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Des sources sérielles et descriptives

Dans le document Cadastres et paysages (Page 70-72)

2 Intérêt et limites des compoix, terriers et cadastres pour une approche environnementale

2.3 Des sources sérielles et descriptives

Car malgré quelques lacunes, les compoix, terriers et cadastres per- mettent des calculs concernant l'occupation du sol, pour quanti er les types dominants comme préalable à toute étude de l'environnement. Grâce à la micro-informatique, leurs données sérielles font l'objet d'un traitement statistique accéléré1. Ainsi, peut être établie l'occupation du ter-

roir de Mérifons à la n des années 1820. Cette petite commune de 644 ha (674 ha en incluant les voies publiques et les cours d'eau), au sol alors partagé entre une cinquantaine de propriétaires dont à peine une quin- zaine domiciliés dans ses limites, ne comptait que 77 habitants dispersés en hameaux au moment des opérations cadastrales. Le fait qu'à peine une dizaine d'individus aient été capables de signer, donc de participer à l'ad- ministration communale, faillit la faire réunir à l'une de ses voisines2. Le

terroir consistait surtout en garrigues à vocation pastorale, alors que la vigne n'avait pas pris son essor ( g. 2). Ces observations peuvent être a -

1. André Claveirole et Élie Pélaquier (éd.), op. cit. ; Bruno Jaudon, Paysage et société rurale en Bas-Languedoc. Les hommes et la terre à Tressan de 1770 à 1826, maîtrise, dir. Henri Michel, Université Paul-Valéry Montpellier III, 1996, 154 et 118 p. ; id., « La saisie sous Access des données d'un compoix et leur utilisation sociale : Usclas-d'Hérault en 1590 et 1655 », in André Claveirole et Élie Pélaquier, (éd.), op. cit., p. 105-132 ; Roger Maguer, op. cit.

2. Arch. mun. Mérifons, G 3, doc. cit., 1828 ; Arch. dép. Hérault, 3 P 36, Opérations cadas- trales par canton, délimitation de communes : Canton de Lunas, Lettre du sous-préfet de Lodève, 19 mars 1813 ; id., 3 P 73, doc. cit., 4 avril 1829.

nées pour quanti er les dominantes dans chaque tènement. Mais la mise en culture précise doit être cherchée par exemple dans les statistiques agri- coles : ainsi, peu après l'élaboration du cadastre, en 1836, les terres labou- rables sont pour 80 hectares en froment et 5 ha en avoine. Les 2 ha en pommes de terre et les 3 ha en légumes secs des statistiques y prennent probablement eux aussi place, peut-être même les 2 ha de mûriers pour la soie. Et la mention de 80 ha en jachère indique que, malgré quelques cultures dérobées, c'est la rotation biennale qui domine. Les statistiques agricoles sont peut-être lacunaires puisqu'il manque 10 ha pour atteindre les 182 hectares de terres labourables relevés à partir du cadastre de 1827- 1828, à moins qu'en quelques années ce type d'occupation du sol n'ait régressé au pro t des garrigues. Avec environ 67 ha de bois, statistiques agricoles et cadastre correspondent en revanche, comme pour les 24 ha de vignes, et les 25 ares de jardins. Les presque 9 ha de prés du cadastre se retrouvent pratiquement dans les 3 ha de prairies arti cielles et 4 ha de prairies naturelles1. Ces chi res apportent donc des précisions par rap-

port aux états de sections et aux matrices. Mais l'ordonnancement spa- tial des terrains reste encore approximatif, peu explicite notamment par rapport aux données du milieu. Et toutes les exceptions ne peuvent être expliquées à l'aide des seuls chi res, d'autant plus que le quantitativisme surexpose les phénomènes les plus fréquents, les plus répétitifs2. Puisque

l'étude de l'agriculture et de l'environnement nécessite de situer les ter- rains, même peu étendus, qui appellent des interrogations, le chercheur est guidé vers une approche spatiale des documents scaux et seigneu- riaux.

Justement, outre des surfaces, ceux-ci mentionnent d'autres éléments qui peuvent être cartographiés3. Il s'agit des réseaux, en particulier hydro-

graphiques et viaires. Le plan cadastral au xixesiècle, et parfois un plan-

terrier ou un plan lié à un compoix à la n du xviiie siècle, les repré-

sente, indiquant le nom d'un chemin avec les lieux qu'il met en rela- tion ou le nom d'un ruisseau. Le compoix ou le terrier, quant à lui, les mentionne seulement dans les confronts. Malgré l'absence de représen- tation graphique, les confronts ont un double avantage par rapport au plan cadastral. D'une part, ils renseignent sur une époque plus ancienne, 1. Pour le xviiiesiècle : Arch. dép. Hérault, C 2905, Commerce des grains, État des grains semés dans les communautés du diocèse de Lodève, 1759 : cf. Émile Appolis, op. cit., p. 402- 412. Pour le xixesiècle : Arch. dép. Hérault, 6 M 1699, Statistiques agricoles, arrondissements de Lodève et de Saint-Pons, 1836.

2. Jean-Marc Moriceau, Terres mouvantes. Les campagnes françaises du féodalisme à la mondiali- sation, xiie-xixesiècle, Paris, Fayard, 2002, p. 44-46.

3. Emmanuelle Demaille, Bruno Jaudon et Élie Pélaquier, « De la représentation médiévale et moderne du territoire languedocien à la cartographie informatisée », Liame, no1, janvier- juin 1998, p. 71-105.

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PĹuĎbĘlĽiĂcĄaĹtĽiĂoŤnŇŽ ĂdĂe MĂoŤnĹtŊpĂeĚlĚlĽiĂeĽrĞ 3 — UŢnĂe ĂqĹuĂeŊsĹtĽiĂoŤn? UŢnĞ ŇpĹrĂoĘbĘlĄèŞmĂe? TĂéĚlĄéŊpŘhĂoŤnĂeĽz ĂaĹuĞ 04 99 63 69 23 ĂoŁuĞ 27.

LĹiĂaŠmĂe14 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2007-4-24 — 11 ŘhĞ 42 — ŇpĂaĂgĄe 75

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pour laquelle aucun plan n'est disponible. Ainsi, dans le compoix de Mal- avieille de 1665 est mentionnée une « draye que va de Cannet a Nostre Dame

del Bosq » ( g. 1 p. 68), qui sous-entend pour le xviie siècle des activités

de pâturage dans les garrigues et bois proches d'une vieille église cham- pêtre. D'autre part, les compoix suggèrent l'usage de certains aménage- ments qui, sur le plan du xixesiècle, ne méritent pas d'être désignés tant

leur emprise au sol paraît évidente pour le dessinateur. Ainsi, un réseau hydrographique structuré apparaît-il en aval du Mas Canet sur le plan de 1827. La nature de quelques parcelles du secteur (des prés) et le micro- toponyme (les Prades) suggèrent certes un réseau d'irrigation, d'origine anthropique. Mais en 1665, les confronts du compoix de Malavieille sont plus précis en indiquant la perception qu'avaient les hommes de cette ins- tallation : le conduit principal qui alimente l'ensemble à partir du ruisseau voisin est nommé « lou vesal de l'aigue des prades » ou le « vesal servant a

l'arrouzage des preds1». Même si le compoix ne matérialise pas aussi préci-

sément les aménagements qu'un plan, il est complémentaire du cadastre grâce à son vocabulaire.

L'histoire environnementale emprunte donc aux méthodes des géo- graphes, tant la prise en compte de l'espace est au centre de la ré exion. Un système d'information géographique (SIG) prenant en compte toutes sortes d'informations à l'échelle parcellaire (cultures, techniques agricoles, répartition de la propriété, directes seigneuriales, etc.) doit être construit, non pas pour réaliser des illustrations cartographiques mais comme base du raisonnement historique, au même titre que les séries statistiques.

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