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2 Le territoire agricultural

Dans le document Cadastres et paysages (Page 42-46)

Le territoire agricultural se confond largement avec le territoire scal mais il en di ère parce qu'il n'est pas contraint par les limites que le bornage dé nit. Le territoire agricultural est donc cette partie de l'espace agraire d'où sont tirés les produits agricoles et les rentes en nature ou en numéraire par une société villageoise donnée. Bien sûr, notre approche ne vise qu'à mettre en évidence les lieux appropriés par ces sociétés vil- lageoises. Il n'est pas question de traiter des biens détenus par les indi- vidus mais plutôt de s'intéresser à un niveau d'organisation qui permet d'atteindre des comportements collectifs.

Une recherche sur la propriété foraine montre que les limites commu- nales sont étanches mais qu'en général les intrusions se font dans les deux sens. Les propriétés extra-communales de villages présentant un même poids démographique s'équilibrent en général2. Mais lorsque le rapport

de force est fortement en défaveur d'une communauté, des déséquilibres peuvent apparaître. L'impact paysager de l'investissement urbain dans les campagnes alentour est aujourd'hui très bien connu. Voilà les bourgeois d'Uzès qui, à Saint-Maximin, commune voisine, ont investi un terroir riche 1. Il est fait mention d'une transaction de l'an 1200 xant les limites entre les territoires des habitants de Maralhargues et ceux de Saint-Caprais. Document conservé en Mairie de Vers-Pont-du-Gard.

2. Collias/Sanilhac ou Sanilhac/Blauzac ou Vers/Castillon ou Castillon/Saint-Hilaire d'Ozil- han...

qui jouxte le territoire uzétien1( g. 3 page suivante). Les nombreux com-

poix de Saint-Maximin (années 1520, 1630, 1770) montrent que cette appro- priation ne date que du xviiiesiècle. C'est consécutivement à l'installation

du présidial à Uzès, à la dynamique de l'économie du mûrier et à la crois- sance économique générale que la ville investit massivement dans les alen- tours. Les paysans ont donc vendu leurs terres. Une recherche lancée dans les compoix2de la seconde moitié du xviiiesiècle a montré que les pay-

sans de Saint-Maximin ont sans doute réinvesti une partie du produit des ventes de leurs terres dans le territoire de Collias. Les habitants de Col- lias ont à leur tour fait de même à Argiliers et à Vers. La gure 4 p. 48 montre que, de proche en proche, l'investissement des bourgeois d'Uzès vient bouleverser le marché de la terre dans des localités qui ne sont pas contiguës à cette ville3. Malheureusement, l'approche monographique des

compoix et les limites de la documentation, qui autorisent rarement l'ana- lyse de compoix contemporains pour un ensemble de communautés conti- guës, rendent di cile la mise en évidence de ces phénomènes.

Argiliers o re l'exemple de la colonisation d'une partie de son territoire par les habitants du village voisin. Il s'agit du terroir de Fabrègues situé au sud du village et au contact du territoire communal colliassois ( g. 5 p. 49). Nous disposons d'un dossier consécutif à la tentative d'annexion d'Argiliers par Collias en 1814. À cette époque, le préfet du département opérait des regroupements de communes dans le but comptable de réali- ser des économies de papier en diminuant le volume de la correspondance administrative. Le maire de Collias avait donc fait parvenir aux autorités une demande judicieusement argumentée4. Au nombre des arguments, le

fait qu'Argiliers n'avait jamais disposé entièrement du consulat puisque le consul d'Argiliers devait être une année sur deux un habitant de Collias. Un acte d'un syndicat d'Argiliers des années 15805prouve que la Cour

des Aides et Finances avait rendu quelques décennies plus tôt une déci- sion de justice dans ce sens. Cela ne su ra pas à provoquer l'annexion, du fait du Baron de Castille qui possédait le tiers des terres arables à Argiliers

1. Compoix de 1773, Arch. dép. Gard, C 1668. 2. Collias (1751), Saint-Maximin (1773) et Vers (1792).

3. Les géographes font appel à la théorie des dominos pour expliquer ce phénomène. L'ap- propriation foraine sur le territoire de Saint-Maximin s'est soldée par un apport de numéraire dans les trésoreries paysannes. La hausse des prix sans doute consécutive à la pression fon- cière sur ce territoire a peut-être permis un réinvestissement foncier dans des quartiers où les prix étaient moins élevés. Les quartiers très excentrés où les vignes sont omniprésentes parce qu'elles relèvent d'une culture de second plan en ce pays de céréales et d'olivettes o rent des possibilités d'investissement. Ainsi, de proche en proche, la forte irruption des forains de la ville d'Uzès à Saint-Maximin au cours du xviiiesiècle s'est répercutée de territoire en terri- toire.

4. Arch. dép. Gard, série P.

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PĹuĎbĘlĽiĂcĄaĹtĽiĂoŤnŇŽ ĂdĂe MĂoŤnĹtŊpĂeĚlĚlĽiĂeĽrĞ 3 — UŢnĂe ĂqĹuĂeŊsĹtĽiĂoŤn? UŢnĞ ŇpĹrĂoĘbĘlĄèŞmĂe? TĂéĚlĄéŊpŘhĂoŤnĂeĽz ĂaĹuĞ 04 99 63 69 23 ĂoŁuĞ 27.

LĹiĂaŠmĂe14 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2007-4-24 — 11 ŘhĞ 42 — ŇpĂaĂgĄe 47

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Compoix et territoire 47

Lieudits dans lesquels le seigneur foncier (Baron de

Montpezat) se trouve majoritaire.

Terre classées en première valeur Terres classées en seconde valeur Terres classées en troisième valeur Hameau de Laval

rivière du Gardon rivière de l’Alzon

Lieudits dans lesquels les propriétaires sont majoritairement issus de la ville voisine d’Uzès

rivière de l’Alzon commune de Sagriès commmune de Collias commune d’Argilliers commune d’Uzès commune de Saint-Siffret commune de Sanilhac commune de Sagriès commune de Saint-Maximin commune d’Argiliers commune de Vers-Pont-du-Gard Domaine de Saint-Privat-du-Gard (commune de Vers-Pont-du-Gard) Diocèse de Nîmes

Fig. 3. — Le terroir de Saint-Maximin

et qui en était le maire. Mais une cinquantaine d'années plus tard, face aux dépenses considérées comme somptuaires de la commune d'Argiliers, les habitants de Collias qui paient des impôts fonciers à Argiliers et qui les ont vus amber tentent une nouvelle fois d'annexer le village voisin. Cette fois-ci, il ne s'agit plus que de faire entrer le terroir de Fabrègues dans le territoire communal de Collias. Un dossier est également constitué1. Il

contient un opuscule très précieux, rédigé par un érudit anonyme qui, en quelques lignes, fait état des relations qui ont uni Collias et Argiliers. Il mentionne un déplacement de population que l'auteur date implicitement de l'époque médiévale compte tenu du vocabulaire usité2. Il est probable

1. Arch. dép. Gard, série P.

2. « Mais les temps marchèrent ; les tenanciers, serfs ou fermiers des seigneurs d'Argilliers, s'enri- chirent par le travail et l'économie et achetèrent de leur seigneur les terres qu'il plût à ce dernier de leur vendre. Naturellement, les seigneurs d'Argilliers vendirent les terres les moins bonnes et les plus éloignées du château, situées dans le quartier de Boisset. Les moins riches et les plus pressés les ache- tèrent. Ceux qui avaient pu amasser un pécule plus considérable, ou qui surent attendre, acquirent les terrains meilleurs qui se trouvaient à l'extrême limite sud, presque enclavées dans le territoire de Collias. Les uns et les autres ne tardèrent pas à quitter dé nitivement le hameau d'Argilliers, pour aller s'établir, les uns au quartier de Boisset, où ils construisirent des maisons, les autres dans la com- mune de Collias. Les seigneurs d'Argilliers, devenus Baron de Castille, nirent par se trouver seuls

Lieudit de Fabrègues exclusivement occupés par des habitants de Collias. (Cadastre début XIXe siècle)

Lieudits où les forains originaires d’Uzès sont largement majoritaires.

(Compoix 1778)

Lieudit où les forains originaires de Saint-Maximin

sont majoritaires. (Compoix de 1751)

Lieudit où les forains de Collias sont bien représentés

avec plus du tiers des surfaces. (état des sections 1793)

Le relief paraît empêcher la propagation du phénomène vers Castillon-du-Gard alors qu’au sud il n’y pas

contiguïté avec le village de Remoulins qui jouxte

le domaine de Saint-Privat-du-Gard.

Localité d’Argilliers (anciennement Boisset) apparue au milieu du XVe siècle après

la saisie féodale de 1455.

Limites du lieudit Fabrègues

Lieudit de Fabrègues intégralement aux mains de propriétaires issus du village voisin de Collias

commune de Collias

Fig. 4. — Influence de l’investissement urbain sur les territoires ruraux

que ce qu'il rapporte fasse partie de la mémoire collective des deux vil- lages et qu'il n'ait fait que recueillir les propos des plus anciens. Des docu- ments et une recherche sur le parcellaire du village de Collias accréditent la thèse de notre anonyme. Une saisie féodale est exécutée par Jean d'Uzès en 1455 sur le mas de Vacquières situé sur le territoire actuel de la com- mune d'Argiliers1. Or ce mas de Vacquières est souvent dénommé mas

d'Argiliers alors que les terriers de Saint-Privat-du-Gard mentionnent jus- qu'au milieu du xve siècle la manse d'Argiliers2. Au même moment, le

quartier de Villeneuve semble voir le jour à Collias ( g. 6 p. 50). Il appa- raît en e et dans la liève des cens de Saint-Privat-du-Gard (1473) que le quartier de Villeneuve existe alors qu'il n'apparaît pas dans la liève des cens du siècle précédent tiré des archives ducales3. Considérant que la

thèse du déplacement d'une partie de la population d'Argilliers est cré- propriétaires de toutes les maisons construites autour du château, qui ne furent plus habités que par leurs domestiques... » Arch. dép. Gard, série P.

1. Arch. dép. Gard, série 1 E Fonds de la seigneurie de Castille. 2. Arch. dép. Gard, série 2 J Chartrier de Saint-Privat-du-Gard. 3. Arch. nat., 265 A.P.

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PĹuĎbĘlĽiĂcĄaĹtĽiĂoŤnŇŽ ĂdĂe MĂoŤnĹtŊpĂeĚlĚlĽiĂeĽrĞ 3 — UŢnĂe ĂqĹuĂeŊsĹtĽiĂoŤn? UŢnĞ ŇpĹrĂoĘbĘlĄèŞmĂe? TĂéĚlĄéŊpŘhĂoŤnĂeĽz ĂaĹuĞ 04 99 63 69 23 ĂoŁuĞ 27.

LĹiĂaŠmĂe14 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2007-4-24 — 11 ŘhĞ 42 — ŇpĂaĂgĄe 49

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Compoix et territoire 49

dible, devons-nous pour autant suivre l'anonyme dans sa tentative d'ex- plication de l'exclusive colliassoise dans le lieudit de Fabrègues puisqu'il considérait que les migrants venus d'Argiliers étaient ceux-là même qui possédaient des terres au sud du territoire d'Argiliers et qui ont préféré Collias au nouvel habitat imposé plus au nord ?

Lieudit de Fabrègues

Dans le document Cadastres et paysages (Page 42-46)