1. Influence des paramètres de la pyrolyse
1.1. Influence de la température de pyrolyse
1.1.4. Analyses thermogravimétriques
1.1.4.2. Sous hélium
Les fonctions oxygénées présentes sur un matériau carboné se dégradent en libérant soit du
dioxyde de carbone, soit du monoxyde de carbone, ou bien les deux, sur une certaine plage de
températures dépendant de la nature chimique de la fonction (figure IV-18) [20].
Figure IV-18 : Plages de décomposition des principales fonctions oxygénées présentes sur les matériaux carbonés et gaz émis correspondants [20].
Il est à noter que l’ATG couplée à la spectrométrie de masse n’est pas une technique
suffisante pour étudier précisément et quantitativement la fonctionnalisation de surface. Les
153
différentes plages de décomposition peuvent se superposer, et elles dépendent de plusieurs
paramètres : configuration géométrique de la thermobalance, rampe de chauffage, texture de
l’échantillon. Par ailleurs, les fonctions peuvent évoluer dans le temps, ce phénomène étant appelé
« ageing ». Enfin, les gaz émis lors de la décomposition sont susceptibles de réagir entre eux, en
particulier dans le cas de matériaux carbonés microporeux [20]. Dans ces travaux, seule une rapide
évaluation de la quantité totale de fonctions de surface et une comparaison entre les échantillons en
fonction de la température et de la durée seront effectuées.
Les courbes TG sous hélium, les spectres de masse relatifs aux canaux m/z = 28 (CO) et m/z
= 44 (CO
2), ainsi qu’une attribution possible des pertes de masse et dégagements gazeux à la nature
des fonctions présentes sont rassemblés figure IV-19.
Figure IV-19 : Courbes TG (hélium, 5°C.min-1) et spectres de masse m/z = 28 (CO) et m/z = 44 (CO2) des échantillons pyrolysés pendant 4 h à 800°C, 825°C, 850°C, 875°C et 900°C.
Les thermogrammes montrent, pour chaque échantillon, une légère perte de masse
progressive correspondant à l’élimination des différents types de fonctions de surface. Les
dégagements gazeux correspondants conduisent à une première approximation de la nature et de la
154
quantité des fonctions de surface présentes sur les échantillons : comme expliqué dans le paragraphe
précédent, il est difficile avec cette méthode seule de situer précisément la décomposition de chaque
fonction. Entre 20°C et 560°C, les fonctions carboxyle et lactone sont éliminées, et la dégradation
des anhydrides débute aux alentours de 300°C. Les pertes de fonctions les plus importantes
commencent vers 560°C avec la décomposition des groupes lactone, phénol, éther, carbonyle et
quinone, et les dernières fonctions à être éliminées sont les carbonyles et les quinones pour des
températures supérieures à 900°C.
Par ailleurs, le chauffage des échantillons s’accompagne de la dégradation du carbonate de
sodium. La décomposition du carbonate de sodium, comme cela a déjà été évoqué, s’effectue selon
la réaction suivante :
Na
2CO
3(s)⇆ Na
2O
(s)+ CO
2(g)(IV-1)
Un dégagement de CO
2démarre, pour tous les échantillons, vers 850°C : il ne peut être attribué à la
décomposition de fonctions de surface (figure IV-18) et correspond donc à la décomposition de
Na
2CO
3contenu dans les échantillons. De plus, l’oxyde de sodium formé lors de la décomposition
du carbonate de sodium réagit sur le carbone :
Na
2O
(s)+ C
(s)⇆ 2Na
(vap)+ CO
(g)(IV-4)
Cette réaction démarre à 946°C dans l’approximation d’Ellingham (voir Annexe 1), et certainement
plus tôt dans le cas des mesures sous hélium puisque les mousses graphéniques sont moins stables
que le graphite utilisé dans les calculs d’Ellingham, et puisque la réaction s’effectue sous une
pression partielle d’oxygène extrêmement faible.
Enfin, la réaction entre le carbone et le carbonate de sodium présentée dans le paragraphe précédent
s’accompagne d’un dégagement de CO aux alentours de 500°C à 600°C. Cette espèce n’est pas
stable dans cette gamme de températures et se dismute en C et CO
2(voir Annexe 1). Un dégagement
de CO
2est effectivement observé à partir de 600°C et peut donc être attribué soit à la réaction entre
Na
2CO
3et le carbone, soit à l’élimination de fonctions.
Ainsi, la présence de carbonate de sodium induit des dégagements gazeux supplémentaires. Il
apparaît cependant que les mousses graphéniques possèdent diverses fonctions de surface oxygénées
en quantités faibles, surtout en considérant le fait qu’elles sont formées lors de la pyrolyse dans un
milieu oxydant à haute température. La quantité de fonctions augmente avec la température de
pyrolyse, puisque justement l’effet oxydant du milieu de pyrolyse (soude, oxyde de sodium) est
d’autant plus marqué que la température est élevée. La fonctionnalisation peut expliquer la présence
d’oxygène sur la cartographie EFTEM de l’échantillon pyrolysé à 900°C pendant 4 h (figure IV-8).
155
La faible quantité de fonctions de surface ne suffit certainement pas à influencer la stabilité
thermique des échantillons : de fait, l’évolution singulière de la température de combustion sous air
est attribuée à la présence de carbonate de sodium.
1.1.5. Volumétrie d’adsorption
La volumétrie d’adsorption au diazote à 77 K a été effectuée dans le but de caractériser la
structure poreuse des échantillons. Ceux-ci contiennent une fraction de carbonate de sodium qui ne
peut pas être négligée pour les températures de pyrolyse les plus hautes. Comme le carbonate de
sodium est piégé, le diazote ne peut s’adsorber dessus. Les isothermes d’adsorption (et donc les
différentes grandeurs qui en découlent) ont donc été rapportées à la masse réelle de carbone, et non à
la masse totale d’échantillon introduit pour la mesure : un tel raisonnement a déjà été appliqué à
l’étude des propriétés adsorptives de nanotubes de carbone contenant des impuretés métalliques
piégées dans des coques carbonées [21]. La teneur en carbone des échantillons est celle qui a été
déterminée par analyse thermogravimétrique sous air. La figure IV-20 présente les isothermes
d’adsorption à l’azote des cinq échantillons étudiés.
156
Figure IV-20 : Isothermes d’adsorption (N2 77 K) des échantillons pyrolysés pendant 4 h à 800°C, 825°C, 850°C, 875°C et 900°C : (a) isothermes complètes (b) isothermes à basse pression.
Les cinq isothermes sont de type I, II et IV selon la classification IUPAC [22]. Le caractère
type I, indiqué par la forte augmentation de la quantité adsorbée aux très faibles pressions relatives,
provient de la présence de micropores, ce qui peut être attribué au carbone amorphe présent dans les
échantillons ainsi qu’à l’arrangement spatial des plans de graphène. L’augmentation quasiment
linéaire de la quantité adsorbée sur tout le reste de l’isotherme pour la branche d’adsorption, typique
des isothermes II, dénote la présence de surfaces macroporeuses ou non poreuses potentiellement
associées aux surfaces des plans de graphène. Enfin, les hystérèses caractérisent l’existence de
mésopores et sont de type H2, donc correspondent à une mésoporosité en intercommunication. Les
mésopores peuvent soit être associés au remplissage des cavités formées par les empilements de
plans de graphène, celles-ci étant de quelques dizaines de nanomètres de diamètre, soit correspondre
à une mésoporosité intergranulaire.
157
Les surfaces spécifiques et les volumes microporeux des échantillons ont été calculés à l’aide
du modèle 2D-NLDFT, par utilisation du logiciel SAIEUS, et les surfaces spécifiques ont également
été évaluées selon le modèle BET corrigé selon Rouquerol et al. [23]. Pour le modèle 2D-NLDFT, le
choix du paramètre λ (paramètre de corrugation relié aux irrégularités de surface de l’échantillon) a
été effectué comme suit : la plus petite valeur de λ donnée par le logiciel, après calcul sur tous les
échantillons synthétisés, a été sélectionnée et appliquée à tous les autres échantillons. Dans toute la
suite du manuscrit, λ sera pris égal à 4,375. Les résultats sont rassemblés dans le tableau IV-3 et
représentés sur la figure IV-21.
Tableau IV-3 : Surface spécifique (modèles BET et 2D-NLDFT), volume microporeux et volume poreux total (modèle 2D-NLDFT) des échantillons pyrolysés pendant 4 h.
Température
(°C) Surface spécifique BET (m
2.g
-1)
Surface spécifique
2D-NLDFT (m
2.g
-1)
Volume
microporeux
2D-NLDFT (cm
3.g
-1)
Volume poreux
total 2D-NLDFT
(cm
3.g
-1)
800 2493 1908 0,71 1,52
825 2579 1997 0,66 1,79
850 2316 1809 0,59 1,67
875 2229 1722 0,49 1,79
900 1370 1108 0,28 1,23
Figure IV-21: Surface spécifique et volume microporeux (N2 77 K) des échantillons pyrolysés pendant 4 h à 800°C, 825°C, 850°C, 875°C et 900°C en fonction de la température.
158
Les surfaces spécifiques, comprises entre 1128 m
2.g
-1et 1943 m
2.g
-1pour le modèle
2D-NLDFT, sont très élevées et indiquent une surface de contact importante développée par la
morphologie des mousses graphéniques. Les surfaces spécifiques BET ont été déterminées par
comparaison et sont, comme indiqué par l’IUPAC, surestimées étant donné que les échantillons sont
microporeux [22]. Les surfaces BET sont, pour la plupart des températures de pyrolyse, supérieures
aux valeurs reportées dans la littérature consacrée aux mousses graphéniques obtenues par voie
solvothermale (voir chapitre I).
Lorsque la température de pyrolyse augmente, une diminution du volume microporeux est
observée, de manière plus accentuée aux alentours de 850°C. Il est à noter que plus la température de
pyrolyse est élevée, moins la différence de surface spécifique entre les modèles BET et 2D-NLDFT
est marquée, ceci en raison de la disparition des micropores. Cette diminution est attribuée à
l’élimination de carbone amorphe mise en évidence par spectroscopie Raman. Par ailleurs,
l’augmentation de la taille de cristallite selon l’axe c⃗ pour le graphite hexagonal et les autres
structures graphitiques lorsque la température de pyrolyse augmente tend à diminuer le nombre de
sites accessibles à la molécule de diazote. Cet effet étant couplé à la diminution de la quantité des
micropores, il en vient une diminution de la surface spécifique, ce qui est également observé, avec
une rupture de pente vers 850°C.
Les distributions de taille de pores et les volumes poreux cumulatifs dans le modèle
2D-NLDFT sont tracés figure IV-22.
Figure IV-22 : Distributions de taille de pores (a) et volumes poreux cumulatifs (b) (N2 77 K, modèle 2D-NLDFT) des échantillons pyrolysés pendant 4 h à 800°C, 825°C, 850°C, 875°C et 900°C.
Les distributions de taille de pores sont en bon accord avec l’allure des isothermes : elles
présentent, dans la gamme des micropores, des distributions poreuses bien définies à 0,5 nm et 0,9
nm, puis une distribution plus élargie entre 1,5 et 6 à 7 nm. Elles sont de forme similaire, quelle que
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