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Des phases de transitions amenant une complexité nouvelle 6.2 Une cohérence d'ensemble menacée

LVMH: FIVE BUSINESS SECTORS

Chapitre 6 Synthèses stratégiques

6.1 Des phases de transitions amenant une complexité nouvelle 6.2 Une cohérence d'ensemble menacée

Partie 2 - Une nécessaire redistribution des cartes entre acteurs

Introduction

Entre 1989 et 1996, l’AOC Champagne subi les secousses de crises commerciales, financières et interprofessionnelles reconfigurant le jeu concurrentiel entre les acteurs. Ces crises ont révélé la fragilité du négoge, qui nécessite une bonne assise financière, et illustré l’inadaptation des structures et mentalités en place. Celles-ci ont été résolues par une réglementation extrêmement complexe alors que l’existence de ces vins de champagne repose sur le maintien d’un équilibre socio-économique entre le milieu viti-vinicole traditionnel et les négociants. Cependant, la structure concurrentielle au sein du secteur est perturbée par l’offensive commerciale de récoltants-manipulants237, d’unions de coopératives et la concentration financière, industrielle accrue des nouveaux négociants. Il en découle une remise en cause supplémentaire du leadership de M.

La concurrence production-négoce s’est complexifiée par les stratégies alternatives mise en œuvre des viticulteurs et des coopératives pour échapper à la dépendance du négoce. Hier, l’identification des rôles était simple, aujourd’hui, les fonctions sont diversifiées et les frontières concurrentielles floues : l’élaboration du produit est assurée, soit par des opérateurs distincts - producteurs, négociants, coopératives -, soit par le même opérateur238.

237 Cette notion a été définie au XIXe par les tribunaux, assurant ainsi la protection de l’appellation.

238 Une classification statistique stricte est difficile à réaliser, car certains opérateurs cumulent les fonctions. D’autre part, les chiffres produits par la Banque de France, le CIVC et la DGI diffèrent. Le manque de centralisation de l’information pénalise le pilotage de la filière. On note une forte rétention d’information par de nombreuses firmes champenoises. Enfin l’absence de vision stratégique d’une majorité des responsables du secteur a pénalisé notre travail de recherche.

Source : compilation de données (entretiens M et CIVC, IGIA, INSEAD...) P.-W. Delorme - 1998

Cette chaîne verticale très hétérogène, si elle complique notre analyse, ne doit pas masquer l’univers déterministe qui obéit à la spéculation sur le raisin. En Champagne, la structuration du marché se fait par trois opérateurs majeurs239 :

- les vignerons récoltent leurs raisins, les pressent sur place, mettent leur vin en fûts et le stockent avant de le faire circuler. Près de dix mille vignerons sur les 19 000 recensés partagent leur production (plus de 25% des ventes totales) avec le négoce. Propriétaires de 90% du vignoble, ils verrouillent les approvisionnements, et

239 Il y a plusieurs catégories de manipulants en Champagne :

- RM : récoltant-manipulant, qui élabore lui-même son champagne ; - NM : négociant-manipulant qui achète les vins clairs pour l’assemblage ; - CM : coopérative de manipulation qui produit son propre champagne ;

- RC : récoltant-coopérateur qui colle son étiquette sur un vin produit par une coopérative ; - MD : marque de distributeur qui achète du champagne et le commercialise sous sa propre marque.

Cette étude ne prend pas en compte le rôle des courtiers champenois, au nombre d'une centaine, qui facilitent les transactions entre vignoble et négoce. Leur profession est réglementée par la loi du 31 décembre 1949. Ils centralisent les offres de production émanant des viticulteurs ou des caves coopératives et proposent les vins aux négociants moyennant un pourcentage. Cependant, la loi leur interdit de procéder à un achat ou à une vente de vin pour leur compte. Ils disposent d’une physionomie précise des volumes, qualités et prix des vins disponibles dans la région. Ils n’interviennent pas dans la commercialisation de la bouteille auprès du client.

Raisins 60% 4 729 RM 76 % 25% 25 636 hectares 2 880 hectares 147 négociants 15 471 vignerons Vins clairs 150 Coopératives 23 grandes marques 124 négociants

Vins sur lattes

40%

65.5 Millions de bouteilles 163.5 Millions de cols 71.4% des ventes

60.1 M de cols France 91.7% 71 M de cols export 43.4% 39% ventes France 7% ventes export 93% des ventes export 61% des ventes France Export : 76.4 M de cols (33% des expéditions) France : 152.7 M de cols 67% des expéditions 92.5 M de cols France : 56.6%

leurs exploitations sont extrêmement morcelées (plus de la moitié possèdent moins d’un hectare divisé en plusieurs parcelles). Tendance alarmante pour le négoce, alors que les « récoltants-manipulants » étaient pratiquement inexistants avant la guerre, ils vendent aujourd'hui une bouteille sur deux. Cinq mille d’entre eux gardent une fraction de leur récolte pour fabriquer et vendre du champagne à leur marque, beaucoup moins cher que les grandes firmes ;

- les coopératives, au nombre de 150, assurent le pressurage, le stockage des récoltes et, pour certaines, la commercialisation de leur marque. Elles se sont fortement concentrées entre 1970 et 1998. Leur taux de traitement des raisins dépasse maintenant 40%, mais elles n’en commercialisent que 15 ;

- « les négociants manipulants240 sont des entreprises ressortissant du secteur industriel et commercial qui choisissent leur approvisionnement en raisin parmi les divers crus d’appellation champagne en vue de vinifier séparément, puis de les assembler selon des règles et des traditions pré-définies. » A côté de cette définition commune du CIVC, on trouve une diversité de structures, de marques. D’autre part, le négociant ne possédant que 10.5% du vignoble achète aussi du raisin aux vignerons et aux coopératives. Six groupes atteignent près de 70% des ventes du négoce, dont trois sont liés à des grands noms du secteur des vins et des alcools : M, Veuve Cliquot et Pommery (L.V.M.H), Mumm et Perrier Jouët (Seagram) et Piper Heidsieck...(Cointreau) ; trois autres restent sous contrôle familial : Laurent Perrier, Taittinger, Marne & Champagne.

L.V.M.H M, Mercier, Riunart, Pommery, VCP, Canard Duchêne, Krug Marne Marne et Champagne, Lanson, Massé, Besserat de Bellefon Seagram Mumm, Perrier Jouët

Laurent Perrier Laurent Perrier, De Castellane, Lemoine, Delamotte & Salmon Remy Cointreau Piper et Charles Heidseick, De Venoge

Taittinger Taittinger , Irroy, Saint Evremond Vrankem

Un négociant réunit trois métiers en une même société : la viticulture, l’élaboration du vin et la distribution.

Chacun de ces trois opérateurs fait partie d’un ensemble interdépendant. Il y a la cohabitation d’entreprises opérant sur un même marché, offrant un produit similaire mais poursuivant des stratégies différentes. De telles structures supposent des marchés imparfaits, on les recouvre sous le vocable d’« oligopoles mixtes » afin d’exprimer à la fois le caractère stratégique de la concurrence et la diversité des entreprises. Cette partie

240 C’est une personne physique ou morale qui achète des raisins, des vins, les élabore et les expédie à sa clientèle. La manipulation comprend l’ensemble des étapes du travail du vin jusqu’à la première mise en marché. Cette activité est fortement réglementée. A l’inverse, un négociant non manipulant (« négociant en chambre ») se contente de vendre des vins en bouteilles sans intervenir dans leur élaboration. Il s’agit des négociants distributeurs se fournissant auprès des négociants-manipulants auxquels ils concèdent leurs marques.

conforte l’idée que les stratégies de groupes et de partenariats sont importantes dans ce domaine. Comment caractériser alors la dynamique du secteur et, par là même, où M se situe-t-il sur l’échiquier concurrentiel ? Pour cette filière champenoise, quelles sont les représentations simples des stratégies possibles et quels résultats peut-on en attendre ? Quels sont les nouveaux entrants et quels dangers représentent-ils à terme pour M ?

Analyse du champ concurrentiel de M

Marché régulé Environnement réglementé

Pouvoir des fournisseurs  Concentration des fournisseurs  Importance grandissante des volumes  Stratégie de différenciation par les coûts  Contrôle accru sur la matière première  Maîtrise des procédés d’élaboration

Barrière à l’entrée  Économie d’échelle  Marque internationale  “Switching cost”

 Montant de l’investissement productif  Réseau de distribution  Coûts fixes : -Courbe d’expérience

--Politique agricole européenne et française -L’AOC Nouveaux négociants, vignerons, groupes financiers Procédé d’élaboration du produit verrouillé Récoltants coopératives CHR GMS Compétition rivalité Rivalité concurrentielle  Industrie mature  Logique de volume  Surcapacité intermittente  Produits non différenciés  Marque nationale  « Switching costs”  Concentration  Multitude des compétiteurs  Barrieres d’éntrée élevée ( foncier)  Faiblesse financière

 Capacité d ‘internationalisation lié à celle de la GMS

Mousseux Marché liquide

Eléments de substitution  Marché non vérouillé  Substitution sur l’ensemble de la VA  Prix de vente inférieure  Marché très concurrentiel  RCE inférieure Niveau Macroeconomie Globalisation Effets de changes Levier concurrentiel

 Concentration des distributeurs  Pression sur les prix et les

volumes

 Internationalisation de la GMS  Produit de subtitution  Mainmise de la GMS sur l’aval  Pouvoir de décision accrue  Source de débouché principale

du secteur

 Déclin et concentration du CHR en Europe

Pouvoir des clients

Levier marketing  Rôle du mix important  Produit non différencié  Standardisation et banalisation du produit  Qualité et quantité variable  Champ communicationnelle identique

Source : pwDelorme d’après competitive Advantage, Michael Porter, Free Press, 1985 M

Cette partie aborde successivement les différents acteurs du champ concurrentiel241 de M. Dans le chapitre 1 nous traitons des avantages concurrentiels des récoltants, le chapitre 2 analyse la progression commerciale des coopératives. Le déclin du négoce champenois est soulevé dans le chapitre 3, puis les mousseux sont étudiés

241 Etude stratégique remise à la DG de L.V.M.H : Analyse comparative - sur 20 ans - du processus de développement du négoce, des petits producteurs et des coopératives - nouveaux entrants (Champagne Nicolas Feuillate,Vrankem, MDD...) -Paul-William Delorme – 1997. Evolution du secteur (concentration progressive par fusion, acquisition…), perspectives et orientations (diversification dans les mousseux en Californie, Afrique du Sud, Australie, Brésil, Argentine).Création récente par des Champenois de vignobles en Inde, au Vietnam et en Chine. Rachat et/ou prise de participation récente dans le vignoble bordelais.

dans le chapitre 4 et enfin, l’évolution des canaux de distribution dans le chapitre 5. Cependant, dans cette situation de jeu concurrentiel répété et alterné, un des facteurs clés dans la description de ces interactions est l’information dont disposent les acteurs sur les actions des autres. Car dans ce modèle économique, aucun des acteurs n’a le monopole du produit.

Chapitre 1 - Le renforcement du pouvoir de négociation des fournisseurs de