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5.3 Discussion

5.3.4 Conclusion et perspectives

Au cours de ce chapitre, nous avons vu que l’application d’ultrasons intenses à un gel de noir de carbone permet d’en modifier les propriétés rhéologiques. Le module élastique du gel est fortement diminué pendant l’application des ultrasons, de façon potentielle-ment irréversible pour des pressions acoustiques suffisantes, et les ultrasons favorisent le glissement du gel. Cette étude n’est encore que préliminaire et nous n’excluons pas à ce stade la possibilité d’agir sur la microstructure du gel en volume. L’observation d’un effet irréversible, se conservant après un précisaillement, apparaît comme plutôt prometteuse, mais des expériences complémentaires sont nécessaires pour caractériser cet effet et l’expliquer microscopiquement.

Une étude plus approfondie de la fluidification sous contrainte imposée s’avère néces-saire, afin de déterminer s’il est possible de fluidifier entièrement le système à l’aide des ultrasons. Il serait également intéressant de reproduire cette étude avec des conditions aux limites rugueuses, afin de limiter les effets de glissement.

La principale lacune de ce travail est l’absence de visualisation de la dynamique microscopique du gel. La petite taille de la géométrie utilisée et l’opacité du noir de carbone rendent impossible toute observation directe avec le dispositif actuel. Il serait toutefois possible de caractériser directement le glissement en travaillant en géométrie plan-plan et en comparant les résultats obtenus pour différentes tailles d’entrefer [Yo-shimura88].

Enfin, nous souhaiterions observer les effets d’ultrasons à d’autres fréquences et sur d’autres systèmes. Nous avons fait quelques tests préliminaires sur un gel colloï-dal de Ludox (particules de silice), qui semblent concluants, mais le gel s’évapore en quelques minutes, ce qui pose un problème majeur pour nos expériences. Il faudra donc adapter le dispositif de façon à pouvoir contrôler l’humidité ou à utiliser une cloche anti-évaporation. Nous allons donc commencer par voir si l’on retrouve les mêmes ef-fets sur des gels de noir de carbone de concentrations différentes et dans des géométries différentes.

Jusqu’à présent, dans le contexte de la physique des fluides complexes, les ultrasons ont principalement été utilisés à basse intensité pour observer passivement la structure et la déformation des matériaux. Au cours de cette thèse, nous avons exploré différentes façons d’agir activement sur les matériaux mous à l’aide d’ultrasons de puissance, à travers un effet acoustique non linéaire : la pression de radiation acoustique. Nous avons pour cela mis en place trois expériences différentes, en utilisant des systèmes variés.

Tout d’abord, dans le chapitre 3, nous avons proposé une technique de microrhéo-logie passive, la « mésorhéomicrorhéo-logie acoustique », reposant sur l’analyse du mouvement d’une sonde sous l’effet de la pression de radiation acoustique. Les échelles de taille et de force mises en jeu sont intermédiaires entre celles accessibles à la rhéométrie ro-tative et aux méthodes traditionnelles de microrhéologie. Nous avons mis en place le dispositif et en avons testé les possibilités pour la caractérisation du fluage d’un fluide à seuil simple : un microgel de carbopol. Les résultats obtenus coïncident qualitativement avec les observations effectuées en rhéologie classique. L’analyse de ces données devrait permettre de mesurer localement le seuil d’écoulement et le module élastique du gel. Toutefois, l’analyse quantitative des résultats reste problématique car la déformation engendrée ne correspond pas à un cisaillement simple et une estimation naïve de la contrainte et du cisaillement engendrés par l’intrus fournit des résultats en désaccord avec la mesure rhéologique. Nous avons en outre constaté et caractérisé la formation d’une cavité acoustique entre le transducteur et le traceur, qui complique l’analyse dès lors que les déplacements excèdent la demi-longueur d’onde des ultrasons. Nous avons néanmoins proposé d’utiliser des billes de plus petite taille, ce qui permettrait de s’affranchir de ce problème mais nécessiterait un système d’imagerie mieux résolu. La méthode semble prometteuse et pourrait permettre, une fois le dispositif amélioré, de mesurer des quantités intéressantes, comme des modules élastiques dans un système déformé, à une échelle mésoscopique.

Dans le chapitre 4, nous avons montré que des ultrasons de puissance focalisés à haute fréquence permettent de débloquer sans contact direct un empilement granulaire et de le mettre en écoulement. Nous avons étudié cette transition de déblocage à la fois expérimentalement et numériquement, par des simulations de dynamique molé-culaire de sphères molles. Cette fluidification présente des propriétés rappelant celles des transitions de phase du premier ordre : l’hystérèse et l’intermittence. Le protocole d’excitation, avec une injection discontinue d’énergie, se distingue des études menées auparavant sur la fluidification des milieux granulaires. La possibilité de solliciter loca-lement et sans contact un matériau granulaire ouvre des perspectives tant appliquées que fondamentales. En particulier, les ultrasons de puissance pourraient s’avérer un

outil efficace pour sonder localement les propriétés mécaniques de systèmes bloqués. Enfin, dans le chapitre 5, nous avons remplacé le plan d’un rhéomètre classique par un transducteur piézoélectrique fonctionnant à « basse fréquence », afin de sonder l’effet de vibrations globales sur la rhéologie de matériaux mous. Après avoir déterminé les limitations du dispositif mis en place, nous avons étudié l’effet d’ultrasons sur les propriétés mécaniques d’un gel colloïdal attractif de noir de carbone. Nous observons des effets très nets des ultrasons, mais où il est à ce stade difficile de faire la part entre les phénomènes de glissement et la modification en volume de la structure du gel. S’il est frustrant de ne pas avoir identifié clairement un effet sur la structure du matériau, la possibilité d’en contrôler le glissement reste toutefois une perspective intéressante. En outre, cette étude n’est encore que préliminaire et l’observation d’un effet irréversible des ultrasons sur le gel laisse à penser que les vibrations ont également une action en volume. Nous sommes en train de compléter ce travail et souhaitons généraliser les résultats obtenus à des gels de concentrations différentes et à d’autres fréquences acoustiques. Il serait également intéressant d’utiliser d’autres matériaux mais il faudrait pour cela parvenir à contrôler l’évaporation des échantillons.

Les ultrasons de puissance apparaissent donc comme un outil innovant et efficace pour caractériser et agir sur les matériaux mous, ouvrant de nombreuses perspectives pour des recherches fondamentales et appliquées. Leur bonne pénétration en font une alternative intéressante aux méthodes optiques pour induire des forces stationnaires à l’intérieur de matériaux mous, offrant une nouvelle voie pour les études rhéologiques locales. En outre, leur capacité à interagir directement avec la microstructure des maté-riaux permettent d’imaginer de les employer pour la structuration de matématé-riaux. De tels matériaux seraient susceptibles de changer drastiquement de comportement mécanique sous la simple application d’ondes acoustiques intenses, formant ainsi des matériaux « acousto-rhéologiques ».

Couple en géométrie cône-plan

Dans cette annexe, nous détaillons le calcul du couple exercé sur un cône tronqué situé à une distance arbitraire au dessus d’un plan, comme schématisé sur la figure A.1.

z R ρ h h0 α

Figure A.1 – On considère un cône d’angle θ et de rayon R, tronqué à une hauteur

h0, et situé à une distance h d’un plan.

Nous notons −Γ le couple appliqué au cône et ~ω = ω~ez sa vitesse angulaire de rotation.

A.1 Écoulement de base

Calculons tout d’abord le profil de vitesse de l’écoulement : nous cherchons une so-lution de l’équation de Stokes sous la forme ~v(r, θ, z) = ~v(r, z)~eθ vérifiant une condition de non-glissement aux parois du rotor et du plan.

En dessous de la partie plane, c’est-à-dire pour r ≤ ρ, nous avons ~v(r, z = 0) = ~0 et ~v(r, z = h0+ h) = rω~eθ. Dès lors, le profil de vitesse s’écrit

~v(r, z) = rωz

h+ h0~eθ soit ˙γ =

h+ h0. (A.1) Sous la partie conique, pour r ≥ ρ, la condition de non-glissement au plan s’écrit toujours ~v(r, z = 0) = ~0 mais celle au niveau du rotor devient ~v(r, z = h0+ r tan α) =

rω~eθ. Le profil de vitesse s’écrit

~v(r, z) = rωz

h0+ r tan α~eθ soit ˙γ =

h0+ r tan α. (A.2)