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Les différentes sources de revenu du vigneron, un avantage compétitif certain

On note un essor important des formes sociétaires qui seront peut être les nouveaux négociants de demain ?

1.4 Les différentes sources de revenu du vigneron, un avantage compétitif certain

262C’est une structure sociétaire ayant pour objet une activité agricole. Elle permet une mise en commun du foncier et du matériel. La EARL confère aux exploitants agricoles les moyens de limiter leur responsabilité. Elle permet de transmettre biens et pouvoirs, donc de pérenniser l’exploitation. L’EARL peut vinifier et commercialiser.

263 C’est une forme sociétaire originale d’organisation de l’exploitation. Ce groupement réunit un petit nombre d’exploitants qui travaillent ensemble dans des conditions analogues à celles des exploitations familiales. Les vignerons conservent leur statut antérieur d’exploitant individuel. Ce groupement permet une amélioration des conditions d’exploitation, une utilisation rationnelle du matériel et sert à structurer l’association de parents et d’enfants. Cette forme sociétaire peut vinifier, commercialiser et bénéficie d’avantages fiscaux.

264 C’est une société d’investissement foncier. Son objet est d’acquérir ou de conserver un domaine agricole sans en poursuivre directement la mise en valeur.

265 Depuis la loi n°96-314 du 12/04/1996, la SARL de famille a vu le jour. Son activité, commerciale, industrielle ou artisanale, est obligatoirement formée entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et sœurs ainsi qu’entre conjoints. La SARL agricole de famille se dote d’un objet plus large que l’EARL, car elle peut se livrer à des activités commerciales plus étendues. D’autre part, elle ne connaît pas de règle imposée de minimum d’associés exploitants, de répartition du capital social, ni de plafond de superficie exploitée. Cependant, certains avantages sont attachés à l’EARL tels que l’allégement des conditions relatives à la mise à disposition des biens loués (fonciers, matériels) et la possibilité de faire apport d’un droit au bail (foncier et matériel).

266 La Société civile d’exploitation viticole a une activité de production agricole exercée dans le cadre d’une exploitation collective, soit sous forme de faire-valoir direct, soit sous forme de fermage. Elle sert d’accueil à un patrimoine foncier et à des sociétés de commercialisation et de services afin d’assurer la transformation, la mise en marché et la vente de produits viticoles. Elle peut revêtir toute forme sociétaire : civile, commerciale ou coopérative. La SCEV permet de regrouper les moyens humains, financiers et matériels. M en possède deux, l’une dans l’Aisne (SIFA) de 1.56 ha dont le loyer est payé aux vignerons en nature (raisins) et l’autre qui se situe dans les Côtes de Crézoucy, dont la surface est de 8 ha 04 à 51 centiares. Ces deux SCEV bénéficient d’avantages fiscaux.

267 Structure qui devient propriétaire du foncier. Cela évite des indivisions et permet une plus grande souplesse par la vente de ses parts. Son objet et sa forme n’est pas déclarée commerciale.

Contrairement aux prix industriels qui déterminés par les prix de revient et l'impact de la concurrence, les prix268 viticoles dépendent du volume de la récolte, des disponibilités (récolte + stock + importations) et des facteurs psychologiques (rumeurs). En revanche, la référence au coût est négligeable pour deux raisons :

a- les composantes en jeu dans la fixation du prix de revient sont dispersées ; b- le coût unitaire dépend des rendements physiques, par nature fluctuants269.

A l’inverse de l’industriel ou du commerçant, le vigneron subit l’offre, liée à la récolte et une demande intermédiaire dominante sur le marché (centrales d’achat). Les conséquences sur son revenu se traduisent par l’effet « King270 ». Paradoxalement, les années de récolte abondante correspondent à une baisse des revenus globaux. Ainsi, le résultat économique s’oppose à l’effort technique sur un marché où on laisse jouer librement la loi de l’offre et de la demande, et cela contrairement aux procédés utilisés dans les secteurs secondaires et tertiaires :

- la réduction volontaire des prix du marché implique une compression des coûts ; - les campagnes de publicité augmentent les prix de revient.

Le vigneron ne peut augmenter ses revenus en relançant une demande par nature inélastique. L’effet « King » amplifie les distorsions entre les revenus d’une exploitation à l’autre, d’une commune à l’autre, d’une région à l’autre, compte tenu de la dispersion des rendements enregistrés au cours d’une campagne. Dans ces conditions, il ne reste que deux options pour améliorer le pouvoir d’achat : une action volontariste de la profession qui se manifeste par une autodiscipline sur les structures de production (coopératives, comités économiques agricoles, SICA) et une concertation interprofessionnelle pour maîtriser des marchés intérieurs. C’est le cas en Champagne.

Analyse de l’évolution des revenus des vignerons champenois (résultat courant avant impôts en francs courants)

268 Outre sa fonction d’information, le prix joue un rôle déterminant mais non exclusif dans la répartition du revenu (court

terme) et l’orientation de la production (moyen et long terme). Les prix, et d’autres facteurs comme la modification des

structures ou l’augmentation de la productivité du travail ainsi que les quantités vendues déterminent le revenu des producteurs. 269 Faute de pouvoir préciser un prix de revient moyen représentatif, il est illusoire pour le producteur de fixer les cours du marché en fonction d’un coût aléatoire, lequel serait affecté d’une marge bénéficiaire.

270 La Loi King se caractérise simultanément par une offre fluctuante et une demande rigide de la valeur de la récolte qui se confond avec le revenu des producteurs concernés. Ce revenu diminue lorsque la récolte augmente au-delà du seuil de saturation du marché (besoin incompressible satisfait par un volume correspondant de la production). Le revenu R est en effet le produit du volume de la récolte Q et des prix unitaires P : R = PxQ. Les revenus dépendent donc de deux paramètres variant en sens inverse ; ainsi le prix diminue-t-il comme le revenu des producteurs lorsque les quantités proposées sur un marché saturé augmentent. Sur les marchés de grands produits, la demande rigide explique l’effondrement des prix (les excédents pèsent inexorablement sur les cours à la production). Dès lors, le sens de la variation du revenu est celui du facteur le plus fluctuant.

148 152 189 311 309 164 355 276 170 202 359 389 354 591 667 555 448 322 383 486 0 100 200 300 400 500 600 700 800 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95

NB : Il s’agit d’une moyenne pour une exploitation dont la superficie est supérieure à 0.9 ha, soit 90 ares. Source : ADRAFT - 1997

Les variations de revenus dépendent des aléas climatiques, comme en 1981-1984-1985 de la fixation du prix du kilo de raisins et de l’augmentation des rendements.

Le vigneron a plusieurs options pour valoriser sa production :

- la vente de sa matière première, de vins sur lattes, de vins clairs à la coopérative et au négoce ; - les modes de faire-valoir (le métayage en espèces ou en nature, le fermage) ;

- la commercialisation de sa propre marque soit par lui-même, soit par la coopérative.

Schéma représentant les différentes options de revenus du vigneron champenois

Légende : (flux) il peut s’agir de matière première, de vin sur latte, de vin clair.

* Tout acheteur de raisins doit avoir une carte de négociant. Un vigneron peut acquérir d’un autre vigneron de la matière première pour des raisons qualitatives à hauteur de 5% de sa production annuelle.

Source : Compilation de données d’après entretiens et CIVC – P.-W. Delorme - 1997 revenu du vigneron dépend de métayages en espèces ou en

nature le fermage la pleine propriété commercialisation à: GMS, Café,hôtel,restaurant, Export soit 5 options Coopérative : commercialise la marque de la coop,

vinifie et met en bouteille la matière 1ère et c’est le vigneron qui commercialise

vend sa matière première aux négoces

vend sa matière 1ère à un vigneron qui va la commercialiser*

1

2

3

Nous allons aborder ces trois niveaux de revenu :

a) la vente de matière première, de vins sur lattes, de vins clairs à la coopérative et au négoce

Plusieurs possibilités s’offrent aux vignerons indépendants :

- vendre la totalité de leur matière première au négoce271 ou/et à la coopérative ;

- stocker une partie de leur production en vin sur lattes272, puis la vendre au négoce273 et aux coopératives ; - vendre une partie sous forme de vin clair274.

Pour valoriser sa production, le vigneron dispose donc de stratégies alternatives plus nombreuses que le négociant, la vente de raisins étant sa première source de revenu. Cette dépendance explique que 30 sections locales des vignerons champenois sur 251275 réclament en 1995 l’augmentation du prix du kilo de raisins, du rendement à 10 400 kg à l’hectare et le déblocage à la carte.

Ceci d’autant que l’explosion des charges fiscales et sociales menace à terme la viabilité de leur exploitation. C’est dans ce contexte que le SGV276 décline trois axes d’amélioration en renforçant la communication sur le champagne et le village des vignerons et en obtenant une aide à l’exportation. Enfin, en favorisant une évolution des modes de faire-valoir, deuxième élément clé dans le dispositif du revenu du vigneron :

271 L’ensemble des transactions de matières premières entre acheteur et vendeur est fortement réglementé par le CIVC :

- les approvisionnements de chaque négociant-manipulant, en vins en cours d’élaboration, en vins élaborés et avant étiquetage sont soumis à la limitation prévue à l’article 5 de la décision du CIVC N°154 du 17 avril 1996 ;

- le marché des raisins est ouvert à tous les N-M titulaires d’une carte professionnelle délivrée par le CIVC.

272 Le stockage des vins pour le vieillissement immobilise des capitaux dont le vigneron a besoin pour la gestion de sa propriété. 273 Les approvisionnements de chaque N-M en provenance du vignoble, en vins en cours d’élaboration et en vins élaborés et avant étiquetage, sont soumis à la limitation prévue à l’article 5 qui fixe à :

- 15% du total des quantités de raisins achetées à la vendange et des quantités de raisins provenant de la récolte maison de chaque N- M ;

- 15% du total des quantités de vins de champagne expédiées à la clientèle par chaque N-M.

Les approvisionnements de chaque N-M sont plafonnés pour chacun d’entre eux à 130% : d’une part, de ses achats de raisins auprès du vignoble et d’autre part, des raisins provenant de sa récolte-maison. Viendront s’imputer à ce plafond les achats de raisins auprès du vignoble, les quantités de raisins issues de la récolte maison et les achats de vins clairs (VC). Ces mesures prises par le CIVC limitent les transactions en bouteilles et évitent de perturber le marché des raisins.

Un N-M qui n’utilise pas ses possibilités d’approvisionnement en prive un autre. Enfin, les N-M acheteurs qui procèdent entre eux à des échanges de moûts demandent l’autorisation au CIVC et lui rapportent les bons qui font l’objet des échanges considérés.

274 Le marché des VC et le marché des bouteilles de la campagne 1996-1997 ainsi que les modalités d’organisation du marché sont fixées par le CIVC. Ce marché est clôturé le jour qui précède le début de la vendange.

275 En 1995, elles étaient 280, depuis de nombreuses sections se sont regroupées qui proposent des stages (économie et gestion des exploitations, évolution en matière de consommation, le rôle de la GD...).

b) les modes de faire-valoir

Exclusion faite des vignes exploitées par les maisons et leurs administrateurs ou gérants, les modes de faire- valoir en Champagne sont le métayage277 en espèces qui couvre 13% des surfaces, le métayage en nature278 qui concerne 17% des surfaces et le fermage279 sur 31% des surfaces.

Si le faire-valoir direct280 a été dominant (62% des surfaces dans les années 80), le fermage et le métayage réglés en espèces ont pris une place croissante. Ce dernier mode est spécifique à la région (us antérieurs au droit rural). Suivant les époques de conclusion des baux et la prise en charge de travaux d’implantation, les annuités de location varient selon un montant correspondant à quelques centaines à trois mille kilos de raisins. Le niveau de métayage peut être selon le type de bail au quart, au tiers, ou même à 30% de la récolte. Chez M, par exemple, le niveau de métayage imposé au preneur est au tiers pour les baux de la Marne et au quart pour ceux de l’Aisne et de l’Aube. Dans ses contrats, M ajoute une obligation pour le vigneron de livrer la totalité de la récolte pendant au moins sept ans

.

276 Les récoltants font partie du « Syndicat Général des Vignerons » (SGV) qui porte ce sigle depuis 1919. Cet organisme protège ses adhérents en agissant sur les membres de la profession, les pouvoirs publics et les consommateurs, pour les informer de ce qu'ils achètent et justifier les prix pratiqués.

277 C’est un bail à colonat partiaire ou métayage. Le contrat par lequel le possesseur d’un fonds agricole le remet pour un certain temps à un preneur, le métayer, qui s’engage à le cultiver, sous la condition :

- d’un partage avec le bailleur, dans les mêmes proportions, des produits et des dépenses relatives à l’exploitation ; - d’une direction effective de l’exploitation.

278 La différence essentielle entre le métayage et le bail à ferme est relative au mode de rémunération du bailleur. Le bailleur à ferme reçoit un loyer fixe, en nature ou en argent, indépendant de l’importance de la récolte. Le bailleur à métayer reçoit une quantité indéterminée de produits, dont seule la quotité sur la masse globale des produits de l’exploitation est connue. Il faut ajouter que le bailleur à métayage à la différence du bailleur à ferme participe aux dépenses d’exploitation et peut intervenir dans la marche de l’exploitation. Certains contrats combinent les deux modes de rémunération du bailleur : une part des récoltes d’après la masse produite et une part de fermages fixe et indépendante de cette masse. Enfin l’apport du métayer, de même que l’employé, se résume à son travail.

279 Contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de terre en donne la jouissance à un fermier à fin d’exploitation agricole, moyennant un loyer « fermage ». Il est moins coûteux que l’accès au foncier.

280 Ce sont :

1-des propriétaires qui mettent eux-mêmes en valeur la totalité de leurs vignes,

2- des propriétaires n’exploitant qu’une partie de leurs vignes en faire-valoir direct et donnant l’autre en métayage, certains d’entre eux pouvant en outre exploiter d’autres vignes en qualité de métayers.

3- les propriétaires qui exploitent la totalité de leurs vignes en faire-valoir direct, mais également des vignes qui leur ont été données en métayage,

Analyse des exploitants par type de faire-valoir en 1996 (en nombre et par surface)

Source : CIVC - 1994

Dans les baux à ferme, le loyer est exprimé en une quantité déterminée de kilogrammes de raisins indépendante de la récolte (200 kg/ha). Dans les baux à métayage (18-25 ans ou la durée d’une carrière de vigneron), le loyer est exprimé en pourcentage de la récolte (ex : quart franc ou tiers franc). Il est stipulé payable en nature ou espèces. Le rendement considéré est celui de la parcelle louée en métayage, tel qu’il est porté sur la déclaration de récolte. Dans le cas du métayage en espèces, le prix de référence peut être déterminé comme pour le fermage. Pour le paiement des raisins par le négoce, la majorité des baux se réfère aux échéances fixées par le CIVC. Ils sont payés en cinq échéances au lieu de quatre.

Le métayage traditionnel est resté relativement stable pour la Champagne, ce qui s’explique par la valeur élevée du foncier. Ainsi, environ 40% de la surface est donnée à bail. Cette situation est plus marquée dans les départements de l’Aube et de l‘Aisne où le vignoble s’est beaucoup étendu.

730 2974 1633 11863 19 13516 propriétaire exploitant métayer propriétaire et métayer bailleur et métayer propriétaire et bailleur pro métayer et bailleur superficie 1300 1148 263 4107 40 8164 propriétaire exploitant métayer propriétaire et métayer bailleur et métayer propriétaire et bailleur pro métayer et bailleur Nombre

39,4 25 21,3 14,3 39,2 47,4 5,1 8,3 29,8 41,3 13,4 15,5 42,2 26,4 15,5 15,9 27,8 60,8 1,6 9,8 0 10 20 30 40 50 60 70

Marne Aube Aisne S et Marne Hte Marne

propriété fermage et métayer espèce métayer nature métayer espèce 1994 Source : CIVC - 1997

La plupart des métayers n’acceptent leur statut que dans l’espoir d’acquérir les vignes qu’ils exploitent ou d’en hériter de leurs parents. La montée en puissance de cette catégorie intermédiaire face au négoce se fera dans les cinq prochaines années, d’autant que son statut juridique lui permet de développer en parallèle une activité commerciale. A terme, cela peut déboucher sur une activité mixte d’exploitant viticole et de vente.

L’abandon progressif de l’attachement au foncier et le développement de l’exploitation familiale par la création de sociétés entraînent une augmentation de la part locative au sein de chaque structure. La jeune génération qui dirigera l’exploitation dans les cinq ans à venir constitue une autre menace pour le négoce. Mieux formés, ces jeunes seront libérés des obligations relationnelles qu’entretenaient leurs parents avec les maisons.