phase maximisant la corrélation entre la trajectoire de la bille et un signal sinusoïdal de fréquence f. Les résultats obtenus sont tout à fait satisfaisants comme nous le voyons sur la figure 3.37(a). Le principal problème d’analyse restant est l’estimation de l’amplitude et de la moyenne de l’oscillation, cette dernière n’étant pas stationnaire du fait du fluage sous l’action de la composante continue de la pression de radiation.

Si nous considérons comme référence des temps le début de l’excitation ultrasonore, nous ajustons la position de la bille sous la forme r(t) = δr0[1 + χ cos (ωt + φ)] : la déformation du carbopol s’écrit donc a priori γ(t) = γ0[1 + χ cos (ωt + φ)], si nous négligeons le fluage. Dès lors, en utilisant la loi de Hooke généralisée (1.6) nous avons

G0 = 2ψσ0

χγ0 cos φ et G00 = −2ψσ0

χγ0 sin φ. (3.17) Bien entendu, le problème de relier respectivement Frad,0et δr0 à σ0et γ0persiste si l’on veut effectuer une mesure quantitative. Nous pouvons néanmoins extraire des quanti-tés proportionnelles aux modules viscoélastiques en fonction de la fréquence, comme représenté sur la figure 3.37(c), c’est-à-dire que nous pouvons directement mesurer le rapport tan φ = G00/G0.

L’estimation de la phase à basse fréquence est assez médiocre, à cause du nombre réduit d’oscillations observées et de l’évolution de l’amplitude moyenne du fait du fluage, ce qui mène à des oscillations du module visqueux. La méthode d’analyse reste donc à améliorer. Nous obtenons des modules croissant légèrement avec la fréquence, et vérifiant G0 ' 5G00 ce qui est compatible avec les mesures effectuées au rhéomètre.

Nous avons par ailleurs essayé d’augmenter l’amplitude des oscillations, sans rien observer de notable, à l’exception de la croissance de la composante harmonique, mais nous sommes restés dans un régime où la force reste toujours en dessous du seuil. Le régime où une partie de l’oscillation se produit au-dessus du seuil serait vraisemblable-ment intéressant, mais le problème d’oscillation de la force à cause de l’effet de cavité acoustique risquerait de poser alors un problème majeur.

Ces résultats, bien qu’encore très préliminaires, semblent prometteurs et la mesure de coefficients viscoélastiques pourrait s’avérer d’un grand intérêt pour la description de systèmes vitreux mous.

Autres études possibles

Nous ne nous sommes pas intéressés ici à l’effet du mouvement de la bille sur le car-bopol. Cependant, comme nous l’avons mentionné, le carbopol garde une mémoire de sa déformation antérieure, et il serait intéressant de voir si l’on peut sonder sa relaxation, par exemple en considérant des fluages successifs à intervalles rapprochés. Nous pour-rions ainsi caractériser localement les contraintes résiduelles et leur relaxation. Nous avons commencé une étude préliminaire de ce phénomène, sans conclusion notable à ce stade car limitée par la migration de la bille, empêchant une reproductibilité suffisante des observations.

Enfin, nous avons effectué quelques observations en plaçant plusieurs billes dans le carbopol. Si elles sont suffisamment éloignées par rapport aux dimensions transverses de la tache focale, seule une bille subit la pression de radiation, et le mouvement des autres billes résulte d’un couplage à travers l’élasticité du microgel. Le couplage entre le mouvement de deux sphères a déjà été étudié dans du carbopol [Merkak06], et nous aurions ici l’opportunité de le sonder plus précisément et à une plus petite échelle.

Fluidification d’un empilement

granulaire

Brav gewühlt, alter Maulwurf !

Karl Marx, Der achtzehnte Brumaire des Louis Bonaparte.

Sommaire

4.1 Généralités sur les matériaux granulaires . . . 115

4.1.1 Spécificités des milieux granulaires . . . 115