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Limites et di cultés d'interprétation

Dans le document Cadastres et paysages (Page 128-130)

1 La recherche générale de 1548 : le document 1.1 Le document et sa conservation

1.3 Limites et di cultés d'interprétation

Malheureusement pour nous, les surfaces des parcelles de maisons sont presque toujours absentes, bien qu'il soit fait allusion à leur mesure par la mention systématique des termes crotte, solier et terrenc1. Seul Bartho-

lomei, dans le cadre de son périple campagnard, a noté scrupuleusement entre les lignes les surfaces de plancher, les détaillant en surfaces de crottes,

solier ou terrenc : cela con rme que l'arpentage a bien eu lieu, même s'il

n'était noté que sur un brouillon aujourd'hui disparu. Dans la mesure où toutes les indications d'estimation de maisons qui en découlent sont de la même main, on imagine que cette omission n'est due qu'aux procédures de confection du document. Tout en gardant ses spéci cités, chaque esti- mateur s'est inscrit en e et dans un travail collectif, ce qui a conduit à une certaine normalisation. La présentation, c'est-à-dire la place des infor- mations et mise en page, devait être nécessairement homogène pour pou- voir pratiquer les véri cations et corrections mutuelles. Le corpus lexical descriptif est également commun malgré des di érences de langue et de graphies.

Il semble que cette question de la langue ait été relativement indi érente pour les estimateurs. Si Bartholomei emploie plus volontiers des mots occi- tans avec une orthographe homogène, il n'en respecte pas moins les inti- tulés, la typologie et le corpus adoptés par ses collègues. Tout se passe comme si l'occitan écrit de Bartholomei ou de ses interlocuteurs pouvait se lire et s'entendre comme le français écrit de Sabatier ou de Paris. Ces langues paraissent cohabiter sans di culté, malgré leurs di érences de graphie. On trouve ainsi pour un pailler : palhie, palhiere ou palheire chez Sabatier ; palhere chez Bartholomei ; et palhieyra ; palieyra ou palieire chez Auriac2. Les noms de personnes en donnent une autre illustration. Jehan

1. Ces termes rencontrés rarement en dehors des compoix ont suscité plusieurs interpréta- tions. Le dictionnaire de Godefroy (F. Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française du ixeau xve, Paris, 1880-1902) permet de les restituer dans un contexte plus large que le domaine

occitan. Le solier se retrouve dans l'ensemble de la France. Godefroy fait également à l'article « terrée », sol en terre battu, un parallèle entre solier et terrée, qui rappelle les soliers et terrenc de la Recherche. L'étymologie de ces mots renvoie à des matériaux, notamment solier proche de solive, et terrenc qui fait penser à la terre. « Terrenc » se rencontre dans les évaluations de maison lors de la construction du fort. Le nîmois Jean Nicot dans son Thrésor de la langue françoise tant ancienne que moderne (1reédition posthume en 1606) dit précisément à propos de plancher « Vient de ce mot Planche susdit, & signi e cet entablement de planches sur des solives, dont on use és sales & chambres haultes & basses, en aucuns endroits de ce royaume, on l'appelle solier, acut. à cause des soles sur lesquelles sont entablées lesdites planches ». Il faut par ailleurs noter qu'à Nîmes, en 1596, « l'arpentage des maisons tant dedans que dehors la ville se fera à la canne en plate forme tant seulement », plus simpli é puisqu'il se fait sui- vant la surface du sol construit, et non en « plat-fonds » qui relève la surface des planchers.

2. Selon Boucoiran, (Dictionnaire analogique et étymologique des idiomes méridionaux, Nîmes, impr. Baldy-Ri ard, 1875), dans le parler nîmois du xviiesiècle le terme paillère désignait une cuve vinaire. Ici, associé à l'étable, il semble bien s'agir d'un couvert pour conserver la paille.

Boileau, trésorier du roi, est nommé par Sabatier Beu Lec, Beulaigo par Paris et paradoxalement Boyleau par « l'occitan » Bartholomeï.

Ce corpus est su samment précis pour que l'estimateur hésite lorsque l'élément à décrire ne rentre pas exactement dans une catégorie. Ainsi dans l'esprit de Sabatier, le celeste ne désigne ni un porge ou porche ni un

airecel. Tous les trois correspondent à des espaces couverts. Mais le porche

de la maison de Jehan Nicot est sans doute modeste si bien qu'il se rap- proche d'un airecel (espace couvert) au contraire du celeste de Teissonier (« celeste sive porge1»). De même, l'estimateur hésite entre dos cors sive patus

pour le mas de Jehan Combes, et ailleurs entre patu sive fenerie ou encore entre patus clos sive androne, de même que dans un cas il hésite entre tra-

verse sive androne. Ce serait une erreur que d'en conclure que cort (cour), patu (équivalent au patio), fenerie (endroit pour la meule de foin ?), androne

(passage) sont indi érents. Nous n'avons pu relever une di érence d'em- ploi selon les estimateurs. Le mot est précis. S'il y a hésitation, c'est que ce qu'il désigne l'est moins2. La maison sive mas de Jean Palher3montre bien

cette ambiguïté à propos d'une maison de ferme, qui malgré son caractère rural contient deux étages contrairement aux autres mas. De même la pose-

raco sive clot4(puits à roue ou citerne) du chapitre de l'église cathédrale à

Campagne, montre que la roue à godets ne puise pas l'eau dans un puits mais dans une citerne5.

L'utilisation du corpus correspond à la logique particulière de l'estima- tion comparative. Les toits du taillable de Nîmes ne sont presque jamais décrits, sauf pour des toits de lenhe (branchages ?), alors qu'ils sont systé- matiquement indiqués pour le taillable du Vigan estimé en 1551. Des pré- cisions sont données pour justi er minoration ou majoration : bâtiments ruinés encore en construction (haut basti, prest à mettre le solier...), ou en plus ou moins bon état (bien édi é, meschant solier...), types d'enclos (jar- din claus, fermat ou environat de barthas ou barthassade, c'est-à-dire fermé de haie vive), etc. Par contre, il a semblé inutile aux estimateurs de rappeler la base de l'estimation : le nombre d'étages n'est donné que lorsqu'il y en a plusieurs, jamais pour les seuls rez-de-chaussée.

Le niveau de détail est supérieur à celui du compoix communal de Nîmes de 1544, avec par exemple l'utilisation quasiment de règle des

1. Arch. dép. Gard, C 1768, cottets 44 et 47. 2. Seulement 30 occurrences de sive. 3. Arch. dép. Gard C 1768, cottet 31, item 21 4. Arch. dép. Gard C 780, item 18

5. La polyvalence se retrouve de la même manière dans le terrier de l'hôtel Dieu à propos d'une cauquière sive adoubadou (Arch. dép. Gard Hôtel Dieu B 26 : « cauquière sive adoubadou confronte la cauquière de Gonin Flavard et la carrière »). L'adoubadou a une vocation polyvalente : l'abattoir, qui fournit la viande pour la boucherie, est aussi équipé d'une graissière pour la graisse, de cauquières (bassins) pour le tannage des peaux et de surfaces d'étendage.

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PĹuĎbĘlĽiĂcĄaĹtĽiĂoŤnŇŽ ĂdĂe MĂoŤnĹtŊpĂeĚlĚlĽiĂeĽrĞ 3 — UŢnĂe ĂqĹuĂeŊsĹtĽiĂoŤn? UŢnĞ ŇpĹrĂoĘbĘlĄèŞmĂe? TĂéĚlĄéŊpŘhĂoŤnĂeĽz ĂaĹuĞ 04 99 63 69 23 ĂoŁuĞ 27.

LĹiĂaŠmĂe14 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2007-4-24 — 11 ŘhĞ 42 — ŇpĂaĂgĄe 133

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Cadastre des villes, cadastre des champs. Nîmes et sa campagne en 1548 133

quatre confronts. Mais, plus important, avec les quelques nuances que nous venons d'esquisser : la description des biens est homogène, ce qui rend possible la comparaison entre ville et campagne1.

2 Méthodologie

Dans le document Cadastres et paysages (Page 128-130)