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1. Caractérisation du produit solvothermal

1.2.2. Les bandes d’élongation O-H des alcools et de l’eau

L’eau ne possède qu’une seule bande de vibration bien distincte : la bande d’élongation des

liaisons O-H, centrée sur 3480 cm

-1

pour l’eau liquide. Une autre bande, qui correspond à la

vibration de déformation des liaisons, se situe vers 1600 cm

-1

et possède une intensité très faible. La

figure III-6 montre le spectre Raman de l’eau liquide.

Figure III-6: Spectre Raman de l’eau liquide [6].

Sur la figure III-6, il est possible de voir que la bande d’élongation O-H est constituée de

plusieurs composantes : ces différentes composantes sont dues aux liaisons hydrogène. La molécule

d’eau, à l’état liquide, peut former des liaisons hydrogène avec jusqu’à quatre autres molécules

d’eau. Différentes configurations, cependant, sont rencontrées [7], [8] :

- configuration DDAA : les deux liaisons O-H de la molécule sont à la fois donneuses et accepteuses

de proton. C’est cette configuration qui permet la liaison d’une molécule d’eau avec quatre autres ;

- configurations DDA ou DAA : une liaison est donneuse et accepteuse de protons, l’autre donneuse

ou accepteuse ;

- configuration DA : une liaison est donneuse, l’autre accepteuse.

Il existe d’autres configurations qui sont thermodynamiquement défavorables (D ou A uniquement,

par exemple). Les configurations listées ci-dessus sont schématisées figure III-7.

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Figure III-7 : Les différentes configurations du réseau de liaisons hydrogène de l’eau liquide [7].

Il existe une dernière configuration, qui est appelée « free OH » : il s’agit d’un monomère qui

ne s’engage dans aucune liaison hydrogène. Cette configuration est minoritaire à l’état liquide, dans

lequel la majorité des molécules d’eau forment entre elles un réseau de liaisons hydrogène, la plupart

dans la configuration DDAA [7]. Ces cinq configurations (celles qui sont représentées sur la figure

III-7 ainsi que la configuration « free OH ») contribuent à la forme multi-composantes de la région

correspondant à l’élongation de la liaison –OH du spectre Raman de l’eau [7], [8], comme l’indique

la figure III-8.

Figure III-8 : Déconvolution de la région du spectre Raman de l’eau correspondant à l’élongation de la liaison –OH (d’après [7]).

La bande « free OH » est la bande la plus haute en décalage Raman : son intensité est

effectivement très faible dans le cas de l’eau liquide. Plusieurs facteurs influencent la position et

l’intensité des différentes composantes de la liaison –OH, en relation directe avec l’évolution du

réseau de liaisons hydrogène. L’élévation de température, par exemple, a pour effet de briser les

liaisons hydrogène et favorise donc l’augmentation de l’intensité de la bande « free OH » par rapport

aux autres. L’état physique de l’eau est aussi un facteur primordial : en phase vapeur, les molécules

d’eau sont bien sûr beaucoup plus isolées les unes des autres qu’en phase liquide, et la bande

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correspondant à l’eau sous forme de monomères devient prédominante [7], [8]. Le spectre Raman de

l’eau en phase vapeur est présenté figure III-9.

Figure III-9 : Spectre Raman de l’eau en phase vapeur [6].

En phase vapeur, le décalage complet de la bande de vibration vers les hautes fréquences

traduit la prédominance de la composante « free OH » par rapport aux autres. D’autres effets

influencent l’élongation des liaisons O-H : l’encombrement stérique, par exemple, tend à décaler les

bandes vers les faibles fréquences [7]. La liaison hydrogène étant de caractère essentiellement

électrostatique, la présence de composés ioniques, en accentuant le transfert de charge, provoque

l’augmentation de l’intensité de la bande complète de vibration ainsi que son décalage vers les plus

hautes fréquences [6].

1.2.2.2. Cas des alcools

Les alcools en phase liquide sont liés entre eux par un réseau de liaisons hydrogène considéré

comme infini, de même que dans le cas de l’eau (figure III-10).

Figure III-10 : Réseau de liaisons hydrogène dans les alcools liquides [9].

Toujours de manière similaire au cas de l’eau, les liaisons hydrogène ont une grande

influence sur la forme, l’intensité et la position de la bande d’élongation de la liaison O-H des alcools

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[6]. Quatre types de configuration ont été définis dans le cas de liaisons entre les groupes hydroxyle –

OH [10]:

- α OH : monomère d’alcool, ne participe pas à la formation de liaisons H, à relier avec la

composante « free OH » de l’eau ;

- β OH : groupe accepteur de protons ;

- γ OH : groupe donneur de protons ;

- δ OH : groupe totalement impliqué dans une liaison H, à la fois donneur et accepteur.

Ces quatre types de groupes sont schématisés figure III-11 avec l’exemple du méthanol.

Figure III-11 : Schéma des quatre types de groupes hydroxyle rencontrés dans le réseau de liaisons hydrogène d’un alcool (ici le méthanol). Les atomes de carbone sont en gris, les atomes d’oxygène en noir

et les atomes d’hydrogène en blanc [10].

Ces quatre types de groupements –OH contribuent à la bande de vibration ν(O-H) en

spectroscopie Raman. A l’état liquide, les monomères sont minoritaires mais la composante « free

OH » peut tout de même être observée, comme le montre la figure III-12 avec les spectres Raman de

trois alcools différents, liquides à température ambiante [11].

Figure III-12 : Spectres Raman du 1-octanol, du 2-octanol et du t-butanol [11].

La bande « free ν(O-H) » est située après 3600 cm

-1

pour les trois alcools. Elle est beaucoup

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La température, l’état de l’alcool, l’encombrement stérique et la présence de composés

ioniques produit exactement les mêmes effets sur la région d’élongation –OH des alcools que sur

celle de l’eau. L’augmentation de la température conduit à une augmentation de la composante « free

OH » [11] : l’augmentation de la pression a quant à elle un effet contraire [12]. Les alcools en phase

vapeur et supercritique se trouvent essentiellement sous forme de monomères et de petits agrégats de

quelques molécules [13], [14], [12] : la figure III-13 montre une comparaison des spectres Raman

dans la région ν(O-H) de l’éthanol liquide et de l’éthanol supercritique.

Figure III-13 : Spectres Raman de l’éthanol liquide et de l’éthanol supercritique [12].

Le spectre de l’éthanol liquide fait apparaître la bande ν(O-H) comprenant les contributions

des groupements hydroxyle liés par liaisons H, ainsi que la composante « free OH » d’intensité très

faible. Dans le cas de l’éthanol supercritique, le premier signal disparaît complètement et le spectre

présente uniquement la bande « free ν(O-H) », intense et bien définie. L’encombrement stérique du

groupe –OH, enfin, réduit le degré de liaisons hydrogène et augmente donc l’intensité de la bande

« free ν(O-H) » tout en la décalant vers les basses fréquences : c’est ce qui peut être observé sur la

figure III-12. L’effet de la présence de composés ioniques est identique au cas de l’eau [6].