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1. L’analyse des comportements sociodémographiques au prisme

1.3. L’apport de la théorie du choix rationnel à l’analyse des comportements

1.3.1. A quoi bon se mettre en couple ? Les gains de la mise en couple

1.3.1.1. Les gains de l‟union issus de la consommation commune de biens non rivaux

1.3.1.2.1. La spécialisation selon les avantages comparatifs dans les productions

En premier lieu, la mise en couple permet à chaque conjoint de se spécialiser dans une activité productive pour laquelle il dispose, à la date de la mise en couple, d‟un avantage

comparatif, ce qui permet au couple de produire plus de biens et services que ses membres ne

pourraient le faire s‟ils étaient restés (ou retournaient) hors couple.

Au sein d‟un couple, on dit qu‟un individu Ŕ l‟homme, ou la femme Ŕ détient sur son conjoint un avantage comparatif dans une activité productive Ŕ la production marchande, ou la production domestique35 Ŕ s‟il peut exercer cette activité-là à un coût d’opportunité (c‟est- à-dire, avec un « manque à gagner ») inférieur à celui de son conjoint. En d‟autres termes, un individu détient sur son conjoint un avantage comparatif dans une activité productive si, pour réaliser un volume de production donné dans cette sphère, il doit Ŕ en renonçant à passer du temps à exercer l‟autre activité Ŕ renoncer à un volume de production moindre que celui

35 Nous ne présentons ici, parmi les gains de l‟union issus de la spécialisation des conjoints selon leurs avantages

comparatifs, que les gains tirés de la spécialisation entre production marchande et production domestique. La raison en est qu‟il s‟agit là de la spécialisation productive qui produit le plus de gains de l‟union, et qui est la plus souvent rencontrée au sein des couples. Mais le même modèle des avantages comparatifs est aussi valide pour ce qui concerne les gains tirés de la spécialisation au sein même de la production marchande (l‟homme au fourneau, la femme à la caisse), ou au sein même de la production domestique (l‟homme au supermarché, la femme à la cuisine).

auquel doit renoncer son conjoint.36 Détaillons ici ce modèle, qui est à la fois important et trop souvent incompris (car il est confondu avec celui, plus intuitif, des avantages absolus).

Imaginons, d‟un côté, qu‟une femme mette autant de temps à produire une unité de production domestique (disons, un repas de quantité et qualité données) qu‟elle en met, sur le marché du travail, à gagner 80 euros de salaire ; préparer un repas lui « coûte » donc, en termes de production marchande non effectuée, 80 euros. Imaginons d‟autre part qu‟un homme mette autant de temps à préparer ce même repas qu‟à produire 100 euros de salaire ; préparer ce repas lui « coûte » donc, en termes de salaires non perçus, 100 euros. Si l‟on compare ces coûts d‟opportunité respectifs de préparation d‟un repas, il apparaît que la préparation d‟un repas « coûte » plus cher à l‟homme qu‟à la femme ; en d‟autres termes, la femme détient sur l‟homme un avantage comparatif dans la production domestique et, corrélativement, l‟homme détient sur elle un avantage comparatif dans la production marchande. Le modèle de l‟avantage comparatif démontre alors que, par rapport à deux célibataires effectuant chacun de leur côté leur propre production marchande et domestique, un couple peut toujours accroître (ou maximiser) son volume de production global pourvu que chacun des conjoints se spécialise relativement (ou complètement) dans la sphère d‟activité dans laquelle il détient un avantage comparatif. Dans la situation fictive susmentionnée, l‟homme pourrait rationnellement tenir à la femme le discours (tout aussi fictif) suivant : « ton coût d‟opportunité de la préparation des repas Ŕ et, plus largement, de la production domestique Ŕ étant supérieur au mien, je te propose que nous nous mettions en couple afin d‟exploiter nos avantages comparatifs. En plus de tes propres repas, tu prépareras désormais les miens, ce qui, de mon côté, me libérera du temps pour travailler plus longtemps sur le marché. Et comme chaque repas que tu prépareras pour moi te fera perdre 80 euros de salaire mais me permettra d‟en gagner 100 supplémentaires, nous pourrons, après que je t‟ai intégralement compensé ta perte de salaire de 80 euros, nous partager les 20 euros restant. Chacun d‟entre nous disposera ainsi, au final, du même volume de production domestique que lorsque nous étions hors couple (un repas), mais aussi d‟un volume accru de revenu, que nous pourrons consacrer à nos consommations préférées. » La mise en couple, en permettant aux conjoints de se spécialiser dans la sphère productive dans laquelle ils détiennent un avantage

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En d‟autres termes encore, cela signifie qu‟un individu détient sur son conjoint un avantage comparatif dans la production marchande Ŕ et que corrélativement son conjoint détient sur lui un avantage comparatif dans la production domestique Ŕ si le rapport entre la valeur du temps passé à effectuer de la production marchande et la valeur du temps passé à effectuer de la production domestique est supérieur pour cet individu à ce qu‟il est pour son conjoint. L‟exemple chiffré du paragraphe suivant devrait éclaircir le sens de cette proposition.

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comparatif, leur permet donc d‟accroître leurs niveaux de production et de consommation par rapport à la situation dans laquelle ils étaient hors couple.

Mais à quelles conditions chaque conjoint peut-il disposer d‟un avantage comparatif ? Plus précisément Ŕ et en poursuivant notre exemple, qui nous resservira par la suite Ŕ, dans quelles situations l‟homme disposerait-il d‟un avantage comparatif dans la production marchande, et la femme dans la production domestique ? Il en existe exactement cinq :

i. tout d‟abord, si l‟homme est plus productif que la femme dans la sphère marchande, et que la femme est plus productive que lui dans la sphère domestique (il d‟agit là de la situation dans laquelle les gains de l‟union sont les plus forts Ŕ d‟autant plus forts que les écarts de productivité sont plus grands) ; ii. ensuite, si les conjoints sont également productifs dans la sphère domestique

mais que l‟homme est plus productif que la femme dans la sphère marchande ; iii. ensuite, si les conjoints sont également productifs dans la sphère marchande

mais que la femme est plus productive que l‟homme dans la sphère domestique ; iv. mais encore, si l‟homme est plus productif que la femme dans les deux sphères,

mais que sa supériorité est plus marquée dans la sphère marchande ;

v. et enfin, si la femme est plus productive que l‟homme dans les deux sphères, mais que sa supériorité est moins marquée dans la sphère marchande.

Dans chacune de ces cinq situations, l‟homme et la femme hors couple gagneraient à se mettre en couple pour exploiter leurs avantages comparatifs. Mais pourquoi de telles situations surviendraient-elles, et en particulier pourquoi, de façon relativement fréquente, les hommes seraient-ils (absolument ou relativement) plus productifs que les femmes sur le marché du travail ou moins productifs qu‟elles au sein du ménage ? D‟une part, dans les sociétés traditionnelles de chasseurs-cueilleurs ou d‟agriculteurs-éleveurs, ainsi que dans les sociétés industrielles, c‟est vraisemblablement la supériorité physique des hommes (puissance et endurance) qui tend à les rendre plus productifs que les femmes dans certaines activités non domestiques : chasse, pêche, culture agricole, exploitation minière, métallurgie, etc. 37 De la

37 Dans un échantillon de 863 sociétés humaines de diverses époques et de tous les continents analysé par des

anthropologues, la division sexuelle du travail laisse apparaître certaines régularités suggérant qu‟elle résulte en partie d‟avantages comparatifs issus de caractéristiques innées chez les individus : ce sont exclusivement ou principalement des hommes qui exercent les activités de chasse et de travail des métaux dans 100 % de ces sociétés, de construction de bateaux dans 96 % de ces sociétés, de pêche dans 79 % de ces sociétés, de construction des maisons dans 75 % de ces sociétés, et d‟élevage dans 64 % de ces sociétés ; corrélativement, ce sont exclusivement ou principalement des femmes qui exercent les activités de poterie dans 86 % de ces sociétés, de cueillette dans 78 % de ces sociétés, et de tissage dans 58 % de ces sociétés (Jacobsen 1994 ; Murdock 1937). Cela dit, d‟autres activités, comme l‟agriculture, sont exclusivement ou principalement exercées par les membres de chaque sexe dans des nombres de sociétés à peu près équivalents, ce qui rend moins crédible l‟explication d‟une telle division sexuelle du travail par des avantages comparatifs d‟origine innée. Cela pourrait en partie

sorte, il est préférable pour le couple que ce soit l‟homme, et non la femme, qui exerce ces activités, pourvu que sa supériorité dans la production « marchande » ne soit pas moins prononcée que son éventuelle supériorité dans la production domestique. Dans les sociétés tertiaires comme les nôtres, ce n‟est vraisemblablement plus la supériorité physique des hommes qui leur confère une productivité marchande supérieure à celle des femmes, mais le fait que les femmes sont victimes de discrimination salariale Ŕ c‟est-à-dire qu‟à même qualification, même expérience et même temps de travail, le salaire horaire masculin reste supérieur au salaire horaire féminin. Ce simple fait de la discrimination salariale Ŕ quelle que soit sa raison d‟être, et notamment qu‟elle dépende ou non du fait que pendant la grossesse les femmes perdent de leur productivité marchande38 Ŕ, suffirait à expliquer pourquoi il est encore dans l‟intérêt d‟un couple que ce soit l‟homme, plutôt que la femme, qui se spécialise dans la production marchande (pourvu, encore une fois, que cette supériorité dans la production marchande ne soit pas moins prononcée que son éventuelle supériorité dans la production domestique). D‟autre part, ce peut être la capacité exclusivement féminine à allaiter les enfants du couple qui rend les femmes plus productives dans l‟activité domestique, et qui peut rendre préférable pour les couples que ce soit la femme, et non l‟homme, qui se

s‟expliquer par le fait que même si initialement les membres d‟un sexe n‟ont pas d‟avantage comparatif sur les membres de l‟autre sexe dans cette activité chaque individu a intérêt à respecter (et à faire respecter) la convention locale selon laquelle ce sont les membres de tel sexe qui effectuent telle activité, puisqu‟en permettant de coordonner les investissements des membres de chaque sexe dans telle ou telle activité productive le respect de ces conventions garantit à chacun qu‟il ou elle aura investi dans l‟acquisition de compétences productives dans une sphère différente de celle de son futur conjoint, ce qui permet d‟exploiter des avantages comparatifs que l‟on aura, en réalité, créés de toutes pièces (Baker, Jacobsen 2007).

38 La discrimination salariale dont les femmes sont victimes Ŕ c‟est-à-dire, le fait qu‟à diplôme, qualification,

poste et durée de travail égaux les femmes gagnent moins que les hommes (Majnoni d‟Intignano 1999 ; Ferrand 2004) Ŕ, qui est souvent expliquée par l‟adhésion supposée des employeurs à une norme sexiste, peut aussi en principe, et en partie au moins, s‟expliquer par une discrimination non pas sexiste mais probabiliste (statistical

discrimination) : un employeur rationnel et entièrement dépourvu de toute opinion sexiste pourrait bel et bien

préférer, « toutes choses égales par ailleurs », un salarié homme plutôt que femme, pour la raison qu‟il considère le risque de grossesse Ŕ et les risques d‟absence du lieu de travail et de désorganisation de la production qui y sont liés Ŕ comme un inconvénient pour son entreprise (Havet, Sofer 2002). Ainsi les employeurs ne seraient prêts à embaucher des femmes qu‟à des salaires réduits par rapport à ceux des hommes, ce qui perpétuerait l‟incitation que connaissent les conjoints à se spécialiser, l‟homme dans la production marchande, la femme dans la production domestique. Notons qu‟à cet égard on ne peut pas exclure que les diverses garanties protectrices dont bénéficient juridiquement, pendant l‟exécution de leur contrat de travail, les salariées enceintes ou en congé maternité (autorisation d‟absences pour examens médicaux sans diminution de rémunération, facilitation des aménagements de travail sans diminution de rémunération, autorisation de démission sans préavis et sans avoir à payer d‟indemnités de rupture, protection contre le licenciement pendant la grossesse et le congé de maternité et les quatre semaines suivantes Ŕ le congé de maternité allant de 16 à 46 semaines contre 11 à 18 jours pour le congé de paternité Ŕ, droit à retrouver un emploi de rémunération au moins équivalente à l‟issue du congé de maternité, etc.) ne concourent à donner aux employeurs des raisons supplémentaires d‟exercer à l‟encontre des femmes une discrimination probabiliste à l‟embauche, voire aussi à la formation et à la promotion. Comme des auteurs l‟ont écrit à propos des pays scandinaves, « un employeur pèsera toujours en secret les risques qu‟il court à engager une jeune femme, parce qu‟il sait qu‟elle demandera ses droits de congé-maternité et qu‟elle s‟absentera aussi en cas de maladie des enfants. La Sécurité sociale paie son congé, mais l‟employeur doit trouver et former un intérimaire » (Nyström, Gaunt 1986).

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spécialise dans la production domestique et notamment dans l‟élevage des enfants. Dans une certaine mesure, la supériorité de la productivité domestique des femmes semble d‟ailleurs admise par les femmes comme par les hommes, puisqu‟en 2003, lorsqu‟on a demandé à des Français lequel des deux parents d‟un jeune enfant devait, suite à sa naissance, s‟arrêter de travailler ou réduire son temps de travail (sachant que 71 % d‟entre eux estimaient que lorsque les parents travaillent il est préférable que l‟un d‟eux réduise son temps d‟activité professionnelle voire interrompe son activité), 65 % des hommes et 64 % des femmes ont répondu que ce devait être la mère Ŕ 31 % des hommes et 33 % des femmes répondant que ce devait être celui des deux qui a le plus bas salaire, et seuls 1 % des individus répondant que ce devait être le père (Bigot, Piau 2004). Quoi qu‟il en soit, il suffirait que Ŕ pour au moins l‟une des raisons qui viennent d‟être mentionnées, ou pour d‟autres raisons encore39

Ŕ survienne l‟une des cinq situations d‟avantage comparatif masculin dans la production marchande et d‟avantage comparatif féminin dans la production domestique pour que les conjoints soient incités à se diviser le travail. Plus précisément, le moindre différentiel de productivité dans les activités marchande ou domestique suffirait à créer une incitation pour les conjoints à se spécialiser fortement pour exploiter pleinement leurs avantages comparatifs. On dispose donc là d‟une explication puissante, non seulement au caractère universel de la division sexuelle « traditionnelle » du travail Ŕ ce serait pour profiter des gains de cette spécialisation que les couples la pratiqueraient Ŕ, mais aussi, peut-être, à la formation des couples : ce serait notamment pour bénéficier de ces gains de la spécialisation selon les avantages comparatifs que les individus se mettraient en couple.

Concernant les effets des avantages comparatifs des conjoints sur leur division du travail, le modèle ici présenté permet de formuler plusieurs prédictions. Tout d‟abord, suite à la mise en couple, les conjoints devraient procéder à une spécialisation productive, et ce en vue d‟exploiter leurs avantages comparatifs. Par exemple, dans la société française des années 1970, on a dit du mariage qu‟il conduisait à un « surinvestissement professionnel masculin »

39 Si l‟avantage comparatif masculin dans la sphère marchande et l‟avantage comparatif féminin dans la sphère

domestique peuvent s‟expliquer par les dispositions innées déjà mentionnées Ŕ supériorité physique des hommes qui accroît leur productivité marchande, et/ou capacité d‟allaitement des femmes qui accroît leur productivité domestique Ŕ, ils pourraient aussi s‟expliquer par les investissements préférentiels que les jeunes hommes et femmes réalisent, respectivement, dans les sphères marchande et domestique. Par exemple, si les parents conduisaient les garçons à poursuivre des études plus rémunératrices que les filles, ou s‟ils enseignaient aux petites filles plus qu‟aux petits garçons à faire la cuisine ou le repassage ou à s‟occuper des enfants, l‟acquisition de telles dispositions pourrait suffire à créer des avantages comparatifs pour les hommes dans la production marchande et pour les femmes dans la production domestique. Toutefois, cette explication est plus fragile que les précédentes, puisqu‟elle n‟explique pas elle-même pourquoi les parents conduiraient Ŕ de façon presque universelle Ŕ leurs enfants à de tels investissements différentiels, sinon pour accentuer les gains de la division sexuelle du travail qu‟ils leur procureront.

et à un « sous investissement professionnel féminin » : parmi les actifs occupés de 35 à 52 ans en 1970, « en ce qui concerne l‟accès à un poste de cadre, [à même niveau de diplôme] le mariage exerce un effet positif pour les hommes et négatif pour les femmes. […] Les hommes bénéficient d‟une décharge de travail domestique, mais doivent en contrepartie contribuer au maximum de leurs possibilités aux revenus du ménage » (Singly 1982). Plus généralement, dans de nombreuses sociétés occidentales contemporaines, les hommes mariés passent plus de temps au travail marchand et moins de temps au travail domestique que les hommes célibataires, alors que les femmes mariées passent moins de temps au travail marchand et plus de temps au travail domestique que les femmes célibataires (Shelton, John 1996 ; Blau et al. 2002). Dans les 25 pays de l‟Union européenne Ŕ et pour les individus de 20 à 49 ans Ŕ, le fait d‟avoir un enfant de moins de 12 ans réduit le taux d‟emploi des femmes (de 75,1 % à 60,4 %) et accroît leur taux d‟emploi à temps partiel (de 15,2 % à 22,7 %), alors que cela accroît le taux d‟emploi des hommes (de 85,7 % à 91,3 %) et réduit leur taux d‟emploi à temps partiel (de 3,5 % à 2,6 %) (Aliaga 2005). Une des conséquences de ces phénomènes est que le mariage accroît le salaire (annuel mais aussi horaire) des hommes Ŕ c‟est la « prime au mariage » (marriage premium) Ŕ, alors qu‟il réduit le salaire (au moins annuel) des femmes, et ce particulièrement lorsque suite à la naissance d‟un enfant le volume de travail domestique croît fortement Ŕ c‟est la « pénalité à la maternité » (motherhood penalty) (Waite 2001a). Ensuite, au sein des sociétés, les conjoints devraient diviser d‟autant plus intensément le travail que l‟écart entre leurs productivités marchandes est plus élevé. Par exemple, dans la France, l‟Allemagne, la Suède et les États-Unis des années 1990, la répartition sexuelle des tâches domestiques est d‟autant plus inégale que la part du revenu que l‟homme apporte au couple est plus élevée (Anxo et al. 2002). Enfin, au fil du temps, au fur et à mesure que l‟on passe d‟une société agricole à une société industrielle puis tertiaire, le degré de surproductivité masculine dans la sphère marchande devrait baisser Ŕ car les compétences requises pour la production deviennent de moins en moins défavorables aux femmes Ŕ, et/ou le degré de surproductivité féminine dans la sphère domestique devrait baisser Ŕ car des innovations technologiques comme le biberon et les appareils électroménagers peuvent être maîtrisés en peu de temps par des hommes aussi bien que par des femmes Ŕ, ce qui devrait réduire l‟incitation des couples à se diviser le travail selon la répartition traditionnelle des tâches. Dans les pays occidentaux, sur longue période (les deux derniers siècles) le taux d‟activité professionnelle s‟est effectivement réduit chez les hommes et accru (après avoir stagné) chez les femmes (Marchand, Thélot 1997 ; pour la France, cf. figure 1), tandis que sur moyenne période au moins (des années 1960 aux années 1990) le temps de travail domestique

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s‟est accru chez les hommes et réduit chez les femmes (Gershuny, Robinson 1988 ; Anxo et

al. 2002). Sur plus court terme, en France parmi les femmes qui ont exercé au moins une fois

une activité professionnelle avant 1990, les femmes interrompent d‟autant moins souvent et d‟autant moins longtemps leur carrière professionnelle qu‟elles font partie d‟une génération plus récente (Grimm, Bonneuil 2001).

Figure 1. Taux d’activité professionnelle des 15-64 ans – France, 1806-2000

Source : Marchand, Thélot 1997 (1806-1996) ; INSEE 2005 (1997-2004).

Concernant, maintenant, les effets des avantages comparatifs des conjoints sur leur mise en couple, le modèle des avantages comparatifs permet de formuler une prédiction importante : comme l‟écart entre les taux de salaire masculin et féminin accroît les gains de la mise en couple issus de la spécialisation, l‟écart entre les taux de salaire masculin et féminin devrait accroître la propension à se mettre en couple, aussi bien entre sociétés qu‟entre couples d‟une même société ou au fil du temps. Tout d‟abord, entre sociétés, les individus devraient d‟autant plus souvent vivre en couple que les inégalités salariales entre hommes et femmes sont plus accusées. Par exemple, en Afrique subsaharienne, où l‟écart entre les taux de salaire masculin et féminin est relativement élevé (et, du coup, l‟activité économique